La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ma question s'adresse au ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Lorsque notre agriculture souffre, c'est le pays tout entier qui souffre.
La vague de gel qui a frappé la France ces derniers jours a eu des conséquences calamiteuses. Les pertes pour nos viticulteurs, pour nos arboriculteurs, pour nos maraîchers et pour nos grandes cultures sont désastreuses. Je veux dire à nos agriculteurs notre soutien sans faille.
Applaudissements sur tous les bancs.
Une telle calamité nous place face à une urgence vitale. En Occitanie, 70 à 100 % des cultures ont été détruites par le gel. Pour la seule viticulture lotoise, c'est une perte de revenus de plus de 50 % qui s'annonce pour 2022 ; 90 % des arbres fruitiers ne produiront pas cette année. Pour notre agriculture, pour notre économie et pour les consommateurs, le coût sera terrible.
Le constat est sans appel et l'urgence est absolue. Les déclarations traditionnelles et les mesures d'ordre technique ne suffiront plus. Tous nos producteurs auront besoin d'aides massives : celles et ceux, nombreux, qui ne sont pas assurés, tout comme ceux qui le sont et pour lesquels le revenu versé par l'assurance ne couvrira pas les pertes réelles. L'année blanche fiscale s'impose ; le décalage des prêts garantis par l'État – PGE – et une annulation totale des charges sont impératifs.
Mais pour préparer l'avenir, il faut aller plus loin. Notre nation doit s'organiser durablement pour faire face à ces aléas climatiques de plus en plus fréquents et de plus en plus violents. Il nous faut une stratégie de long terme : la réforme du régime de calamités, mais aussi la création d'un fonds national auquel chaque producteur adhérerait, mutualisant budgets régionaux, nationaux, moyens des assureurs et des banques. Voilà un projet ambitieux sur lequel nous devons avancer. Monsieur le ministre, je vous en fais la proposition : expérimentons un tel fonds préventif, pourquoi pas en région Occitanie. Notre agriculture fait face à un défi climatique nouveau ; la responsabilité politique est d'être au rendez-vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Tout d'abord, permettez-moi d'excuser l'absence de Julien Denormandie, convoqué de longue date au Sénat, à l'heure où nous nous réunissons, pour un débat sur la mise en application de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire – ÉGALIM. Il ne pouvait se soustraire à ce débat sénatorial et m'a demandé de le représenter aujourd'hui.
Nous partageons tout du constat que vous faites des dégâts causés au monde agricole, à toutes les cultures – l'arboriculture la viticulture le maraîchage – et à tous les secteurs par cet épisode de gel très intense et très tardif, survenu, qui plus est, après une période de redoux qui avait favorisé l'émergence des premiers bourgeons, des premiers fruits.
Julien Denormandie était sur le terrain dès le jour du constat de ces dégâts ; samedi, M. le Premier ministre, Julien Denormandie et moi-même étions en Ardèche, à la rencontre des organisations agricoles et des producteurs les plus touchés. Hier, une première réunion de travail s'est tenue au ministère de l'agriculture, associant le ministère de l'action et des comptes publics pour à la fois évaluer et préparer l'avenir. Dans un premier temps, nous appliquerons tous les dispositifs existants ; ils sont utiles. Nous devons travailler à de nouveaux mécanismes et le nombre de questions portant sur ce sujet permettra à M. le Premier ministre de préciser un certain nombre des mesures que nous instaurerons. Nous devons aussi travailler sur l'avenir, vous l'avez dit : il y a des pistes en matière d'assurance, de réforme du régime des calamités, d'équipement. C'est la raison pour laquelle, par exemple, nous avions inscrit, sans pouvoir prévoir cet épisode de gel, 70 millions dans le plan de relance pour favoriser et accompagner l'achat de matériels de lutte contre les aléas climatiques. Nous devons regarder tous ces chantiers, un par un : d'abord répondre à l'urgence, mais aussi préparer l'avenir et faire en sorte que cet épisode, s'il devait se reproduire, soit le moins dévastateur possible.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Calamité agricole
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation. La semaine dernière, le gel a très sévèrement touché nos campagnes et à un niveau tristement historique. Producteurs de betteraves du nord de la France ; arboriculteurs d'Ardèche ou du Vaucluse ; vignerons de Dordogne, de Touraine, du Jura ou de Gironde ; cidriculteurs et producteurs de pommes de l'ouest ; cultivateurs de colza, lin, orge de la région parisienne.
Tarn, Gard, Aude, Aveyron, Mayenne : la liste des départements touchés est interminable.
Braseros, éoliennes, aspersions d'eau ou survols d'hélicoptères n'ont en définitive été que de peu de secours pour les producteurs bien impuissants, qui subiront à diverses échéances des pertes financières conséquentes.
Dès jeudi dernier, le ministre a assuré de l'application du régime de calamités agricoles. La viticulture n'y est pas éligible et d'autres mécanismes seront instaurés. Les professionnels demandent aussi, du fait de leur fragilité face au dérèglement climatique – en quelques jours, certaines régions sont passées de 30 degrés à des températures négatives–, une réforme de l'assurance récoltes. De fait, à cause du coût, peu de producteurs sont assurés contre le gel. À très court terme, se pose aussi pour certains, notamment les betteraviers, la question du remplacement de la culture ravagée par une autre.
Pouvez-vous revenir sur les dispositifs d'indemnisation qui vont être créés, le calendrier envisageable depuis l'état des lieux jusqu'aux versements compensatoires, et l'accompagnement qui va être instauré face à cette catastrophe et à la détresse de nos agriculteurs. Députés siégeant sur tous les bancs, nous rappelons notre soutien unanime qui devra être aussi celui des consommateurs.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, Dem et LR.
À l'occasion de cette première séance de questions après l'épisode de gel, la vôtre est d'abord l'illustration que tous les secteurs et tous les territoires sont touchés par les conséquences de cet épisode. Vous avez rappelé les territoires, le type de cultures, vous avez souligné le fait que, dans des régions qui pourraient paraître moins exposées, les dégâts, notamment autour des plants de betteraves, étaient absolument importants.
Votre question est aussi l'illustration de la nécessité de préparer l'avenir, notamment s'agissant des régimes d'assurance, auxquels vous avez rappelé à juste titre que la viticulture n'était pas éligible. Elle l'est toutefois en cas de destruction des plants ou lorsqu'il est nécessaire d'opérer des tailles sévères qui endommageraient ou contrecarreraient la récolte des années 2021 et 2022. Nous appliquerons ces dispositifs et irons chercher toutes les dispositions permettant de couvrir le risque subi par les producteurs, notamment par les viticulteurs.
À l'occasion de la réunion qui s'est tenue dès la fin de semaine dernière et de la réunion de travail qui a eu lieu hier, les équipes de Julien Denormandie et les miennes ont veillé à mobiliser l'ensemble des acteurs des filières de l'assurance et de la banque, pour que non seulement l'État, qui sera bien évidemment au rendez-vous, mais également tous ces acteurs répondent présents. Je le disais en réponse à Aurélien Pradié, il y a une triple nécessité : mobiliser très vite tous les moyens ; faire en sorte que le régime de calamités agricoles soit actionné et les procédures ont été diligentées dès le 8 avril pour que cela soit le plus rapide possible ; toujours garder en ligne de mire la nécessité de préserver l'avenir et de réfléchir à des mécanismes beaucoup plus protecteurs que ceux que nous connaissons aujourd'hui.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Jeudi dernier, notre groupe a fait le choix d'inscrire plusieurs débats d'importance à l'ordre du jour de l'Assemblée. Je veux saluer le vote historique de la loi Molac pour la protection et l'enseignement des langues régionales qui répond à des attentes anciennes. Je veux aussi revenir sur notre proposition de loi pour une fin de vie libre et choisie. Au-delà des positions de chacun, légitimes sur un sujet qui touche à l'intime, je déplore les milliers d'amendements déposés par quelques députés : l'objectif affiché était simplement d'empêcher tout débat de fond. Mon groupe a fait le choix d'inscrire ces propositions de loi, précisément pour que le débat s'engage dans l'hémicycle. Il s'est achevé à minuit après l'adoption de l'article 1er .
Monsieur le Premier ministre, nous le savons, le Gouvernement a la maîtrise de notre ordre du jour. D'où ma première question : quelles suites entendez-vous donner à ce texte dans les prochaines semaines ? Plus largement, quelles suites pourraient être données à d'autres propositions dont nous n'avons pu débattre, destinées à lutter contre la spéculation foncière en Corse, à lutter contre les prélèvements forcés d'organes commis notamment en Chine contre les Ouïghours, à promouvoir une vraie régulation du cannabis par sa légalisation…
…ou enfin, à reconnaître véritablement le vote blanc ?
Cet épisode illustre le peu de prérogatives de l'opposition, et plus largement du Parlement. Depuis 2017, nous constatons son affaiblissement constant et systématique, et plus encore ces douze derniers mois. Le Parlement est piétiné,…
MM. Boris Vallaud et Sébastien Jumel applaudissent.
…travaille dans l'urgence : abus des ordonnances, débats organisés après les décisions du Président de la République, contrôle artificiel de l'action du Gouvernement. Il est délétère pour notre démocratie de voir une telle concentration des pouvoirs dans les mains de quelques-uns, le Conseil de la Défense, voire d'une seule personne, son président.
Monsieur le Premier ministre, nous connaissons toutes et tous cette phrase de Montesquieu, « il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Tout pouvoir, quel qu'il soit, a besoin de limites réelles et non fictives et la séparation des pouvoirs est la pierre angulaire de la démocratie. Quand et comment entendez-vous la réhabiliter ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens et SOC. – M. Sébastien Jumel applaudit aussi.
Avant de céder la parole au Gouvernement, je voudrais juste rappeler que le système dit des niches parlementaires date de 2009, à la suite de l'heureuse réforme constitutionnelle de 2008.
M. Guillaume Larrivé applaudit.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne.
Je vous trouve bien prompte à critiquer des règles qui n'ont pas été fixées par ce Gouvernement, mais par des majorités antérieures et qui sont depuis lors appliquées. Certaines permettent d'avoir une niche parlementaire, vous les avez exercées à bon droit la semaine dernière. Au passage, il ne m'appartient pas de commenter le nombre d'amendements de tel ou tel groupe, parce que je pense que le droit d'amendement est un droit constitutionnel…
…qui doit être garanti, que chacun en fait l'usage qu'il veut, et qu'on ne peut pas avoir un regard sélectif sur le nombre d'amendements, selon que cela arrange ou que cela arrange moins.
Ceci étant, le débat a pu s'engager. C'était important de vous le rappeler, madame la députée : je n'arrange pas ce genre de choses au gré de ce qui peut intéresser le Gouvernement.
Ensuite, il ne vous aura pas échappé – je crois qu'à l'époque vous apparteniez à un groupe de la majorité –, qu'une révision constitutionnelle qui, à ce stade, n'a pu aboutir visait à essayer d'améliorer le travail parlementaire et à faire en sorte que les droits du Parlement puissent être renforcés.
Le travail est encore devant nous d'un point de vue constitutionnel. Par ailleurs, l'Assemblée nationale a ses propres règles, dans lesquelles il ne m'appartient pas de m'immiscer, pas plus que dans son règlement. Pour ce qui est du calendrier parlementaire, des temps sont réservés aux groupes de la majorité comme aux groupes de l'opposition auxquels vous appartenez. Il y a le temps du Gouvernement, avec en ce moment un certain nombre de textes, notamment celui issu de la Convention citoyenne sur le climat, et vous comprendrez bien qu'on ne puisse pas faire entrer tous les textes dans un calendrier parlementaire. Néanmoins, sur le sujet que vous avez évoqué, le Gouvernement compte bien poursuivre le travail qui a été amorcé dans la niche de jeudi dernier.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, des températures excessives une semaine, puis glaciales la semaine suivante, soit 30 degrés d'amplitude. Et, dans la nuit du 7 au 8 avril, un épisode de gel dramatique est venu anéantir une année de labeur de nos agriculteurs, notamment dans la vallée du Rhône, dans le Tarn-et-Garonne, en Saône-et-Loire ou dans les Pays de la Loire.
Au nom du groupe socialistes et apparentés, je veux ici dire notre tristesse et notre soutien à toutes celles et ceux qui, après un combat acharné pour tenter de sauver fruitiers, vignes et semences, ont vu au matin qu'ils avaient tout perdu, jusqu'à 100 % des récoltes attendues pour certains.
Monsieur le Premier ministre, vous êtes venu en Ardèche, accompagné de deux de vos ministres, exprimer la solidarité du Gouvernement. Il le fallait. Mais après ? L'annonce de mesures d'urgence exceptionnelles que les agriculteurs espèrent cette fois-ci rapides et accessibles à tous masquera-t-elle l'urgence qu'il y a à repenser les politiques agricoles en termes de nouvelles solidarités ?
Le dérèglement climatique et ses violents épisodes de plus en plus fréquents nous obligent à redéfinir les mécanismes de soutien aux différentes filières et à soutenir les transitions nécessaires dans lesquelles de très nombreux agriculteurs se sont engagés.
Déjà touchés par la raréfaction de la richesse en eau, par les exigences d'une agriculture durable, par l'accaparement du foncier et par la forte pression des entreprises de l'aval de la filière – grandes surfaces, grossistes, industries alimentaires –, nos agriculteurs se trouvent au centre d'exigences contradictoires. Or nous craignons que l'émoi provoqué par cette calamité ne suffise pas pour que la solidarité interprofessionnelle l'emporte sur la loi de l'offre et de la demande.
Quant aux quelques articles consacrés à l'agriculture dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, ils apparaissent bien en deçà des attentes des agriculteurs. Des propositions vous sont donc faites par le monde agricole dans sa diversité, comme la création d'un fonds d'indemnisation mutuel et solidaire ou la refonte du système assurantiel.
Ces femmes et ces hommes, par le dialogue qu'ils entretiennent jour après jour avec une nature fragile, sont au-delà même de la mise en valeur de nos territoires : ils sont notre fierté collective. Certes meurtris, mais déterminés à ne pas abandonner, ils comptent sur vous. Ne les abandonnez pas !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Nous étions ensemble samedi dans le nord de l'Ardèche, département auquel nous sommes tous deux très attachés, avec M. le Premier ministre et avec Julien Denormandie. Nous y avons constaté les dégâts dans plusieurs exploitations – une en particulier dans la journée de samedi –, certaines d'entre elles ayant vu disparaître 80, 90, voire 100 % de leurs récoltes. Nous avons également rencontré et échangé avec des hommes et des femmes qui, le 8 avril au matin, épuisés par des nuits de combat passées à essayer d'empêcher les dégâts du gel, ont achevé de voir disparaître une année de labeur, parfois plus.
Nous avons aussi pu constater sinon l'unanimité du moins la convergence de tous les acteurs agricoles, qu'il s'agisse des responsables des organisations syndicales, des Jeunes agriculteurs ou de la chambre d'agriculture, lesquels avaient été rassemblés à l'initiative de Benoît Claret, président de la chambre d'agriculture de l'Ardèche, que vous connaissez comme moi. Ces acteurs étaient porteurs de demandes, mais aussi d'attentes, et ont insisté sur la nécessité d'être accompagnés.
Le Premier ministre l'a dit sur place, tous les dispositifs existants seront mobilisés, qu'il s'agisse des outils fiscaux ou de l'activation rapide du régime des calamités agricoles, au titre duquel Julien Denormandie a ouvert, dès le 8 avril au matin, la possibilité de lancer des procédures, sans visite préalable des exploitations.
Nous devrons également élaborer des dispositifs spécifiques, sur lesquels le chef du Gouvernement aura l'occasion de s'exprimer, et préparer l'avenir, en nous appuyant sur les propositions de toute la profession. Cela inclut la réforme du régime d'assurance, pour laquelle la mission réalisée par le député Descrozaille sur l'assurance multirisques climatiques sera une aide utile, ainsi que la transition du secteur. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, dans le cadre de l'élaboration de la nouvelle politique agricole commune, nous avons veillé à sanctuariser à la fois le montant des aides dont bénéficie l'agriculture française et, surtout, le deuxième pilier de cette politique, destiné à accompagner les transitions et les évolutions.
Nous savons que le chantier est vaste. Il convient d'abord de répondre à l'urgence dans les délais les plus brefs – c'est l'objet de notre travail des jours présents –, mais nous devons donc aussi préparer l'avenir en matière d'irrigation, de transition et d'établissement de nouveaux modèles agricoles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Calamité agricole
Avant de lui donner la parole, je souhaite la bienvenue à M. Adrien Morenas ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem et sur quelques bancs du groupe GDR. – M. Marc Le Fur applaudit également
redevenu député de la 3
Mon cher collègue, vous avez la parole.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et je souhaite y associer l'ensemble de mes collègues des groupes d'étude « vigne, vin et œnologie » et « modernisation des activités agricoles et structuration des filières ».
Dix régions sur treize ont été terriblement touchées par l'épisode de gel qui s'est abattu la semaine dernière sur nos cultures. Les viticulteurs et arboriculteurs, particulièrement éprouvés, tentent en ce moment de sauver ce qui peut encore l'être des récoltes de l'année, alors même qu'ils sont depuis des mois en première ligne de la crise sanitaire, afin de continuer à nous nourrir.
Le vignoble français, notamment, a subi l'un des plus sérieux ravages agricoles de ces dernières décennies. Plus largement, c'est l'ensemble des filières arboricole et maraîchère qui sont implacablement touchées. Dans certaines régions, des agriculteurs disent avoir tout perdu. À titre d'exemple, dans mon département du Vaucluse, près de 80 % de la culture de cerise est dévastée.
Dès jeudi dernier, vous avez annoncé, avec Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, le déclenchement du régime des calamités agricoles. Nous sommes tous conscients sur ces bancs qu'il ne suffira pas à lui seul.
Alors que ce nouvel épisode de froid survient comme un coup de grâce après plusieurs années très difficiles, pourriez-vous nous dire quel est le montant de l'enveloppe débloquée dans le cadre de ce régime et quel accord a pu être trouvé entre le Gouvernement et les assurances pour porter assistance au plus vite à celles et ceux qui en ont vivement besoin ? Par ailleurs, n'est-il pas grand temps d'instaurer des fonds de garantie pour les filières agricoles ? Enfin, comment pourrions-nous assurer une aide prévisionnelle en faveur de l'emploi saisonnier, car même pour les agriculteurs qui ont tout perdu, le travail continue !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Après les interventions du ministre délégué chargé des comptes publics, j'ai souhaité, au nom de l'ensemble du Gouvernement, vous répondre…
Vous auriez pu répondre à Aurélien Pradié ! Il vous a posé la même question !
…sur cette catastrophe – le mot n'est pas trop fort – que vient de subir le monde agricole et viticole français. Vous l'avez rappelé les uns et les autres, d'après ce qu'on m'explique, il faut remonter au moins à 1991 pour trouver un désastre climatique d'une telle ampleur,…
…lequel a frappé, vous l'avez dit, une immense majorité des régions françaises. L'arboriculture, la viticulture, mais également d'autres cultures telles que le colza ou la betterave sont durement touchées.
Je veux le dire solennellement devant la représentation nationale : à catastrophe exceptionnelle, mesures exceptionnelles !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – MM. Olivier Becht et Boris Vallaud applaudissent également.
Je vous remercie de l'avoir rappelé, madame Victory, je me suis immédiatement rendu sur place,…
…avec le ministre de l'agriculture et le ministre délégué chargé des comptes publics, car nous devons d'abord évaluer de façon précise l'étendue complète, qui sera, je le crains, considérable, des conséquences financières de cet épisode dramatique de gel, non seulement pour les agriculteurs et les éleveurs, mais plus largement pour l'ensemble de la filière agricole, de l'amont à l'aval.
Bien entendu, nous activerons l'ensemble des dispositifs à notre disposition – ils ont été rappelés par le ministre délégué chargé des comptes publics. Je vous annonce d'ores et déjà que le régime des calamités agricoles sera déplafonné.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Mais nous devrons aller plus loin, d'abord en instaurant un dispositif exceptionnel de solidarité nationale, que j'ai annoncé le week-end dernier et pour lequel j'ai demandé au ministre délégué chargé des comptes publics et au ministre de l'agriculture de me faire des propositions dans les prochains jours.
Nous devons aussi aller plus vite, en consentant des avances de trésorerie aux agriculteurs sinistrés, qui étaient déjà en grave difficulté dans le cadre de la crise que nous traversons.
Cet épisode, plusieurs députés l'ont dit, nous engage aussi à prendre des mesures de fond, comme la refonte du régime assurantiel qui n'est plus adapté à ce secteur, si tant est qu'il l'ait jamais été.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Il nous faudra également agir pour préparer notre agriculture à la transition écologique. À cet égard, je rappelle que des crédits très élevés sont prévus au sein du plan de relance, avec notamment une enveloppe de 70 millions destinée à inciter les agriculteurs à acquérir des équipements de protection contre les aléas climatiques.
Mesdames et messieurs les députés, la France a besoin de ses agriculteurs. La France aime ses agriculteurs et son agriculture. Les agriculteurs ont toujours répondu présents, notamment depuis le début de la crise sanitaire il y a plusieurs mois. Ils ont aujourd'hui besoin de nous et nous serons présents à leurs côtés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, dont une partie des députés se lèvent, et sur les bancs du groupe Dem. – M. Olivier Becht applaudit également.
Madame la ministre de l'enseignement supérieur, je suis allé à la rencontre des étudiants de plusieurs universités, qui m'ont exprimé leur angoisse, leurs incertitudes, leur détresse psychologique. J'ai été estomaqué, loin de m'imaginer dans quelles conditions de logement vivent certains étudiants. J'ai été le témoin de logements insalubres, dont les fenêtres en bois sont totalement pourries, dont les radiateurs sont hors service, dont les murs sont couverts de tâches de moisissure. Mais le pire, ce sont les cafards et les punaises de lit : c'est ignoble ! Inacceptable !
Ce sont des témoignages bouleversants, émouvants, révoltants, qui décrivent une vie sans vie, dans neuf mètres carrés. Madame la ministre, accepteriez-vous que votre enfant vive dans cet enfer ? Privés de cours, de liberté, de jobs étudiants, de leur jeunesse, ils lancent tous le même cri d'alerte.
La précarité s'aggrave, malgré les repas à 1 euro. Il faut souvent faire la queue plus d'une heure pour espérer décrocher de quoi manger. Le ventre vide, les étudiants se tournent vers les associations face à la démission de l'État. Les jeunes que j'ai rencontrés sont presque gênés d'avoir à parler de leurs conditions de vie et d'études. Ils en ont presque honte. Mais ceux qui doivent avoir honte,…
…ce sont ceux qui laissent les étudiants dans une telle détresse morale et matérielle !
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe FI.
Madame la ministre, il y a un fossé entre vos déclarations et la réalité. Vous avez le devoir d'imposer aux CROUS – centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires – un relogement digne des étudiants qui vivent dans de telles conditions. Allez-vous décréter l'annulation de leurs loyers en cette période de pandémie et instaurer un revenu étudiant ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Mme Bénédicte Taurine applaudit aussi.
La jeunesse sacrifiée, oubliée, invisible, reste mobilisée et attend des actes forts. Il faut l'écouter, car elle a beaucoup de choses à vous dire !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Cela fait quatre ans que, quasiment toutes les semaines, je vais à la rencontre des étudiants dans les résidences universitaires, dans les restos U, dans les universités ou dans les écoles.
Je vous le confirme, l'état dans lequel se trouvent certaines résidences universitaires de notre pays, qui ne date pas d'il y a quatre ans, est un véritable problème.
Si l'on prend l'exemple des résidences de Villeneuve-d'Ascq, auxquelles je sais que vous êtes particulièrement attentif, je me suis rendu sur place dès le mois de juin dernier, afin de me rendre compte de la situation et de travailler avec le CROUS à la réhabilitation totale des bâtiments.
À cet égard, j'ai sollicité le président de la région Hauts-de-France, qui n'a pas jugé bon de venir en complément de l'effort de l'État.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Huées sur les bancs du groupe LR.
Ce n'est pas un argument ! Nous voulons des éléments de réponse, pas des propos politicards ! C'est médiocre !
J'ai également sollicité le président de la métropole européenne de Lille qui, lui, a accepté de verser 12 millions d'euros sur les cinq prochaines années pour contribuer à la réhabilitation des résidences. Au total, entre le CPER – contrat de plan État-région –, le CNOUS – Centre national des œuvres universitaires et scolaires –, la métropole et le plan de relance, ce sont plus de 73 millions qui seront consacrés à la rénovation des résidences de Villeneuve d'Ascq.
Oui, monsieur le député, il y a énormément de choses à faire pour les étudiants : nous les faisons les unes après les autres. Tout comme nous savons depuis 2000 qu'il y aura un afflux d'étudiants qui posera la question du nombre de places à l'université, cela fait plus de vingt ans que des résidences universitaires indignes existent dans notre pays. C'est ce gouvernement qui a débloqué des moyens de sorte que cette question appartienne au passé et non au futur.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, et je dis bien le Premier ministre, car malgré tout le respect que je dois au ministre délégué chargé des comptes publics, à l'heure où on nous explique qu'il s'agit de la plus grande catastrophe agricole qui ait bouleversé le pays, le fait que le ministre de l'agriculture ne soit pas présent aujourd'hui devant la représentation nationale me pose question.
Huées sur les bancs du groupe LaREM. – Plusieurs députés du groupe LaREM dirigent leur pouce vers le bas et d'autres tracent un zéro avec les doigts.
J'espère donc, monsieur le Premier ministre, que vous répondrez à ma question, comme vous l'avez fait pour celle de la majorité. J'y associe l'ensemble des députés du groupe Les Républicains et plus particulièrement Dino Cinieri, dont le département de la Loire a été ravagé, tout comme les grands crus voisins de Côte-rôtie et de Saint-Joseph. J'évoquerai pour ma part le Ventoux et le Luberon, dans le département du Vaucluse, ainsi que la région Sud dans son ensemble.
Oui, monsieur le Premier ministre, nous faisons face à une catastrophe contre laquelle tous les agriculteurs ne sont pas couverts, en particulier dans le Vaucluse, où il y a beaucoup de polyculture. Or, pour l'arboriculture, l'indemnisation dépend souvent du niveau des pertes ; des exploitants qui possèdent huit hectares de vigne et deux hectares de cerises peuvent très bien ne rien toucher, soit parce que le dispositif ne couvre pas leurs pertes, soit parce qu'ils ne sont pas éligibles au régime des calamités.
Ma question est donc simple : au-delà des mesures exceptionnelles, au-delà du déplafonnement du régime des calamités, vous engagez-vous à ce que chaque agriculteur de France soit justement indemnisé et à ce que nous ne laissions personne sur le bord de la route. Vous avez géré la crise sanitaire « quoi qu'il en coûte », vous devez faire de même pour la crise agricole.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
La région Sud a mis 3 millions d'euros sur la table ; à l'échelle de l'État, cela représente 450 millions d'euros : nous attendons votre réponse !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le député, nous partageons, j'en suis sûr, le plus grand respect pour la Haute Assemblée, devant laquelle se trouve le ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Il me paraît normal que le Gouvernement réponde devant les assemblées.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Oui, tout de même !
Mêmes mouvements.
Monsieur le député Aubert, comme vient de l'indiquer M. le président de l'Assemblée nationale, le ministre de l'agriculture est retenu au Sénat par un débat organisé sur les conséquences de la loi ÉGALIM.
Il se trouve que ce débat, prévu depuis plusieurs semaines, a été inscrit à l'ordre du jour par le groupe Les Républicains. Ce sont vos amis du Sénat qui ont convoqué le ministre de l'agriculture aujourd'hui.
