Intervention de Marlène Schiappa

Séance en hémicycle du jeudi 22 juillet 2021 à 15h00
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Présentation

Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté :

J'ai l'honneur, au nom du Gouvernement, de défendre, en lecture définitive, le projet de loi relatif à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement. C'est un honneur, tant le Gouvernement a démontré sa détermination à offrir aux services des dispositifs juridiques efficaces venant en soutien de leurs missions – assurer le suivi d'individus ciblés et détecter les nouvelles menaces dont les auteurs et les modes opératoires ne seraient pas encore connus, entre autres.

Concilier l'humain, la technologie et l'éthique : tel est l'objectif que s'est assigné le Gouvernement dans le présent texte, et telle est la triple exigence à laquelle ce dernier entend répondre. Il se veut humain, car il se concentre sur des profils nécessitant une vigilance accrue : individus sortant de prison condamnés pour terrorisme, individus au profil psychologique dit perturbé, individus qui recourent toujours plus à des applications autres que les communications téléphoniques classiques, etc. Il est en phase avec l'évolution technologique car il adapte les techniques de renseignement à l'évolution des comportements des individus vecteurs de menace et les complète pour couvrir des besoins nouveaux. Il est éthique, car les mesures qu'il pérennise, introduit ou modifie sont, à chaque fois, entourées de garanties renforcées, dans le strict respect des libertés individuelles.

Permettez-moi, une nouvelle fois, de saluer la qualité des échanges que nous avons eus, ainsi que le soutien constant que nous ont apporté les membres de la commission des lois et de la délégation parlementaire au renseignement (DPR). L'échec de la commission mixte paritaire (CMP), consécutif à un désaccord persistant avec le Sénat sur les modalités de suivi des sortants de prison condamnés pour terrorisme, ne doit pas faire oublier le large consensus dont ont fait l'objet la grande majorité des dispositifs prévus dans le texte ; nous pouvons nous en féliciter – je pense notamment à la pérennisation de la technique dite de l'algorithme et à son extension aux URL, à l'interception satellitaire, aux échanges entre les services de renseignement et avec les administrations, ou encore à la recherche et développement.

En revanche, le Gouvernement réaffirme avec force que la proposition défendue par le Sénat concernant le suivi des sortants de prison condamnés pour terrorisme présentait un double écueil : une fragilité opérationnelle et une fragilité constitutionnelle. L'expérience de ces dernières années nous permet d'affirmer que le placement sous mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) constitue, pour ces profils, un outil particulièrement utile et adapté : il facilite la surveillance d'individus sortant de prison, permet d'observer leurs relations habituelles, leur pratique religieuse, leurs activités sur les réseaux sociaux, leurs éventuels efforts de réinsertion, etc., alors qu'une surveillance physique ou technique à temps plein se révélerait difficile – elle demanderait d'importants moyens humains, et serait probablement moins efficace.

Pour ces profils qui présentent une dangerosité élevée, la limitation des MICAS à douze mois se révèle inadaptée : dix-neuf MICAS sont ainsi arrivées à échéance depuis 2017, alors même que les services peuvent justifier de la menace persistante constituée par le comportement des individus concernés. C'est pourquoi le projet du Gouvernement, voté par l'Assemblée nationale – je l'en remercie – prévoit, dans des conditions strictement encadrées, l'allongement à deux ans de la durée des MICAS. Je le répète, cet allongement est encadré par des garanties fortes, qui permettent de sécuriser la mesure sur les plans tant opérationnel que constitutionnel. Ainsi, une MICAS ne pourra être prolongée jusqu'à vingt-quatre mois qu'à l'encontre d'individus condamnés pour des faits de terrorisme à au moins cinq ans de détention, ou à au moins trois ans en cas de récidive. Au-delà de douze mois, le renouvellement de la mesure sera soumis à l'apparition d'éléments nouveaux ou complémentaires dans le dossier des intéressés.

En 2018, le Conseil constitutionnel a, il est vrai, fait de la limitation à douze mois un des éléments du bilan de la constitutionnalité des MICAS. Il s'est cependant prononcé sur une population différente et bien plus étendue que celle qui est visée par l'amendement du Gouvernement : son avis concernait ainsi, de manière générale, les personnes présentant des signes dits avérés de radicalisation, y compris celles qui n'étaient pas passées à l'acte et qui n'avaient donc pas fait l'objet d'une judiciarisation. Le projet de loi vise des profils bien différents. Une prolongation de la durée des MICAS, couplée avec la création d'une mesure de suivi judiciaire, de réinsertion et de prévention de la récidive : voilà le bloc cohérent que défend le Gouvernement, en exprimant une pensée renouvelée et un soutien aux femmes et aux hommes qui luttent au quotidien contre une menace terroriste devenue protéiforme, et auxquels nous offrons des outils juridiques renforcés.

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