Cette proposition de loi marque un véritable tournant dans la protection des enfants victimes de violences sexuelles : elle instaure un seuil d'âge en dessous duquel tout acte sexuel entre une personne majeure et un enfant de moins de 15 ans sera présumé contraint ; elle porte le seuil d'âge à 18 ans pour les cas d'inceste, permettant ainsi de prendre en considération leur spécificité et leur gravité ; elle porte de trois à cinq ans la peine d'emprisonnement encourue lorsqu'une personne majeure a recours à la prostitution d'un enfant ; enfin, elle introduit le mécanisme de prescription glissante qui permet l'interruption du délai de prescription en cas de commission d'un même crime par un même auteur à l'endroit d'autres enfants.
Nous sommes à un moment charnière de la lutte contre l'impunité de ces violences. Les victimes ont toujours parlé. Elles l'ont fait à nouveau, mais ensemble, autour du hashtag #MeTooInceste. Cette fois-ci, non seulement la société les écoute, mais elle reconnaît sa responsabilité dans la banalisation de ces violences.
Plus que jamais, nous agissons en fervents représentants de la société et c'est une belle victoire collective. Pourtant, les associations de victimes, les institutions spécialisées nous alertent sur les limites de notre travail : l'association Face à l'inceste, le collectif Sauvons les enfants !, le Collectif pour l'enfance, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes – HCE – ou la nouvellement installée commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants – CIIVISE –, nous font tous part de leurs inquiétudes sur deux points particuliers.
D'abord, la clause Roméo et Juliette, qui prévoit une exception au seuil d'âge lorsque le majeur et le mineur ont moins de cinq ans d'écart, ne permet pas, en l'état, de reconnaître pleinement l'asymétrie des relations entre l'adulte et l'enfant. Dès lors, le HCE et la CIIVISE recommandent d'abaisser cet écart d'âge, à tout le moins à quatre ans, pour signifier l'interdit très clair de tout acte sexuel d'une personne majeure, quel que soit son âge, sur un mineur de 13 ans. Je défendrai un amendement en ce sens.
La seconde alerte concerne la condition d'autorité de droit ou de fait exigée dans certains cas d'inceste, qui ne permet pas de prendre suffisamment en considération la nature asymétrique des relations entre un majeur et l'enfant. Je proposerai de la supprimer par voie d'amendement.
Mes chers collègues, nous sommes si proches du but. Trop longtemps, nous avons fermé les yeux, comme d'autres, face à l'ampleur de ces violences, mais aussi face aux insuffisances de notre droit pour protéger efficacement nos enfants. Faisons de ce texte une véritable avancée pour la protection de tous les enfants victimes de violences sexuelles et prouvons à celles et ceux qui nous regardent, en le votant de nouveau à l'unanimité, que la lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants mérite mieux que des clivages politiques.