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Peut-être avez-vous du respect pour moi, mais je constate que vous en avez moins pour le Sénat et vos collègues du groupe Les Républicains qui y siègent.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Quant à vos propos polémiques et à votre manière de hausser le ton pour faire croire qu'avec trois millions d'euros, on va résoudre les problèmes des agriculteurs de la région PACA, pardonnez-moi, mais c'est manquer de respect aux agriculteurs dans la situation qu'ils traversent.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, quand il s'agit de décaler les élections régionales, vous êtes capable de faire preuve d'inventivité ; en revanche, il semble que vous ne soyez pas capable de décaler un débat au Sénat…
Huées sur les bancs du groupe LaREM, dont de nombreux membres pointent leurs pouces vers le bas.
L'histoire retiendra que vous n'avez pas voulu vous engager sur le fait que tous les agriculteurs de ce pays seront effectivement et justement indemnisés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La crise sanitaire met à l'honneur certains professionnels, dont on parlait peu jusque-là. Parmi ceux-ci, les professionnels de l'aide et de l'accompagnement à domicile montrent un attachement sans faille à leur engagement auprès des personnes dépendantes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Brahim Hammouche applaudit également.
Partout, ils répondent présents, malgré la crise sanitaire. Nous saluons leur travail, leur dévouement et louons leur bienveillance.
S'il est important de leur rendre ainsi hommage, l'essentiel est maintenant de revaloriser leurs salaires, ainsi qu'ils l'espèrent tant et ainsi qu'on le leur a promis. C'est urgent : je pense à Sonia, que nous avons accompagnée avec la ministre Brigitte Bourguignon, lors de sa venue en Maine-et-Loire, à Chalonnes-sur-Loire ; je pense à Pierre, que j'ai accompagné aux domiciles où il travaille, à Angers.
Ces femmes et ces hommes, qui se donnent sans relâche depuis des années pour accompagner nos aînés et nos proches en situation de handicap doivent se voir reconnaître leur pleine place dans notre société.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Benoit Simian applaudit également.
Malgré la richesse humaine propre à ce métier, des conditions de travail difficiles, les horaires hachés et la pénibilité pèsent sur son attractivité. Pourtant, un nombre croissant de Français souhaitent vieillir chez eux, et ce secteur est donc porteur, en quête de nouveaux professionnels à recruter, alors que l'on s'inquiète déjà pour les recrutements de l'été prochain.
Au-delà des conditions de travail, c'est tout le métier qui doit être repensé, la formation, l'évolution de carrière et, bien sûr, les rémunérations. Pour ce faire, le Gouvernement a récemment annoncé une revalorisation des salaires pour les professionnels des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD). Je souhaiterais savoir quels sont les types de SAAD concernés par cette mesure et à partir de quand cette revalorisation sera effective pour les personnels concernés, ainsi que la manière dont seront concrètement financées ces hausses de salaires et celles des personnels des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD).
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – MM. Paul Molac et Benoit Simian applaudissent également.
Merci pour votre question qui met à l'honneur, une fois encore, les aides à domicile, qui le méritent bien, tant leur rôle est indispensable, et pas seulement en temps de crise, mais tous les jours : il ne faudra pas les oublier quand la crise sera derrière nous.
Mêmes mouvements.
Nous mettons tout en œuvre pour que ce ne soit pas le cas, et je m'exprime ici en mon nom et en celui de Brigitte Bourguignon, ministre déléguée à l'autonomie.
D'abord il y a la prime covid, qui a été versée aux aides à domicile, avec la contribution des départements. Ensuite, il y a eu une première revalorisation du point d'indice, qui a été porté de 5,25 à 5,50 euros.
Mais la vraie priorité du Gouvernement, c'est de rendre ces métiers du soin et du « prendre-soin » plus attractifs. Il est inadmissible, par exemple, que pendant plus de dix ans, les professionnels de cette branche n'aient bénéficié d'aucune augmentation salariale et soient demeurés au niveau du SMIC ; c'est encore le cas pour dix-sept niveaux de rémunération.
De manière à y remédier, les organisations syndicales et les représentants d'employeurs s'étaient mis d'accord sur l'avenant 43 de la convention collective de la branche de l'aide à domicile. Si le financement de ces services et de ces professionnels est, à la base, une compétence départementale, le Gouvernement, pour assurer leur soutenabilité financière, a poursuivi le dialogue avec les départements et répondra toujours présent.
Vous avez voté, en loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, un amendement qui devrait permettre à cet avenant d'être agréé par le ministère dès le mois de mai prochain pour une application au 1er octobre, si les départements ont délibéré en conséquence. Les salariés de ces services bénéficieront d'une revalorisation qui atteindra jusqu'à 15 % de leur salaire, ce qui est une hausse historique, une bouffée d'oxygène totalement méritée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe Dem.
Les SSIAD ne seront pas en reste, puisque l'avenant transpose les mesures de revalorisation actées dans le cadre du Ségur de la santé. Quant aux personnels de la fonction publique territoriale, ils ne seront pas non plus oubliés, vous pouvez compter sur notre détermination.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Ma question s'adresse à M. le ministre Bruno Le Maire.
Français, Françaises, depuis un an, vous subissez une crise sanitaire inédite. Nous allons traverser une crise sociale d'ampleur historique, et voilà qu'on nous annonce, pour l'avenir, de la sueur et des larmes… mais pas pour tout le monde : tandis que vous étiez au chômage partiel ou en première ligne, nos milliardaires devenaient champions d'Europe, avec un gain de plus de 175 milliards d'euros en 2020 !
Même le FMI propose une taxe exceptionnelle sur les plus riches, mais, sous la présidence de Macron, pas question de toucher à leurs trésors ! Pire, on nous culpabilise de nouveau avec la dette. Qu'importe que la dette covid soit détenue par nous-mêmes, c'est-à-dire notre banque centrale et non sur les marchés, ce qui fait que sa charge est quasi nulle ; qu'importe qu'en avril 2020, un de vos prédécesseurs, Éric Woerth, se soit écrié ici même : « La dette est quasi éternelle, tout le monde sait que personne ne rembourse la dette », sans que vous n'ayez trouvé à y redire ; qu'importe que les plus réalistes des économistes libéraux vous disent que le moment est venu de s'endetter pour relancer l'activité économique et assurer la transition écologique – ce que font les États-Unis, à hauteur de 4 000 milliards de dollars. Votre aveuglement met en danger notre économie.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Sébastien Jumel applaudit également.
Français, Françaises, au prétexte de la dette, on veut faire payer la crise au monde du travail, avec une réforme des allocations chômage qui s'en prend aux chômeurs et une réforme des retraites qui s'en prend aux salariés.
Français, Françaises, au nom de la dette, on veut vous imposer une austérité XXL, pour revenir dans les clous du programme de stabilité de l'Union européenne, en allant jusqu'à inscrire cette baisse criminelle des dépenses publiques dans la Constitution.
Monsieur le ministre, le pays est cassé par ces politiques d'austérité, et vous voulez recommencer ! Nos hôpitaux manquent de personnel, de matériel, nous sommes incapables de produire un vaccin, et vous voulez recommencer ! L'État est affaibli et vous voulez recommencer ! Lâchez-nous avec la dette !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Quand allez-vous comprendre que l'austérité et la régression sociale sont deux plaies dont il faut se débarrasser ? Dans un an, nous le ferons à votre place.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe GDR.
À vous entendre, la France subirait l'austérité. Or, l'austérité, ce n'est pas tout à fait ce qui caractérise notre pays, ni aujourd'hui, ni hier, ni demain.
C'est notre pays qui a mis en œuvre les dispositifs les plus élaborés et les plus costauds pour permettre la prise en charge de l'activité partielle et protéger le revenu des salariés, à tel point que l'INSEE a démontré qu'en 2020, malgré une récession de 8,2 % le pouvoir d'achat des ménages français a augmenté de 0,6 %.
C'est aussi notre pays qui a mis en œuvre les dispositions les plus protectrices pour ses entreprises, avec un fonds de solidarité que nous avons d'ores et déjà abondé de plus de 21 milliards, et avec un prêt garanti par l'État qui permet aux entreprises de passer la crise non pas sans difficulté, mais en étant le plus protégées possible.
C'est enfin notre pays qui a voté, grâce à cette majorité,…
…un plan de relance de 100 milliards sur deux ans pour relancer l'activité, permettre le retour de la croissance et faire en sorte que nous puissions faire face à nos engagements, rembourser la dette que nous avons contractée, grâce à la croissance et à ses recettes, sans augmenter les impôts – nous savons en effet, et le passé nous instruit, que les chocs fiscaux n'ont jamais généré de croissance, qu'au contraire, ils l'étouffent.
C'est cette majorité qui, sous l'égide du ministre de la santé et des solidarités, revalorise le salaire des soignants comme cela n'avait jamais été le cas et engage un plan d'investissement inédit de 19 milliards en faveur du système de santé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Alors, vous pouvez hausser la voix, tenter de m'interrompre avec force gestes, la vérité, c'est qu'à vos mots, je peux opposer l'action de la majorité, qui protège les Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
J'associe à ma question, qui s'adresse au ministre de la Santé, mon collègue Bruno Duvergé, concerné comme l'ensemble des députés des Hauts-de-France.
La population du Pas-de-Calais est confinée depuis le 6 mars, soit quinze jours avant le reste du territoire. Elle est de plus durement touchée par le très contagieux variant anglais. Cette situation a été insuffisamment prise en compte, car avec un stock de deux jours de doses de vaccin, il est manifeste que notre région des Hauts-de-France est en flux trop tendu par rapport aux régions qui bénéficient de cinq à sept jours de stocks.
Ainsi, selon les prévisions de l'ARS, les vaccins alloués en avril au Pas-de-Calais pour les primo-vaccinés seraient en baisse de 50 %, seules les secondes doses étant en nombre suffisant. Si le retard de vaccination par rapport aux autres territoires a été rattrapé en mars, grâce à une mobilisation sur le terrain que je tiens à saluer, la population du département risque de se trouver une nouvelle fois à la traîne ; il en va de même dans les quatre autres départements de la région.
Vous le savez, monsieur le ministre, notre région des Hauts-de-France, la troisième en population, est hélas, la dernière pour les indicateurs de santé. Sa population, fragilisée, est touchée par de nombreuses comorbidités, et elle reste, même si la situation s'améliore grâce aux efforts de la population, la deuxième quant au taux d'incidence. Or, avec un taux de 0,188 % injection par habitant, elle est neuvième sur treize régions.
Ne donnons pas le sentiment aux Alto-français qu'on leur manque de considération et que la solidarité nationale les oublie : ils réclament simplement l'équité…
M. Alain Bruneel applaudit.
…c'est-à-dire un nombre de doses en adéquation avec la population et une pondération selon les critères définis, c'est-à-dire un stock garantissant le bon déroulement de la campagne de vaccination pour laquelle tant d'acteurs que nous remercions chaleureusement se sont mobilisés. Monsieur le Ministre, pouvez-vous nous rassurer : êtes-vous prêt à garantir cette équité ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et Agir ens. – MM. Alain Bruneel et Jean-Louis Bricout applaudissent également.
La situation particulière des Hauts-de-France est que la population y est en moyenne plus jeune que dans d'autres régions. Ainsi, la part des jeunes est plus importante que dans le Grand-Est, tandis que la part des 75 ans et plus y est, en revanche, plus faible.
Les premières répartitions de doses avaient été faites en fonction de cet âge moyen mais, compte tenu de la situation épidémique dans votre région, nous avons considérablement renforcé le nombre de vaccins alloués, et 150 000 doses supplémentaires lui ont été fournies depuis la fin février, ce qui fait qu'à ce jour la couverture vaccinale – en incluant les primo-vaccinés – est de 16,3 % dans les Hauts-de-France, contre 15,7 % en moyenne nationale.
Non seulement donc le retard a été rattrapé, mais il a même été effacé, et c'est une bonne chose. Ce week-end, la région des Hauts-de-France était la première région de France en termes de vaccinations réalisées, devant l'Île-de-France, avec 64 000 injections, et ce, grâce à la mobilisation des acteurs de terrain. À compter du 3 mai enfin, 100 000 doses supplémentaires vont être octroyées à la région pour tenir compte des particularités de la population.
J'en profite pour aborder ici un sujet connexe. J'entendais une candidate à l'élection présidentielle – qui n'est pas présente dans l'hémicycle aujourd'hui, mais que chacun reconnaîtra…
…déclarer que la région des Hauts-de-France était emblématique de la façon dont on traitait la population rurale, à l'écart des vaccinodromes où il était plus facile aux citadins de se faire vacciner. Elle est très mal tombée ! Si elle avait lu ses dossiers et connaissait mieux cette région, elle saurait que dans les Hauts-de-France, les 157 centres sont pour deux tiers installés dans des petites villes de moins de 2 000 habitants…
…et que c'est la région la plus avancée en termes de couverture vaccinale des populations rurales.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le choix de la proximité, nous l'avons fait, et il nous a été reproché par ceux-là même qui estiment aujourd'hui que nous ne vaccinons pas suffisamment en milieu rural. Nous apportons notre soutien à la région Hauts-de-France ; transmettez mes amitiés et mes félicitations à toutes les équipes pour leur mobilisation incroyable, y compris le week-end.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle concerne la protection de nos concitoyens.
La gravité du variant brésilien, plus contagieux et plus mortel, menace la France. Cependant, les voyageurs en provenance du Brésil ne font l'objet d'aucun contrôle spécifique. Devant le danger du variant brésilien, le Portugal, qui a pourtant des liens historiques avec le Brésil, vient de suspendre ses vols pour protéger sa population. Le Royaume-Uni met à l'isolement ses ressortissants revenant du Brésil pendant au moins une semaine, à l'hôtel. En France, le ministre des transports a déclaré ce matin qu'il ne pouvait strictement rien faire ; il considère que la France ne peut pas suspendre ses liaisons aériennes avec le Brésil car ce serait contraire à notre droit. C'est surréaliste. C'est l'impuissance politique dans toute sa splendeur !
Applaudissements sur q uelques bancs du groupe LR. – MM. François Ruffin et Sébastien Jumel applaudissent également.
Pire, l'impuissance de l'État et l'incapacité du Gouvernement à faire évoluer le droit pour protéger la population contre ce nouveau variant menacent d'anéantir treize mois d'efforts remarquables, ceux des soignants et ceux des Français, pour lutter contre le virus. Pour ne pas faire échouer notre politique vaccinale, la France doit temporairement fermer ses frontières et ses lignes aériennes avec le Brésil.
Nous devons au minimum mettre en place un isolement strict pour nos ressortissants en provenance des pays où circule désormais un variant dangereux, ce que réclament déjà de nombreux scientifiques que je n'énumérerai pas ici.
Applaudissements sur q uelques bancs du groupe LR.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous, oui ou non, fermer les liaisons aériennes avec le Brésil pour protéger la population contre ce nouveau variant, quitte à faire évoluer le droit ?
Sur un sujet de cette importance, nous ne pouvons pas nous résoudre à l'impuissance publique dont vous faites, hélas, trop souvent preuve.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. François Ruffin applaudit également.
Une fois encore, monsieur le député, vous partez d'un constat établi : la gravité de la situation au Brésil, pays qui subit, hélas, une situation absolument dramatique,…
…et la dangerosité du variant du même nom, lequel, effectivement, pose des difficultés réelles.
Mais, pardonnez-moi de vous le dire, vous faites quelques entorses à la réalité en laissant accroire que nous ne faisons rien.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
C'est complètement faux. Il y a une chose que nous n'avons pas faite : c'est suivre vos préconisations. Vous aviez écrit au Président de la République en 2020 pour lui conseiller de prescrire l'hydroxychloroquine.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Rires sur les bancs du Gouvernement.
Or je vous signale que le Brésil est le pays qui l'a le plus prescrite.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LR, dont plusieurs membres font avec les mains des gestes circulaires montrant que le Premier ministre mélange les choses.
Oui, oui. Un peu de modestie, comme je le dis toujours.
Pour en revenir aux faits : à ce jour, et depuis les mesures que nous avons prises le 29 janvier dernier, toute personne qui souhaite se rendre en France à partir du Brésil ne peut le faire que pour des motifs impérieux. Vous savez que, s'agissant des ressortissants français, le Conseil d'État a annulé la décision prise par le Gouvernement, considérant qu'il s'agissait d'une contrainte disproportionnée. Toute personne qui souhaite venir du Brésil en France doit présenter un test négatif à l'embarquement, un autre à l'arrivée, et respecter une période de dix jours d'isolement. Il est donc parfaitement inexact de dire que nous sommes restés sans agir.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations et gestes de dénégation sur les bancs du groupe LR.
Ne dites pas non, c'est la vérité. Cependant, nous constatons que la situation s'aggrave. Nous avons donc décidé de suspendre jusqu'à nouvel ordre tous les vols entre le Brésil et la France.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Plusieurs députés des groupes SOC et GDR applaudissent aussi, de façon ironique.
Vous voyez donc qu'il y a un sujet. Il serait pertinent de faire aussi ce que font les Anglais : il faut protéger nos concitoyens, et vous ne le faites pas suffisamment.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – Huées sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre de la transformation et de la fonction publiques, le Président de la République a annoncé, jeudi dernier, vouloir remplacer l'actuelle École nationale d'administration…
…par l'Institut du service public. Loin du coup de com' ou du simple changement de nom que certains veulent y voir, cette réforme revoit de fond en comble la formation des cadres de l'État.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
En intégrant un tronc commun à treize écoles de service public, elle donnera un corpus commun, une culture commune à de futurs diplomates, préfets, commissaires de police, ingénieurs des travaux publics et directeurs d'hôpitaux. Elle supprimera l'accès direct aux grands corps, ce système hautement contestable qui conduit les fonctionnaires à inspecter, sans avoir eux-mêmes effectué les missions qu'ils contrôlent. Par ailleurs, le terrain devient la première compétence prise en compte pour une première affectation à des fonctions opérationnelles. Enfin, une formation continue, sur le modèle de celle qui existe à l'École de guerre, sera instaurée.
Cette réforme s'inscrit dans le prolongement de nombreuses mesures déjà engagées, comme le programme Talents du service public ou la loi de transformation de la fonction publique. Plus de diversité, moins de déterminisme et de corporatisme dans la haute fonction publique : ce sont évidemment des évolutions bienvenues. Mais, au fond, réformer la formation des cadres de l'État ne suffit pas. Il faut aussi travailler à la gestion des carrières. Quid de la responsabilité des hauts fonctionnaires ? Sur quelles bases seront-ils évalués ? Comment mesurer leur efficacité à la tête de leur service, de leur direction, de leur administration ? Le Président de la République a évoqué une gestion personnalisée des carrières. Pour ma part, j'appelle de mes vœux une véritable GPEC, une gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, non seulement dans la haute fonction publique, mais aussi dans toute la fonction publique de l'État. Madame la ministre, cet objectif fait-il partie de votre feuille de route ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Effectivement, nous vivons une période qui exige de refonder le logiciel de l'action publique, donc celui de la haute fonction publique.
C'était un engagement du Président de la République en 2017, qu'il a réaffirmé devant les Français en 2019. Je tiens à dire qu'il ne s'agit en rien de remettre en cause la valeur des hommes et des femmes qui s'engagent pour notre pays et qui ont permis à notre État de tenir. Ce n'est pas non plus un reniement de notre histoire, ni de 1945, de l'engagement de Michel Debré et du général de Gaulle, de ces hommes et de ces femmes qui, depuis la promotion « France combattante » à la promotion « Hannah Arendt », ont servi notre pays.
Mais nous devons regarder les enjeux du XXI
…pour mettre au cœur de l'évaluation et des carrières l'expérience, la compétence et le fait que chacun puisse être formé plusieurs fois dans sa vie et occuper, plusieurs fois dans sa vie, des postes opérationnels de terrain au service des Français. L'enjeu, vous l'avez dit, est de gérer les carrières différemment, pour avoir les bonnes personnes au bon endroit, pour que la jeunesse continue de vouloir s'engager au service de son pays, que le service de l'intérêt général soit une perspective attractive et un moyen de réalisation personnelle.
J'entends que certains, sur les bancs de droite, trouvent cette réforme démagogique.
Exclamations sur les bancs du groupe LR. – M. François Ruffin s'exclame également.
Ce qui est démagogique, c'est de considérer que bazarder le statut de la fonction publique, comme vous le proposez, résoudrait tous les problèmes. Ça, c'est démagogique ! Les hommes et les femmes de ce pays méritent mieux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.
Nous nous engageons pour eux, pour transformer l'État, pour leur donner un avenir et des compétences. C'est comme cela que nous formerons un État efficace, accessible aux Français, humain, qui répondra au déficit de confiance que les Français mettent en avant.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Avant de donner la parole à M. Ludovic Pajot pour sa dernière question au Gouvernement, je lui adresse nos vœux de succès dans ses nouvelles fonctions de maire de Bruay-la-Buissière.
Applaudissements parmi les députés non inscrits et sur quelques bancs du groupe LaREM.
C'est avec une particulière émotion que j'adresse au ministre de l'intérieur ma dernière question au Gouvernement, avant que mon mandat de député prenne fin dans quelques jours pour me permettre de me consacrer pleinement à la commune de Bruay-la-Buissière, dont j'ai l'honneur d'avoir été élu maire. Je remercie l'ensemble de mes collègues ainsi que les femmes et les hommes qui font vivre au quotidien cette belle institution qu'est l'Assemblée nationale.
Pas de liberté sans sécurité : pas un jour ne passe désormais sans qu'un nouvel acte de délinquance, confinant parfois à la barbarie, ne se produise. Simples incivilités, comme certains les nomment pudiquement, cambriolages accompagnés d'une véritable volonté de violenter physiquement, agressions pour un simple regard, guet-apens tendus aux policiers dans les quartiers, caillassages ou assassinats en pleine rue, comme ce fut encore le cas hier à Paris : la délinquance et la criminalité gangrènent notre pays, des villes jusqu'aux communes rurales.
Face à cette insécurité grandissante, qui est loin d'être un simple sentiment, les élus, à commencer par les maires, se sentent bien souvent démunis. Dans ma commune de Bruay-la-Buissière, il n'y a le soir qu'une seule patrouille de la police nationale qui doit couvrir, à elle seule, pas moins de neuf communes. Le désengagement de l'État, qui se traduit notamment par la diminution constante des effectifs, pousse les communes à créer de nouvelles polices municipales, lesquelles ne disposent pas des mêmes prérogatives. Par ailleurs, leur création représente un coût important pour les collectivités comme la mienne, qui disposent de marges de manœuvre financières restreintes.
Il est indispensable que l'État prenne toute sa part dans le financement de la création de polices municipales garantes de la sécurité du quotidien des habitants. Il s'agit d'un enjeu de sécurité publique pour nos administrés. Élus de terrain, nous attendons un engagement précis de l'État sur ce sujet fondamental.
Applaudissements parmi les députés non inscrits.
Permettez-moi de commencer par vous adresser mes félicitations républicaines pour votre élection.
Vous le savez, les polices municipales sont entièrement aux mains des maires, qu'il s'agisse de leur création, de leur formation, de leur équipement ou même de leur armement. Elles sont un élément important du continuum de sécurité, c'est pourquoi l'État les soutient. La proposition de loi relative à la sécurité globale que vous avez votée, et que le Gouvernement a soutenue de manière considérable, renforce les pouvoirs de la police municipale.
M. Ugo Bernalicis s'exclame.
Je pense, par exemple, à l'extension de ses compétences pour constater des faits du quotidien comme l'entrave à la circulation routière ou l'occupation illicite des halls d'immeuble. La police municipale peut aussi agir contre le harcèlement de rue, dont la verbalisation a été votée ici même en 2018. Par ailleurs, la proposition de loi permettra à la police municipale de visualiser les images de vidéoprotection, ce que seul l'État peut faire jusqu'à présent. La proposition de loi permettra, enfin, de créer une police municipale à Paris, ce qui était attendu de longue date.
Cette proposition de loi fait des polices municipales la troisième force de sécurité intérieure, avec la police et la gendarmerie. Par ailleurs, l'État apporte un soutien financier à la sécurité locale, notamment à travers le fonds interministériel de prévention de la délinquance dont j'ai la responsabilité : en 2020, 12,7 millions ont ainsi financé des projets de vidéoprotection et 500 000 euros ont été consacrés à l'équipement des polices municipales. Vous le voyez, avec M. le ministre de l'intérieur et l'ensemble des parlementaires, notre engagement est total pour mieux soutenir les polices municipales et aider les maires à les équiper et à les développer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, depuis un an, notre pays traverse une crise sans précédent. De nombreuses entreprises ont tangué, vacillé, voire fermé. Votre Gouvernement, avec son « quoi qu'il en coûte », a permis, au minimum, à un certain nombre d'entre elles de ne pas couler.
Le dispositif de chômage partiel a permis, au minimum, aux entreprises de sortir la tête de l'eau. Le fonds de solidarité a permis, au minimum, de payer leurs charges.
Mais voilà, ces aides ont leurs limites et des trous dans la raquette persistent.
Fort heureusement, en France, nous avons des entrepreneurs courageux qui, pour le développement de notre pays et de leur territoire, même pendant la crise, ont pris des risques financiers énormes pour créer leur entreprise et créer de l'emploi. Ils sont nombreux, ces chefs d'entreprise comme Jean-Paul Braga, comme Ludivine Locquegnies, comme David Goncalves Pereira et comme tant d'autres. Ils sont nombreux, en France dans mon département à avoir eu des projets bien avant la crise. Ils sont nombreux, comme eux, à avoir emprunté, parfois plus d'un million d'euros, en se portant caution personnelle pour développer leur entreprise et aller au bout de leur rêve.
Après avoir mené des travaux tambour battant, ces entreprises ne peuvent pas ouvrir à cause des restrictions sanitaires. Certains entrepreneurs sont simplement punis, d'autres ont eu la chance de lancer leur activité avec l'espoir de faire un peu de chiffre d'affaires entre deux confinements. Aujourd'hui, ils ne sont éligibles à aucune aide de l'État et se retrouvent sans ressources.
Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement ne peut rester sourd à l'appel de ces entrepreneurs, dont le projet est arrivé à la mauvaise date. Le « quoi qu'il en coûte » doit permettre à ces bâtisseurs de faire face à ces quelques mois d'inactivité grâce à une aide calculée à partir des chiffres d'affaires prévisionnels. Quels dispositifs comptez-vous instaurer ? Ils sont attendus par ces chefs d'entreprise.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Comme vous, je me félicite que de nombreux hommes et de nombreuses femmes s'investissent dans l'entreprenariat en France : c'est une grande chance pour notre pays ! Depuis le mois de mars 2020, le Gouvernement déploie des dispositifs extrêmement puissants – il ne s'agit vraiment pas de « minima », puisque la France compte parmi les pays du monde qui auront le plus fortement appuyé les entreprises, quelle que soit leur taille mais particulièrement les TPE et les PME.
Nous avons adapté le fonds de solidarité. Son plafond est passé de 1 500 euros mensuels en mars 2020 à 10 000 euros au mois de novembre ; depuis le mois de décembre, s'y ajoute la possibilité d'être indemnisé pour 20 % de son chiffre d'affaires. En janvier, nous avons en outre créé un dispositif pour les frais fixes.
Une difficulté réelle concerne les entreprises reprises. Le fonds de solidarité repose effectivement sur le chiffre d'affaires précédemment réalisé, ce qui pose un problème pour les repreneurs n'ayant pas pu commencer leur activité. À la demande du Premier ministre, Bruno Le Maire et moi-même avons instauré un nouveau dispositif d'accompagnement des repreneurs : depuis le mois de janvier, leurs frais fixes sont pris en charge afin qu'ils puissent reprendre une activité normale le moment venu.
