Il s'agit d'un amendement important, bien qu'il constitue plutôt un amendement d'appel, car sa rédaction peut être retravaillée. M. le rapporteur et moi nous sommes appuyés sur le titre 5 et sur la définition comptable, au sens de la LOLF, de l'investissement, à savoir ce qui concourt à l'augmentation des immobilisations corporelles et incorporelles de l'État.
On voit bien que l'investissement n'est pas tout à fait la même chose pour une personne privée que pour une nation, ou même pour une collectivité locale. Dans le contexte actuel, le Gouvernement s'est empressé d'établir une distinction entre dépenses d'urgence et dépenses de relance : c'était, au fond, rejoindre celle entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement.
Au terme de cette crise, nous serons bel et bien jugés sur notre capacité à dépenser en vue d'accroître le patrimoine et de stimuler la croissance du pays. Je propose donc une rédaction différente. Il y a en effet d'une part les dépenses que tout État moderne comme la France doit évidemment engager, qui ne sont pas des dépenses d'investissement mais d'avenir, de fonctionnement. C'est le cas par exemple de l'enseignement, qui est un service naturel rendu aux jeunes dans un État démocratique. Et il y a d'autre part les dépenses d'investissement, qui ne relèvent pas des dépenses courantes. Elles sont la base et le socle de la démocratie, en ce qu'elles permettent de relever le niveau de croissance potentiel du pays.
Dès lors qu'il accepterait cette définition, le Gouvernement adopterait une nouvelle classification des dépenses et pourrait en justifier la répartition par mission et par programme dans les projets annuels de performances (PAP), par exemple. Cela nourrirait de façon très positive et fondamentale le débat politique sur la notion de dépense et sur la dette, en permettant de distinguer à cet égard ce qui relève de la dette d'investissement – qui peut se comprendre – de ce qui relève de la dette de fonctionnement.
Je n'oppose pas totalement ces deux notions en considérant que les dépenses d'investissement seraient bonnes et que les dépenses de fonctionnement seraient mauvaises. De très nombreuses dépenses de fonctionnement sont évidemment d'excellentes dépenses et correspondent à la façon dont l'État est organisé. Je n'émets donc pas de jugement de valeur mais je pense que le débat a besoin d'être nourri par cette distinction, et que celle-ci répond aux objectifs que nous visons au travers de la proposition de loi.
Selon moi, le Gouvernement devrait se tenir prêt à engager une réflexion à ce sujet. Le débat au Sénat d'ici l'automne prochain devrait permettre d'affiner la différence entre fonctionnement et investissement mais aussi de la rendre plus réelle, et non pas uniquement comptable.