Après sept mois d'examen, nous parvenons au terme des débats sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République, un texte dont l'armature fut proposée par le Président de la République à l'occasion de son allocution prononcée le 2 octobre 2020 aux Mureaux. Je salue le travail conduit par le président de la commission spéciale, par l'ensemble des rapporteurs thématiques et par les administrateurs : sans le concours de chacun d'eux, nous n'aurions sans doute pas obtenu un texte d'une aussi grande qualité – et je reviendrai sur les améliorations substantielles, profondes, qui lui ont été apportées.
Le projet de loi, qui vise à relever des défis très divers, donnera des moyens d'action supplémentaires aux pouvoirs publics, pour apporter des réponses concrètes aux dérives séparatistes, partout où elles sont susceptibles d'émerger et de ronger le socle d'une société libre et émancipée, dans les services publics, dans le monde associatif, à l'école ou sur internet.
La future loi permettra d'étendre les principes de laïcité et de neutralité à tout salarié de droit public et de droit privé participant à une mission de service public, de créer une procédure de carence républicaine autorisant l'État à suspendre les actes des collectivités qui méconnaîtraient la neutralité du service public.
Sera également créé un délit d'entrave de la fonction d'enseignant, ainsi qu'une nouvelle infraction pénale pour sanctionner les menaces et les actes d'intimidation contre les personnes participant à l'exécution d'une mission de service public : nous leur devons la protection de l'État, tout autant que nous devons protéger l'esprit et les règles de fonctionnement du service public.
La future loi instaurera un contrat – et il ne sera pas simplement moral – par lequel les structures associatives qui reçoivent des subventions publiques s'engageront au plein respect des principes de la République. De même, les contrôles vis-à-vis des fédérations sportives seront renforcés, dans la mesure où elles exercent, directement ou indirectement, des missions de service public.
L'État de droit disposera d'armes supplémentaires pour que les auteurs de propos haineux sur internet ne demeurent pas impunis, la propagation de la haine en ligne constituant un défi immense pour notre société.
L'instruction en famille (IEF) sera réformée grâce à un dispositif de contrôle a priori : soustraire un enfant à l'encadrement scolaire n'est jamais un acte anodin, et cela rend l'État légitime à exercer sa vigilance.
La transparence financière des cultes sera renforcée par la réforme des obligations issues des lois de 1905 et de 1907, avec un objectif : séparer les activités cultuelles des activités culturelles. En effet, les synthèses théologico-politiques, que nous combattons, entretiennent des confusions qui nourrissent leur contre-projet de société.
C'est d'ailleurs afin de combattre l'entrisme idéologique que la capacité de fermer les lieux de culte sera affermie, lorsqu'ils connaissent d'inacceptables dérives, et que le contrôle des financements étrangers sera approfondi, tout en déployant les capacités de TRACFIN à s'opposer aux financements occultes.
Le « respect des principes de la République » est un intitulé qui, à lui seul, a suscité de nombreux débats. Pour certains de nos contradicteurs, il révélerait une antiphrase, à la fois coupable et coupée de la réalité. Nous avons tour à tour repoussé – et nous l'assumons avec une fermeté tranquille – les tentatives visant à cibler, dans le titre et dans la lettre de la loi, une croyance, une religion en particulier avec ses méandres fondamentalistes, quand bien même le combat contre l'islamisme politique mobilise pleinement la puissance publique.
Pourquoi ce choix ? Parce que la loi doit toujours s'appliquer à la généralité. C'est ce qui en fait la force. La loi du 15 mars 2004 visait-elle une religion en particulier ? La réponse est non. Selon son intitulé, elle visait à « encadrer, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ». Le soin, méthodique, apporté à ce titre révélait-il une faiblesse, un angélisme ? Je ne le crois pas : il témoigne au contraire de la différence entre une loi de circonstance et une loi profondément républicaine.
C'est bien cette conception de l'universalisme républicain – universalisme froid par nature – qui nous a conduits à rejeter les tentations – nombreuses et parfois répétitives – consistant à viser en particulier un vêtement à caractère religieux, y compris dans l'espace public, et à ainsi tordre la conception française de la laïcité.
Tel est, mes chers collègues, le sens général de la future loi dont l'examen s'achève en cet après-midi de juillet. C'est un texte de libertés, au pluriel puisqu'il vise à protéger les libertés publiques contre les dérives séparatistes : il vise à préserver ces trésors démocratiques que sont la liberté de conscience et la liberté de culte, et à renforcer la seule communauté qui vaille, la communauté des citoyens, c'est-à-dire la communauté républicaine.