Je précise que les autres entreprises bénéficient en outre d'exonérations de cotisations sociales et d'un accompagnement du Gouvernement pour le report de remboursement de prêt. Vous pouvez être assurée que nous continuerons à accompagner l'ensemble des entreprises durant cette crise sanitaire et économique.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, la honteuse création par La République en marche d'un comité à Dakhla, au Sahara occidental, n'a pu se faire sans l'accord de l'exécutif – elle a peut-être même eu lieu à sa demande. La présence d'une permanence politique française au cœur d'un territoire non autonome et occupé par un pays colonisateur, le Maroc, illustre malheureusement l'époque que nous vivons, où des chefs d'État, de Donald Trump à Emmanuel Macron et de Benyamin Netanyahou à Mohammed VI, pensent pouvoir agir en toute impunité en s'asseyant sur le droit international et en crachant sur les résolutions d'institutions officielles comme l'Organisation des Nations unies ou la Cour de justice de l'Union européenne, pour faire prévaloir leurs propres intérêts. C'est le règne de la toute-puissance et du scandale d'une diplomatie de compromis cyniques qui sacrifient le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination.
La torture pratiquée sur les prisonniers politiques sahraouis, la répression exercée contre la population sahraouie vivant au Sahara occidental et l'impossibilité pour un observateur indépendant de se rendre sur place sont ignorées par la France au profit d'un soutien aveugle au Maroc, colonisateur expansionniste qui bafoue le droit du peuple sahraoui à la liberté et à la dignité. Tout est fait pour marginaliser la question du Sahara occidental. La France est complice de la poursuite du peuplement marocain, de l'ouverture des marchés et de l'exploitation de plus en plus systématique des ressources locales.
Monsieur le Premier ministre, dans dix jours, la France soutiendra-t-elle la demande de la République arabe sahraouie démocratique d'obtenir un siège de membre aux Nations unies ? Elle mettrait ainsi en pratique le principe d'équidistance, cher au ministre Jean-Yves Le Drian. Le peuple sahraoui est un peuple digne, décidé à poursuivre son combat jusqu'à ce que la communauté internationale respecte enfin ses droits à la liberté, à l'autodétermination et, pourquoi pas, à l'indépendance. N'est-il pas temps pour notre pays de retrouver le chemin de la justice ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – M. Jean-Louis Bricout applaudit également.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Vous avez évoqué une initiative prise localement, que je regrette et qui ne change rien à la position de la France sur cette question hautement sensible. Vous le savez, le conflit au Sahara occidental représente un risque permanent de tensions ; nous l'avons encore constaté au mois de novembre 2020, au point de passage de Guerguerat. Depuis, plusieurs opérations ont été menées par le Front Polisario dont la dernière a conduit à la mort du chef de la gendarmerie de ce mouvement, le 7 avril dernier.
Cette situation rappelle l'urgence de la seule voie possible, celle de la reprise d'un processus politique. C'est cette voie d'équilibre que défend la France, qui appelle à nouveau au calme et reste engagée dans la recherche d'une solution politique dans le cadre de la légalité internationale et des Nations unies. Jean-Yves Le Drian et moi-même sommes favorables à une solution politique juste, durable, acceptable par les deux parties et qui respecte l'ensemble des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Dans cette perspective, reconnaissons-le, le plan d'autonomie marocain est une base de discussion sérieuse et crédible qu'il faut prendre en considération.
Nous apportons ainsi notre soutien à la mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental – MINURSO – dont le rôle reste essentiel pour le maintien de la stabilité ou le retour à celle-ci et la prévention des tensions. Nous encourageons aussi le secrétaire général des Nations unies, comme nous l'avons rappelé, à nommer sans attendre un nouvel envoyé personnel pour permettre la reprise des discussions. C'est cette ligne que défendra à nouveau la France au Conseil de sécurité des Nations unies du 21 avril.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
J'associe mon collègue Guillaume Larrivé à ma question. Monsieur le Premier ministre, je vous invite à venir dès que vous le pourrez à Chablis, à Tonnerre ou à Vézelay, où nous serons bientôt privés de vin de messe.
La semaine dernière, le combat fut trop inégal et sans merci. Après avoir lutté, minute après minute, pour protéger le fruit de leur travail, les agriculteurs, viticulteurs et arboriculteurs ont été submergés par une vague de gel tardif, exceptionnelle par son ampleur et son intensité. Cette séquence aggrave encore le marasme de la crise sanitaire.
Aurélien Pradié, Géraldine Bannier, Michèle Victory, Adrien Morenas et Julien Aubert l'ont déjà dit, rares sont les régions de France épargnées. Dans l'Yonne, plus de 80 % de certaines productions agricoles ont été détruites, les vignobles ravagés, les cerisiers en fleur anéantis, les champs de betterave et d'orge de printemps gravement touchés. Malgré la mise en place de protections au coût exorbitant – au bas mot, 4 000 euros de l'hectare – un paysage de désolation s'est offert à nos yeux effarés. Syndicats professionnels, organisations agricoles, préfets, maires, tous sont venus dans nos champs, nos vignes et nos vergers pour constater avec nous l'étendue du désastre : 2021 sera assurément une année blanche. Certains marchés risquent d'être perdus durablement ; la situation est très grave, vous le savez.
Ma question est simple : au-delà du déplafonnement du régime d'indemnisation des calamités agricoles, quelles mesures complémentaires d'urgence le Gouvernement compte-t-il prendre et suivant quel calendrier, pour soutenir les agriculteurs, vignerons et arboriculteurs de France ? Tous sont éprouvés ; ils attendent de votre part non seulement des réponses immédiates, concrètes et fortes, mais aussi une réflexion d'ensemble sur la modernisation de la gestion du risque et des mécanismes d'assurance et d'indemnisation face à la multiplication des incidents climatiques. Ils attendent que l'État soit à leurs côtés, au moment où des pans entiers de notre agriculture sont à la peine. À catastrophe exceptionnelle,…
Monsieur Villiers, vous pardonnerez la brièveté de ma réponse. Beaucoup a déjà été dit. Nous partageons évidemment votre constat : les dégâts causés par cet épisode de gel sont importants et ont touché tous les types de culture et tous les territoires.
La viticulture est un secteur particulier car, vous le savez, elle n'est plus couverte depuis 2010 par le régime des calamités agricoles, sauf lorsque des tailles sévères compromettent les récoltes suivantes ou lorsque les plans sont détruits.
Julien Denormandie et moi-même avons apporté des réponses à l'occasion de notre déplacement en Ardèche. Le Premier ministre a rappelé tout à l'heure que nous utilisons tous les outils de court terme existants – allégements et dégrèvements fiscaux, mais aussi sur les cotisations sociales. Nous avons d'ores et déjà ouvert la procédure de reconnaissance du régime de calamité agricole. Parce que nous voulons aller vite et considérons que les dégâts sont suffisamment significatifs et prouvés, la procédure est ouverte sans visite préalable et peut être lancée immédiatement. Nous avons déplafonné le Fonds national de gestion des risques en agriculture – FNGRA. Son montant, qui s'établit en moyenne entre 130 à 150 millions d'euros par an, a été beaucoup plus élevé certaines années, comme en 2004 où nous avions consacré collectivement 800 millions d'euros à son financement. Dans les prochains jours, à l'issue des concertations que nous menons actuellement, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et moi-même proposerons au Premier ministre la création d'un dispositif spécifique, conformément à ses annonces de tout à l'heure.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, j'ai tout d'abord une pensée pour les morts de la covid-19, dont le nombre atteindra 100 000 cette semaine, pour les malades et leur famille. Nous ne nous résignons pas face à cet état de fait tragique.
Le variant brésilien frappe durement le Brésil et pourrait à lui seul, dit-on, compromettre les efforts accomplis dans la lutte contre la pandémie en Europe et en France – d'aucuns parlent même d'une possible quatrième vague. Ce variant, outre qu'il semble plus contagieux que tout autre, toucherait des populations plus jeunes. Plus de 50 % des malades en soins intensifs au Brésil auraient ainsi moins de 40 ans. Il aurait une forte capacité de réinfection, comme on l'a observé à Manaus. D'ores et déjà, dix-sept mutations auraient été identifiées.
Monsieur le Premier ministre, vous venez d'annoncer que, face à la menace, la France, comme d'autres pays d'Europe, avait décidé d'interrompre ses liaisons aériennes avec le Brésil. Cette très bonne décision s'imposait.
Depuis plusieurs mois, certains pays ont décidé, face à l'émergence de variants, de massifier leur capacité de séquençage du virus pour détecter les variants les plus contagieux, identifier les événements de surpropagation et suivre, au plus près, l'évolution de l'épidémie. En la matière, la France accuse un très grand retard. Le séquençage se révèle pourtant essentiel dans la lutte contre le coronavirus. Sur la base de données mondiale GISAID – Global Initiative on Sharing Avian Influenza Data –, 500 000 génomes ont été partagés dont seulement 5 000 par la France, quarante fois moins que le Royaume-Uni. Si les Britanniques ont investi 20 millions de livres dès mai 2020 pour créer un consortium de génomique du covid-19, la France n'a pas fourni un tel effort.
Monsieur le Premier ministre, que fait la France pour traquer ce virus et comment entendez-vous rattraper notre retard dans le défi si essentiel du séquençage ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Marie-George Buffet applaudit également.
Monsieur Vallaud, vous avez raison d'insister sur l'importance des techniques permettant d'identifier les variants des virus connus. Deux méthodes existent et sont pratiquées massivement en France.
La première est le criblage, qui repose sur un test PCR – à réaction en chaîne par polymérase – équipé de réactifs permettant de déterminer, quand le résultat est positif, s'il s'agit d'un variant et de l'identifier s'il est connu, comme le sud-africain, le brésilien ou l'anglais. La France sait piloter au jour le jour, heure par heure, région par région, ville par ville, bassin de vie par bassin de vie, la répartition des différents variants. Actuellement, 80 % sont d'origine britannique, un peu moins de 4 % sont brésiliens et sud-africains. La proportion de ces derniers recule car ils sont moins contagieux que l'anglais, qui, lui, s'étend dans tout le territoire.
La deuxième méthode repose sur le séquençage et consiste à chercher indistinctement les variants, qu'ils soient connus ou pas encore. De fait, il en existe plusieurs milliers et, rien qu'au Brésil, plus de quatre-vingt-dix ont été identifiés.
Il est factuellement inexact de dire que la France ne procède pas à des séquençages de masse ; nous en réalisons plusieurs milliers chaque semaine dans les centres nationaux de référence. Ce travail, extrêmement utile, nous permet notamment d'identifier l'apparition de nouveaux variants. Il y a trois semaines, il avait été question de celui du Trégor : après avoir procédé en deux jours à 600 000 séquençages dans les Côtes-d'Armor, nous avons constaté qu'aucun résultat n'y correspondait, ce qui, vous le reconnaîtrez, était plutôt rassurant.
Encore une fois, célébrons notre communauté scientifique et médicale. Nous continuons de développer le séquençage et le criblage. En la matière, la France n'a vraiment pas à rougir. Certes, nous procédons à moins de séquençages que nos voisins britanniques, mais il n'y a pas photo avec nos voisins européens.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Boris Vallaud.
Il ne vous reste plus de temps, mais puisque je vous ai donné la parole, je vous la laisse.
J'avais lancé une alerte le 13 octobre 2020 sur notre retard dans le domaine de la vaccination et j'en lance une nouvelle sur notre retard par rapport aux Britanniques en matière de séquençage génomique.
Madame la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, alors que les restaurateurs et les propriétaires de bars se préparent à accueillir nos concitoyens d'ici à quelques semaines, aucune date précise de réouverture complète n'a encore été fixée. Tous soulignent que les perspectives annoncées par le Président de la République lors de son allocution du 31 mars constituent un signe d'espoir.
La saison estivale est une période primordiale pour beaucoup d'établissements, ainsi que pour les étudiants et saisonniers, lesquels profitent des nombreux emplois proposés par le secteur. Puisque l'été approche, il apparaît nécessaire de les aider à s'y préparer. Pour tous, employeurs et employés, il est essentiel de sécuriser les contrats de travail. À défaut de visibilité, ils ont besoin de sérénité.
Je sais que le Gouvernement partage leurs préoccupations et les accompagne fortement depuis le début. Chaque député connaît l'importance que revêtent ces lieux de convivialité qui nous sont si chers. Je sais aussi que les femmes et les hommes qui y travaillent nous attendent avec beaucoup d'optimisme et d'envie. Dès la réouverture, l'engouement pour l'art de vivre à la française sera au rendez-vous. J'en suis intimement convaincu puisque j'en ai déjà été témoin l'été dernier, dans ma circonscription de la Haute-Saône, en particulier sur le plateau des Mille étangs.
Pouvez-vous définir un calendrier de réouverture des bars et des restaurants ? Qu'adviendra-t-il des contrats d'embauche visant à répondre à l'accroissement de l'activité en été si la fermeture était prolongée au-delà de la date prévue ? Seront-ils pris en charge par l'État ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
La stratégie de lutte contre l'épidémie que nous suivons depuis un an nous a en effet conduits à limiter, voire à interrompre, certaines activités. À la suite de cette décision difficile, nous avons pris des mesures d'accompagnement exceptionnelles pour protéger les emplois et préserver les entreprises. Ainsi, au mois de février, plus de 2 millions de salariés étaient encore protégés par l'activité partielle. Je rappelle également que nous avons été présents auprès des saisonniers des stations de montagne : près de 30 000 saisonniers ont été embauchés cet hiver, beaucoup d'entre eux ayant bénéficié de l'activité partielle.
Nous serons encore au rendez-vous pour le lancement de la saison estivale, avec le double objectif de permettre aux entreprises de préparer la saison touristique et de sécuriser les contrats saisonniers malgré la crise.
Bien sûr, les professionnels attendent surtout la réouverture des établissements. Les concertations tenues ces dernières semaines aboutiront prochainement à des décisions. Néanmoins, pour donner de la visibilité à l'approche de la saison touristique, je vous annonce que le Gouvernement a décidé d'assurer, à titre exceptionnel, la prise en charge des contrats saisonniers par l'activité partielle, lorsqu'ils sont reconduits en application d'une disposition du contrat précédent, d'une convention collective ou qu'ils font suite à un contrat souscrit au titre de l'année 2019 ou 2020.
La prise en charge exceptionnelle des contrats saisonniers qui n'auront pas pu démarrer est prévue jusqu'à fin juin et s'applique bien sûr à tout le territoire. Vous le voyez, nous sommes aux côtés des professionnels pour assurer la préparation de la prochaine saison estivale dans les meilleures conditions.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
En 2017, le Président de la République a beaucoup choqué en qualifiant la colonisation de « crime contre l'humanité ». Par ailleurs, le contenu très contestable du rapport Stora sur la colonisation et la guerre d'Algérie a profondément blessé les familles de harkis dont la mémoire a été injustement oubliée. En multipliant ce qu'il considérait comme des gestes d'apaisement vis-à-vis de l'Algérie, le Président de la République a souvent heurté voire ravivé de profonds traumatismes mémoriels.
En dépit de ces gestes, les relations franco-algériennes ne se sont absolument pas améliorées, pire, notre pays a été violemment mis en cause par El Hachemi Djaâboub, ministre du travail, de l'emploi et de la sécurité sociale, qui, le 8 avril, a qualifié la France d'« ennemi traditionnel et éternel ».
Ces propos, lâchés de façon tout à fait inattendue, sont inacceptables. La France ne peut pas rester sans répondre quand elle subit un tel affront diplomatique.
Qualifier la France d'ennemi est lourd de conséquences. Ces propos sont intervenus au moment même où le chef d'état-major des armées françaises, le général Lecointre, était reçu à Alger par le chef d'état-major de l'armée nationale populaire. Sa visite était un préambule à celle du Premier ministre, laquelle aurait été reportée pour des raisons sanitaires, motif qui semble plutôt diplomatique.
Si l'Algérie considère la France comme un ennemi, quel est l'avenir de notre relation diplomatique avec ce pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Un rendez-vous bilatéral extrêmement important était effectivement prévu dimanche dernier à Alger. Le Premier ministre devait y mener une importante délégation ministérielle française pour échanger avec le gouvernement algérien, dans le cadre d'un format très rare, puisqu'il s'agissait de la cinquième édition du comité intergouvernemental de haut niveau. La rencontre a dû être décalée pour des raisons sanitaires.
Dans les conditions actuelles, la rencontre ne pouvait pas avoir lieu avec le format de délégation souhaité. Le ministre Jean-Yves Le Drian a échangé à plusieurs reprises avec les autorités algériennes, de manière à organiser cette rencontre prochainement, dans des conditions sanitaires et politiques satisfaisantes, compatibles avec le format voulu.
Sur le fond, notre volonté de renforcer la relation bilatérale avec l'Algérie demeure intacte. Nous déplorons les propos que vous avez rapportés et que j'ai condamnés dès dimanche. Ils ne reflètent absolument pas la qualité de nos relations bilatérales actuelles, ni la dynamique que nous essayons patiemment de leur donner, soutenus au plus haut niveau par les autorités de nos deux pays. La France, vous le savez, est attachée à sa relation ancienne avec l'Algérie. Avec toutes les difficultés que vous avez rappelées, cette relation est enracinée dans notre histoire partagée, dans les échanges humains, dans les relations économiques et, aujourd'hui, dans un engagement commun en faveur de la stabilité et de la paix. Ce dernier dépasse d'ailleurs le cadre bilatéral et concerne toute la région ; nous en avons besoin au Sahel et en Libye. Vous l'avez également évoqué, nous menons, de manière assumée, un travail mémoriel qui n'avait pas été accompli. Il ne participe ni de la repentance ni du déni, et il est essentiel pour la jeunesse de nos deux pays.
Nous nous inscrivons dans la ligne que le Président de la République a tracée, notamment avec le rapport Stora : ni repentance ni déni. Le Président de la République et le président Tebboune échangent très régulièrement dans ce cadre et sont bien déterminés à faire évoluer dans le bon sens la relation franco-algérienne, si essentielle ; le ministre, Jean-Yves Le Drian, et moi-même œuvrons également dans cette perspective.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
C'est son métier !
…mais, comme vous le savez, la diplomatie n'empêche pas, bien au contraire, la fermeté.
Il semble bien que, cette fois, à l'ouest, il y ait du nouveau, même une révolution. L'ère du tout libéral imposée par le duo Reagan-Thatcher, selon lequel l'État n'est pas la solution mais le problème, pourrait se refermer. En effet, voilà que Joe Biden lance un plan dont le seul premier volet prévoit un investissement de 2 300 milliards de dollars ! Le total pourrait flirter avec un montant représentant 25 % du PIB américain.
Que nous dit Joe Biden ? Tout simplement que seule la puissance publique peut enclencher le redémarrage post-covid et réussir la transformation écologique et sociale qui s'impose. Joe Biden nous dit aussi qu'il n'y a pas d'État fort sans une fiscalité juste et adaptée.
Voilà qu'il augmente l'imposition des entreprises aux États-Unis et propose un impôt minimum sur les bénéfices au niveau mondial.
Après quarante ans de domination et de toute-puissance des firmes transnationales, des fonds souverains et des paradis fiscaux, Joe Biden propose tout simplement que les États, c'est-à-dire les peuples et les citoyens, reprennent la main.
Face à ces mutations, quelle sera votre position, monsieur le Premier ministre ? J'entends parler de réduire la dépense de l'État et la dette. Et voilà que ressortent la réforme des retraites et celle des droits des chômeurs ! Et voilà que le « quoi qu'il en coûte » cède la place au « pognon de dingue » ! La France ratera-t-elle le train de l'histoire ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.
Vous comparez des situations qui sont difficilement comparables. Vous évoquez le taux de fiscalité sur les entreprises, en précisant que le président américain a décidé de l'augmenter. Mais il s'élevait à 15 % alors que le nôtre était à 33,5 %
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Vous évoquez le plan de relance américain, en précisant que son coût pourrait représenter jusqu'à 25 % du PIB. C'est oublier d'abord que les salariés américains n'ont jamais bénéficié du chômage partiel tel que nous l'avons mis en œuvre,…
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM
…ensuite que les dispositifs de protection que nous avons déployés n'existent pas aux États-Unis, enfin que les efforts que nous avons consentis en 2020 en faveur des mesures d'urgence et du plan de relance, ceux que nous consentons en 2021…
M. Éric Coquerel proteste
…et ceux que nous consentirons en 2022 auront un coût pour les finances publiques. On constate une dégradation de 424 milliards d'euros de notre déficit, soit 20 % du PIB. En cela, l'effort est très largement comparable mais avec une différence : notre volonté d'apporter un soutien immédiat aux salariés français, au pouvoir d'achat des ménages et au maintien au plus haut niveau possible du niveau de vie. Je précise que le coût que j'ai cité ne tient pas compte des efforts en matière de protection sociale et de revalorisation de la carrière des soignants, ni de l'investissement dans la santé.
Notre priorité est de déployer rapidement le plan de relance, fort de 100 milliards d'euros. Nous avons déjà engagé une trentaine de milliards d'euros pour faire en sorte d'être efficaces, de relancer l'économie, d'aider les entreprises et les Français à traverser la crise, afin que la France en sorte plus forte et avec une économie renouvelée.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Si l'orthodoxie libérale que vous prêchez avait été respectée, il n'y aurait jamais eu de N ew D eal ni d'application du programme du Conseil national de la Résistance.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Quelle erreur historique ce serait de ne pas redonner toute sa place à un État fort ! Comme le dit Christian Chavagneux, vous nous proposez, au moment où Biden ressuscite Roosevelt, de rêver à la France de Pinay, bref de rester sur le bord du chemin et de regarder les autres cueillir les fruits de la croissance. Nous avons besoin d'un réel plan de relance national et européen !
La troisième vague de l'épidémie est là et nous frappe durement. Il a bien fallu agir afin de protéger les Français et de préserver notre système de santé. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé le 31 mars dernier d'appliquer des mesures de freinage des déplacements et des activités pendant quatre semaines.
Parallèlement, la campagne de vaccination est montée en puissance : plus de 11 millions de personnes ont reçu leur première dose de vaccin et les personnes de plus de 55 ans peuvent se faire vacciner depuis hier. Seule la vaccination nous permettra de venir à bout de la pandémie.
Parmi toutes les mesures visant à freiner le virus, l'une des plus difficiles à prendre, avec celle de fermer les écoles, fut la fermeture des commerces, seuls ceux dits de première nécessité restant ouverts. Si je me réjouis du maintien de l'activité, dans le respect des règles sanitaires, des librairies, cordonneries, salons de coiffures et fleuristes, je tiens à réaffirmer que tous les commerces jouent un rôle important. Les commerçants sont le cœur battant de nos centres-villes. Ils leur donnent vie. Ils souffrent de la fermeture, qui leur semble injuste, et souhaitent retravailler et retrouver leurs clients le plus vite possible.
Depuis le début de la crise sanitaire, l'engagement du Gouvernement à leurs côtés a été total. Il s'est traduit par un accompagnement économique reposant notamment sur le fonds de solidarité, les prêts garantis par l'État et la prise en charge de l'activité partielle. Vous avez su écouter les remontées de terrain des parlementaires pour appliquer ces dispositifs.
Aujourd'hui, des commerçants nous interrogent dans nos circonscriptions, car ils se retrouvent avec des stocks de marchandises invendues. Je pense bien entendu à l'univers de la mode et aux boutiques de vêtements, qui vendent des articles dont le renouvellement est rapide car saisonnier.
Vous avez annoncé le 31 mars un dispositif d'aide inédit pour les stocks invendus. Pouvez-vous nous le détailler ? Quelles en sont les modalités et combien de commerces estimez-vous concernés ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Depuis le mois de mars 2020, des dispositifs extrêmement puissants ont été mis en place pour accompagner les entreprises : fonds de solidarité, prêts garantis par l'État, exonérations de cotisations sociales, activité partielle.
Nous avons malheureusement dû, à cause de la situation sanitaire, fermer certains commerces. Si tous sont extrêmement importants, le choix a été fait de fermer ceux qui ne vendent pas de produits de première nécessité. Parmi eux, il est vrai que les secteurs de l'habillement, de la chaussure, de la maroquinerie et des vêtements de sport connaissent des difficultés de stocks malgré le rallongement de la période des soldes.
Nous avons donc décidé de déployer un dispositif inédit pour accompagner ces entreprises. Pour celles qui comptent moins de 50 salariés, parce que nous avons souhaité un dispositif rapide et efficace, nous allons verser 80 % du fonds de solidarité du mois de novembre, sans démarche à effectuer, de façon à ce qu'elles bénéficient d'un apport rapide de trésorerie. Les entreprises de plus de 50 salariés bénéficieront de la prise en charge des coûts fixes : 35 000 entreprises seront concernées par ce dispositif, pour un montant de 200 millions d'euros.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Des centaines de milliers d'hectares de cultures ont été touchées par le gel. S'il est encore trop tôt pour chiffrer les dégâts avec certitude, les viticulteurs et les arboriculteurs pourraient avoir subi des pertes représentant jusqu'à 80 % de leur récolte. Les catastrophes agricoles – gel, sécheresses, inondations – se répètent désormais quasiment tous les ans à cause du dérèglement climatique.
Dans le cas présent, la végétation est en avance, le débourbage a encore gagné quinze jours, mais la période de gel est normale. C'est bien le réchauffement climatique qui rend les cultures plus vulnérables. Ce n'est pas le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique, aux faibles ambitions, qui y changera quoi que ce soit. Vous ne vous attaquez pas à l'origine du problème, vous proposez simplement un pansement sur une jambe de bois.
Concernant les aléas climatiques, vous annoncez tous les ans à grand renfort de communication, et vous le faites encore aujourd'hui, des enveloppes exceptionnelles pour les agriculteurs. Il serait par ailleurs envisagé de financer, via la PAC, les assurances privées des agriculteurs, pour faire face à de tels événements climatiques.
Il est inacceptable que les montants importants de la PAC alimentent des entreprises d'assurances privées
Applaudissements sur les bancs du groupe FI
au lieu de soutenir directement les paysans et d'engager une politique agricole résiliente au service des consommateurs et des paysans. Vous valideriez alors un transfert d'argent public vers le secteur privé des assurances, plutôt que d'organiser la solidarité nationale et la transition écologique de notre modèle agricole.
Pourquoi ne pas mettre en place un fonds mutuel et solidaire, alimenté par exemple par les interprofessions et les fournisseurs d'agroéquipements ou d'intrants ? Le monde paysan vous demande une solution pérenne et non d'être livré en pâture à l'assurance privée.
Enfin, les consommateurs sont les grands oubliés de vos annonces. Vous savez que les prix vont augmenter, donc que proposez-vous pour eux ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, qui vient d'être relâché par le Sénat.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon absence : j'étais au Sénat, retenu à la demande du groupe Les Républicains. J'aurais été ravi que M. Aubert puisse entendre ma réponse mais il n'est manifestement pas là, et je doute qu'il soit au Sénat.
Applaudissements et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Madame Bénédicte Taurine, votre question est double. Elle vise à apporter un soutien exceptionnel à nos agriculteurs, qui ont probablement vécu la pire catastrophe agronomique du début du XXI
Vous nous demandez également d'élaborer une vision d'avenir de la situation. Nous devons engager deux actions. En premier lieu, il faut investir dans du matériel de prévention et de protection : le plan de relance prévoit d'y consacrer 100 millions d'euros. Dans certains endroits, l'utilisation de tous les dispositifs de protection – tours antigel, bougies, aspersion – n'a pas suffi à résister à un événement climatique aussi violent.
Se pose une seconde question, celle du financement de la protection de nos agriculteurs, avec l'assurance récolte. Nous sommes à front renversé car je pense qu'il faut aller au-delà de ce que vous avez indiqué et instaurer une cotisation assise sur la solidarité nationale et pas uniquement sur le monde paysan : j'aurai l'occasion de revenir sur cette proposition.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé la mobilisation vaccinale s'est fortement accélérée selon les chiffres publiés ces derniers jours, le seuil symbolique de dix millions de Français vaccinés ayant même été franchi. Le combat contre le virus se poursuit. Ces chiffres sont atteints grâce au concours important des collectivités locales, des professionnels de santé, des sapeurs-pompiers, de la protection civile et des volontaires tels que les étudiants.
