Intervention de Frédérique Tuffnell

Séance en hémicycle du vendredi 16 avril 2021 à 15h00
Lutte contre le dérèglement climatique — Article 59

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Tuffnell :

Le problème vient d'être exposé. Outre sa dimension purement nutritionnelle et sanitaire, notre assiette est un terrain propice pour une action significative contre le dérèglement climatique d'origine humaine. En effet, 25 % des gaz à effet de serre émis sont en relation directe avec notre alimentation, dont l'incidence grimpe à 36 % si on y intègre les transports liés à l'assiette.

Conscientes de cette réalité, les filières viande ont fait preuve de responsabilité et ont engagé en 2013 une démarche en faveur d'une alimentation de qualité – il faut le dire. D'ailleurs, le 8 décembre dernier, lors de la Journée mondiale du climat, les filières bovines lait et viande se sont engagées à diminuer de 15 à 20 % les émissions de gaz à effet de serre. Leur effort est très louable, il convient de le souligner et de s'en féliciter. Mais disons-le clairement : il faut faire davantage, il faut aller plus loin, et la Convention citoyenne nous y invite. Cette position est confortée par les études sanitaires, qui démontrent qu'un régime trop carné induit des problèmes de santé. Il faut rééquilibrer notre alimentation. Ce constat est à l'origine du succès du flexitarisme, dont on peut ainsi résumer le principe : manger moins de viande, mais de meilleure qualité. N'oublions pas d'intégrer à cette équation qualitative un corollaire impératif, celui d'une meilleure rémunération du producteur.

Si nous gardons à l'esprit qu'il faut 100 grammes de protéines végétales pour produire 15 grammes de viande, nous concevons qu'il est plus intelligent de ne plus affecter une part trop importante de protéines végétales à l'alimentation des animaux de production, et d'en destiner une part croissante à notre propre consommation. C'est dans ce droit fil qu'intervient l'article 59, à l'entame du titre V, « Se nourrir ». Il tend à prolonger l'œuvre de la loi ÉGALIM en instaurant une nouvelle expérimentation : les collectivités volontaires pourront proposer quotidiennement un menu végétarien alternatif.

Le groupe Dem a souhaité présenter un amendement visant à consolider ce dispositif, afin de prendre en considération une spécificité de l'école primaire. Dans une majorité de cas en effet, il n'y a pas de choix possible car on sert un menu unique. Notre pays compte 290 000 classes primaires. Mes collègues et moi suggérons donc que la restauration collective des écoles primaires propose des menus mixtes riches en céréales et en légumineuses, associant davantage de protéines végétales qu'animales.

Le projet de loi, enrichi en commission, prévoit des aspects complémentaires indispensables à ce dispositif. Le titre V tend à lutter contre le gaspillage alimentaire et à favoriser l'extension des produits dits de qualité, de l'approvisionnement responsable et des produits issus du commerce équitable. Nous proposons d'ajouter à cette liste les produits issus des PAT (projets alimentaires territoriaux), tant les produits issus des territoires et de l'agroécologie peuvent concourir à faire gagner en cohérence notre politique de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Nous aborderons certainement la notion de production locale. Comment la définir ? Faut-il prévoir un périmètre, comme l'Italie, qui a décrété qu'une production locale serait issue d'un rayon de cinquante kilomètres ? La région ou le département constituent-ils un contour plus pertinent ? Promouvoir le recours à une production locale revient-il à condamner les Charentais maritimes à consommer toutes leurs huîtres de Marennes, tandis que les Bourguignons seraient encouragés à consommer toute leur viande charolaise ?

Enfin, il faut nous demander comment accompagner le plan protéines végétales et comment gagner en autonomie et contribuer à la lutte contre la déforestation importée. Tous ces aspects complémentaires ont leur importance. J'espère que nos débats seront constructifs et traduiront le plus précisément possible dans la loi la philosophie des conventionnels.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.