Il y a quasiment un an, alors que notre système de santé affrontait la première vague de covid-19, l'annonce d'un Ségur de la Santé censé résoudre des années de désorganisation et de sous-investissement, avait suscité beaucoup d'espoir. Un an plus tard, nous sommes sur le point d'adopter une proposition de loi, censée traduire les mesures non budgétaires du Ségur de la Santé, alors même que l'épidémie de covid-19 pèse toujours autant sur les personnels de santé. Après un an de lutte acharnée, ces derniers sont au-delà de l'épuisement. Depuis le début, ils ont fait front avec abnégation – mais pour quel résultat, si ce n'est le sentiment que l'histoire se répète ?
Il est peu de dire que les personnels de santé attendaient beaucoup des concertations du Ségur, concernant en particulier les mesures budgétaires et les revalorisations salariales. Nous avons adopté celles-ci dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale ; elles sont importantes – nous le reconnaissons –, mais, déjà, elles faisaient des oubliés. Le Gouvernement a tenté de rectifier le tir – c'était nécessaire. Les dernières avancées concernent ainsi les aides à domicile et la revalorisation des grilles salariales des personnels soignants hospitaliers – nous les saluons, mais il ne faut pas s'arrêter là.
Des oubliés du Ségur, il y en a encore : les secteurs social et médico-social privés, ou encore les éducateurs spécialisés pour adultes en situation de handicap. Régulièrement, ces professionnels se mobilisent pour qu'on pense enfin à eux. Les mesures non budgétaires ont elles aussi des oubliés, et suscitent une frustration d'autant plus grande que l'espoir est immense.
Bien sûr, il y a des avancées et des mesures positives ; le groupe Libertés et territoires les a votées et saluées. Certaines ont d'ailleurs été adoptées à l'Assemblée nationale comme au Sénat, preuve qu'un consensus a pu être trouvé sur certains points – je pense, par exemple, à l'extension de certaines compétences aux professionnels de santé, en particulier aux sages-femmes, ou encore à l'organisation interne de l'hôpital, qui pourra mieux s'adapter aux spécificités locales. D'autres dispositions ont complété utilement la proposition initiale : la désignation de référents handicap dans les établissements de santé, la désignation d'une sage-femme référente, ou encore la prescription d'aides techniques par des ergothérapeutes. Toutefois, reconnaissons-le, ces avancées restent encore timides face aux enjeux. Surtout – et notre groupe insiste sur ce point – gardons-nous d'étendre sans cesse les compétences de certaines professions de santé, sans jamais améliorer ni leur formation, ni leur rémunération : c'est contre-productif et injuste – je pense notamment aux sages-femmes.
Un regret demeure, enfin, concernant la pratique avancée. Notre groupe aurait souhaité aller plus loin – les infirmiers anesthésistes, en particulier, auraient dû bénéficier du statut d'auxiliaires médicaux exerçant en pratique avancée. D'autres mesures paraissent en inadéquation totale avec les réalités du terrain. Comment expliquer, sinon, que depuis l'examen du texte, nous soyons sollicités de toutes parts par de nombreuses professions, qui veulent faire valoir leurs revendications ? Bien que la proposition de loi se présente comme la traduction du Ségur de la Santé, elle a manifestement donné lieu à une concertation insuffisante. Un trop grand nombre d'acteurs, directement concernés, pointent un manque de consultation et les décalages qui en résultent.
Deux mesures phares ont été supprimées, car elles ne répondaient pas aux besoins des acteurs. Il en est de même pour l'article relatif à l'attractivité du poste de praticien hospitalier : rien n'est proposé, concrètement, pour fluidifier et améliorer le recrutement – nos propositions, en la matière, ont malheureusement été rejetées. Pire, en confiant la décision à l'établissement support du groupement hospitalier de territoire, on donne l'impression d'éloigner encore la gouvernance, alors que tous les acteurs attendent davantage de proximité.
Cette proposition de loi a suivi un parcours sinueux. Malheureusement, le chemin est encore long pour que notre hôpital et notre système de santé se portent bien ; aujourd'hui, ils sont plus que jamais fragilisés. Le rejet du texte par le Sénat est compréhensible, et les critiques qu'il a émises quant à son caractère hétéroclite et à son manque de vision du texte sont légitimes. En conséquence, le groupe Libertés et territoires s'abstiendra. Nous appelons, d'ici au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, à un changement de cap ambitieux pour notre système de soins dans son ensemble.