Ils sont les premiers acteurs de la vaccination. Le Gouvernement a prévu d'actionner le fonds d'intervention régional – FIR – par l'intermédiaire des agences régionales de santé – ARS –, afin d'assurer un soutien financier aux municipalités. Dès la mi-mars, 60 millions d'euros ont été délégués aux ARS pour financer les dépenses urgentes des 1 700 centres ouverts dans le territoire national.
Je peux témoigner de la réalité du partenariat entre l'État et les collectivités : dans ma circonscription, il se déploie dans les centres d'Enghien-les-Bains ou de Sannois, et, à l'échelle du Val-d'Oise, dans celui de Cergy, tenu par le service départemental d'incendie et de secours.
Je souhaite, au nom de l'ensemble des membres du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, remercier une nouvelle fois l'ensemble des personnels et les volontaires, qui, par leur engagement, rendent de tels résultats possibles. Ils nous rappellent que le mot solidarité prend tout son sens en France.
Toutefois, monsieur le ministre, pouvez-vous préciser les lignes budgétaires de soutien aux collectivités, en particulier les plus petites d'entre elles, ayant engagé des frais pour la mise en place des centres de vaccination, ainsi que le montant des indemnités prévues pour soutenir financièrement les organisations des méga-centres de vaccination ? Par ailleurs, quelle gratification sera accordée au personnel, qui ne compte ni son temps ni son énergie pour participer à l'effort national ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LaREM.
Je vous remercie pour votre question. Vous avez raison, la campagne vaccinale a pris une très grande ampleur ces dernières semaines : avec plus de 2,1 millions de vaccinations réalisées en une semaine, nous vaccinons 300 000 personnes par jour,…
…soit l'équivalent d'un département français.
Un tel rythme de vaccination ne pourrait pas être atteint sans la mobilisation de tous : les agents de l'État et des collectivités, les élus locaux, les services des agences régionales de santé, les préfectures, les soignants hospitaliers de ville, les retraités et les étudiants. À la fin de la semaine dernière, nous avions atteint le fameux rythme anglais de vaccination, et même, proportionnellement à la population, le rythme américain. Plus on a de doses, plus vite on vaccine, et c'est tant mieux.
Pour le financement des centres, 60 millions d'euros du FIR ont effectivement été débloqués tout de suite pour couvrir les premières dépenses d'urgence des centres. Un cahier des charges a ensuite été élaboré, en concertation avec les collectivités locales et les centres, pour s'assurer de la gestion – même si tel était évidemment le cas – la plus rigoureuse des deniers publics et pour pouvoir fixer un forfait moyen de financement par centre, certains d'entre eux ayant gratifié la location de leur salle quand d'autres ne l'ont pas fait.
Toutes les dépenses de vaccination – les vaccins, le matériel, les soignants – relèvent de l'assurance maladie ; l'État et les collectivités peuvent participer au financement des postes administratifs – l'appel téléphonique, le standard, la sécurité, etc. Je remercie les collectivités pour ce partenariat très solide. Je me suis engagé devant elles à ce que les financements publics de l'État perdurent tout au long de la campagne de vaccination, ce qui est un enjeu pour l'État, pour les collectivités et finalement pour tous les Français.
J'associe l'ensemble des collègues du groupe Libertés et territoires, en particulier Sylvia Pinel, députée du Tarn-et-Garonne, et Benoit Simian, député du Médoc, à ma question. Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, pendant les nuits du 5 au 8 avril dernier, une vague de froid sans précédent s'est abattue sur une très grande partie du territoire. Plusieurs centaines de milliers d'hectares de champs, de vignes et de vergers ont été frappées par un brutal épisode de gel, débouchant sur ce que vous avez qualifié de « pire catastrophe agronomique du début du XXI
Nous saluons les mesures exceptionnelles de soutien que vous avez annoncées aux agriculteurs. À l'heure où chacun recense les dégâts et à la veille d'un nouvel épisode de gel, certains redoutent d'être écartés du bénéfice de ces mesures d'aide. Pouvez-vous nous assurer que les aides seront versées à tous les agriculteurs, notamment aux petits exploitants ne pouvant souscrire à un régime assurantiel, dont les exploitations ont été touchées, partout dans le territoire national ?
Il faut éviter de revivre les expériences douloureuses du passé où beaucoup de petits exploitants n'ont pas réussi à percevoir ces aides. Avec le dérèglement climatique, ces drames sont de plus en plus fréquents. Nous ne pouvons plus nous contenter de mesures exceptionnelles et devons malheureusement prévoir des dispositifs structurels.
Monsieur le ministre, au vu de cette catastrophe, pourquoi le Gouvernement ne profiterait-il pas de l'examen du projet de loi de lutte contre le dérèglement climatique pour réformer le régime d'assurance et de gestion des risques agricoles ?
Mme Sylvia Pinel applaudit.
Des expérimentations menées avec succès en Champagne, telles que l'instauration d'une réserve individuelle, seront-elles généralisées ? Enfin, que prévoyez-vous pour permettre aux viticulteurs de se former pour mieux lutter contre le gel et d'investir dans du matériel adapté, eux qui, dès ce soir, risquent de devoir utiliser des bougies pour sauver leurs récoltes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Oui, nous devons absolument apporter une telle aide à l'ensemble des agriculteurs, tout simplement parce que nous la leur devons. Il faut avoir en tête que les agriculteurs, qui nourrissent le peuple de France, se sont battus pendant trois nuits contre le gel, parfois avec les moyens du bord, parfois avec des dispositifs dans lesquels ils avaient investi, mais la nature a malheureusement été la plus forte. Hélas, cet épisode va se répéter à partir de ce soir, avec une nouvelle lutte acharnée contre le gel. Donc oui, nous la leur devons.
En outre, comme le ministre Olivier Dussopt l'a évoqué, les dispositifs de gestion de crise – les calamités agricoles, la gestion des cotisations sociales salariales – sont importants, mais ils ne sont pas gérés à la hauteur de l'événement exceptionnel que nous avons vécu. C'est précisément pour cette raison que le Premier ministre nous a demandé de mettre en place un fonds exceptionnel, venant aider celles et ceux qui, en l'espace de deux à trois nuits, ont parfois perdu tout le revenu de l'année en cours ou de l'année prochaine. Nous nous engageons bien sûr à accompagner toutes celles et tous ceux qui nous nourrissent et qui, sur des centaines de milliers d'hectares, ont parfois tout perdu en l'espace de quelques heures.
Enfin, il nous faut, au-delà de cette mesure d'urgence et en complément de ma réponse à la députée Bénédicte Taurine, aller beaucoup plus loin dans le dispositif d'assurance récolte, qui repose actuellement sur le monde agricole. Or le monde agricole n'a que peu d'impact et d'influence sur le climat des cinq dernières années, si bien que leur assurance devient beaucoup trop chère : il faut donc repenser le dispositif dans le cadre de la solidarité nationale.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, LT et Agir ens.
Calamité agricole
Lorsque l'on évoque l'identité française, on parle de la France des cathédrales, mais l'on oublie souvent qu'à côté des cathédrales, des collégiales et des chapelles se trouvait la vigne. Celle-ci poussait à côté de la collégiale de Clermont-l'Hérault. Notre identité de Français s'est forgée, entre le XII
C'est pour cela aussi que le vin français occupe dans le monde une place prépondérante : 16 % du vin produit dans le monde vient de France. Ce sont presque 9 milliards d'euros qui rentrent ainsi dans les caisses françaises.
La semaine dernière ont eu lieu des gelées importantes ; elles ont touché toute l'agriculture. Élu d'une circonscription particulièrement viticole de l'Hérault, je peux vous dire que les viticulteurs sont laminés : par endroits, ils ont perdu entre 80 % et 100 % de leur récolte. Dans le Minervois, on s'estime chanceux de n'en avoir perdu que la moitié. Beaucoup n'auront plus aucun revenu en janvier 2022 : les caves coopératives ne pourront plus donner d'acompte, puisqu'il n'y aura pas eu de récolte.
Comment allons-nous soutenir ces agriculteurs et ces viticulteurs tout au long de l'année à venir ? Les mesures que vous allez prendre, monsieur le ministre, sont importantes, c'est vrai. Mais il me semble que nous devons agir comme nous l'avons fait pour le covid-19, en mettant en place un fonds de solidarité pour les viticulteurs qui ont perdu tout revenu.
Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens et LT.
La situation que vous avez décrite est incroyablement difficile. Tous les contacts que nous avons avec la profession et les acteurs de terrain font état de pertes allant de 90 % à 100 %. En 2022, tous leurs revenus disparaîtront. Et ce que vous avez dit de la viticulture vaut pour l'arboriculture, qui fait elle aussi partie de notre identité. Je pense par exemple aux abricots de la Drôme et de l'Ardèche : le Premier ministre et moi-même étions, le week-end dernier, aux côtés des arboriculteurs qui les produisent et qui se trouvent eux aussi en détresse. Voilà pourquoi nous allons mettre en place ce fonds exceptionnel que j'évoquais.
Nous serons à la hauteur du défi, à court et à moyen terme. Nous serons aux côtés des agriculteurs, des arboriculteurs et des viticulteurs. Le Premier ministre entend d'ailleurs se rendre dans votre département de l'Hérault et m'a chargé d'organiser ce déplacement. Nous nous y rendrons dans les prochains jours pour témoigner de notre solidarité vis-à-vis des viticulteurs de tout notre pays et en particulier de votre département.
Nous devons avancer avec beaucoup de force. Dans l'Hérault, pas plus de 15 % des viticulteurs étaient assurés. Quant aux dispositifs d'indemnisation des calamités agricoles, ils n'y sont pas éligibles. Que faire ? À l'évidence, il n'est pas question d'accepter une année blanche de revenus. La solidarité nationale avec ceux qui nous nourrissent doit s'exprimer. Nous avons pris cet engagement et nous le tiendrons.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem. – M. Jacques Cattin applaudit également.
Tout au long de l'année 2020 et en ce début d'année 2021, M. Erdogan a démontré sa capacité de nuisance par des provocations à répétition à l'égard de la France et de l'Union européenne. Rappelons ses offensives militaires en Libye, en Syrie et dans le Caucase. Rappelons ses intimidations en Méditerranée orientale, notamment la manœuvre contre la frégate Courbet. Rappelons qu'Ankara a décidé de se retirer de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, dite Convention d'Istanbul. Rappelons qu'un procureur turc a réclamé quatre ans de prison contre des collaborateurs de Charlie Hebdo. Rappelons que l'association turque Millî Görüs, qui a refusé de signer la charte des principes pour l'Islam de France, construit à Strasbourg la plus grande mosquée du pays.
Face à ces affronts, on ne peut que s'interroger sur la faiblesse et l'inefficacité des réactions de notre pays, dont Ankara profite.
Je pourrais d'ailleurs étendre ma question au Qatar, dont l'influence s'étend, non sans conséquences : rappelons qu'au Sahel, où notre armée est déployée depuis 2013 et où sont morts cinquante-cinq de nos soldats, plusieurs sources ont indiqué que l'organisation Qatar Charity financerait des groupes terroristes tel que le MUJAO, mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest.
Quelle est la véritable position du Gouvernement français vis-à-vis de ces pays, dont les influences sur l'Islam de France et l'implication dans le terrorisme international mettent en danger notre stabilité, nos valeurs et nos intérêts ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
La question que vous posez sur la position française à l'égard de la Turquie est importante, et je serai clair : notre position est celle de la fermeté, et nous avons progressivement fait bouger l'Europe pour qu'elle nous rejoigne. C'est le Président de la République qui a dénoncé, au début de l'année 2020, les pressions exercées par la Turquie à la frontière grecque, qui est aussi celle de l'Europe. Il a également pris l'initiative l'été dernier d'organiser avec trois de nos partenaires européens, un exercice naval en Méditerranée orientale, afin de démontrer notre présence et notre fermeté.
Des négociations européennes, vous le savez, se sont engagées ; le consensus n'était pas, à l'automne, en faveur de la fermeté, mais nous avons amené les Européens vers une ligne d'unité, de lucidité et de fermeté à l'égard de la Turquie. Le Conseil européen de décembre 2020 a placé Ankara devant une alternative claire ; il revient à la Turquie de nous envoyer des signaux d'apaisement et de désescalade – et vous avez cité des théâtres sur lesquels son influence se manifeste, la Méditerranée orientale, la Libye, la Syrie, le Caucase – ou de conserver cette posture agressive. Nous ne cherchons pas l'escalade, mais nous défendons nos intérêts. L'Europe sera prête à répondre, et nous avons préparé des mesures dont des sanctions activables au besoin.
Depuis cette réunion du Conseil européen, depuis ces pressions, nous avons vu des signaux positifs : retrait de bateaux des eaux territoriales grecques et chypriotes, reprise des pourparlers avec Athènes pour la première fois depuis cinq ans et discussions, dans quelques jours, sur Chypre. Enregistrons-les, tout en notant aussi ce qui s'est dégradé, car il faut être lucide : vous avez cité le retrait de la Turquie de la Convention d'Istanbul, que nous avons condamné ; il faut également mentionner les pressions exercées sur un parti d'opposition. Ces comportements vont évidemment dans la mauvaise direction.
Voilà pourquoi nous maintenons la pression : à ce titre, le Président de la République a demandé une évaluation de la situation lors du Conseil européen du mois de juin prochain.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures quinze.
L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement relative à l'organisation des prochaines élections départementales et régionales, suivie d'un débat et d'un vote, en application de l'article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. le Premier ministre.
Le 1er avril dernier, nous étions réunis pour débattre de la situation sanitaire de notre pays et des mesures de lutte contre l'épidémie que le Président de la République avait présentées la veille à nos concitoyens. Ces mesures sont entrées en vigueur partout dans le territoire depuis une dizaine de jours. Elles viennent en complément, vous le savez, de celles qui s'appliquaient déjà depuis plusieurs mois et visent à enrayer cette troisième vague qui a frappé et qui frappe fortement notre pays comme beaucoup d'autres depuis plusieurs semaines.
C'est dans ce contexte très particulier que j'ai évoqué, devant votre assemblée, la question du calendrier des prochaines élections départementales et régionales, fixées les 13 et 20 juin prochains et des questions soulevées par le Conseil scientifique dans le rapport qu'il nous avait remis quelques jours auparavant sur les conditions de leur organisation sur le fondement de l'article 3 de la loi du 22 février 2021. Je vous ai proposé, à cette occasion, une orientation, une méthode et un rendez-vous.
L'orientation, vous la connaissez. Vous m'avez entendu l'exprimer à plusieurs reprises, notamment ici même le 1er avril dernier. Elle est constante et, si vous me le permettez, très simple.
Le principe, l'a priori, c'est celui du maintien, car l'élection est un moment majeur de la démocratie…
…et que, de surcroît, les élections dont nous parlons ont déjà été reportées.
L'exception, c'est que seules des considérations sanitaires peuvent nous conduire à déroger au principe ou à en aménager des conditions de mise en œuvre.
Il n'est jamais anodin, ni politiquement ni juridiquement, de décaler les dates d'un scrutin démocratique, même si l'expérience des élections municipales de 2020 nous rappelle que certaines circonstances sanitaires particulières peuvent malheureusement nous y contraindre.
Nous entendions privilégier cette orientation de maintien des dates du scrutin, que j'avais qualifiée devant vous d'hypothèse de base, sans pour autant dissimuler les difficultés que son application concrète pouvait soulever. Celles-ci résultent évidemment des contraintes que la situation sanitaire fera peser au cours des prochains mois sur notre vie collective. Elles tiennent plus précisément aux recommandations très précises que le Conseil scientifique a formulées, qu'il s'agisse des conditions de déroulement de la campagne comme des opérations de vote et, au-delà de la théorie, à notre capacité pratique à les mettre en application dans toutes les communes de France. Elles tiennent enfin au fait que ces élections sont composées de deux scrutins organisés le même jour, ce qui requiert de constituer deux fois plus de bureaux de vote et de mobiliser deux fois plus de présidents et d'assesseurs.
Ces difficultés sont réelles, nous le savons. Nous ne devons ni les nier, ni les sous-estimer. La question était de savoir si leur niveau rendait impossible la tenue des scrutins. Ai-je besoin de rappeler que, postérieurement à l'avis du Conseil scientifique, nous avons été conduits à renforcer pour une période de quatre semaines à compter du 4 avril les mesures dites de freinage qui ne sont pas sans effet sur le sujet qui nous réunit aujourd'hui ?
Après l'orientation, la méthode. C'est évidemment celle de la consultation la plus large possible. J'ai ainsi saisi les présidents des assemblées, les présidentes et présidents des groupes parlementaires, les responsables des partis politiques représentés au Parlement et les présidents des associations d'élus locaux.
J'ai reçu en réponse trente-neuf contributions dont je remercie les auteurs. Une assez large majorité de ces celles-ci – vingt-cinq pour être précis –…
…a exprimé une opinion favorable au maintien des dates prévues, onze n'ont pas pris position, tandis que trois ont indiqué être favorables au report.
La plupart de ces contributions en sont restées à une position de principe, d'autres ont souligné les difficultés susceptibles de se poser, quelques-unes enfin ont avancé des propositions permettant d'y remédier.
L'importance du sujet et le caractère engageant des conditions fixées par le Conseil scientifique m'ont également convaincu de la nécessité de procéder à une consultation directe des maires des communes de France.
Cette initiative a semblé en surprendre certains.
Ce que je trouve surprenant, c'est que l'on puisse s'étonner d'une consultation des maires sur une question d'organisation qui pèsera avant tout sur eux.
Je remercie publiquement ces derniers d'avoir parfaitement compris l'importance de l'enjeu puisque 69 % d'entre eux ont répondu ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM
et ce dans des délais très courts mais pas précipités.
Vous le savez, les maires, comme les députés, sont disponibles 24 heures sur 24, et je veux à nouveau saluer la mobilisation de tous les instants de ces soldats de la République.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Surtout, la décision du Gouvernement comme l'éclairage du Parlement vont se trouver considérablement enrichis par le nombre et la pluralité des réponses,…
Heureusement, car ce n'est pas sur le Gouvernement qu'on peut compter pour ces décisions !
…des préconisations et des interrogations de celles et de ceux dont la responsabilité est d'assurer l'organisation matérielle des opérations de vote.
Il ne s'agit pas de transférer à quiconque la responsabilité de l'État. Les élus municipaux, vous le savez, interviennent dans ce processus comme agents de l'État. Je le sais d'autant plus que je l'ai fait moi-même pendant des années. Mais l'État ne serait pas loyal à l'endroit des maires si nous ne les associions pas à une décision qui aura un impact très fort sur eux le moment venu, et si nous ne les accompagnions pas au plus près dans l'organisation de ces scrutins.
Contrairement à ce que j'ai pu entendre ici ou là, cette consultation n'était dirigée contre personne
Protestations sur les bancs du groupe LR
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem
…pour lesquelles j'ai le plus grand respect. Elle est, au contraire, venue compléter utilement leurs réponses ,
Mêmes mouvements
…
…conférer une dimension très concrète et très opérationnelle aux questions de principe qui ont été soulevées à bon droit.
Ce qui est formidable, c'est que vous avez une majorité assez naïve pour le croire !
Que nous disent les maires, mesdames et messieurs les députés ? 56 % d'entre eux se sont prononcés en faveur du maintien des dates des scrutins, 40 % pour leur report et 4 % ont refusé de prendre position.
Ce résultat montre à lui seul que le sujet est complexe.
Les attentes et les craintes sont fortes : elles méritent une attention approfondie et nous avons intérêt à tenir le plus grand compte des suggestions et propositions que les maires ont formulées à l'occasion de cette consultation. Voilà pour la méthode.
J'en viens enfin au rendez-vous que je vous avais proposé et qui nous réunit aujourd'hui sous la forme de ce débat, au titre de l'article 50-1 de la Constitution et du vote qui le conclura.
C'est un grand discours politique auquel nous assistons ! Nous avons décidé de prendre six mois pour faire la synthèse !
Je vous le dis très simplement, ce débat ne mérite ni caricature injustifiée ni simplification excessive.
Il en va de ce sujet comme de tout ce qui touche de près ou de loin à la gestion de la crise sanitaire. Il n'est donc pas digne de considérer que ceux qui ont osé émettre un avis favorable au report seraient des antidémocrates mûs par quelques calculs politiciens ou préoccupations électoralistes.
Protestations sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Non, le sujet dont nous débattons cet après-midi mérite des concertations approfondies…
De vendredi 17 heures à lundi 12 heures, quand les mairies sont fermées !
…et suppose que soient bien soupesés le pour et le contre et que soient anticipées, autant qu'il est possible de le faire, les conséquences de la situation dans laquelle nous nous trouvons, avec son lot d'incertitudes qui caractérisent la crise sanitaire que nous traversons depuis plus d'un an.
Certains nous disent : « Circulez, il n'y a rien à voir ! Tout est clair et tranché », mais si, il y a à voir ! Le fait que 40 % des maires de la République aient, en leur âme et conscience, recommandé le report des élections nous oblige et nous interpelle.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous devons collectivement tout mettre en œuvre pour que les difficultés pressenties soient surmontées et que les conditions requises pour l'exercice d'une campagne électorale, certes adaptée mais la plus accomplie possible, et l'organisation des votes dans un cadre sanitaire le plus sécurisé possible soient remplies.
Notre objectif est commun et partagé : tout faire pour que le taux de participation soit le plus élevé possible et que les électeurs, les candidats et les organisateurs des opérations de vote puissent s'exprimer et agir dans le cadre le plus incitatif et le plus sécurisé possible. Voilà l'enjeu, voilà les termes du débat !
À l'issue des consultations et après l'avis du Conseil scientifique, je prends acte d'une forte orientation en faveur du maintien des élections en juin, ce qui rejoint la position de principe du Gouvernement ,
Exclamations sur les bancs du groupe LR
malgré les contraintes et les difficultés liées à l'application des mesures de protection qui s'imposent. Nous devons toutefois veiller à aménager les conditions des scrutins pour mieux concilier les différents impératifs. Comment ? Je distinguerai les conditions de déroulement de la campagne et celles d'organisation des opérations de vote.
La campagne électorale devra nécessairement être adaptée. Comme le rappelle le Conseil scientifique, c'est elle qui peut donner lieu à une multiplication des contacts physiques, donc à un accroissement des risques sanitaires. La campagne sera donc différente – toutes les forces politiques consultées en conviennent. L'usage des outils dématérialisés sera donc encouragé au maximum. Le ministère de l'intérieur instaurera, comme lors des dernières élections municipales, un site internet permettant aux électeurs de consulter l'ensemble des professions de foi des candidats aux deux élections.
Un débat télévisé, qui sera aussi diffusé à la radio, sera organisé entre les candidats aux élections régionales avant chacun des deux tours.
Le Conseil scientifique recommande, dans son avis, l'interdiction des meetings physiques et des réunions publiques à l'intérieur comme à l'extérieur. Pour la période de restrictions sanitaires que nous connaissons actuellement, une telle règle me paraît justifiée. Je souhaite toutefois qu'elle puisse être réévaluée dès que l'amélioration de la situation sanitaire nous permettra d'envisager la reprise progressive de certaines activités et l'ouverture de certains lieux recevant du public.
Nous présenterons dans les prochaines semaines nos scénarios de levée des mesures de restriction en cours. Il me semble raisonnable d'espérer que les candidats aient davantage de libertés d'ici au premier tour des élections.
Dès aujourd'hui, la liberté de déplacement des candidats et de leurs équipes de campagne constitue une difficulté au regard des règles encadrant les déplacements au-delà de 10 kilomètres du domicile.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Les règles seront précisées sans délai afin d'autoriser les déplacements des candidats dans le ressort de leur circonscription électorale, ainsi que des militants qui les accompagnent, sur présentation d'une attestation du candidat ou, à défaut, de son mandataire financier. Pour prendre en compte l'allongement de la campagne, nous augmenterons, comme pour les élections municipales de juin 2020, la durée des prêts accordés par les personnes physiques. D'autres questions très concrètes – distribution des tracts dans les boîtes aux lettres, collage des affiches, porte-à-porte – appellent des réponses précises sur les conditions d'encadrement strict de ces pratiques. Le ministre de l'intérieur publiera une circulaire d'ici à la fin de la semaine.
S'agissant du déroulement du scrutin lui-même, nous appliquerons toutes les dispositions permettant d'assurer la sécurité sanitaire des personnes concourant aux opérations de vote ainsi que de tous les électeurs. Comme pour le second tour des élections municipales de juin dernier, un protocole sanitaire sera instauré pour garantir le respect des gestes barrières et la sécurité sanitaire dans les bureaux de vote. Le recours au vote par procuration sera à nouveau facilité.
La loi du 22 février 2021 offre à chaque électeur la possibilité de disposer de deux procurations.
Le dispositif maprocuration.gouv.fr, créé par le décret du 11 mars dernier, permet, vous le savez, d'établir une procuration de façon presque entièrement dématérialisée.
Le Conseil scientifique recommande par ailleurs la vaccination ou, à défaut, le dépistage de l'ensemble des membres des bureaux de vote. De nombreux maires nous ont fait savoir que cette préconisation pouvait être difficile à mettre en œuvre, notamment dans les communes de petite taille dans lesquelles, bien souvent, les membres des bureaux de vote ne sont identifiés que quelques jours, voire quelques heures, avant le début du scrutin.
Rappelons d'abord qu'à la mi-juin, 30 millions de Français, soit une large partie de nos concitoyens, auront pu bénéficier d'au moins une première injection.
Certes, tous n'auront pas eu leur rappel et tous n'auront pas forcément été vaccinés depuis dix jours – délai indiqué pour que le vaccin soit protecteur – mais plus de la moitié des personnes âgées de plus de 18 ans seront protégées. Pour ceux qui n'auraient pas encore pu bénéficier de la vaccination, le Gouvernement créera un dispositif particulier : trois semaines avant le premier tour, les communes seront invitées à faire connaître la liste des membres des bureaux de vote et des fonctionnaires mobilisés le jour du scrutin qui ne seraient pas encore vaccinés afin qu'une vaccination puisse leur être proposée.
Le Conseil scientifique considère par ailleurs qu'à défaut de vaccin, les membres des bureaux de vote devront réaliser un test – PCR ou antigénique – dans les 48 heures précédant le scrutin. Il pourra s'agir aussi d'un autotest réalisé juste avant l'ouverture des bureaux de vote. L'État dotera les communes de lots d'autotests leur permettant de tester le jour du scrutin tous les participants aux opérations de vote qui n'auraient pas bénéficié d'autre solution.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Afin de limiter les concentrations et les flux d'électeurs, les préfets seront invités, comme de nombreuses forces politiques l'ont proposé, à étendre les horaires d'ouverture des bureaux de vote de 8 heures à 20 heures dans toutes les communes où, après échange avec les maires, cette mesure semblerait pertinente.
Dans les nombreuses communes dans lesquelles les bureaux de vote pour chaque scrutin sont installés au sein d'une même salle, des mesures seront prises pour préciser la mutualisation des équipements et de certaines fonctions des membres des bureaux de vote. Afin de limiter le nombre de personnes mobilisées par les opérations de dépouillement, celles-ci pourront se dérouler simultanément mais dans deux salles distinctes ou dans une salle suffisamment grande pour garantir de bonnes conditions de sécurité sanitaire. Les dépouillements pourront ainsi avoir lieu l'un après l'autre dans une même salle et avec les mêmes personnes. Nous autoriserons d'ailleurs les membres du bureau de vote et les assesseurs à participer au dépouillement si cela s'avérait nécessaire. De même, nous examinerons la possibilité d'effectuer les opérations à l'extérieur sous certaines conditions, par exemple dans la cour de l'école.
