Les maires ne sont pas comme le Président de la République : avant de prendre une décision, ils apprécient de pouvoir consulter leur conseil municipal. Soit dit en passant, ceux de Seine-Maritime auraient bien voulu être informés avec la même efficacité lors de l'incendie de l'usine Lubrizol de Rouen ! Alors que de nouvelles mesures de confinement sanctionnent l'absence de stratégie des plus hautes autorités de l'État, désormais spécialistes de tout et par conséquent de pas grand-chose, les territoires de vie n'ont toujours aucune visibilité, aucune lisibilité, s'agissant de savoir si les doses promises seront livrées et si, en vue de la guerre vaccinale, la communauté médico-hospitalière pourra se trouver au rendez-vous.
Chez moi, à Dieppe, nous venons d'ouvrir un vaccinodrome : à l'heure où je vous parle, je ne sais pas si nous disposerons la semaine prochaine d'autant de doses que cette semaine. Chez moi, en Normandie, comme partout en France, alors que les écoles, les collèges, les universités ont été mis en sommeil, la première semaine de cours à distance ressemblait à un bac blanc non préparé, comme si nous n'avions rien appris des précédents confinements. Dans le même temps, les inspecteurs d'académie continuent de sortir leur règle à calcul et d'annoncer des fermetures de classes et des réductions de dotations horaires globales.
Chez moi, en Normandie, comme partout en France, on se demande pourquoi vous ne profitez pas de cette pause pour vacciner les enseignants, les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), les agents des lycées et des collèges, en un mot les adultes du secteur. Décidément, la subtilité de vos raisonnements m'échappe : auriez-vous décidé de le faire à la veille des grandes vacances ?
Chez moi, en Normandie, comme partout en France, les hôpitaux restent dans l'attente de moyens structurels, notamment en réanimation : profiterez-vous de la rentrée pour, en lien avec les régions, former de nouvelles recrues dans les instituts de formation d'aides-soignants (IFAS) et les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) ? Chez moi, en Normandie, comme partout en France, où ni les savoir-faire ouvriers, ni l'intelligence collective ne font défaut, on se dit qu'il serait temps de recouvrer notre souveraineté industrielle pour fabriquer des vaccins, et ne pas se contenter seulement d'assurer leur conditionnement. On se dit qu'avec vous, les jours heureux ont des airs de lendemains qui pleurent.
Avec ces réflexions en tête, le débat démocratique d'aujourd'hui, sur la tenue des élections régionales et départementales, prend un relief particulier. Cette question électorale relève de votre responsabilité, que vous n'engagez pas, car le vote du Parlement demeure purement formel. Personne n'ignore que votre décision est prise. Dans ces conditions, doit-on ajouter foi aux engagements que vous avez pris devant nous, à la promesse que nous pourrions de nouveau respirer en mai ? Le Parlement ne peut qu'exiger de vous des garanties, des mesures concrètes, pour que le rendez-vous électoral soit tenu, avec toutes les précautions sanitaires qui s'imposent, afin de ne pas amoindrir, de ne pas affaiblir la démocratie avec un grand D.
Chez moi, en Normandie, comme partout en France, on se dit que vous auriez pu commencer par faire confiance aux maires pour organiser le déroulement des élections : on aimerait bien avoir un cap, une vision qui rassure. En fait, monsieur le Premier ministre, je crains que vous ne soyez pas en mesure de nous annoncer autre chose que : « Demain, s'il ne pleut pas, peut-être fera-t-il beau. »