Le texte que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture concrétise l'engagement pris dans les deux chambres auprès des victimes et des associations : celui d'écouter enfin celles et ceux qui ont osé hier, ou oseront demain, dénoncer les blessures de leur minorité volée.
Avant tout, je tiens à saluer les travaux de très grande qualité de notre rapporteure Alexandra Louis et son engagement de tous les instants sur ces sujets, mais aussi ceux de la sénatrice Annick Billon et de notre collègue Isabelle Santiago, qui permettent de lever le voile sur un tabou, sur une réalité difficile à accepter : la violence sexuelle, souvent confidentielle, subie par des mineurs mutiques. Plus d'un Français sur dix en auraient été victimes et plus de trois sur dix en auraient eu connaissance.
Je me félicite à cette tribune, mes chers collègues, de nos échanges constructifs en commission et en séance, et vous remercie, monsieur le garde des sceaux, pour ces débats que nous avons menés en confiance pour aboutir à ce texte historique. Historique, car il prévoit de manière claire et intelligible que plus aucun répit ne sera accordé à toute personne qui porte atteinte physiquement et moralement à nos enfants. Historique, car il donne à la minorité une place autonome dans la loi pénale. Le fait, pour un majeur, d'avoir une relation sexuelle, de quelque nature que ce soit et par quelque moyen que ce soit, avec un mineur ne sera plus simplement une circonstance aggravante en cas d'infraction : c'est clairement interdit. Les violences sexuelles sur mineurs auront désormais chacune une incrimination propre ; ces incriminations autonomes et indépendantes devraient permettre de briser les dernières chaînes de la crainte et de la honte qui empêchent ces victimes de parler des faits qu'elles ont subis.
L'incrimination d'inceste tout d'abord : la qualification dorénavant spécifique à ce crime pose des mots sur les maux les plus intimes d'une minorité abîmée par un auteur familier, et sans seuil ni écart d'âge, car elle reconnaît la gravité de l'atteinte à l'aune de la violence et de la rupture du lien de confiance avec ce parent, cet allié qui aurait dû protéger.
L'incrimination du viol ou de l'agression sexuelle sur mineur de 15 ans ensuite : les qualifications de ce crime et de ce délit, totalement déliées des infractions de droit commun, réaffirment la particulière vulnérabilité du mineur. Cette minorité, aujourd'hui circonstance aggravante, qualifiera demain à elle seule le crime ou le délit.
Il était tout aussi important que cette proposition de loi soit garante des amours adolescentes. Je crois que nous avons trouvé le juste équilibre au cours de nos débats en commission et en séance avec l'introduction de l'écart d'âge de cinq ans, y compris, je dois le dire, s'agissant de l'atteinte sexuelle, au terme d'un débat constructif animé par des collègues de notre majorité – je veux ici saluer le travail de notre collègue Pacôme Rupin. Mais je tiens à rappeler que les actes qui ne seraient pas poursuivis sous le chef des nouvelles incriminations sur mineur de 15 ans pourront toujours l'être sous celui de viol ou d'agression sexuelle dans le cadre du droit commun.
Je reviendrai également sur d'autres avancées essentielles de ce texte, à commencer par les nouvelles qualifications à l'encontre de la prostitution de mineurs – je souligne ici encore l'engagement de nos collègues Mustapha Laabid et Ludovic Mendes sur le sujet. Citons aussi les précisions apportées par les sénateurs excluant explicitement tout écart d'âge lorsque l'acte sexuel sera commis en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage. Et puis il y a la création du délit de « sextorsion », issu des travaux remarquables de notre collègue Laetitia Avia, et dont le Sénat a souhaité qu'elle concerne tous les mineurs, et non pas seulement ceux de 15 ans, ce qui conduit à graduer l'échelle des peines encourues.
S'agissant de la prescription dite glissante, la chambre haute n'a procédé à aucune modification des dispositions votées, qui répondent à une attente majeure des associations et des victimes. Elles pourront donc disposer d'un délai de prescription rallongé par celui d'une nouvelle infraction commise par l'auteur sur un autre mineur de 15 ans.
Je conclurai mon propos en vous remerciant de nouveau, monsieur le garde des sceaux, pour votre engagement et le souci de concertation dont vous avez fait preuve au cours des lectures à l'Assemblée nationale et au Sénat en vue d'aboutir à un texte ambitieux et, cela a été dit, historique pour toutes les victimes qui attendaient du législateur qu'il lève leurs craintes de ne pas être entendues, comprises et crues.