Intervention de Guillaume Gauthier

Séance en hémicycle du lundi 3 mai 2021 à 16h00
Bilan de la loi Égalim sur la rémunération des agriculteurs

Guillaume Gauthier, éleveur de bovins en Saône-et-Loire :

Je vais commencer par répondre à la question sur le fonctionnement de l'interprofession, avant de conclure. Je suis dans l'interprofession depuis trois ans et demi : dans l'état où elle se trouve, nous ne progresserons jamais vers une rémunération plus juste. Nous avons même essayé de faire figurer le mot « équitable », mais il paraissait trop grossier pour certaines familles. Tant que les décisions devront être prises à l'unanimité, les choses n'avanceront pas.

Au niveau de la production, tous les syndicats siègent. Ils sont tout le temps d'accord ; dès qu'il s'agit d'apporter de la valeur aux producteurs, il n'y a pas de petites guerres. Les éleveurs, en particulier les éleveurs de vaches allaitantes, qui font davantage pâturer leurs animaux, sont souvent d'accord sur les aspects environnementaux.

Je ne peux que souscrire aux propos de Mme Devienne : il n'y a pas de clause miroir, on fait entrer et consommer en Europe des denrées qu'on ne veut pas produire chez nous.

En introduction, j'ai dit les mots « vraie vie ». Eh bien, quand je vous entends monsieur Chalmin, je suis outré. Ce n'est pas étonnant, de la part du directeur de l'Observatoire des prix et des marges, mais je suis outré d'entendre que les GMS perdent de l'argent lorsqu'elles vendent de la viande. Je vais vous emmener dans des GMS qui ne font pas comme les autres, qui ne mettent pas toutes les charges de structure sur le rayon boucherie ; elles achètent les animaux à 5 ou 6 euros le kilo, les vendent moins cher que je ne le fais en vente directe, tout en étant bénéficiaires – je peux vous l'assurer.

Le seuil de revente à perte a été instauré, mais à qui a profité le crime ? Clairement aux GMS, qui ont désormais le droit de vendre plus cher et n'ont plus le droit de vendre à perte – ce qui est une bonne chose pour elles. Cela dit, le ruissellement n'a jamais eu lieu et mécaniquement, les prix du rayon viande ont plutôt augmenté. Vous avez dit que les prix ont augmenté en 2020 : c'est vrai, s'agissant des femelles. Vous n'êtes pas sans savoir que des sécheresses sont survenues ces dernières années, que les rendements des céréaliers en 2020 n'étaient pas très satisfaisants et qu'ils auraient préféré cumuler deux sources de revenus. Je le constate dans mes achats de protéines pour mes jeunes bovins – j'utilise la prairie et la biodiversité pour engraisser les femelles, mais c'est très compliqué d'engraisser à l'herbe les jeunes bovins.

L'Observatoire me laisse donc un petit goût amer ; si on en est encore à se dire que les GMS perdent de l'argent quand elles vendent de la viande, je comprends que l'on entende à Interbev répéter : si on payait les éleveurs, qu'est-ce qu'on deviendrait ! Je ne peux plus cautionner ça. Certes, je suis membre d'un syndicat, mais en voyant ce qui se passe je ne peux que faire un constat d'échec : les états généraux de l'alimentation, on y croit, mais ça ne marche pas ; Interbev, on y croit, mais ça ne marche pas s'agissant des prix. On se tourne alors vers les pouvoirs publics, on leur demande de faire quelque chose.

En tant que membre de JA, le syndicat Jeunes agriculteurs, je disais que le pilier, c'était l'installation. Maintenant, je dis que c'est l'alimentation, ce sont les territoires vivants et ce qui s'y passe : dans le Cantal, en Saône-et-Loire, partout où il y a de l'élevage, il y aura de la biodiversité. Qu'on ne nous oppose pas des modèles différents du nôtre. Comment comparer les territoires français et ceux d'autres pays européens voire d'Amérique du Sud ? Je ne suis pas prêt à faire ce que font certains voisins éloignés en matière d'alimentation, d'hormones ou d'antibiotiques. Je veux défendre mon pays et mon territoire, parce que j'agis directement sur celui-ci. Quand je vois mes vaches dans une prairie, même s'il n'y a pas d'herbe et qu'on leur apporte du foin, elles sont dehors, elles sont là. Vous savez tout cela, vous êtes des élus de territoire.

Franchement, faites quelque chose : le monde agricole a besoin de vous. On se tourne vers vous, parce qu'on n'a plus d'autre solution. Vous avez l'avenir du pays entre les mains parce que la souveraineté alimentaire de la France ce n'est pas Carrefour, ce sont les paysans.

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