Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du vendredi 16 avril 2021 à 9h00
Lutte contre le dérèglement climatique — Article 56

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Avant de défendre l'amendement, je tiens à faire deux observations.

Tout d'abord, si nous sommes favorables à l'article 56, nous appelons l'attention sur la nécessité de ne pas se focaliser uniquement sur des espaces protégés qui seraient, d'une certaine façon, mis sous cloche ou sanctuarisés. Je sais que ce n'est pas le cas des aires protégées, mais il me semblait important de le rappeler.

J'étais longuement intervenu sur cette question lors de l'examen du Grenelle de l'environnement, lorsque l'on a créé les corridors écologiques et les trames vertes et bleues. J'avais alors dit que le choix de privilégier la protection de certains espaces, notamment en raison de leur biodiversité, ne devait pas nous conduire à ouvrir les vannes dans le reste de l'espace national. Cela n'a pas été le cas, et beaucoup de progrès ont été réalisés depuis 2008, notamment à la suite des directives européennes. Nous avons fait le choix d'affirmer la volonté de protection dans l'espace national, et pas seulement dans quelques espaces protégés – je suis persuadé que nous sommes en accord sur ce point.

Ma seconde observation porte sur les moyens à mobiliser dans le cadre du déploiement des espaces protégés : le porte-parole de la Conférence des présidents des parcs nationaux, M. Laurent Grandsimon, s'est alarmé, dans un courrier adressé à Emmanuel Macron, qui est à l'initiative des espaces protégés, d'une érosion des moyens des parcs nationaux, lesquels ont perdu entre 15 % et 20 % de leurs effectifs en dix ans.

Il faut reconnaître que, depuis, la ministre de la transition écologique a annoncé que les aires protégées bénéficieraient d'une augmentation de quarante équivalents temps plein (ETP). S'il faut s'en réjouir, le syndicat national de l'environnement, le SNE-FSU, s'est inquiété – à juste titre – que cette annonce ne cache qu'un jeu de bonneteau avec les effectifs des services opérateurs du ministère, qui ont perdu 25 000 ETP en dix ans. Le syndicat a également souligné que les 40 ETP promis restaient bien en deçà du nombre d'emplois perdus par les seuls parcs nationaux depuis de nombreuses années – pas uniquement sous la législature actuelle –, preuve d'un décalage avec les ambitions affichées par la stratégie pour les aires protégées.

Chers collègues – ceux de la majorité, en particulier –, je vous demande d'être très attentifs à mes propos. J'ai demandé un scrutin public sur cet amendement, car il défend un changement sémantique très symbolique, dont les conséquences sont importantes, sans pour autant porter un grand coup à l'économie générale de l'article.

J'insiste vraiment sur le fait que l'amendement peut paraître purement rédactionnel, mais les mots ont un sens ! Actuellement, le projet de loi prévoit que « la stratégie […] vise à la protection de l'environnement et des paysages, à la préservation et la reconquête de la biodiversité » – je crois que c'est en commission spéciale que cela a été ajouté – « ainsi qu'à la reconnaissance et la protection des cultures, des traditions et des savoir-faire des hommes et des femmes vivant dans ces territoires. »

Cette rédaction n'est pas satisfaisante, car elle réduit les cultures locales et régionales à de simples éléments de folklore – même si le mot est un peu fort –, à des atouts touristiques destinés à n'être valorisés que dans quelques musées de cire ou protégés dans des écomusées. Un de mes amis dit parfois que nos territoires ne sont tout de même pas des parcs d'attractions que les touristes traverseraient en nous lançant quelques cacahuètes ! Donc, soyons attentifs aux mots que nous employons.

Cette remarque rejoint d'ailleurs le débat que nous avons eu il y a deux jours sur les zones de revitalisation rurale (ZRR) : parler de « reconnaissance » et de « protection », c'est oublier que la culture est un élément non pas figé, mais dynamique. Il ne faut pas considérer que les territoires ruraux devraient s'enfermer dans leur culture du moment : au contraire, lui donner une autre dimension est très important.

C'est pourquoi cet amendement vise à clarifier l'alinéa 3 de l'article 56, en adoptant le vocabulaire utilisé dans la Convention sur la diversité biologique de 1992, qui a été signée par la France.

Au risque de me répéter, l'amendement tend donc à remplacer les mots : « la reconnaissance et la protection des cultures, des traditions et savoir-faire des hommes et des femmes vivant dans ces territoires », par les mots : « la valorisation des activités humaines et des connaissances, innovations et pratiques traditionnelles qui y concourent ».

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