Intervention de Sophie Devienne

Séance en hémicycle du lundi 3 mai 2021 à 16h00
Bilan de la loi Égalim sur la rémunération des agriculteurs

Sophie Devienne, professeure d'agriculture comparée et de développement agricole à AgroParisTech :

Pour contrer la baisse du revenu des agriculteurs, il est certes préconisé de modifier le partage de la valeur ajoutée, mais aussi, souvent, d'augmenter la productivité du travail. J'ai connu un agriculteur au bord de la faillite, incapable de rembourser la moindre somme à sa coopérative et à sa banque, auquel tous disaient : « Il faut produire davantage, c'est la seule solution. » Alors qu'il était, je crois, à deux doigts du suicide, son épouse, consciente que cela risquait de mal se terminer, lui a conseillé de s'arrêter. Or – cela ressemble à un conte de fées – alors qu'il se promenait dans le Massif central, il a rencontré un éleveur qui, en s'appuyant sur un système herbager économe et autonome et en vendant sa production dans des circuits courts, s'en sortait très bien, sans dettes, tout en élevant quatre fois moins de vaches que lui. Dans un virage à cent quatre-vingts degrés, l'agriculteur a finalement choisi un système relevant de l'agroécologie, inscrit en agriculture biologique, qui lui a permis de rembourser ses dettes et de s'en sortir.

On ne le dit pas assez : la transition agroécologique n'est pas seulement intéressante sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan économique et social, pour de nombreuses productions, en particulier pour le lait. Les exploitations laitières utilisant des robots de traite, des sillages de maïs et des tourteaux de soja, dont la production peut atteindre 10 000 litres de lait par vache et par an, ont une valeur ajoutée de 20 %, alors que celle des élevages s'appuyant sur un système agroécologique, où les vaches paissent dans des prairies semées de manière équilibrée de graminées et de légumineuses, se situe entre 50 % et 70 %.

Il faut donc poser la question des modèles de production du point de vue économique et social et pas seulement environnemental. Une multitude d'exemples dans les campagnes montre que le modèle agroécologique est intéressant à cet égard. Pourtant, le maître mot, depuis les années 1950, a été d'augmenter le volume par actif, pour produire des surplus écoulés à bas prix sur le marché mondial.

Demandons-nous plutôt quel modèle permettra demain de maintenir l'emploi dans les campagnes, tout en préservant par exemple l'environnement et la qualité de l'eau.

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