Dans cette crise du covid-19 qui touche l'ensemble de nos compatriotes sans exception, l'État a fait de la santé publique sa priorité absolue. Le confinement a permis de réduire les chaînes de contamination en limitant les interactions physiques et de soulager progressivement les capacités de réanimation des hôpitaux. Mais protéger tous les Français signifie avant tout n'oublier personne, en particulier ceux qui, par définition, ne peuvent pas rester confinés chez eux, simplement parce qu'ils n'ont pas de « chez eux ».
La protection des personnes sans domicile fixe représentait un triple défi : il s'agissait de les mettre à l'abri, et ce dans des conditions permettant de limiter la promiscuité, et enfin d'isoler celles qui étaient contaminées. Pour le relever, l'État a augmenté les capacités d'hébergement de 27 % en 2020 : plus de 43 000 nouvelles places ont été créées, dont plus de la moitié à l'hôtel, ce qui a porté les capacités d'accueil à 200 000 places, auxquelles il faut ajouter les 100 000 places du parc d'hébergement spécifique aux demandeurs d'asile et aux réfugiés. Ce dispositif s'est accompagné de mesures de desserrement des centres collectifs existants, afin qu'on puisse appliquer les mesures barrières, et de la création de centres d'hébergement spécialisés pour recevoir les personnes atteintes du covid-19.
Derrières ces chiffres désincarnés, ce sont des femmes, des hommes et des enfants qui ont pu être confinés et ainsi protégés de la pandémie. Cette réalité donne tout son sens et toute son humanité au fameux « quoi qu'il en coûte » : nous pouvons être fiers, collectivement, d'avoir traduit ce mot d'ordre sur le plan budgétaire, en votant notamment 450 millions d'euros de crédits supplémentaires dans les troisième et quatrième lois de finances rectificatives de 2020. La mise à l'abri de ces personnes s'est accompagnée d'une politique volontariste et ambitieuse en matière d'aide alimentaire : 14 millions de chèques alimentaires ont été produits pour les personnes sans domicile ou sans ressources, et 94 millions d'euros ont été débloqués pour appuyer le dispositif d'aide alimentaire classique.
Je profite de cette occasion pour remercier l'ensemble des acteurs associatifs qui se mobilisent sans relâche, sur les territoires, pour soutenir les plus précaires d'entre nous ; j'en citerai quelques-uns, comme Jean Ndour, qui vient en aide aux étudiants, Marie-Françoise Thull, présidente du Secours populaire de Moselle, accompagnée de nombreux bénévoles, ou encore l'association Lien El Amel de Woippy. Leur importance est reconnue par l'État, qui a récemment attribué une enveloppe de 100 millions d'euros à des projets solidaires d'envergure nationale et régionale. Je formule le vœu, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, que ces associations soient davantage représentées au sein du Conseil économique, social et environnemental (CESE), comme le souhaite, par exemple, ATD Quart monde.
« Ces mesures, dont le coût pour 2020 dépasse le demi-milliard d'euros, ont permis d'éviter une surmortalité des personnes à la rue ou sans domicile » : ces mots ne sont pas les miens, mais ceux de la Cour des comptes, qui a reconnu à leur juste valeur les efforts engagés par la nation pour protéger les plus précaires et contenir fortement les contaminations. Nous devons porter la plus grande attention aux difficultés que la Cour a relevées, concernant notamment le besoin d'anticipation, les délais de distribution des masques ou encore l'efficacité du système des chèques alimentaires.
Nous sommes à un moment charnière : la crise est encore notre quotidien, et les 2 milliards d'euros budgétés dans la loi de finances pour 2021 permettent de maintenir nos efforts d'hébergement des plus précaires ; dans le même temps, l'accélération de la campagne vaccinale laisse entrevoir un avenir plus réjouissant – mais, réjouissant, il devra l'être pour tout le monde, car pour les personnes sans domicile, le retour au monde d'avant n'est pas une solution. La sortie des dispositifs exceptionnels devra se faire de façon progressive, et dans une perspective d'accès au logement. Depuis 2018, le plan national Logement d'abord a permis à 235 000 personnes sans abri ou hébergées d'accéder à un logement, dont 82 000 pour la seule année 2020. Nous devons amplifier cette dynamique, remobiliser tous les acteurs et élargir l'offre territoriale.
J'évoquerai pour finir un point de vigilance, qui nous a tous alertés dans nos circonscriptions : les associations qui distribuent l'aide alimentaire reçoivent un public qu'elles n'avaient jamais vu auparavant, des personnes souvent modestes que la crise fragilise encore plus. Nous devons à tout prix les accompagner de façon systémique, pour qu'elles échappent dès à présent à la grande pauvreté. C'est d'ailleurs l'un des enjeux majeurs des politiques en faveur de l'emploi que présentera Fadila Khattabi dans quelques minutes. Je terminerai par ces mots de Nelson Mandela : « La lutte contre la pauvreté n'est pas un acte de charité. C'est un acte de justice. C'est la protection des droits fondamentaux de l'homme, de son droit à la dignité et à une vie décente. »