Nombre des préoccupations exprimées émanaient de maires de communes de taille modeste, ce que nous comprenons parfaitement. C'est la raison pour laquelle les préfets et les sous-préfets seront chargés de les accompagner dans la préparation et l'organisation des scrutins. Cet accompagnement débutera très prochainement.
Les mesures d'allégement des modalités d'organisation du scrutin qui relèvent de dispositions législatives parmi celles que je viens de vous exposer – et toutes autres à prévoir – seront intégrées à un projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire qui sera présenté dans les toutes prochaines semaines par le Gouvernement. Vous aurez donc l'occasion d'en débattre et de vous prononcer.
Vous l'avez compris, je suis convaincu que nous saurons organiser ces élections dans des conditions maîtrisées sur le plan sanitaire, conformes aux exigences démocratiques et favorables, je l'espère vivement, à une bonne participation de nos concitoyens. Il faudra pour cela être en mesure de répondre à de nombreuses conditions, dont j'ai énoncé les principales, adopter de nouvelles dispositions juridiques – certaines relevant du domaine de la loi –, déployer de nouveaux moyens d'information, accompagner les mairies dans l'organisation matérielle du scrutin, enfin, et c'est évidemment le plus important, compter sur le bon avancement de la campagne de vaccination.
Les semaines qui nous séparent du scrutin ne seront pas de trop et nous allons décaler d'une semaine supplémentaire les dates des élections.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Un décret en Conseil des ministres interviendra dès la semaine prochaine pour fixer les élections aux 20 et 27 juin au lieu des 13 et 20 juin. Certes, ce n'est qu'une semaine mais une semaine supplémentaire représente au moins 2 millions de personnes vaccinées…
…et du temps de préparation en plus. Tout compte.
Voilà donc le cadre général que je soumets à votre approbation. Sa déclinaison opérationnelle suppose des actes juridiques et matériels nombreux et importants. Leur adoption dans des délais rapprochés est un défi.
À cet effet, je vous propose de constituer un comité de suivi permanent,…
…présidé par Jean-Denis Combrexelle, ancien président de la section du contentieux du Conseil d'État, et animé par M. le ministre de l'intérieur, associant les représentants des partis politiques présents au Parlement et les associations d'élus. Celui-ci sera chargé d'examiner toutes les questions juridiques et d'organisation de la campagne et des scrutins.
Par ailleurs, un préfet sera désigné
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR
pour piloter les sujets logistiques, afin de soutenir les maires dans l'organisation du scrutin dès lors que ceux-ci solliciteraient son intervention, y compris en matière de dépistage et de vaccination.
Le ministre de l'intérieur, dont je veux saluer la forte implication à mes côtés, sera bien entendu chargé, au nom du Gouvernement, de mettre en œuvre l'ensemble des orientations que je viens de vous exposer.
Rendre possible la tenue des élections, en assurer le bon déroulement, garantir la sécurité sanitaire de toutes celles et tous ceux qui y participeront et favoriser la participation la plus large possible de nos concitoyens relèvent d'une même exigence démocratique. L'abstention, traditionnellement plus élevée lors des scrutins de cette nature, a des causes multiples, mais il est de notre devoir de tout faire pour la réduire malgré les circonstances particulières du moment. Nous lancerons donc une grande campagne de sensibilisation au vote ainsi qu'une campagne d'information sur les compétences des conseils régionaux et départementaux.
Vous l'avez compris, le Gouvernement entend, sur ce sujet comme sur tous les autres, prendre et assumer ses responsabilités.
Chacune et chacun doit faire de même, dans la transparence et le débat. Tel est le sens des orientations et des décisions que je vous ai présentées. Tel est l'objet du débat qui nous réunit aujourd'hui. Telle sera la portée du vote que je vous invite à exprimer sur ces propositions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, doutiez-vous à ce point de vous, de votre politique, de votre stratégie vaccinale et des mesures de reconfinement annoncées le 1er avril, prises quelques jours plus tard et aujourd'hui en vigueur en vue de combattre, de juguler, de faire reculer la propagation du virus et de nous permettre, à l'échéance la plus brève possible, de retrouver une vie qui soit la plus normale possible, doutiez-vous à ce point de vous pour envisager le report des élections départementales et régionales ?
Doutiez-vous à ce point de vous qu'il a fallu, dans les conditions baroques que nous connaissons, consulter l'ensemble des maires de France, au-delà d'ailleurs de l'avis donné à plusieurs reprises par leurs associations représentatives ? Doutiez-vous de vous ou était-ce une ultime manœuvre qui devait servir le dessein à peine caché du Président de la République de ne pas avoir d'élections intermédiaires avant la présidentielle ?
…et la réponse de bon sens des élus locaux ne fut pas celle qu'attendait l'exécutif. Au fond, monsieur le Premier ministre, les maires vous ont renvoyé à votre responsabilité politique. Ils vous ont dit que c'était à vous de leur dire, en conformité d'ailleurs avec l'avis rendu par le Conseil scientifique, dans quelles circonstances, avec quelles dispositions de protection de nos concitoyens et d'organisation du scrutin, et dans quelle mesure ils devaient organiser ces élections aux dates prévues. D'ailleurs, quand les maires organisent des élections, ils le font sous l'autorité de l'État.
Ici même, le 1er avril, vous nous avez annoncé que les écoles primaires rouvriraient le 26 avril et que l'objectif des mesures en vigueur aujourd'hui était de permettre de rouvrir, certes progressivement et avec des protocoles renforcés, les lieux de culture à partir de la mi-mai et peut-être les restaurants, leurs terrasses à tout le moins, et les cafés, bref, de retrouver une vie un peu plus normale avec un virus plus maîtrisé. Comment justifier tout cela et affirmer dans le même temps que les élections départementales et régionales ne pourraient avoir lieu qu'en juin, c'est-à-dire presque un mois plus tard ?
Toutes les grandes démocraties ont tenu des élections depuis l'émergence de la pandémie de la covid-19.
Nombreuses sont celles qui, en Europe, ont organisé des élections locales et des élections nationales. Les États-Unis ont organisé en novembre dernier, au plus fort de la pandémie et pas seulement grâce au vote par correspondance, leur élection suprême, qui a connu une participation jamais atteinte dans le pays, ce qui veut bien dire que, lorsque les électeurs ont conscience de l'importance du scrutin, ils sont capables, nonobstant les conditions sanitaires et les difficultés d'organisation, de participer à la consultation électorale. Il n'y a pas de raison que les États-Unis, le Portugal, l'Allemagne et d'autres pays organisent des élections et que la France ne le puisse pas.
En réalité, monsieur le Premier ministre, il s'agit d'une question de principe : nous ne pouvons pas transiger avec le principe démocratique. Vous ne pouvez pas expliquer à nos concitoyens, depuis plus d'un an, qu'ils doivent continuer à travailler, en adaptant certes leurs conditions de travail, et à prendre les transports en commun, vous ne pouvez pas laisser les écoliers, jusqu'à une date récente, fréquenter leur école, vous ne pouvez pas demander aux gens d'adapter leur vie sociale aux contraintes sanitaires et leur offrir des perspectives de reprise de la vie sociale – que chacun d'entre nous souhaite la plus rapide possible – pour leur dire finalement que les élections locales pourraient subir des reports successifs.
Il n'y a pas de report !
Après avoir inventé les commerces non essentiels, on nous servirait maintenant la démocratie locale non essentielle ? Ce n'est pas acceptable au plan des principes.
Le seul débat qui vaille porte sur la façon de garantir la bonne organisation des élections aux dates prévues par la dernière loi et rien d'autre ! C'est bien ce qui nous occupe aujourd'hui. Vous vous êtes rendu à l'avis majoritaire des élus locaux…
…et des présidents de partis et de groupes parlementaires : vous vous êtes rangé à l'avis du bon sens qui s'est finalement exprimé dans notre pays, et c'est heureux.
Le débat porte sur la bonne organisation, en tout cas la meilleure possible, d'une campagne électorale qui garantisse une égalité entre tous les candidats. J'ai entendu certaines propositions et mesures que vous avez prises dans ce domaine, notamment pour permettre aux candidats et à leurs soutiens de circuler librement par dérogation aux restrictions actuelles. En effet, la campagne électorale est déjà en cours – non pas la campagne officielle, mais celle dans laquelle celles et ceux qui seront demain candidats aux élections régionales ou départementales continuent, ou du moins s'efforcent de le faire, de rencontrer leurs concitoyens et de faire valoir leurs propositions, leurs projets et leurs idées dans la perspective du scrutin de juin.
Nous avions fait des propositions, dans le cadre du projet de loi qui reportait les élections départementales et régionales et en fixait la date en juin, sur les règles de communication politique, plus strictes en période électorale notamment à proximité des dates du scrutin.
Je renouvelle notre proposition de faciliter, compte tenu de l'importance des réseaux sociaux notamment pour la campagne électorale, la promotion des candidatures sur ces réseaux, dans le même esprit de l'autorisation de la tenue de débats entre les candidats aux élections régionales entre les deux tours du scrutin. Il s'agit que les candidates et les candidats puissent faire valoir leurs propositions et leurs projets auprès de nos concitoyens par les voies dématérialisées, donc par les réseaux sociaux qui sont des vecteurs importants de communication y compris politique.
Pour ce qui est de l'organisation même du scrutin, j'ai entendu dire que, pour les communes les plus petites, il était difficile d'envisager la vaccination des personnes participant au fonctionnement du bureau de vote, qu'il s'agisse des assesseurs ou des membres du bureau, parce qu'on ne les connaîtrait pas assez tôt ; en revanche, il faudrait que, dans toutes les communes où ces personnes sont déjà identifiées, elles soient considérées comme un public prioritaire pour la vaccination, parallèlement à l'accélération de celle-ci qui devrait permettre à 38 millions de nos concitoyens d'être vaccinés en juin prochain.
Plus nous offrirons de garanties et de sécurité à nos concitoyens, plus nous pourrons espérer que ces élections se déroulent dans de bonnes conditions et avec une participation élevée. Nous disons oui à l'organisation des élections en juin prochain, oui à l'expression du suffrage et oui au respect de la démocratie.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Hier, monsieur le Premier ministre, lorsque je rédigeais mon discours, je vous adressais un satisfecit : tout peut arriver ! Pour une fois, nous allions avoir un débat au Parlement avant que les décisions ne soient prises. Mauvaise pioche ! Une heure plus tard, nous apprenions malheureusement par les médias vos décisions. Une fois de plus, le Parlement est bafoué, ce que je regrette. En apparence, on peut se dire que tout est bien qui finit bien, mais vous avez encore suivi une méthode de concertation défaillante. Nous aurions pu travailler avec les élus locaux pour éviter la cacophonie de ces derniers jours…
…si les calculs politiciens n'avaient pas interféré dans le processus de décision.
Vous avez finalement été contraint de revenir à la raison et de prendre la décision qui s'imposait, la moins mauvaise de toutes : maintenir les scrutins régionaux et départementaux en juin et respecter ainsi la démocratie. Comment renoncer à tenir des élections en juin alors que le Président de la République a annoncé que le processus de réouverture du pays débuterait en mai ? Je n'ose croire que ceux qui mettent en doute la capacité de notre pays à organiser des élections aient douté de la parole du Président.
J'aurais souhaité débuter mon intervention loin des manœuvres parisiennes et félicité les maires récemment élus : Mme Yamina Riou, dont la liste l'a emporté ce dimanche à Erdre-en-Anjou, ou Mme Sylvie Barrieu-Vignal, à Saint-Laurent-des-Arbres, élue avec un taux de participation qui culmine à 71,77 %, contre 60,74 % en mars 2020.
J'aurais aimé féliciter les électrices et électeurs de Puyravault, en Vendée, qui ont également voté avant-hier, comme ceux de Saint-Julien-du-Pinet et de Saint-Arcons-de-Barges, en Haute-Loire : malgré l'épidémie, la vie démocratique continue. Ailleurs elle a cependant été suspendue, comme à Montfarville dans la Manche ou à Pinet dans l'Hérault, où les élections municipales partielles ont été reportées, tout comme l'ont été deux élections législatives partielles, à Paris et dans le Nord.
Alors que tout le pays est confiné de la même façon, qui peut comprendre ces différences de traitement ? Pourquoi peut-on voter dans certains endroits et pas dans d'autres ? Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, sur quelles bases sont fondées ces décisions ?
Nous l'avons pourtant répété : la transparence est la condition du retour à la confiance. La crise sanitaire a démontré l'importance majeure des collectivités locales, ainsi que celle des femmes et des hommes qui les font vivre – je pense aux agents et aux élus de terrain, qui ont été précieux pour pallier les défaillances d'un État central ultra-bureaucratisé. Je veux rendre un hommage appuyé à celles et ceux qui se dévouent aux côtés de nos compatriotes pour affronter la crise et inventer des solutions innovantes. Ils illustrent ce que pourrait être une démocratie plus vivante, plus à l'écoute, donc plus efficace.
Monsieur le Premier ministre, le 1er avril, dans cet hémicycle, vous nous avez exposé une stratégie décidée à l'Élysée et déjà annoncée. C'était pour exprimer notre rejet de ces méthodes que tous les groupes d'opposition à l'Assemblée et au Sénat avaient présenté un front uni et refusé de se livrer à cette mascarade. À quoi servait-il de débattre si tout était décidé ?
La tenue des élections et le débat d'aujourd'hui nous ont fait espérer que vous aviez enfin compris et changé de stratégie, mais il ne s'agissait que d'une apparence. Vous aviez annoncé une consultation et vous nous aviez adressé un courrier nous demandant notre position sur le maintien des scrutins : nous vous avions répondu en nous appuyant sur l'avis du Conseil scientifique.
Hélas, il est à croire que les réponses qui vous ont été faites par les associations d'élus, les partis et les groupes parlementaires ne vous ont pas satisfait, puisque vous avez pris en catastrophe la décision de consulter directement les maires au sujet de leur capacité à organiser le scrutin,…
…consultation lancée le vendredi soir pour une réponse le lundi midi ! Dans l'urgence,…
Et alors ?
…les maires étaient sommés par leur préfet de répondre par « oui » ou par « non » à une question comportant évidemment un biais,…
…sommés de se prononcer sur l'avis du Conseil scientifique, un avis « balancé », comme vous l'aviez vous-même reconnu à cette tribune, monsieur le Premier ministre. Au final, en matière de concertation, vous ne progressez pas beaucoup.
Quelles sont les raisons profondes d'une telle manœuvre ? Susciter la défiance ? Saper la confiance ? Remettre en cause un scrutin où les listes soutenues par la majorité pourraient enregistrer un revers sévère ? Une fois de plus, vous ignorez les corps intermédiaires, les associations d'élus, dont c'est pourtant le rôle – elles vous l'ont d'ailleurs vertement rappelé. Vous espériez sans doute qu'une majorité de maires se prononce contre la tenue de ces élections : cela vous aurait bien arrangé.
J'ai un peu d'expérience en politique et, comme d'autres, j'ai assisté ces derniers jours aux nombreux ballons d'essai lancés par les ténors de la majorité. Quoi qu'il en soit, votre initiative de dernière minute n'a pas fracturé le front uni des territoires…
…et vous vous êtes donc résigné : tant mieux, monsieur le Premier ministre ! Il aurait pourtant été pertinent de prendre le temps de consulter réellement les maires, non pour leur extorquer un « oui » ou un « non » dans la précipitation, mais pour leur demander comment renforcer la sécurité sanitaire des opérations de vote, par exemple. Il aurait été utile de confronter les recommandations du Conseil scientifique à la connaissance de terrain des élus s'agissant de leur application. Seulement, vous avez fait un autre choix, un choix qui donne le sentiment que vous vous défaussez de votre responsabilité. Cette méthode renforce encore nos craintes sur la capacité de l'exécutif à tirer les leçons du passé pour améliorer la gestion de la crise.
Monsieur le Premier ministre, vous venez de trancher la question de la tenue du scrutin : vous concédez une semaine de délai supplémentaire, la démocratie n'en sera pas affectée. Cela étant posé, il nous faut désormais œuvrer collectivement à la réussite de ces élections : je pense non seulement aux opérations de vote, mais aussi à la campagne qui les précédera.
Nous avons fait part de préconisations, je n'en évoquerai que quelques-unes : tout d'abord améliorer la concertation par la création d'un comité de liaison réunissant le Gouvernement, les associations d'élus, les groupes parlementaires et les partis politiques – vous avez d'ailleurs retenu cette proposition, et je vous en remercie. Sur le terrain, les candidats nous demandent avec insistance ce qui sera souhaité ou interdit. Or, pour le moment, rien n'est clair en la matière : pourtant, les candidats doivent savoir quelles actions ils pourront mener dans le cadre de la campagne et dans le respect des règles sanitaires. Un guide destiné aux candidats et adapté au contexte sanitaire, prévu à notre initiative, vient d'être publié : il doit être diffusé et il doit être clair.
S'adapter au virus, c'est aussi réfléchir à de nouvelles modalités de campagne. Nous préconisons donc le renforcement de la campagne électorale sur le service public audiovisuel – France 3 Régions et France Bleu, par exemple par la diffusion de clips de campagne des candidats aux élections régionales et départementales. Une autre proposition consiste à multiplier les débats thématiques sur ces canaux : les candidats pourraient y confronter leurs programmes, et les compétences des départements et régions seraient mieux connues. Dans une période où l'engagement doit être encouragé, trouvons les moyens d'offrir une meilleure protection aux candidats et aux militants qui feront vivre la campagne électorale.
S'agissant des opérations de vote, des améliorations ont déjà été apportées par la loi portant report, de mars à juin 2021, des scrutins, mais d'autres sont possibles : élargissement des horaires d'ouverture des bureaux de vote – le Conseil scientifique le préconisait, et il s'agit effectivement de l'une de vos propositions –, ou création de plages horaires dédiées aux personnes vulnérables isolées, comme ce fut notamment le cas pour les élections au parlement de Catalogne. Nous proposons également l'appel à une réserve citoyenne pour la tenue des bureaux de vote par des personnes vaccinées. Enfin, envisageons une réflexion de long terme sur de nouvelles modalités de participation au scrutin, notamment par correspondance. Bref : anticipons. Nous versons ces propositions au débat, les autres groupes et les associations d'élus en feront autant.
Ce sont des solutions dont nous aurons à débattre ensemble. Or, depuis des semaines, les échanges ne portent que sur le calendrier : que de temps perdu inutilement ! Le 25 août dernier, le Président de la République, à la sortie du conseil de défense sanitaire, déclarait que nous devions apprendre à vivre avec le virus, appelant à « des règles sanitaires claires ». Je n'oublie pas que notre régime démocratique figure au rang des victimes de la crise. Prorogation de l'état d'urgence sanitaire, fonctionnement altéré de nos institutions, abaissement de notre Parlement : nous tirons chaque semaine la sonnette d'alarme ! Monsieur le Premier ministre, à travers vous, c'est à nouveau au Président de la République que je m'adresse, avec gravité : notre démocratie est en danger. Il faut respecter le Parlement, il faut respecter les corps intermédiaires, il faut associer nos concitoyens aux décisions qui les concernent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
C'est la deuxième fois, en moins de quinze jours, que l'ordre du jour de notre assemblée est percuté par votre décision de recourir à l'article 50-1 de la Constitution, c'est-à-dire par une déclaration de votre part, qui donne lieu à un débat, sans qu'il soit fondé sur aucun texte ou que nous puissions verser à nos échanges la moindre proposition qui pourrait ensuite être discutée. Votre déclaration est suivie d'un vote, qui s'apparente à un vote de confiance, à ceci près – cerise sur le gâteau – qu'il n'engage pas votre responsabilité.
Entre les cascades d'amendements jugés irrecevables, comme c'est le cas en ce moment s'agissant du projet de loi « climat »,…
…le recours accru aux ordonnances pour gouverner et ces débats sans effet, le Parlement est, à l'ère d'une V
En effet, cela fait plus d'un an que nous vivons en présence de l'épidémie de covid, un an que, prenant toutes nos responsabilités, nous travaillons, vous livrant des kilos de propositions pour faire face utilement à la crise. Mais aucune ne retient jamais votre attention. Pour le groupe La France insoumise, ce fut, dès le mois d'avril 2020, un rapport de 150 pages issu des auditions d'une commission d'enquête autoconstituée pendant la période de confinement, une quinzaine de propositions de loi, parmi lesquelles une visant à créer un pôle public du médicament et une visant à instaurer la gratuité des masques pendant l'épidémie de covid-19, ces masques passés de prétendument faussement protecteurs à indispensables.
Nous avons également proposé des mesures d'urgence à destination des étudiants, un guide de protection des salariés, un plan complet de déconfinement. Nous avons demandé la levée des brevets pour faire du vaccin un bien commun de l'humanité, mais vous l'avez refusée lors du Conseil général de l'OMC en mars. Au mois de novembre, nous vous avions même soumis un plan d'alternatives au confinement pour lutter contre l'épidémie sans avoir recours à un reconfinement, qui proposait d'organiser la société par roulements, en renforçant les protocoles sanitaires partout, afin que la vie reprenne mais que la circulation du virus reste limitée.
À toutes ces propositions, appréciez, monsieur le Premier ministre, la réponse de votre ministre déléguée chargée de la citoyenneté, Mme Schiappa : « Un jour peut-être, on fera aussi l'inventaire des non-propositions de l'opposition. » Le covid circule, mais vous ne manquez pas de souffle, madame la ministre déléguée ! Un an que les Français sont patients, disciplinés, indulgents face à vos échecs, vos erreurs et vos mensonges, et tout cela pour s'entendre dire, le 25 mars dernier, par celui qui se prend tour à tour pour le roi qui manque à la France, le chef de guerre isolé dans son conseil de défense ou le Président devenu épidémiologiste, qu'il n'a pas à faire de mea culpa, qu'il n'a aucun remords et qu'il n'y a eu aucun échec : il visait là la décision qu'il a prise seul, le 29 janvier, de ne pas suivre l'avis du Conseil scientifique, qui recommandait de reconfiner le pays et de fermer les écoles pour quatre semaines.
« Nous pouvons encore nous donner une chance de l'éviter », déclariez-vous à la sortie du conseil de défense. La veille, dans le cadre d'un énième comité théodule appelé comité de liaison parlementaire, et qui ne vise qu'à contourner le Parlement, vous aviez présenté aux parlementaires des projections qui se sont révélées trafiquées.
Non seulement le groupe La France insoumise s'honore de ne pas participer à ce comité, mais il constate qu'un vent d'insoumission souffle également sur nos collègues des autres groupes qui, de bonne foi, trouvaient ce nouveau cadre intéressant.
Au Sénat, le président du groupe socialiste, Patrick Kanner, a déclaré que les parlementaires y étaient considérés comme des faire-valoir, traités comme les paillassons de la doxa élyséenne. Dans notre assemblée, le président du groupe Les Républicains, Damien Abad, a lui déclaré qu'il attendait de ce comité de liaison des données précises et objectives pour coconstruire des décisions éclairées, mais que le Gouvernement cachait son jeu. Plus direct encore, le président du groupe communiste, André Chassaigne, a lui déploré que le seul objectif du comité de liaison soit l'affichage, la communication.
En outre, rappelons qu'en sabotant les commissions d'enquête sur la crise du covid, qui fonctionnaient depuis six mois, vous avez retiré aux parlementaires tout cadre législatif permettant d'auditionner des experts et de se forger une opinion. Et tout cela pour constater, après que vous avez demandé aux Français de tenir encore quatre à six semaines, au début du mois de mars, que, comme les épidémiologistes l'avaient prévu, la situation sanitaire s'étant dégradée, il fallait reconfiner. Nous avons gagné de « précieux jours de liberté », s'est réjoui le Président, supposant que métro-boulot-dodo, c'est effectivement la liberté…
En réalité, nous avons juste perdu un temps précieux. À l'heure d'une campagne de vaccination qui patine, et alors que certains de nos voisins reprennent le cours d'une vie presque normale, nous payons cher cette perte de temps. On ne le rappellera jamais assez : si vous n'êtes pas responsable du virus lui-même, au bout de la chaîne de vos décisions hasardeuses se trouvent tout de même l'hôpital et les personnels de santé, épuisés, et bientôt 100 000 familles endeuillées, faisant de la France l'un des pays les plus touchés au monde avec le Royaume-Uni, l'Italie, les États-Unis et le Brésil –…
…dont on espère, d'ailleurs, que vous surveillez correctement le variant, qui se révèle bien plus contagieux encore que le variant anglais dont nous subissons les effets.
L'épidémie, conjuguée à vos choix politiques, a donc de lourdes conséquences sociales, économiques et, désormais, démocratiques. Il y a quelques jours, vous avez décidé par décret d'annuler les élections législatives partielles qui étaient prévues. Quand auront-elles lieu ? On ne le sait pas. Aujourd'hui, à seulement deux semaines du début du délai de dépôt des candidatures, vous sollicitez notre avis quant à la tenue des élections régionales et départementales, déjà repoussées aux 13 et 20 juin, et que vous souhaitez désormais reporter aux 20 et 27 juin. Mais pourquoi, au juste, ce nouveau report ? Que se passera-t-il pendant la semaine du 13 au 20 juin qu'il faille absolument attendre ? On ne le sait pas non plus.
Nous vous avertissons, monsieur le Premier ministre : on ne joue pas aux apprentis sorciers avec la démocratie.
En octobre dernier déjà, vous avez missionné l'ancien président du Conseil constitutionnel, M. Jean-Louis Debré, pour recueillir nos avis. Nous les lui avons donnés, mais qu'en avez-vous fait ? Auditionné au Sénat quelques mois plus tard, le même Jean-Louis Debré, déclarait que ceux qui étaient à l'origine de cette réflexion avaient un souhait, qu'il avait deviné : reporter les élections départementales et régionales à beaucoup plus tard, après l'élection présidentielle. Si tel était effectivement votre souhait, vous avez fait chou blanc, malgré vos tentatives de dernière minute, comme la consultation des maires pour venir à votre rescousse. Ils ont d'ailleurs peu apprécié l'exercice,…
…qui consistait à leur adresser le vendredi un courrier les invitant à se prononcer sur le maintien du scrutin au vu de l'avis du Conseil scientifique, reçu le samedi, et à apporter leur réponse le lundi, avant onze heures. Mais 56 % d'entre eux se sont prononcés en faveur du maintien des élections à la date prévue.
Même si ce débat et le vote qui s'ensuivra ne vous engagent à rien, nous allons répéter ce que nous vous avons déjà dit. Nous considérons qu'une élection n'est pas un acte administratif : elle ne peut se tenir si elle n'est pas précédée d'une campagne populaire permettant de défendre des idées, dans des conditions démocratiques. Sans quoi, c'est la prime absolue au sortant, à qui distribue le plus de masques, à qui écrit le plus de courriers aux habitants de sa région, et ainsi de suite.
Il s'agit, une nouvelle fois, de faire ce que vous n'avez jamais voulu ni su faire : planifier les élections régionales et départementales pour en garantir les conditions démocratiques, tout en réduisant au maximum tout risque sanitaire.
Voici donc des dispositions qui, cumulées, nous semblent participer de cet objectif. Nous demandons que, dans chaque région, trois débats soient organisés entre toutes les têtes de liste et retransmises par le service public de l'audiovisuel. De même, dans chaque canton, ces débats devraient être annoncés par des clips télévisés et sur les panneaux municipaux. Nous demandons l'envoi d'une deuxième profession de foi, à la charge de l'État, ainsi que la possibilité d'organiser des rassemblements en plein air dans le respect des règles de distanciation sanitaires et des gestes barrières. Comment l'empêcher, monsieur le Premier ministre, alors que toute la communication du Gouvernement consiste à dire qu'au mois de mai, nous pourrons rouvrir un certain nombre de lieux fermés ?
