Il y a plus d'un an maintenant, alors que l'épidémie de covid-19 commençait à s'abattre sur notre pays tout comme elle sévissait partout dans le monde, les Français applaudissaient les personnels de santé tous les soirs à vingt heures aux balcons et jardins. Aujourd'hui, ces personnels font face à une situation tout aussi difficile pour la troisième fois et l'on peut penser que l'hôpital n'en sortira malheureusement pas indemne. Depuis cette tribune, je veux saluer chacune de ces femmes et chacun de ces hommes qui répondent présents en toutes circonstances, dans ces moments où chacun de nous se sent fragile et vulnérable.
La France atteindra bientôt le chiffre de 100 000 morts du covid-19. Le 12 mars 2020, dans son allocution aux Français, le Président de la République formulait des paroles que nous pourrions aisément reprendre à notre compte. Il disait notamment : « Mes chers compatriotes, il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour […]. Ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. » Puis il ajoutait : « La santé n'a pas de prix. »
Malheureusement, comme cela était prévisible, des préférences politiques resurgissent à l'heure des choix. Emmanuel Macron n'a pas stoppé la politique mortifère de fermetures de lits ni de regroupements hospitaliers. Citons par exemple le cas des hôpitaux Bichat et Beaujon dont la fusion à terme impliquerait la suppression pure et simple de 400 lits d'hospitalisation, c'est-à-dire une baisse de 30 % des capacités. Sous l'effet des restructurations, des postes d'aides-soignantes et d'infirmières vont être supprimés en pneumologie au centre hospitalier universitaire – CHU – de Lille, en dépit de l'épidémie de covid-19. En vingt ans, la France a perdu 100 000 lits à l'hôpital, dont 7 400 au cours des deux premières années du quinquennat d'Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron n'a pas stoppé le mouvement des économies exigées à l'hôpital puisqu'en dehors des mesures exceptionnelles liées à la crise de la covid-19, la trajectoire de fond vise toujours l'économie programmée de 800 millions d'euros. À l'Organisation mondiale du commerce – OMC – et avec le concours de l'Union européenne, Emmanuel Macron a engagé la France dans le refus de la levée des brevets qui permettrait de faire du vaccin le bien commun de l'humanité. L'Organisation mondiale de la santé – OMS – la réclame pourtant, afin de produire partout des vaccins sans les contraintes du marché et sans la soif de profit des grands laboratoires pharmaceutiques. La levée des brevets permettrait d'élargir le portefeuille de vaccins, à l'heure où la campagne vaccinale patine d'autant plus en raison des incertitudes concernant les vaccins AstraZeneca et Johnson & Johnson. Alors que la France verse des sommes considérables pour sa recherche, notre fleuron Sanofi supprime 400 postes dans ce domaine, mais verse 4 milliards d'euros de dividendes à ses actionnaires.
Emmanuel Macron n'a pas souhaité non plus financer les expérimentations de l'Institut Pasteur de Lille pour le repositionnement d'une molécule visant à concevoir un traitement contre la covid-19. C'est un investisseur privé, en l'occurrence le groupe LVMH, qui a dû s'en charger. Emmanuel Macron n'a pas donné suite à notre proposition de constituer en France un pôle public du médicament pour regrouper la recherche et la production des molécules indispensables à notre souveraineté sanitaire, à l'heure où la France ne produit même plus de Doliprane. La liste pourrait se poursuivre, et elle est malheureusement bien longue.
Longtemps admiré comme l'un des meilleurs au monde, notre système de santé s'est considérablement dégradé en quelques années sous les coups des néolibéraux successifs et de leur volonté perpétuelle de concurrence, de marché et de baisse des dépenses publiques. Mis à très rude épreuve, nos hôpitaux ne tiennent plus que grâce au dévouement absolu de personnels mobilisés avant même le début de la pandémie pour exiger des moyens supplémentaires. L'hôpital géré comme une entreprise, la santé comme une marchandise, les privatisations et l'austérité budgétaire, tout cela pèse lourd dans la dégradation de ce bien si précieux. Nos infirmières, parmi les moins bien payées de l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques – ont dû souvent recourir à l'auto-organisation face à une technocratie hors sol incapable de planifier quoi que ce soit. Elles ont même dû porter des surblouses faites de sacs poubelles, dans la sixième puissance économique du monde ! Un grand pays comme la France aura manqué longtemps d'un équipement aussi banal qu'un bout de papier avec deux élastiques.