Intervention de Julien Denormandie

Séance en hémicycle du lundi 3 mai 2021 à 16h00
Bilan de la loi Égalim sur la rémunération des agriculteurs

Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Pour certaines filières, encore fort loin de la contractualisation, ce sera un sacré enjeu, y compris dans la filière viande où elle est beaucoup moins développée que dans d'autres comme la filière laitière. Je rappelle que Bruno Le Maire, suite aux crises du lait successives, l'avait fait adopter comme principe de base – je pense que cela avait même fait l'objet d'une disposition législative. Je crois beaucoup à la contractualisation. Toutes vos interventions, mesdames, messieurs les députés, l'ont bien montré : si l'on veut faire cesser la guerre des prix et garantir beaucoup plus de transparence, il faut passer par la contractualisation.

Après la contractualisation, j'en viens à un deuxième point : je suis à fond pour l'indexation que vous avez évoquée. Et je souligne, répondant ainsi à M. Chassaigne, que le débat que nous aurons en juin portera notamment sur le fait de savoir si le dispositif prévu par cette proposition de loi sera à même de changer les choses. Vous commencez à me connaître et vous savez que je ne suis pas là pour soutenir des mesures qui n'auraient finalement aucun impact. Mon seul objectif, c'est que le texte qui sortira de l'Assemblée, puis du Sénat, soit un texte qui change les choses. Il ne s'agit pas de tourner autour du pot – ou de « caresser le cercle », monsieur Chassaigne –, je veux vraiment que nos débats aboutissent à un dispositif qui permette de changer la donne.

En revanche, puisque vous me connaissez, vous savez que pour moi il ne faut jamais raconter des carabistouilles aux uns ou aux autres, comme dire par exemple que la loi va fixer tous les prix, filière par filière, type de production par type de production et type de produit par type de produit, y compris par type d'aliment. On a eu ce débat cet après-midi, monsieur Chassaigne, et nous savons tous que cela ne peut pas fonctionner ainsi. Mais mon objectif, c'est vraiment d'aller le plus loin possible, et tout ce que nous entreprenons ne vaut le coup que s'il y a vraiment un changement in fine, sinon cela ne sert à rien. Je suis là pour que chacun ait le courage d'aller de l'avant. Je ne suis pas sûr que vous ayez entendu souvent un ministre de la République dire que la loi LME était à son avis une erreur et qu'il fallait arrêter de faire une politique sociale sur le dos des agriculteurs. J'ai quant à moi le courage politique de le dire parce que je pense que c'est vrai et que c'était une faute.

Troisième point : les coopératives, qu'a évoquées Mme Leguille-Balloy. Son intervention appelle de ma part deux remarques. Tout d'abord, il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. Ensuite, les enjeux que vous avez évoqués renvoient aux filières, qui en ont bien conscience. Je mouille le maillot pour améliorer la situation autant que faire se peut mais je ne suis pas actionnaire d'une coopérative.

Quatrième point : le consommateur et l'opposition entre l'appel aux clauses miroirs et ce qui se passe à l'intérieur de l'Union européenne. Vous avez mille fois raison, madame la députée, et c'est bien pourquoi il y a à cet égard une grande avancée dans la PAC puisque le fameux écorégime, ce nouveau mécanisme agroenvironnemental, va être obligatoire pour tous les États membres. Nécessaire mais pas encore suffisant, me direz-vous, mais c'est tout de même un message politique très clair – même si la mise en place va prendre plusieurs années : il n'y a plus de dérogations possibles pour certains États membres, tous sont concernés.

Mon dernier point portera sur ce que M. le député Chassaigne appelle les vraies questions. Si la distorsion de concurrence au sein du Marché commun en est une, je réponds archi oui, et ce n'est pas un problème d'accord de libre-échange car, quel que soit le taux de droits de douane, il faut arrêter une hypocrisie qui consiste à dire : loin des yeux, loin de ma conscience environnementale ou nutritionnelle. Mais ce serait vous mentir, monsieur le député, que d'affirmer qu'il suffit que la France en décide autrement. J'adorerais que ce soit le cas, mais le fait est que ce n'est pas aussi simple. Je crois que, même avec vos racines communistes, vous voyez bien que la question ne relève pas uniquement du niveau national ni même du niveau européen, mais aussi de l'OMC, de même que vous voyez bien les avantages que le monde agricole retire de sa capacité à exporter.

Je conclurai en soulignant qu'il y a quelque chose d'aberrant dans le fait que les règles européennes se fixent depuis toujours comme angle la protection du consommateur européen pour interdire ou non un produit en fonction de son impact sur sa santé ou sur son environnement, mais sans se préoccuper du reste du monde alors que les choses ont changé. Ainsi, en détruisant l'Amazonie par une production qui ne respecte pas nos standards, l'on détruit l'environnement au Brésil mais aussi en Europe. Voilà ce qu'il faut faire changer. Tous les pays sont évidemment impliqués sur ce point à des degrés variables mais, je le redis, c'est pour moi vraiment la mère des batailles. Nous allons progresser fortement sur ce point durant la présidence française.

Nous enregistrerons prochainement nos premières victoires, notamment avec un acte délégué sur les antibiotiques, et je salue la filière bio qui a fait avec mon ministère un gros travail, en particulier la Fédération nationale bovine et la Fondation Nicolas Hulot sur le plan de l'analyse juridique. Il faut absolument en faire un enjeu politique majeur : ce n'est pas de l'ostracisme, c'est prendre conscience que si on veut accélérer notre transition, cela doit se faire avec des règles justes et équitables pour le commerce international. Il existe déjà un cap à suivre, le Codex Alimentarius, mais je ne suis même pas sûr que quelqu'un le connaisse dans cette salle, c'est dire sa portée… Il faut donc aller beaucoup plus loin, notamment dans le cadre de la revue des politiques commerciales européennes.

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