Nous demandons une campagne publique d'appel au vote qui mette en avant les mesures sanitaires appliquées dans les bureaux de vote ; l'installation des panneaux électoraux un mois avant le premier tour ; la possibilité de circuler sans restriction pour les candidats et leurs équipes. Afin de limiter les risques le jour du scrutin, nous demandons que les membres des bureaux de vote aient été vaccinés et qu'ils soient testés soixante-douze heures avant l'élection ; nous réclamons l'installation dans chaque bureau de vote de purificateurs d'air et la mise à disposition gratuite, à l'entrée, de masques FFP2. C'est aussi l'occasion de vous prouver l'efficacité de nos propositions d'organisation par roulement : une plage horaire privilégiée serait attribuée aux personnes vulnérables et les électeurs dont le nom commence par une lettre entre A et M inclus devraient se présenter avant midi, l'après-midi étant réservé à la seconde partie de l'alphabet.
Une nouvelle fois, nous avons apporté des explications et des suggestions claires. Cependant, dans la mesure où vous n'avez pas hésité à truquer les courbes des projections épidémiologiques destinées aux parlementaires, nous n'avons absolument aucune raison de vous faire confiance. Nous refusons d'être instrumentalisés : nous ne participerons donc pas à ce vote.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Excusez-moi un instant, monsieur le président, j'ai un problème de masque. Ces masques chinois ne tiennent pas la route…
C'est une production communiste !
Je suis pour le made in France, monsieur le ministre de l'intérieur !
Monsieur le premier Ministre, si je devais résumer votre exercice solitaire du pouvoir – votre incapacité à prendre soin des gens, à réarmer l'hôpital, à amortir par des mesures concrètes les conséquences sociales et psychosociales d'une crise qui n'en finit pas de bousculer, chaque jour un peu plus, la dignité de la jeunesse, des familles les plus modestes, de nos aînés –, ce serait par la formule : « Loin des yeux, loin du cœur. » Loin des yeux, loin du cœur parce que la réalité du pays vous échappe. Loin des yeux, loin du cœur, parce que l'intelligence du terrain vous agace, notamment celle des maires, ces piliers de la République de proximité. Loin des yeux, loin du cœur, quand on sait que les ordonnances auront été plus nombreuses sous ce quinquennat que durant la guerre d'Algérie. Pour vous, la démocratie, le débat, les propositions émises par l'opposition, ne sont apparemment que du temps perdu. Loin des yeux, loin du cœur, puisque, une fois de plus, le Parlement est maltraité, mis au courant de ce débat la veille pour le lendemain, et que c'est en direct que nous découvrons les propositions du Premier ministre. Quant à la circulaire que les services du ministère de l'intérieur ont déjà dû rédiger, si les choses sont faites correctement, nous n'en avons même pas connaissance.
L'avant-dernier exemple en date de ce manque de démocratie, c'est le simulacre de consultation des maires qui a eu lieu ce week-end, concernant le report des élections régionales et départementales : les préfets exigeaient vendredi à dix-neuf heures trente d'avoir une réponse lundi à midi. Quel manque de respect !
Les maires ne sont pas comme le Président de la République : avant de prendre une décision, ils apprécient de pouvoir consulter leur conseil municipal. Soit dit en passant, ceux de Seine-Maritime auraient bien voulu être informés avec la même efficacité lors de l'incendie de l'usine Lubrizol de Rouen ! Alors que de nouvelles mesures de confinement sanctionnent l'absence de stratégie des plus hautes autorités de l'État, désormais spécialistes de tout et par conséquent de pas grand-chose, les territoires de vie n'ont toujours aucune visibilité, aucune lisibilité, s'agissant de savoir si les doses promises seront livrées et si, en vue de la guerre vaccinale, la communauté médico-hospitalière pourra se trouver au rendez-vous.
Chez moi, à Dieppe, nous venons d'ouvrir un vaccinodrome : à l'heure où je vous parle, je ne sais pas si nous disposerons la semaine prochaine d'autant de doses que cette semaine. Chez moi, en Normandie, comme partout en France, alors que les écoles, les collèges, les universités ont été mis en sommeil, la première semaine de cours à distance ressemblait à un bac blanc non préparé, comme si nous n'avions rien appris des précédents confinements. Dans le même temps, les inspecteurs d'académie continuent de sortir leur règle à calcul et d'annoncer des fermetures de classes et des réductions de dotations horaires globales.
Chez moi, en Normandie, comme partout en France, on se demande pourquoi vous ne profitez pas de cette pause pour vacciner les enseignants, les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), les agents des lycées et des collèges, en un mot les adultes du secteur. Décidément, la subtilité de vos raisonnements m'échappe : auriez-vous décidé de le faire à la veille des grandes vacances ?
Chez moi, en Normandie, comme partout en France, les hôpitaux restent dans l'attente de moyens structurels, notamment en réanimation : profiterez-vous de la rentrée pour, en lien avec les régions, former de nouvelles recrues dans les instituts de formation d'aides-soignants (IFAS) et les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) ? Chez moi, en Normandie, comme partout en France, où ni les savoir-faire ouvriers, ni l'intelligence collective ne font défaut, on se dit qu'il serait temps de recouvrer notre souveraineté industrielle pour fabriquer des vaccins, et ne pas se contenter seulement d'assurer leur conditionnement. On se dit qu'avec vous, les jours heureux ont des airs de lendemains qui pleurent.
Avec ces réflexions en tête, le débat démocratique d'aujourd'hui, sur la tenue des élections régionales et départementales, prend un relief particulier. Cette question électorale relève de votre responsabilité, que vous n'engagez pas, car le vote du Parlement demeure purement formel. Personne n'ignore que votre décision est prise. Dans ces conditions, doit-on ajouter foi aux engagements que vous avez pris devant nous, à la promesse que nous pourrions de nouveau respirer en mai ? Le Parlement ne peut qu'exiger de vous des garanties, des mesures concrètes, pour que le rendez-vous électoral soit tenu, avec toutes les précautions sanitaires qui s'imposent, afin de ne pas amoindrir, de ne pas affaiblir la démocratie avec un grand D.
Chez moi, en Normandie, comme partout en France, on se dit que vous auriez pu commencer par faire confiance aux maires pour organiser le déroulement des élections : on aimerait bien avoir un cap, une vision qui rassure. En fait, monsieur le Premier ministre, je crains que vous ne soyez pas en mesure de nous annoncer autre chose que : « Demain, s'il ne pleut pas, peut-être fera-t-il beau. »
Sourires sur divers bancs.
Au moment où je m'exprime, voilà les seules garanties que vous avez pu fournir au Parlement !
Vous avez, je l'espère, pris connaissance des courriers que vous ont adressés les oppositions au sujet du déroulement du scrutin. Vous avez en tête, j'imagine, les conditions dans lesquelles se sont déroulées les dernières élections organisées dans plus de cinquante-cinq pays, dont treize en Europe, avec un taux de participation parfois satisfaisant – et, dans le cas contraire, imputer sa faiblesse à la seule crise sanitaire serait une erreur. Retenez de notre opinion que les élections départementales ne servent pas à élire les cantonniers, en dépit de la plaisanterie de Coluche sur leur ancien nom d'élections cantonales, et que les élections régionales n'ont pas pour but d'élire des technocrates qui élaborent des schémas incompréhensibles.
Ces élections doivent être l'occasion de discuter des services publics de proximité, des moyens d'améliorer la mobilité de nos concitoyens, de redonner sens au made in France et de reconquérir des pans de notre souveraineté industrielle ou alimentaire. Elles sont l'occasion de débattre, projet contre projet, de démontrer l'utilité des collectivités territoriales, leur capacité à répondre aux besoins des habitants. Un tel rendez-vous démocratique ne peut être galvaudé : nous refusons, monsieur le Premier ministre, qu'il y ait des degrés dans la citoyenneté.
Participer à des élections ou à des opérations électorales, dans une démocratie, suppose deux conditions : être majeur et être inscrit sur les listes électorales. La création d'un passeport vaccinal municipal en vue de ce scrutin ne serait donc pas de nature à permettre l'exercice d'une citoyenneté pleine et entière.
De même, il ne vous aura pas échappé que, nous autres, nous ne sommes pas des députés qui ont candidaté sur internet ; nous ne sommes pas des députés Zoom, nous ne nous satisferons pas de mener des campagnes virtuelles sur Facebook ou sur Twitter. Faire campagne, convaincre, c'est aller à la rencontre des habitants, se rendre sur les marchés, de manière responsable : masqués, mais pas muselés.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Faire campagne, c'est organiser des réunions en plein air, susciter l'intérêt pour la République. Je le répète : nous ne serons jamais des candidats Zoom ! Les élections départementales et régionales réclament des candidats qui incarnent un projet, qui soient l'émanation d'un territoire, non de nulle part.
Vous devez donc répondre concrètement à nos demandes, afin d'assurer l'égalité des dispositifs, en permettant notamment aux médias publics d'ouvrir des espaces de confrontation des idées. Je n'ai pas employé le pluriel par hasard : pour que le débat démocratique ait lieu, il ne suffit pas d'une émission programmée le vendredi à minuit sur France 3 ! Il faut permettre l'accès au matériel officiel par toutes les voies possibles, il faut permettre aux candidats et aux militants de circuler. Vous avez apporté un début de réponse sur ce point, mais j'aimerais savoir quand et comment nous retrouverons cette liberté consubstantielle à la démocratie. Les distributeurs de tracts, les colleurs d'affiches, les citoyens, enfin, ne peuvent travailler dans la clandestinité !
Votre responsabilité exige désormais que l'État fasse le nécessaire pour que le scrutin ait lieu dans de bonnes conditions. Il est bien beau de consulter les maires, au dernier moment d'ailleurs, mais quels moyens concrets leur donnerez-vous en vue d'assurer la protection de nos concitoyens ? Vous l'aurez compris, monsieur le Premier ministre, la question n'est pas tant de savoir si les élections seront reportées de quelques jours – somme toute, cela ne mange pas de pain – que de savoir si, quoi qu'il vous en coûte électoralement,…
…vous allez créer les conditions nécessaires permettant au peuple de s'exprimer et à la démocratie de vivre. En période de crise, cela peut même s'avérer utile pour lutter contre elle.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe FI.
Portugal, Espagne, Allemagne, Pays-Bas ou Bulgarie : treize de nos voisins européens ont organisé ou s'apprêtent à organiser des élections au cours de cette année, partout marquée par la terrible pandémie que nous connaissons. Vous l'avez souligné, monsieur le Premier ministre : la France ne fera pas figure d'exception.
Les élections intermédiaires, régionales et départementales, s'y tiendront au mois de juin, comme prévu depuis que le Parlement, sur la proposition du Gouvernement, l'a inscrit dans la loi. Je veux le dire au nom du groupe La République en marche, au nom de la formation politique que je dirige : nous soutenons cette décision et nous voterons en faveur de la position que vous avez exposée aujourd'hui au Parlement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Aujourd'hui, bien sûr, nos concitoyens n'ont pas la tête aux élections. Notre pays tout entier est mobilisé pour sauver des vies : je souhaite saluer ici la mémoire de nos concitoyens qui n'ont pas survécu à ce virus et exprimer à leur famille, à leurs proches, notre infinie tristesse. Cependant, la question démocratique, en l'occurrence l'élection des représentants du peuple dans des collectivités au rôle essentiel, n'est jamais secondaire. L'attention que vous lui avez prêtée, monsieur le Premier ministre, la méthode qui a été la vôtre, la constance de votre approche, montrent que vous ne l'avez pas traitée comme telle, loin de là. Concertation démocratique, transparence, recherche du consensus : voilà les principes qui ont guidé votre démarche, celle du Gouvernement, et qui donnent toute sa solidité à votre position, dont j'espère sincèrement qu'elle recueillera un large soutien dans cet hémicycle.
Ce nouveau débat fondé sur l'article 50-1 de la Constitution prouve encore une fois cette volonté de concertation et de transparence du Gouvernement. Je m'étonne que des voix s'élèvent parfois ici pour réclamer de tels débats, puis les passent à répéter que ce n'était pas le débat qu'il fallait, avant de refuser de se faire entendre lors du vote qui les conclut. Ce n'est pas cela que j'appelle la responsabilité. La responsabilité consiste à voter, à faire part de son opinion, à formuler des propositions ou des contre-propositions, ce dont notre débat démocratique manque quelquefois cruellement.
S'agissant du maintien ou du report des élections, les diverses positions sont également respectables, les arguments employés également recevables. Au sein même de la majorité, des positions diverses ont été exprimées, toujours dans le sens de l'intérêt général et toujours par conviction. Ceux qui criaient à je ne sais quel grand complot de la part de notre majorité, laquelle aurait eu je ne sais quelle arrière-pensée, en sont aujourd'hui pour leurs frais.
Je tiens d'ailleurs à souligner qu'en tant que représentant du mouvement présidentiel, j'ai exprimé de façon constante une position qui n'a pas varié en faveur du maintien des scrutins en juin : c'est celle que j'avais donnée à Jean-Louis Debré lorsqu'il avait consulté l'ensemble des chefs de partis, et c'est toujours la mienne aujourd'hui.
Enfin quelqu'un qui cite Jean-Louis Debré, c'est bien ! Le Premier ministre ne l'a pas fait, lui.
La constance est aussi ce qui caractérise votre position et votre méthode, monsieur le Premier ministre. Votre position d'abord : depuis le début, vous avez indiqué que le scénario privilégié est celui du maintien des scrutins en juin, sous l'impératif évident de la sécurité sanitaire.
Cette présomption de maintien est aujourd'hui confirmée : tant mieux. Votre méthode, ensuite : celle de la concertation des forces politiques, qui ont eu l'occasion d'exprimer par écrit et de façon consensuelle leur souhait du maintien des élections en juin. J'ai noté ces derniers jours que les positions ont été exprimées de façon très nette, le président du Sénat ayant même indiqué qu'il irait jusqu'à saisir le Conseil constitutionnel si les élections n'étaient pas maintenues en juin. Dont acte : cela nous évitera certainement les revirements plus fréquents constatés au moment des élections municipales.
Vous avez eu raison également de consulter les associations représentant les élus, ainsi que les maires, directement. Ce sont eux, en effet, qui auront la charge de l'organisation des élections.
Le fait que 70 % des maires de France aient répondu à cette consultation est bien la marque que l'on ne perd jamais à consulter.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
C'est d'ailleurs la marque de ce gouvernement, singulièrement de l'actuel Premier ministre, de s'appuyer sur l'écoute et la concertation avec l'ensemble des territoires et des élus, sans jamais considérer qu'il y en aurait de grands et de petits, mais en reconnaissant au contraire que chacune de leurs voix est importante. J'ai entendu critiquer le fait que la consultation n'ait pas été menée par les associations représentant les maires – alors qu'elle a permis de remonter non seulement leurs avis mais aussi bon nombre de propositions utiles pour l'organisation du scrutin, au-delà de toute polémique. Il est tout de même paradoxal de critiquer le Gouvernement un jour parce qu'il ne consulterait pas assez, et le lendemain parce qu'il consulterait trop. De quoi avait-on peur en consultant les maires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
En tout cas, le Gouvernement n'a pas eu peur de la consultation – tant mieux ! – et il peut désormais appuyer sa position sur l'avis des maires, majoritaire bien que partagé, en faveur du maintien du scrutin en juin. Cette position conforte celle que La République en marche a défendue de façon constante par la voix de son délégué général et par celle de son président de groupe, Christophe Castaner.
En juin, à l'heure où le pays devrait prudemment retrouver une part de sa liberté et de ses activités, la prise en considération des enjeux et des expressions démocratiques constituera un signal pour nos concitoyens. Je crois sincèrement que, dans ce futur contexte de liberté retrouvée qui se dessine, le respect des rendez-vous électoraux aura toute sa place. Au moment où, nous l'espérons, nous pourrons retourner dans un musée, un cinéma ou à la terrasse d'un café,…
…nous pourrons légitimement exercer le droit fondamental qu'est celui de voter.
Le renouvellement des élus départementaux et régionaux sera aussi un enjeu essentiel pour la réussite du pays, pour sa capacité à faire face à la crise et à s'en relever. Ce sera l'enjeu de fond de ces élections départementales et régionales : deux axes majeurs de l'action publique, le plan de relance et l'ensemble des politiques sociales d'accompagnement des plus précaires, ont besoin de relais puissants dans le pays. Les régions doivent être des accélérateurs de la relance ; les départements doivent être le relais efficace de nos politiques d'accompagnement des plus fragiles. C'est un enjeu fondamental et c'est avec cette idée chevillée au corps que la majorité présidentielle abordera le scrutin.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
S'il y a un consensus pour tenir ces scrutins au mois de juin, il y a également un consensus pour considérer que les élections doivent se tenir dans les meilleures conditions possibles, c'est-à-dire les conditions les plus respectueuses du débat démocratique. En effet, nous savons tous que le risque d'abstention est très élevé. L'enjeu que soulève ce risque ne concerne pas seulement le Gouvernement. Faire en sorte que le plus grand nombre exprime sa voix à l'occasion des élections départementales et régionales est un enjeu collectif, de démocratie. Cela passe d'abord par l'organisation des scrutins en elle-même, au sujet de laquelle les remontées des maires consultés doivent être entendues. Je me félicite, monsieur le Premier ministre, que vous ayez clairement tenu compte, dans votre intervention, de ce qu'ils ont à proposer.
Pour faciliter les élections de juin, le Parlement a déjà voté une loi, celle du 22 février 2021, et votre gouvernement a déjà pris plusieurs mesures : les doubles procurations désormais possibles, l'établissement de procurations à domicile ou encore la mise en place d'un dispositif de e-procuration annoncé par le ministre de l'intérieur. De plus, les maires seront accompagnés pour faciliter la gestion des files, afin de limiter les regroupements dans les bureaux de vote. Enfin, l'État aura l'obligation de fournir aux communes l'ensemble des équipements de protection sanitaire adaptés, pour chaque bureau de vote.
Mais nous pouvons aller encore plus loin en nous appuyant sur ce que nous ont dit les maires et l'ensemble des formations politiques qui se sont exprimées. Bien sûr, nous pourrions utiliser la possibilité que nous offre la loi de décaler d'une semaine la date des scrutins : monsieur le premier ministre, j'ai entendu votre proposition, qui est aussi celle du président de l'Assemblée nationale.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Elle me semble être une proposition de bon sens. Vous l'avez souligné : chaque semaine passée est une semaine supplémentaire de vaccination gagnée. En réponse à la question de M. Quatennens, la différence, qui n'est pas mince, ce sont tout simplement 2 millions de plus de nos concitoyens qui seront vaccinés.
Nous pourrions réfléchir aussi à la possibilité d'étendre les horaires de vote ou de définir des horaires spécifiques : vous avez indiqué qu'il s'agissait de votre intention, et nous l'approuvons évidemment. Si la vaccination certaine et anticipée de tous les membres des bureaux de vote peut soulever des difficultés, nous pouvons néanmoins proposer des autotests gratuits pour tous ceux qui tiennent les bureaux de vote ou participeront au dépouillement. Vous avez indiqué que vous y étiez favorable, monsieur le Premier ministre, et nous nous en félicitons.
Mais une élection, chers collègues, dépasse évidemment le jour de la tenue du vote ; ce n'est pas simplement mettre un bulletin de vote dans une urne, ce sont d'abord et avant tout un débat, une confrontation d'idées, en un mot : une campagne. Or, dans le contexte que nous traversons, les conditions de cette campagne seront bien sûr particulières, nous l'avons tous souligné. Il faut donc en définir les règles de manière précise et claire, dès l'issue de notre débat. Il faut maintenant que les candidats sachent au plus vite ce qui est possible et ce qui ne l'est pas, pour eux-mêmes ainsi que pour leurs équipes, souvent composées de bénévoles – vous avez évoqué ce point, monsieur le Premier ministre. Cela signifie qu'il faut préciser très concrètement ce qui est faisable et ce qui ne l'est pas en matière de déplacements, de contacts avec les électeurs, de distribution de matériel de propagande ou de regroupements en extérieur, non seulement pendant la période concernée par les mesures de freinage mais également pendant la période, envisagée et souhaitable, de levée de ces mesures.
Dans la définition des règles, nous devons éviter un écueil – elles ne doivent en aucun cas être sujettes à interprétation – et respecter un impératif – elles doivent s'appliquer de façon égale, partout et pour tous, pour les exécutifs sortants comme pour les candidats entrants, qui ont aussi le droit de faire connaître leurs idées et leur personnalité. Cette demande de clarté est portée par les candidats de tous bords depuis quelques jours, et peut-être encore plus par ceux qui briguent un mandat départemental. Et pour cause : plus encore qu'une élection régionale, une élection départementale exige une proximité et des échanges personnels avec les électeurs. Il faut entendre la demande de ces candidats.
Comme pour la tenue du vote, nous ne partons pas de rien : le Parlement a déjà adopté la loi de février et votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, a déjà pris plusieurs mesures importantes : je pense par exemple à la possibilité pour les candidats de mettre à disposition des électeurs un numéro d'appel gratuit pour qu'ils puissent se renseigner sur le programme électoral. Je pense encore à l'allongement de la période de campagne officielle permettant de renforcer la visibilité des candidats auprès de nos concitoyens. France Télévisions s'est engagée, au moment du débat parlementaire, à ce que des débats télévisés se tiennent dans chaque région et qu'une visibilité particulière soit donnée aux messages institutionnels relatifs à la tenue des élections, portant par exemple sur les campagnes d'inscription sur les listes ou sur les dates des scrutins.
Si la tenue de ces engagements nous paraît évidemment essentielle, d'autres mesures pourraient être prises pour adapter l'organisation de la campagne à la situation exceptionnelle que nous vivons. Je pense à l'installation de panneaux d'affichage doubles pour chaque liste ou encore à l'utilisation des moyens télévisuels de service public pour diffuser des campagnes d'information sur la e-procuration ou pour rappeler à nos concitoyens les dates des scrutins que peu d'entre eux – et pour cause – ont déjà en tête. Je pense enfin aux dates de dépôt des listes pour les élections départementales comme régionales qui arrivaient probablement trop rapidement, compte tenu de l'incertitude qui pesait jusqu'à présent sur les dates du scrutin.
Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, à l'issue de ce débat, les choses doivent être claires dans leur principe mais aussi dans leur détail. Les électeurs, les organisateurs du scrutin et les candidats ne doivent pas souffrir d'incertitude. Ils demandent de la clarté et de la transparence : nous les leur devons.
Il semble enfin évident que nous devons tirer les enseignements de la pandémie dans l'organisation de notre vie démocratique comme dans tant d'autres pans de l'organisation de notre vie collective.
Le mouvement que je représente a exprimé la volonté de généraliser le vote par internet, tel qu'il sera déjà utilisé à l'occasion des élections consulaires, qui concernent les Français habitant à l'étranger. Je formule le souhait ici que nous fixions un calendrier volontariste pour pouvoir le mettre en œuvre pour l'ensemble des scrutins électoraux dès le prochain quinquennat. Donnons collectivement des moyens nouveaux à la démocratie. Nous le voyons bien : la relance ne se limite pas à la simple organisation de la reprise économique ; elle est l'occasion de construire une France nouvelle. De même, ne nous contentons pas de donner à la démocratie les moyens de s'exprimer dans deux mois. Voyons plus loin et modernisons les campagnes et les votes. Nous n'avons pas choisi cette crise mais nous pouvons choisir collectivement la façon dont notre démocratie peut en sortir renforcée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Les premier et second tours du prochain renouvellement général des conseils départementaux et régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique ont lieu en juin 2021. Oui, monsieur le Premier ministre, les élections départementales et régionales ont lieu en juin : c'est ce que prévoit avec la plus grande clarté la loi du 22 février 2021, votée dans cet hémicycle. Cette loi, directement inspirée des conclusions du rapport de Jean-Louis Debré, est issue de la discussion d'un projet de loi que votre gouvernement a lui-même proposé en décembre 2020.
Elle est le résultat incontestable d'un très large consensus exprimé par les parlementaires, députés comme sénateurs, de notre pays. Cette loi, nous l'avons votée en tenant compte, avec un très grand sens des responsabilités, des risques sanitaires liés à l'épidémie de covid-19. C'est d'ailleurs le sens de l'article 3 qui dispose qu'au plus tard le 1er avril, « le Gouvernement remet au Parlement, au vu d'une analyse du comité de scientifiques […] un rapport sur l'état de l'épidémie de covid-19, sur les risques sanitaires à prendre en compte et sur les adaptations nécessaires à la tenue des scrutins et des campagnes électorales les précédant. ». Il est bel et bien question de la tenue des scrutins et à aucun moment d'un report, monsieur le Premier ministre.
Sur la base de cette disposition législative, vous avez consulté le 1er avril les partis politiques, les groupes parlementaires et les grandes associations d'élus. Les réponses argumentées et circonstanciées, toutes empreintes de la gravité du sujet, ont été d'une grande clarté et ont souligné un impératif : la nécessité de concilier les exigences sanitaires et démocratiques tout en tenant compte des observations et des recommandations du comité scientifique.
Je crains qu'ensuite nous ne soyons moins souvent d'accord, monsieur le Premier ministre – mais il est important de souligner les points sur lesquels nous le sommes ! Alors que, de manière responsable, toutes les forces politiques du pays ont construit un chemin, à la suite du rapport de Jean-Louis Debré, pour que les élections aient lieu en juin,…
…et alors que la force de la loi doit tous nous conduire à respecter ce chemin – c'est celui de la loi ! –, le Président de la République a choisi une manipulation de dernière minute, allant jusqu'à utiliser le canal des alertes de catastrophe naturelle pour lancer une consultation des maires dans des conditions surréalistes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La réponse ne s'est pas fait attendre : l'arroseur est arrosé car les maires ne sont pas tombés de la dernière pluie, monsieur le Premier ministre. Mais cette douche froide ne vous a pas suffi, semble-t-il : il faut maintenant, si j'ose dire, sauver le soldat Ferrand, …
…ou plutôt préserver son orgueil, et donc décaler d'une semaine les élections. Cela correspondrait à sa deuxième proposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Choisir un week-end de départs en vacances pour le second tour des élections : si vous aviez voulu les minimiser, vous ne vous y seriez pas pris autrement.
Les vacances ne commenceront que le week-end suivant.
Vous savez bien que les gens qui prennent leurs vacances en juillet partent le dernier week-end de juin.
Monsieur le Premier ministre, vous auriez été bien inspiré de consulter les maires durant l'année écoulée – maintes occasions se sont présentées à vous et encore tout récemment s'agissant de la vaccination. Vous ne l'avez jamais fait : ni pour fermer les commerces, ni pour organiser la gestion des écoles, qui est pourtant sous leur responsabilité directe. Et aujourd'hui, vous le faites enfin, mais sur un sujet qui est de votre responsabilité première. Votre responsabilité, quelle est-elle en effet ? Mettre tout en œuvre pour que les élections se passent dans de bonnes conditions.
Cette responsabilité relève bien de l'État. La loi d'ailleurs a abouti à des avancées en la matière, en autorisant, par exemple, les doubles procurations, que vous venez d'évoquer – c'est une proposition des parlementaires. D'autres propositions sont sur la table pour aller encore plus loin et garantir la bonne tenue de la campagne et du scrutin. Alors que c'est à vous de décider et d'agir, nous retiendrons finalement de cette consultation, qu'elle a résonné comme l'aveu d'une intention de manipulation électorale.
Monsieur le Premier ministre, il serait déjà grave de penser que vous souhaitiez vous défausser et fuir vos responsabilités. Mais ce à quoi nous sommes confrontés est plus grave encore : tout le monde sait que le Président de la République souhaite tordre le calendrier en raison d'intérêts personnels liés à sa propre réélection.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Qu'un gouvernement, qu'un président de l'Assemblée nationale, qu'un Premier ministre se prêtent à cette grossière manœuvre, ce n'est pas très digne ! Car voter au moment prévu par la loi est un acte démocratique fort. Le respect du calendrier électoral n'est pas accessoire : c'est une condition absolument majeure pour le bon fonctionnement démocratique de nos institutions.
