Olivier Duhamel a reconnu les faits de viol incestueux qui lui étaient reprochés. Un vaste mouvement de mobilisation citoyenne visant à mettre fin à ce tabou est à l'origine de notre cheminement collectif.
L'accord trouvé entre les deux assemblées prouve que le Parlement sait se montrer à la hauteur et transcender les clivages politiciens lorsque la cause est grave et que la protection des enfants est en jeu.
Plusieurs propositions de loi ont été débattues sur ce sujet ces derniers mois. Beaucoup de choses ont déjà été dites dans l'hémicycle. Mais ne l'oublions pas : près de 7 millions de Français disent avoir été victimes d'inceste, soit une personne sur dix, un député sur dix, quelque soixante d'entre nous.
Près de la moitié des victimes de viol durant l'enfance auraient déjà fait une tentative de suicide ; c'est dire à quel point il est difficile de vivre avec ce traumatisme. De nombreuses victimes sont atteintes de stress post-traumatique. Ces difficultés se répercutent sur leur vie affective, sexuelle, relationnelle. L'amnésie traumatique, qui fait remonter à la surface des décennies plus tard les souvenirs des violences, est particulièrement douloureuse.
Aujourd'hui encore, dans la plupart des cas, les coupables ne sont pas punis. Il n'est pas facile pour les victimes de porter plainte. Le traumatisme, la peur de ne pas être entendu ou encore le fait que dans la majorité des cas, le coupable soit un proche, se trouve là, juste à côté, sont autant d'obstacles qui permettent de comprendre pourquoi seule une victime sur sept porterait plainte.
Ces plaintes doivent aboutir. Or, aujourd'hui, trois plaintes pour viol sur quatre – rendez-vous compte – sont classées sans suite, le plus souvent faute d'éléments suffisamment caractérisés.
Ce texte permettra d'améliorer le droit existant pour répondre à ce défi. Nous saluons ses principales mesures. L'instauration d'un seuil d'âge de non-consentement à 15 ans, sur le modèle de ce qui existe dans plusieurs pays européens, met ainsi fin à une anomalie juridique française. Nous nous en félicitons : nous sommes tout particulièrement satisfaits du consensus qui règne sur nos bancs autour de cette question.
L'extension du seuil à 18 ans en cas d'inceste et la nouvelle caractérisation de l'agression sexuelle sont autant d'éléments positifs qui renforceront notre droit. Les ajouts effectués en séance à l'Assemblée nationale, et réaffirmés au Sénat, concernant la lutte contre la « sextorsion » et contre la prostitution des mineurs, constituent des avancées par lesquelles nous tentons d'apporter des réponses à des problèmes dramatiques.
Le chantage sexuel en ligne est devenu un véritable fléau, en particulier pour notre jeunesse. Sur la question de la prescription, nous jugeons satisfaisante la rédaction proposée. La prescription glissante, qui permet de prolonger le délai de prescription du premier crime jusqu'à la fin du délai de prescription du second crime ou de tout nouveau crime en cas de récidive, est plus pertinente que l'imprescriptibilité, laquelle doit être réservée aux crimes contre l'humanité.
Un dernier débat agite toutefois encore notre assemblée autour de la fameuse clause dite Roméo et Juliette – une formule que je trouve insupportable étant donné la gravité du sujet –, qui instaure un écart d'âge de cinq ans.
Si nous comprenons l'argument selon lequel il est nécessaire d'éviter de criminaliser les amours adolescentes, le groupe Libertés et territoires n'a pas de position commune sur cette question. Plusieurs de ses membres, opposés à cette mesure, sont favorables à une réduction de l'écart d'âge à trois ans, comme le propose un amendement déposé par Isabelle Santiago. Dans de nombreuses situations qui nous sont rapportées, des mineures de 13 ou 14 ans – ce sont très souvent des filles – se retrouvent en effet sous l'emprise psychologique totale de jeunes majeurs qui les manipulent. Ces jeunes filles mineures doivent elles aussi être protégées contre les jeunes majeurs. Par ailleurs, cette mesure pourrait nuire à la clarté de la loi.
En définitive, notre groupe votera bien évidemment cette proposition de loi, comme – je l'espère et n'en doute pas – l'ensemble de notre assemblée, tant elle représente une réelle avancée pour toutes les victimes. Cependant, il ne faut pas oublier que si cette loi est nécessaire, la véritable transformation viendra du changement des mentalités, de la mobilisation des citoyens et de politiques de prévention massives.
Le fléau des violences sexuelles, notamment incestueuses, subies durant l'enfance ne doit plus être un tabou. Il faut l'éradiquer de notre société. Ne l'oublions jamais : un Français ou une Française sur dix a subi l'inceste et vit avec pour toujours. Là est le nouveau champ de l'action que nous devons mener pour mettre fin à ce drame et pour que notre société guérisse de cette blessure. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, il vous appartient de l'engager sans délai pour nos enfants.