Cette consultation en dit long également sur la considération que vous portez au Parlement,…
… mais nous le savions depuis longtemps. Elle en dit long aussi sur la considération que vous avez pour les grandes associations d'élus. Pensez-vous sérieusement que la position exprimée la semaine dernière par l'Association des maires de France n'a pas été précédée par une consultation de ses instances représentatives dans toutes leurs diversités territoriales et politiques ?
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.
En voulant court-circuiter ainsi l'Association des maires de France, une association républicaine qui jouit d'un grand prestige aussi loin que nous remontons dans l'histoire républicaine….
Pour qui vous prenez-vous ? Nous sommes des élus tout autant que vous !
Si vous voulez vous exprimer, mon cher collègue, demandez donc à votre groupe de vous accorder un temps de parole. Inutile d'aboyer ainsi au premier rang !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Cette association républicaine, disais-je, jouit d'un grand prestige aussi loin que nous remontons dans l'histoire républicaine. Vous avez fait preuve dans ce domaine d'un populisme qui n'est pas à la hauteur des responsabilités que vous exercez, monsieur le Premier ministre.
Rires sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Et je suis sûr que le maire que vous avez été partage ce point de vue.
En toute honnêteté, si l'élection présidentielle avait lieu dans deux mois, auriez-vous interrogé les maires de France pour savoir s'il fallait la maintenir ou la reporter ? Bien sûr que non ! C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de respecter la loi et de respecter le temps démocratique.
« Bravo ! » sur les bancs du groupe LR.
Nous vous demandons de ne pas prendre à la légère les élections des représentants des régions et des départements, qui sont des institutions majeures pour la vie quotidienne de nos concitoyens dans ses dimensions sociale, économique, éducative. Les régions et les départements ne sont pas des institutions qu'il est possible de ballotter au gré de contingences qui ne les concernent pas. Les élus départementaux et régionaux ont besoin de la légitimité du scrutin pour exercer leur mission dans de bonnes conditions. En laissant penser qu'en définitive, on pourrait fixer la date du scrutin aussi bien en juin qu'en octobre ou, pourquoi pas, après l'élection présidentielle, vous donnez l'impression que leur élection n'a pas beaucoup d'importance. Ce faisant, vous les affaiblissez et vous affaiblissez en même temps la démocratie française.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le moment est donc venu de préparer sérieusement ces élections, qu'il s'agisse de la campagne qui les précède ou des scrutins eux-mêmes. Treize pays de l'Union européenne, les États-Unis eux-mêmes,…
…ont pu organiser des élections nationales ou régionales. Considérant que l'on ne transige pas avec le droit essentiel qu'est le droit de vote, tous ont su s'adapter et innover pour garantir durant les élections un strict respect des règles sanitaires. Nous sommes capables d'en faire autant. Les communes sont capables de le faire. Bien sûr, il faudra faire campagne différemment, en faisant preuve de prudence, en utilisant des moyens modernes de communication, qui sont déjà une réalité, en mettant à contribution le service public de l'audiovisuel, en réservant des plages de diffusion spécifiques, en promouvant un dispositif ambitieux de téléprocuration et en relevant le plafond des dépenses électorales.
Il faudra veiller dans les bureaux de vote à la sécurité des électeurs en établissant un parcours dédié aux plus vulnérables et à celle des assesseurs en les vaccinant et en organisant le dépouillement des scrutins dans le strict respect des gestes barrières. Tout cela, bien évidemment, est possible.
Les maires, monsieur le Premier ministre, viennent de vous donner une belle leçon de démocratie.
Même si vous tentez de vous sortir péniblement de ce piège, ces petites manœuvres sont en réalité révélatrices de ce qu'est fondamentalement le pouvoir macronien.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.
« Neuf fois au nom de Cassandre / Je vais prendre / Neuf fois du vin au flacon / Afin de neuf fois le boire / En mémoire / Des neuf lettres de son nom » : Ronsard contait avec lyrisme le lot de ceux qui, tels Cassandre, bouche prophète, entrevoient les dangers ou les risques mais ont le malheur de n'être pas crus par les autres.
Ces derniers temps, les députés du groupe Dem ont plus souvent qu'à leur tour pris des positions et défendu des causes minoritaires, pourvu qu'elles leur semblassent justes.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Pour ces élections locales, monsieur le Premier ministre, si importantes pour notre famille de pensée qui s'appuie tant sur ses élus locaux, nous avons identifié deux risques, un risque sanitaire et un risque démocratique, et nous avons embrassé une cause, celle du report des élections.
S'agissant du risque sanitaire, nous voulons vous remercier d'avoir consulté les maires. Vous aviez interrogé d'abord les associations d'élus locaux, accompagnant l'envoi du rapport du Conseil scientifique d'une question simple : « Pensez-vous, sur la base de ces préconisations sanitaires, pouvoir organiser les élections ? » La réponse fut assez laconique sinon lacunaire : « Le suffrage universel doit pouvoir s'exprimer en toutes circonstances, sans mettre la santé en danger ». C'est un peu comme si vous leur aviez demandé : « Pensez-vous que le match peut se dérouler sous la pluie ? », et qu'ils vous avaient répondu : « Bien entendu, surtout s'il ne pleut pas. »
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Je vous le dis en toute franchise, cette réponse ne nous a pas semblé à la hauteur des enjeux. Il s'agissait, en effet, non pas d'engager leur responsabilité, comme j'ai pu l'entendre, car c'est juridiquement impossible, mais de protéger les Français et de concrétiser un travail commun que ces associations appellent pourtant régulièrement de leurs vœux. Vous avez donc bien fait d'interroger les maires qui, eux, ont répondu franchement à votre question par un « oui », même si c'est à une courte majorité.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Nous avions fait de même au groupe Dem en leur envoyant le rapport du Conseil scientifique. Les maires de nos circonscriptions avaient répondu en première intention qu'ils préféraient le report. Je ne doute pas qu'au cours des derniers jours, quelques coups de fil ont pu être passés ici ou là. Les deux anciens grands partis du pays disposent encore d'une belle implantation locale et ont pu activer leurs réseaux, ce qui ne les empêche pas de protester de leur pure transcendance désintéressée, mais qu'importe !
Les maires ont répondu et, eux, ont pris leurs responsabilités. Permettez au maire que je reste, car quand on est maire un jour, on est maire toujours, de rappeler ici les écueils à venir.
Premier sujet de préoccupation : l'organisation du scrutin. Il faudra trouver des doubles salles adaptées,….
…et plusieurs urnes évidemment pour le double scrutin. Il faudra modifier la localisation de certains bureaux de vote puisque le Conseil scientifique a recommandé de ne pas les implanter dans les établissements scolaires. Il faudra étendre les horaires d'ouverture. Il faudra réserver des files aux publics fragiles. Il faudra…
…gérer les éventuels droits de retrait des personnels municipaux. Il faudra assumer les coûts pour la collectivité. Tout ceci nous paraît lourd, mais nous devrons les aider, y compris les oppositions qui se battent tant pour que le scrutin ait lieu en juin. Oui, il faudra assumer votre choix si vous décidez de tenir les élections au mois de juin.
Deuxième sujet de préoccupation : la vaccination des assesseurs. Il nous faudra d'abord les trouver : il reste trois à quatre semaines pour établir une liste d'environ 600 000 personnes. Il nous faudra ensuite les vacciner, et c'est là que nos réserves sont fortes car, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner il y a quinze jours à cette même tribune, il existe un risque de compétition vaccinale. Je ne nous vois guère opposer les assesseurs aux enseignants, les candidats aux policiers, les mandataires des candidats aux caissières : on ne peut reporter l'éducation, la sécurité, l'approvisionnement des Français, mais les élections, si. Si elles se tiennent en juin, il faudra donc consacrer une journée de vaccination à ces fantassins de la République qui, je le crois, pour tout le travail qu'ils auront à faire, le méritent.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Si nous parvenons à faire face à ces enjeux sanitaires – nous vous faisons confiance à vous comme aux maires pour cela –, il restera toujours un autre risque, démocratique celui-là. Il n'y a pas de scrutin sans débat, il n'y a pas d'élection sans campagne,…
…et comme l'a très bien rappelé le président de l'Assemblée nationale, une campagne, c'est rencontrer, c'est discuter, c'est ajuster un projet et c'est mobiliser les électeurs. Alors, j'ai bien entendu qu'il est possible d'organiser des campagnes « zéro covid » grâce au tout numérique, mais dans un pays encore imparfaitement connecté, une campagne « zéro covid » risque de se traduire par un scrutin « zéro électeur ».
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Selon certains, la majorité considérerait ces élections comme non essentielles, mais c'est un peu fort de la part de gens qui voudraient organiser des élections virtuelles.
Surtout, il faut penser aux Français. En juin, si nous desserrons un peu les contraintes sanitaires, ils partiront à la recherche du temps perdu : ils retourneront voir leurs familles et leurs amis, regagneront les terrasses, retrouveront le goût d'un certain art de vivre, non par incivisme, parce qu'ils refuseraient d'aller voter, mais simplement par humanité. Pour plus de civisme, il aurait fallu et il faudra au plus vite leur octroyer le vote par correspondance. Mettons-nous donc autour de la table, au moins en vue des prochains scrutins, ceux de l'année prochaine, pour moderniser les élections, comme l'a rappelé tout à l'heure notre excellent collègue Guerini.
Il nous a été dit qu'il est possible d'organiser ce scrutin puisque des élections ont eu lieu dans treize pays européens, mais c'est oublier qu'ils ont eu recours au vote anticipé ou au vote par correspondance, voire aux deux.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. –M. Michel Dufreigne applaudit également.
Il nous a aussi été dit qu'il est possible d'organiser ce scrutin, puisque les élections municipales ont eu lieu, mais c'est oublier que la campagne électorale s'était tenue avant le confinement : le confinement a été décrété le lendemain de ces élections. Il nous a été encore dit que ne pas fixer la date de ces élections en juin serait anticonstitutionnel, mais c'est oublier que les conseillers régionaux sont élus jusqu'en décembre 2021.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Que leur mandat soit raccourci de trois mois plutôt que de six ne comporte aucun risque constitutionnel.
Autre argument : tout sera rouvert en juin, comme par magie ! Mes chers collègues, nous avons déjà vécu un premier déconfinement – processus à l'occasion duquel nous avons découvert celui qui allait devenir Premier ministre – et nous savons bien qu'un déconfinement doit se faire de façon progressive, avec prudence et vigilance. J'ai bien noté la sincérité de Stanislas Guerini quand il s'est exprimé sur ce sujet.
Comment expliquer en effet aux Français qu'on ne pourrait pas organiser les élections alors que nous rouvrons tout progressivement ? Mais cette sincérité, je l'ai moins perçue chez les oppositions qui, elles aussi, invoquaient cette raison. Je note d'ailleurs, monsieur le Premier ministre, que c'est la première fois que celles-ci témoignent d'une totale confiance dans votre gestion de la crise sanitaire.
Qu'il s'agisse du déconfinement à venir ou de la campagne de vaccination, elles sont persuadées que vous allez réussir : l'unité nationale est faite. Pour avoir des élections en juin, elles sont prêtes à tout, même à vous soutenir !
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Mais je suis grave, car si les oppositions tiennent tant à un scrutin rapide, c'est sans doute parce qu'une forte abstention et une absence de campagne favoriseront les sortants. Comme un combat s'arrête faute de combattants, les barons locaux – qui entendent le rester – seront peut-être réélus faute d'électeurs.
Ce serait une façon d'expédier les affaires courantes et, pour plusieurs présidents de région, le moyen de se débarrasser de cette formalité gênante en attendant la suivante, l'élection présidentielle. Quel manque de respect pour les Français et pour la fonction !
Vous êtes prêts à prendre des risques sanitaires et démocratiques pour des convenances personnelles et politiques. Ne me donnez pas de leçons de démocratie, j'en ai trop entendu tout à l'heure !
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Quand l'AMF prend position sans consulter ses adhérents – AMF qui, elle-même, a décalé de dix-huit mois son renouvellement interne pour raison de covid-19 !
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem
– , quand le Sénat se prononce sans interroger ses électeurs, en l'occurrence les grands électeurs, quand les oppositions feignent hypocritement de croire à un déconfinement rapide pour précipiter le scrutin et pouvoir ensuite mettre en cause le Gouvernement, où est le respect de la démocratie, des maires, des soignants, des Français ?
Vous avez raison, monsieur le Premier ministre, d'organiser un vote : il nous évitera la duplicité constatée lors des élections municipales, quand ceux qui hurlaient pour que les élections se tiennent hurlèrent encore plus fort parce qu'elles s'étaient tenues.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Vives protestations sur les bancs du groupe LR.
Mais comprenez nos réserves. Si notre soutien au Gouvernement est d'airain, le calendrier électoral nous inquiète pour les Français. Nous serions tentés, pour le Gouvernement, de nous prononcer favorablement, mais,…
…pour ce qui concerne le calendrier électoral, nous ne pouvons que dire non. En définitive, dans le droit fil historique de notre famille politique, nous aurions pu dire « oui mais » : cependant, malgré les efforts des personnels de notre excellente fonction publique parlementaire, le bouton « oui mais » n'existe pas. Dans la mesure où la question ne porte que sur le calendrier des élections, nous nous y opposerons très majoritairement, pour toutes les raisons que je viens d'expliciter, en espérant – et en travaillant à vos côtés pour cela – que nos craintes seront démenties par les faits.
Et parce que les oppositions nous ont prêté des intentions machiavéliques, je terminerai en citant Nicolas Machiavel : « En politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal. »
Monsieur le Premier ministre, nous voulions éviter le pire, nous vous aiderons à en faire un moindre mal.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
À dix-neuf heures cinq, Mme Laetitia Saint-Paul remplace M. Richard Ferrand au fauteuil de la présidence.
Je vais commencer mon intervention par des remerciements. Une fois n'est pas coutume, direz-vous. C'est vrai.
Mais il n'est pas dans vos habitudes non plus de solliciter l'avis des formations politiques. En l'espèce, vous avez même jugé utile de mobiliser les préfets pour consulter, dans l'urgence, les 35 000 maires de France. Nous n'étions pas habitués à de tels égards !
Mes remerciements s'arrêteront là parce que, comme vous le soupçonnez à juste titre, mes louanges n'iront pas plus loin. Et je vais vous expliquer pourquoi.
Nous sommes toujours prêts à la consultation : nous ne sommes pas avares quand il s'agit de donner notre avis, nous n'avons pas pour habitude de ne pas assumer nos choix quand il faut nous engager sur des mesures précises. Depuis le début de la pandémie, nous n'avons cessé de réclamer les conditions d'une véritable solidarité nationale en matière de gestion sanitaire de la crise. Nous avons cherché, à chaque étape, non pas à vous piéger, mais à prendre toute notre place dans le débat pour permettre à nos concitoyens de retrouver au plus vite les conditions d'une vie qui s'apparente au mieux à celle qu'ils connaissaient avant l'apparition de la covid-19.
Prenons l'exemple de la stratégie vaccinale, pour laquelle notre volonté a toujours été d'anticiper plutôt que de subir. Dès le mois de septembre, notre collègue Boris Vallaud vous interrogeait à ce sujet lors d'une séance de questions au Gouvernement. Le 11 novembre, j'ai écrit au chef de l'État, tant il me semblait que la France prenait du retard dans l'organisation de la campagne vaccinale. Dès l'été, dans toute l'Europe, les gouvernements voisins prenaient l'attache des collectivités locales, avant même la confirmation de l'existence d'une solution vaccinale, pour décider des lieux de vaccination, pour désigner les personnels habilités à vacciner, pour établir les listes des patients prioritaires.
Nos deux présidents de groupe, à l'Assemblée nationale et au Sénat, n'ont cessé de vous demander de tout mettre sur la table. Vous-même, comme vos ministres, avez répondu à nos alertes par des propos lénifiants, nous assurant que vous étiez prêts ! À vous écouter, vous ne cessez d'être prêts : prêts pour le déconfinement, prêts pour le « tester, tracer, isoler », prêts pour la vaccination. Le résultat, chacun le connaît :…
…un début de campagne vaccinale poussif, un désordre logistique invraisemblable et des collectivités appelées en renfort pour pallier vos carences, les mêmes collectivités qui avaient été négligées au préalable.
Certes, nous avons parfois été invités à venir à votre rencontre à grand renfort de publicité. Mais pour quoi faire ? À chaque fois que vous avez convoqué les partis ou les groupes, vous n'avez pas communiqué vos scenarii ni même livré les études d'impact permettant d'opérer des choix en toute conscience. Au contraire, vous avez préféré la mise en scène plutôt que de chercher l'unité du pays à travers ses représentants.
Jusqu'à la veille du pari présidentiel du 29 janvier, vous nous avez remis des données falsifiées, volontairement ou non. Comment, dans ces conditions, nous demander de partager vos choix ? Il y a quinze jours, vous sollicitiez même notre avis sur des décisions déjà prises et annoncées la veille par le chef de l'État !
Pour qu'une consultation ait un sens, il faut la mener dans des délais qui permettent l'anticipation. Depuis un an, le sentiment partagé est que nous sommes toujours en retard d'une bataille : sur les masques, sur les tests, sur les vaccins, sur les frontières, sur les mesures de freinage, sur le séquençage génomique, sur l'école à la maison, sur le variant brésilien – une fois de plus, il a fallu la pression de tous pour que vous preniez la décision de suspendre les vols en provenance du Brésil.
Pour qu'une consultation ait un sens, il faut qu'elle traduise une véritable volonté de concertation, et non simplement de faire avaliser par d'autres une décision déjà prise ou, parfois, une décision que l'on ne sait ou ne veut pas prendre. Ce ne sont pas seulement les oppositions que vous humiliez ainsi, mais la démocratie que vous abîmez ! J'ai la faiblesse de penser, monsieur le Premier ministre, que, du fond de votre conscience, vous m'entendez et peut-être même partagez-vous ce point de vue. Mais vous êtes vous-même otage du fonctionnement jupitérien du Président. En janvier, nous avons tous compris que vous étiez favorable à des mesures fortes pour freiner la diffusion du variant britannique et gagner le temps précieux d'une vaccination plus massive. Nous connaissons la suite.
Pour en revenir au sujet du jour, vous avez déclaré, lors de la remise du rapport Debré, que vous souhaitiez suivre la ligne du rapport jusqu'au bout.
Lors du dernier débat convoqué sur le fondement de l'article 50-1 de la Constitution, vous avez répété que vous restiez favorable au maintien des élections en juin. Jusque-là vous sembliez avoir une ligne claire. Puis, nous avons assisté à l'offensive croisée des chevau-légers présidentiels appelant à un report début octobre, pour une campagne qui se serait tenue entre le mois d'août et la rentrée des classes. Admettez le caractère cocasse de la proposition ! Vous avez ensuite posé une incroyable question aux maires, à laquelle ils n'avaient la possibilité de répondre que par « oui » ou par « non » : « Les conditions préconisées par le Conseil scientifique vous semblent-elles réunies pour tenir les deux scrutins prévus en juin prochain ? »
Incroyable question, parce que la réponse était volontairement suggérée dans son texte même. Incroyable, surtout, parce que fournir les conditions favorables à la tenue de la campagne et du scrutin relève de votre responsabilité.
Incroyable, enfin, parce qu'à travers votre intervention de ce jour vous avez démontré que tout est possible.
Là encore, si vous ne vous limitiez pas à des simulacres de concertation qui ne trompent plus personne, vous auriez dû anticiper depuis un an. Au lendemain des élections municipales, le ministre de l'intérieur de l'époque nous avait réunis place Beauvau pour tirer les leçons du scrutin. J'ai cru un instant à la sincérité de la démarche – je vois Gérald Darmanin se lever à l'évocation de la place Beauvau, mais je fais référence à son prédécesseur.
Nous avons formulé de très nombreuses propositions : sur les procurations, sur le vote par correspondance, en faveur de professions de foi – qui constituent le seul document adressé à l'ensemble des Français – plus denses, sur la contribution souhaitable de l'audiovisuel public à un débat éclairé, sur les règles sanitaires à appliquer le jour du vote ou, encore, sur la protection des bénévoles qui assurent le bon déroulement du scrutin.
Lors du débat sur le premier report, le groupe socialiste du Sénat a présenté de nouveau ces propositions sous forme d'amendements. Ils ont tous été rejetés, comme si, dans votre esprit, ou peut-être davantage encore dans celui du chef de l'État, les élections ne devaient jamais se tenir en juin.
Pourtant, vous l'avez démontré – le groupe Dem lui-même l'a évoqué, même si je comprends qu'il votera principalement contre la tenue des élections en juin prochain : tout était possible. Le vote par correspondance, impossible à mettre en place en douze mois l'année dernière, l'est devenu subitement en six, puisque votre majorité, par la voix de François Bayrou, a annoncé que le report en septembre aurait permis de l'instaurer. Tout cela n'est pas sérieux ! Les intérêts électoraux d'un parti ne sauraient tenir lieu de ligne dans la République française.
Puisque vous voulez l'avis du groupe Socialistes et apparentés, je vous le donne : la démocratie est un bien essentiel. Des États-Unis à la Bulgarie, des Pays-Bas au Portugal, partout dans le monde, on a voté cette année. Rien ne saurait conduire à reporter un rendez-vous démocratique. « Nous devons apprendre à vivre avec le virus » : ces mots ne sont pas de moi, ils sont du Président de la République.
Dans le même temps, la santé de nos compatriotes est une priorité absolue,…
…et rien ne devrait conduire à mettre en danger ceux qui accomplissent leur devoir civique. Tout doit être fait également pour concourir à la parfaite information des électeurs sur les listes concurrentes. Il appartient au Gouvernement de concilier ces deux exigences « en même temps » démocratique et sanitaire. Depuis un an, vous en aviez le temps : vous en avez aujourd'hui le devoir.
En maintenant le scrutin au mois de juin, vous répondez à une partie de la question. Il vous appartient désormais de faciliter la tenue de la campagne et d'accompagner les communes aux fins d'assurer le vote dans des conditions optimales.
J'ai entendu vos propos tout à l'heure et les efforts que vous fournissez ; je vous ai entendu reconnaître que l'organisation des élections en juin est possible. Pour toutes ces raisons, nous voterons très majoritairement en faveur de votre proposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Nous sommes réunis pour débattre de votre proposition de maintenir les élections départementales et régionales au mois de juin. Je souhaite évacuer d'emblée le débat qui consisterait à dire que les dates sont fixées pour des raisons de convenances personnelles, propres à la majorité.
En France, on ne peut arrêter la date d'une élection pour des convenances personnelles politiciennes et ce, pour deux raisons.
La première, c'est que les élections sont organisées sous le contrôle du juge constitutionnel. Il est bien sûr possible de modifier la date d'une élection et cela s'est déjà produit : sous la présidence de Jacques Chirac – nos amis Républicains s'en souviennent –, la durée du mandat des conseillers municipaux et généraux, renouvelables en 2007, a été prorogée d'un an et les élections reportées à 2008 ;…
…lorsque Nicolas Sarkozy était président, la durée du mandat des conseillers généraux, à l'époque, a été ramenée de six ans à quatre ans lors des élections cantonales de 2011. Il est donc possible de procéder à des modifications, mais jamais pour des questions de convenances politiciennes ou personnelles.
La seconde raison, c'est que, même si certains sont tentés par ce type de considération et espèrent que le calendrier électoral leur sera favorable, les Français aiment généralement démentir les sondages et faire leur propre choix – si bien que ceux qui pensaient jouir d'un calendrier favorable en sont généralement pour leurs frais. Nous verrons ce qu'il en sera en juin.
Vous avez exclusivement motivé votre question par des considérations sanitaires, monsieur le Premier ministre, et vous avez eu raison, car la situation du pays reste très grave. Nous aurons franchi, cette semaine, la barre des 100 000 morts de la covid-19 et plus de 5 millions de personnes ont contracté le virus – certains souffrant, malheureusement, d'un covid long, dont les symptômes persistent au-delà de l'infection. J'ai une pensée pour toutes les familles endeuillées ou frappées par la maladie.
Notre choix doit donc être exclusivement motivé par des considérations sanitaires. Reconnaissons-le : aucune solution n'était évidente ni idéale. Deux hypothèses se présentent. D'une part, on peut considérer qu'il est exclu de confiner la démocratie, et que les élections doivent se tenir coûte que coûte – soit qu'on anticipe une amélioration de la situation sanitaire et le franchissement du pic de la troisième vague d'ici à juin, comme en juin 2020 pour la deuxième vague ; soit qu'on estime que la situation restera difficile, mais que les garanties nécessaires de sécurité sanitaire pourront être apportées pour mener la campagne et tenir le scrutin.
D'autre part, on peut retenir l'hypothèse que la situation sanitaire restera difficile en juin, et aussi, malheureusement, à l'automne – car peut-être serons-nous menacés par des variants étrangers résistant au vaccin. Rien ne garantit que, cet automne, la situation sera meilleure qu'aujourd'hui. Dans ce cas, il serait préférable de reporter le scrutin non pas à 2021, mais à 2022.
Le groupe Agir ensemble est tiraillé entre ces deux hypothèses, dont chacune présente des avantages et des inconvénients.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Il n'est donc pas simple de trancher, car il n'existe pas de solution parfaite. La grande majorité de notre groupe soutiendra le maintien des élections en juin, tandis qu'une autre partie préférera leur report à 2022, seuls un ou deux d'entre nous défendant un report à l'automne 2021.
Nous demandons que le scrutin soit organisé dans les meilleures conditions possibles. Réunis ce matin, les députés Agir ensemble ont discuté des modalités susceptibles d'assurer le bon déroulement de la campagne et du scrutin. Pour la bonne tenue de ce dernier, nous demandons que les assesseurs et les scrutateurs soient dotés de masques FFP2, de gel hydroalcoolique et d'autres équipements garantissant leur sécurité sanitaire.
Pour la bonne tenue de la campagne, nous souhaitons que les candidats aient le droit de circuler librement, au-delà d'un rayon de dix kilomètres autour de leur domicile, et en dehors du couvre-feu. Ils doivent y être autorisés dès à présent, car c'est maintenant que la campagne s'organise, et les équipes doivent pouvoir se réunir au plus vite. Aussi nous paraît-il essentiel de prévoir des dérogations aux restrictions de circulation et au couvre-feu pour les candidats. De la campagne dépendra, en effet, la légitimité du scrutin – c'est bien l'enjeu. Il ne faudrait pas qu'après les élections, certains affirment que, la campagne n'ayant pas pu se dérouler correctement en raison des restrictions sanitaires, le scrutin et les élus ne sont pas légitimes.
Une campagne électorale sert non seulement à se présenter et se faire connaître, mais aussi à véhiculer des idées. Il faut donc pouvoir rencontrer les citoyens sur le terrain. Une élection n'est pas un concours de beauté opposant des photos sur des affiches : elle nécessite d'aller à la rencontre des électeurs. Nous ne saurions donc nous résoudre, comme certains le proposent, à une campagne numérique, laquelle, d'ailleurs, ne couvrirait pas l'ensemble du territoire, puisque certaines zones sont encore, malheureusement, privées de la 5G, voire de la fibre. Dans certaines parties de la France, il faut une minute pour ouvrir un courriel ! Comment pourrions-nous expliquer à leurs habitants que la campagne se déroulera uniquement sous la forme d'événements sur Fabebook ou en streaming, alors qu'ils ne pourraient pas y participer ?
Telles sont les conditions que nous souhaitons voir adopter parallèlement au maintien des élections : l'équipement des assesseurs et des scrutateurs en masques FFP2 et en autotests, ainsi que des dérogations aux restrictions de déplacement et au couvre-feu pour les candidats, afin que la campagne puisse avoir lieu. Nous comprenons qu'on ne puisse tenir des réunions publiques en intérieur, mais les candidats doivent pouvoir aller au contact des Français pour faire valoir leur personnalité et leurs idées. La légitimité du scrutin en dépend, comme en dépend aussi l'idée que nous nous faisons de la démocratie.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ensemble.
À dix-neuf heures vingt, M. Richard Ferrand remplace Mme Laetitia Saint-Paul au fauteuil de la présidence.
Monsieur le Premier ministre, nous venons enfin de vous entendre énoncer, de manière explicite, la position du Gouvernement quant aux dates des élections régionales et départementales : elles auront lieu les 20 et 27 juin prochains. Cette annonce est bienvenue, tant parce qu'elle était indispensable – nous sommes tout de même le 14 avril, à peine plus de deux mois avant le premier tour – que parce qu'une polémique invraisemblable enflait depuis plusieurs jours au sujet de ce scrutin.
C'est par ce point que j'ouvrirai mon propos, en dressant la liste de nos regrets. Je vous dirai nos regrets, tout d'abord, de voir le Gouvernement rouvrir un débat qu'il avait lui-même clos lors du vote de la loi reportant ce scrutin de mars à juin. Ici-même, Mme Marlène Schiappa a clairement dit et répété qu'il ne s'agirait pas, début avril, de discuter de nouveau de la tenue ou non des élections, mais simplement d'adapter les modalités d'organisation de la campagne et du scrutin aux conditions sanitaires. Vous n'avez pas tenu parole.
Je vous dirai nos regrets, ensuite, d'assister à une manipulation grossière de votre part, depuis la remise du rapport du Conseil scientifique : puisque ses conclusions renvoyaient à la seule responsabilité qui vaille en la matière – la vôtre –, vous avez décidé de consulter les formations politiques : à l'immense majorité, elles se sont prononcées pour la prééminence du devoir démocratique et le maintien des élections. Leur position a été confortée par l'avis majoritaire des associations d'élus, que vous avez également consultées – sans pour autant leur faire confiance, puisque, dans leur dos, vous avez interrogé directement les maires de France, un vendredi soir à dix-heures passées, à grands renforts de SMS et courriels de relance des préfets, sommés de recourir aux grands moyens, ceux qu'on mobilise pour les urgences. Qu'y avait-il de si urgent, alors que vous disposiez du rapport du Conseil scientifique depuis plus de dix jours et que les maires sont tenus d'organiser les élections, en leur qualité d'agents de l'État ? Leur réponse a d'ailleurs démontré à quel point ils étaient, pour leur part, conscients de leurs devoirs.
Je vous dirai enfin nos regrets de vous voir considérer les assemblées parlementaires comme de simples chambres d'enregistrement. Avant même d'ouvrir le débat avec nous, vous en avez livré les conclusions – le fin mot – aux médias, faisant ainsi peu de cas des représentants des Français.
Outre ces remarques sur la forme, je tiens à souligner trois aspects sur le fond. C'est de la démocratie qu'il s'agit ici, principe fondamental dont il paraît incroyable de vouloir se passer, même dans un contexte sanitaire inédit. Le cynisme de cette consultation des maires, dans leurs fonctions d'agents de l'État, alors que, pas une seule fois, durant la crise, vous ne les avez consultés dans leurs fonctions d'élus, sur les contraintes infligées à leurs compétences – ouvrir et fermer les écoles, leur imposer des jauges… –, est édifiant.
La loi reportant les élections de mars à juin stipulait précisément qu'il conviendrait d'adapter les modalités de tenue du scrutin : augmentation des plafonds des dépenses de campagne, achat de purificateurs d'air pour les bureaux de vote ou envoi de stylos à chaque électeur avec les bulletins. De nombreuses solutions simples étaient envisageables, mais vous n'avez rien fait, rien envisagé ni rien prévu, préférant spéculer sur un éventuel report des élections.
In fine, vous défendez le statu quo, mais cet épisode laissera un goût amer – celui du jeu sorcier auquel vous avez tenté de vous livrer pour ôter aux Français la possibilité de s'exprimer ; celui, aussi, d'un sentiment d'impréparation chronique.
Même au terme de votre intervention, monsieur le Premier ministre, nous manquons cruellement de précisions concernant les dates de la campagne, les nouvelles dispositions que vous souhaitez introduire, et les modalités précises des élections : vous les avez renvoyées aux circulaires que M. le ministre de l'intérieur adressera aux candidats. Ces précisions, il nous les faut, et les candidats en ont besoin au plus vite. Dans cette attente, tout doit être fait pour que le rendez-vous démocratique des élections régionales et départementales de juin soit un succès.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
S'il faut reconnaître une qualité au Gouvernement, c'est la constance. Depuis le début de la crise sanitaire, c'est en effet avec constance que l'exécutif s'évertue, consciencieusement, à plonger les Français dans la perplexité la plus complète quant à l'évolution de la situation. Le débat sur l'organisation des prochaines élections départementales et régionales ne fait pas exception : prévenus par voie de presse, saisis par la Chambre à la dernière minute, les députés devront se contenter d'une discussion superficielle. Désormais affublés d'une voix devenue, au gré des occasions gouvernementales, seulement consultative, les parlementaires ne constituent plus qu'une assemblée méprisée, comme le sont les 35 000 maires de France qui ont dû répondre à une consultation menée en deux jours, en fin de semaine.
L'examen aussi précipité d'un sujet qui déterminera l'avenir de nos territoires s'apparente, de la part du Gouvernement, au mieux à une insouciante frivolité, au pire au plus franc des mépris. Pouvait-on attendre autre chose d'un Gouvernement qui, depuis trois ans, recourt aux ordonnances pour près de 51 % des textes ? Pouvait-on espérer autre chose d'un Gouvernement qui, alors même que les élus locaux ont fait preuve d'une réactivité exemplaire face à la crise sanitaire, répond aux urgences avec retard, le plus souvent en contredisant l'avis qu'il a donné la veille ?
Cette consultation ridicule soulève une autre question : alors même que le Gouvernement annonce la réouverture prochaine des institutions culturelles et de différents lieux publics, pourquoi la France ne pourrait-elle pas voter mi-juin ? Le Gouvernement veut-il préparer les Français, comme il en a l'habitude, à de nouvelles annonces ? La manière dont il scrute l'opinion, de façon détournée, n'est pas acceptable. Elle constitue ni plus ni moins qu'une démarche démagogique, éloignée de la mission que tout gouvernement doit s'assigner : l'organisation de la Cité et l'avènement du bien commun.
Le maintien des élections soulève différentes interrogations. Ainsi, l'organisation pratique du vote pose des questions légitimes. Comment demander aux assesseurs bénévoles d'organiser une élection soumise à des règles sanitaires très strictes dans un temps contraint ?
Bien entendu, c'est la question de la campagne qui doit être soulevée : à l'heure où personne n'est en mesure de faire campagne, le maintien des élections départementales et régionales s'apparente à un simulacre, un simulacre de démocratie, dans un pays gouverné depuis plus d'un an par un état d'urgence portant les atteintes les plus folles aux libertés des Français. Qui pourra faire campagne, à l'exception de quelques élus en place bénéficiant de tribunes pour appeler, au nom de la pérennité de leur action, à leur réélection ? Qui dans l'opposition pourra faire campagne sans attenter au respect des règles sanitaires qui s'imposent en ce moment ?
Si le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, semble favorable au maintien des élections au mois de juin, la presse nous annonce que le second tour serait prévu le 27 juin. Un report destiné, selon vos propres mots, monsieur le président Ferrand, à « gagner du temps de vaccination, permettre aux campagnes de se faire ». Une campagne gagnante menée en une semaine serait à inscrire au livre des records. Le report, plaidez-vous encore monsieur le président, permettrait à « ceux qui briguent la succession des sortants [de] se faire connaître, dialoguer avec les Français ». À l'heure de la crise sanitaire, concédez-moi qu'aller à la rencontre des Français s'avère une mission légèrement délicate.
Décaler d'une semaine le second tour des élections au nom du gain de temps pour la vaccination est, par ailleurs, un argument inaudible, d'une part, parce qu'il s'assimile, dans ces conditions, à un argument de campagne en faveur de la majorité tout particulièrement déplacé à l'heure où des milliers de Français occupent une place en réanimation ; d'autre part, parce qu'il est particulièrement malvenu, à l'heure où la France accuse un cruel retard en matière de vaccination, de plaider l'amélioration de la situation sanitaire en une semaine.
Parce qu'elle bafoue une nouvelle fois les prérogatives de la Chambre, parce qu'elle ne constitue qu'une nouvelle manœuvre de l'exécutif destinée à faire croire aux Français que leurs représentants sont encore consultés, je m'opposerai à la déclaration du Gouvernement.
M. Nicolas Meizonnet applaudit.
À la suite du Premier ministre, je répondrai aux interrogations pratiques que les parlementaires ont formulées à la tribune, en expliquant les décisions prises par les gouvernements autour de nous. Beaucoup d'orateurs ont évoqué que, dans d'autres pays, les élections ont été tenues. Or beaucoup les ont reportées, notamment l'Italie, qui a ajourné les élections locales. Si l'on distingue les élections locales des élections nationales, on constate que, souvent, les élections locales ont été reportées alors que les élections nationales ont souvent été maintenues.
La France sera donc le seul grand pays d'Europe à organiser des élections locales, ce qui est d'autant plus difficile car, pour la première fois depuis 1986, à l'exception de quelques petits territoires en nombre de bureaux de vote – la métropole lyonnaise et la Corse, par exemple –, les élections départementales et régionales ont lieu en même temps, conformément à la volonté du législateur. Si jamais le Parlement le confirme, ces élections se tiendront aux dates prévues au mois de juin. M. le Premier ministre a évoqué le décret qui décalera d'une semaine les premier et second tours, qui se tiendront les 20 et 27 juin.
Si la question n'a pas été évoquée à la tribune, beaucoup de parlementaires me l'ont posée : nous décalerons également d'une semaine la date de dépôt des candidatures, puisque le législateur a prévu dans le texte qui fixe les élections régionales et départementales en juin, un délai de six semaines avant le premier tour des élections. Le ministère de l'intérieur a déjà publié un mémento sur son site internet, pour appliquer la volonté du législateur : les préfets devront mettre à jour la date de dépôt de candidature, qui sera décalée d'une semaine.
M. Quatennens a évoqué la question des quatre élections législatives partielles. Elles se tiendront : le décret de convocation des électeurs a été signé et paraîtra demain au Journal officiel. Dans les quatre départements, elles auront lieu le dernier week-end de mai et le premier week-end de juin. Je souligne devant la représentation nationale qu'elles doivent absolument se tenir avant le 14 juin, parce qu'en vertu de la loi, aucune élection législative ne peut avoir lieu dans l'année précédant le renouvellement général de l'Assemblée nationale.
S'agissant de deux départements particulièrement touchés par la crise de la covid-19, Paris et le Pas-de-Calais, ces dates nous paraissent suffisamment éloignées pour tenir ces élections dans des conditions certes difficiles, mais les plus acceptables possibles. Avec les préfets, nous avons consulté les élus de ces territoires : la maire de Paris et tous les maires des communes des circonscriptions concernées, ainsi que les partis politiques. Il s'agit de prendre en considération certaines difficultés liées à ce scrutin.
Je voudrais évoquer la difficulté de tenir les bureaux de vote. S'il a été dit que le Gouvernement devait assumer la responsabilité de l'organisation des élections, ce que personne ne conteste, il revient au maire, en tant qu'agent de l'État, de les organiser de façon pratique. Il y a 70 000 bureaux de vote en France métropolitaine, 140 000 en double scrutin. Je travaille avec le ministre des outre-mer pour adapter les dispositions qu'a évoquées M. le Premier ministre aux circonscriptions ultramarines, puisqu'il ne s'agit pas d'appliquer uniformément ces dispositions.
Presque 600 000 personnes tiennent les bureaux de vote en double scrutin, sans parler des scrutateurs qui viennent dépouiller, ce qui représente un nombre important. Chacun, ici, a tenu des bureaux de vote ou organisé, en tant que maire, un scrutin : il faudra au minimum les désigner trois semaines auparavant, pour disposer des tests, vacciner les personnes et permettre aux préfets de la République de réquisitionner des fonctionnaires pour gérer ces bureaux de vote. Les maires sont les seuls capables d'obliger, par l'intermédiaire du préfet, les élus à présider un bureau de vote. Les fonctionnaires de la République ne sont pas soumis à cette obligation, sauf cas de force majeure que les sous-préfets et les préfets emploieront en mon nom, à la suite de la concertation qu'a souhaitée le Premier ministre avec chaque territoire.
Deux personnes sont affectées au ministère de l'intérieur pour nous aider dans l'organisation du scrutin, en partenariat avec les associations d'élus, les partis politiques, M. le président de l'Assemblée nationale, M. le président du Sénat, ainsi que les groupes parlementaires. J'appelle l'attention sur le fait que le juge de l'élection juge la sincérité du scrutin et non sa légalité. C'est la différence de voix qui entraîne le plus souvent l'annulation des élections, qui plus est dans une période d'abstention massive, où les candidats pourront être élus avec quelques voix d'écart seulement. La fermeture d'un bureau de vote, sa présidence assurée par le scrutateur ou les difficultés constatées dans la remontée des résultats peuvent constituer un motif d'annulation de l'élection. Il s'agit donc de travailler avec le Conseil d'État sur les dispositions qui relèvent du pouvoir réglementaire, afin de bien les adapter en lien avec M. Combrexelle, que je remercie d'avoir accepté cette mission auprès de moi. Une fois par semaine, les partis politiques seront consultés sur ces avancées, qui consisteront à la fois en des instructions et des mesures réglementaires.
M. le Premier ministre a précisé que le projet de loi relatif à la sortie de l'état d'urgence sanitaire comprendra un chapitre électoral, modifiant les dispositions de nature législative – il est parfois étonnant que certaines dispositions relèvent du domaine législatif. Les présidents de groupes peuvent, s'ils le souhaitent, me transmettre cette semaine des propositions concrètes car, malheureusement, nous devons rédiger rapidement ce texte, afin que le Conseil d'État donne son avis, et il sera sourcilleux sur les dispositions électorales. De même, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques l'examinera, car un certain nombre de dépenses et de plafonds devront être revus, eu égard aux dispositions spécifiques s'appliquant à la campagne, notamment sur internet et dans les médias, laquelle peut susciter des coûts qui ne seraient pas éligibles aux dépenses électorales. Du reste, les 22 000 maires qui ont répondu aux questions du Premier ministre de vendredi à lundi ont tous fait des propositions très concrètes que j'aurai l'occasion de présenter aux partis politiques, aux associations d'élus et aux deux assemblées.
Je voudrais terminer sur la question, longuement évoquée, relative au flux le jour du vote. La fixation de l'horaire du scrutin ne relève pas du domaine législatif : il appartient au préfet de le déterminer par arrêté préfectoral. Je demanderai donc à tous les préfets de la République de prendre l'attache de l'Association des maires de France de leur département pour fixer l'horaire qui serait le plus adapté au fonctionnement démocratique du département. Néanmoins, je ne souhaite pas que cet horaire dépasse vingt heures. D'une part, il en résulterait une inégalité de traitement trop profonde, eu égard au caractère national de cette élection – tous les Français votent au même moment. D'autre part, la question de la remontée des résultats et de la sécurité des bureaux de vote se pose après vingt heures.
La France n'a voté qu'une seule fois après vingt heures, pour des élections ayant trait à l'Europe – chacun s'en souvient –, et cela s'est révélé fastidieux. En revanche, nous pourrions imaginer que, notamment dans les communes les plus rurales ou dans les villes moyennes qui ont l'habitude de clore le scrutin à dix-huit ou dix-neuf heures, un arrêté préfectoral reportant la fermeture à vingt heures pourrait être rapidement pris, afin de l'adapter au plus vite aux questions de sécurité des bureaux de vote, dans l'hypothèse où cela ferait l'objet d'un consensus entre les élus.
C'est le préfet qui fixe, souvent en lien avec les mairies, le lieu exact d'implantation d'un bureau de vote. Il ne s'agit donc pas de réformer la carte des bureaux de vote : à quelques semaines du scrutin, nous n'accepterons pas, sauf exception, des changements trop importants, car des habitudes ont été prises par les électeurs et nous n'aurons pas l'occasion de refaire une carte des bureaux de vote.
En revanche, nous pourrions installer dans des régions bénéficiant de certaines conditions météorologiques et sur proposition des maires, des bureaux de vote à l'extérieur en toute sécurité, par exemple, la cour d'une école évoquée par M. le Premier ministre, à la condition que nous puissions mixer le moment où l'on arrive, celui où l'on prend ses bulletins de vote et l'enveloppe, et celui où l'on vote. Cela n'exige pas forcément des conditions météorologiques très favorables. Bien entendu s'il pleut, des solutions de repli devront être envisagées. En tout cas, toutes les propositions favorisant l'aération du lieu où se déroule l'acte de vote doivent faire l'objet d'une concertation entre les maires et les préfets. Des arrêtés seront pris en application de l'article R. 40 du code électoral, qui prévoit que ces modifications peuvent intervenir en cas de force majeure – le législateur n'imaginait sans doute pas qu'une crise sanitaire pourrait constituer un tel cas.
Je refuse la proposition de M. Quatennens, visant à faire voter les électeurs par ordre alphabétique. D'une part, beaucoup de personnes gardent un très mauvais souvenir de la cantine et si le vote se termine par la lettre Z, cela les ennuiera de venir voter – je constate que seuls les derniers rangs de l'hémicycle applaudissent automatiquement. D'autre part, cela me paraîtrait surtout difficile à organiser. Néanmoins, votre proposition méritait d'être faite : j'espère que vous ne serez pas vexé qu'elle ne soit pas retenue.
J'entends la question relative aux pics d'affluence, concernant notamment les personnes à mobilité réduite. Il est évident que nous donnerons une consigne générale relevant du bon sens et qui sera respectée par chacun, selon laquelle les personnes les plus âgées, celles présentant des comorbidités ou celles ayant une mobilité très réduite passeront en priorité dans les bureaux de vote – elle a d'ailleurs été appliquée lors des élections municipales. En revanche, prévoir des plages horaires spécifiques me semble difficile à organiser, d'autant que nous savons, pour avoir tenu pendant longtemps ces bureaux de vote, que les personnes les plus âgées viennent voter le matin. Nous pouvons considérer que la consigne générale de laisser passer les personnes prioritaires sera respectée.
Enfin, j'insisterai sur la grande simplification des procurations. Le législateur a non seulement souhaité que chaque électeur puisse détenir deux procurations, mais également que l'électeur puisse donner procuration par internet. Il pourra toujours la remettre en personne, à la gendarmerie et au commissariat de police nationale, mais chacun pourra la donner de chez soi, ce qui revient à gagner dix minutes et 10 euros par procuration – qui représente le coût pour la puissance publique –, sans que les personnes qui ne peuvent se déplacer aient à fournir un certificat médical. En effet, l'un des problèmes était l'envoi des policiers ou des gendarmes au domicile des personnes bénéficiant d'un certificat médical. J'ai fait supprimer cette disposition, afin que la procuration puisse être établie sans justification – déplacement professionnel, ou maladie : la procuration est un droit donné à l'électeur et représente une grande simplification. Je vous invite à vous saisir de cet outil numérique instauré par le ministère de l'intérieur qui sera bien plus efficace.
Dès la semaine prochaine, je réunirai en visioconférence les responsables des partis politiques et des groupes parlementaires s'ils le souhaitent, afin d'organiser, dans un esprit constructif, le scrutin de sorte à être le plus sécurisant possible pour les candidats et pour les maires. Le Premier ministre a rappelé toutes les mesures que nous avons déjà prises pour que les militants et les candidats puissent éviter, uniquement pour des raisons électorales, les contrôles de sécurité relatifs au couvre-feu.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je voudrais d'abord, sinon à tous, du moins à ceux qui sont intervenus, adresser mes vifs remerciements. Le débat que nous souhaitions a eu lieu. Je vous l'ai toujours dit : jamais je ne le considérerai comme inutile. Il a exprimé la diversité des opinions : c'est bien naturel. C'est le rôle de l'Assemblée nationale.
Cela étant, à écouter certains intervenants cet après-midi, je me suis demandé si j'avais bien été compris. En effet, certains m'ont semblé s'exprimer comme si j'avais proposé à l'Assemblée nationale le report des élections.
« Exactement ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je vous confirme donc clairement, comme je l'avais dit ici même lors du précédent débat, le 1er avril, que la ligne du Gouvernement est bien le maintien des élections au mois de juin.
Bien sûr, on nous prête de noirs desseins. Nous n'aurions ainsi pas atteint notre objectif, qui était de reporter le scrutin non pas pour des motifs sanitaires, mais au nom de calculs électoraux. Je sais bien que la crise sanitaire aura fait émerger le complotisme mais, mesdames et messieurs les députés, c'est tout de même en tant que Premier ministre du Gouvernement de la République que je vous propose une solution sur laquelle j'ai l'honneur de vous demander de vous prononcer.
Soyons donc très clairs et ne construisons pas de châteaux en Espagne : ce n'est pas la peine. À cet égard, M. Brindeau nous demandait : « Doutez-vous à ce point de vous-mêmes ? » Question philosophique !
Rires sur les bancs du groupe LaREM.
La vérité, c'est que nous nous sommes interrogés. C'est une habitude depuis le début de la crise sanitaire, certains sont bardés de certitudes, péremptoires, affirmatifs.
Or, voyez-vous, mesdames et messieurs les députés, les Français s'interrogent. Les maires se sont interrogés. Et, c'est légitime, la majorité s'interroge également.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Je dis cela notamment au président Jacob, dont la présentation de l'enchaînement des événements est juste : un rapport a été élaboré par M. Debré à la demande du Gouvernement, rapport qui a suscité le consensus et été suivi, en février, du vote d'une loi prévoyant l'organisation des élections en juin. Tout cela est parfaitement exact, sauf que ce qui l'est tout autant, c'est que, depuis, un variant très contagieux a émergé, ainsi qu'une troisième vague très forte. Tous, nous l'avons regretté, croyez-le bien ! Aussi serait-il étonnant que ces éléments nouveaux ne nous conduisent pas à nous demander légitimement si ce grand exercice démocratique, auquel nous sommes tout autant que vous attachés, sur l'ensemble des bancs, peut se dérouler dans de bonnes conditions. Il s'agit d'une question fondamentale et la réponse ne va pas de soi. Je comprends les interrogations et je les respecte. Et je ne foule pas aux pieds la démocratie : en atteste la solution que je vous ai proposée.
L'autre reproche qui m'est fait – rassurez-vous, j'ai l'habitude, même si celui-ci est le plus fort – est d'avoir consulté les maires. Tout de même !
Vous avez d'ailleurs reconnu vous-mêmes être allé un peu loin, étant donné que vous me reprochez tout à la fois de les avoir consultés et de ne pas l'avoir assez fait auparavant. C'est formidable ! Tout est dans tout et réciproquement, mesdames et messieurs les députés.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Eh bien non, je ne regrette pas d'avoir consulté les maires ! Au fond de vous-mêmes, vous ne pouvez d'ailleurs qu'approuver cette démarche.
Mêmes mouvements.
Vous regrettez que cette consultation ait été faite rapidement, ce que je reconnais. Je vais vous en donner la raison, ou plutôt vous la répéter. La première phase de consultation s'est achevée jeudi, selon le délai que j'avais moi-même indiqué. Nous avions fixé ce débat pour aujourd'hui à l'Assemblée nationale et demain au Sénat.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Il est donc vrai que le délai de consultation des maires était court, mais ces derniers ont répondu à vos saines préoccupations ! S'ils avaient déconsidéré ma démarche, ils ne nous auraient pas répondu aussi massivement.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Si vous pensez que les maires sont prisonniers des questions que nous leur posons – assertion inadmissible venant de certains –, je répondrai que les maires sont bien libres de formuler les réponses qu'ils veulent et qu'ils ne s'en sont pas privés !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ils nous ont exprimé leurs interrogations et leurs inquiétudes, qui sont respectables. J'ajoute que, de la même manière, si nous interrogions nos concitoyens, ils nous feraient également part de leurs questionnements.
Devant vous, je revendique donc cette démarche, cette méthode.
Certains m'ont également dit, ainsi que certaines associations d'élus, que cette méthode était discourtoise à l'endroit des maires. Pas du tout ! Je revendique d'ailleurs également d'être le premier ministre ayant le plus contractualisé avec les associations d'élus.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je suis aussi celui qui a le plus contractualisé avec les collectivités territoriales. Je tiens tous les éléments à votre disposition. C'est une méthode de gouvernement absolument nécessaire dans la crise que nous traversons.
Je vous entends également nous reprocher de ne pas consulter les maires et de le faire ici pour la première fois. Mais quelle injustice ! Certains ont pourtant évoqué la campagne de vaccination. Sur le terrain, partout où je vais, et ce doit être la même chose quand vous vous rendez dans vos circonscriptions, je constate que les maires se dévouent à la tâche et que nos relations sont très bonnes.
Nous les associons. Ils savent travailler de manière transversale. Il peut bien sûr exister des problèmes ici ou là : après tout, c'est la première fois que notre pays organise une telle opération de masse. Mais je tiens à leur rendre hommage et à leur assurer – mais ils le savent – qu'ils sont écoutés, entendus. Heureusement que nous avons les maires. Heureusement que, dans 90 % des cas, les choses se passent très bien – et je sais que cela va continuer.
Aussi, comme toujours, sortons des postures et revenons à l'essentiel. Nous avons une échéance démocratique de la plus haute importance à organiser. Nous en connaissons désormais les dates : elles sont définitives. Nous devons appliquer toutes les modalités que je vous ai exposées dans mon intervention liminaire pour que ce rendez-vous démocratique soit à la hauteur des attentes de nos concitoyens. Je vous ai présenté un certain nombre de dispositions à cet effet et le ministre de l'intérieur, ainsi qu'il vous l'a dit, va prendre le relais dans le cadre d'une concertation que j'ai toujours promue et suivie, en dépit de certaines accusations qu'il m'arrive d'entendre. Il est de notre devoir collectif de réussir cet exercice qui, je le répète, ne sera pas simple.
Abordons-le avec pragmatisme et humilité dans le souci de rassembler. C'est à notre portée, tout comme, plusieurs d'entre vous l'ont souligné, il est à la portée des maires. C'est pour cette raison, bien entendu, qu'il était de mon devoir de les associer dès à présent car, comme vous le savez, ce sont eux qui auront, au nom de l'État, la lourde charge d'organiser les opérations électorales. Quant à nous, il nous appartient collectivement de veiller à ce que la campagne soit la plus ouverte possible pour qu'elle éclaire nos concitoyennes et nos concitoyens.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Enfin, mesdames et messieurs les députés, le but de ce débat d'aujourd'hui était aussi de tirer tous les enseignements des élections municipales, de sorte que nous ne poussions pas les choses dans une direction ou dans une autre et qu'on puisse ensuite venir crier au scandale et affirmer que nous n'avons pas correctement organisé les élections. Non ! Chacun doit prendre ses responsabilités. La démocratie, c'est la clarté ! Et la clarté, mesdames et messieurs les députés, c'est le vote !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
En application de l'article 65 du règlement, la Conférence des présidents a décidé que le vote se déroulerait dans les salles voisines de la salle des séances.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Il est ouvert pour une durée de trente minutes. Il sera donc clos à vingt heures vingt-cinq.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt heures t rente .
La séance est reprise.
Voici le résultat du scrutin sur la déclaration du Gouvernement relative à l'organisation des prochaines élections départementales et régionales :
Nombre de votants 529
Nombre de suffrages exprimés 516
Majorité absolue des suffrages exprimés 259
Pour l'approbation 443
Contre 73
L'Assemblée nationale a approuvé la déclaration du Gouvernement.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ces effets.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures trente -cinq .
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra