La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Le 23 avril dernier, alors qu'elle venait de reprendre son service au commissariat de Rambouillet, Mme Stéphanie Montfermé a été sauvagement assassinée. La police nationale a été une nouvelle fois victime du terrorisme islamiste et la nation tout entière est endeuillée. Au nom de l'Assemblée nationale, je salue la mémoire de Mme Stéphanie Montfermé et j'adresse à ses proches et à ses collègues nos plus sincères condoléances. Je vous invite à observer une minute de silence.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, avant d'ouvrir les questions au Gouvernement, je vous propose d'interroger notre histoire. Demain, vous le savez, la France commémorera le bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte, qui s'est éteint le 5 mai 1821 à Sainte-Hélène.
Cet anniversaire, depuis quelques mois, donne lieu à de multiples discussions et controverses. Tant mieux, car ces débats prouvent la vitalité démocratique de notre pays ainsi que le goût des Français pour les analyses historiques. C'est au fond la gloire de Napoléon que de pouvoir ainsi susciter tant d'intérêt deux siècles après sa disparition. Nul ne règne innocemment, nul ne réforme un pays sans se faire d'ennemis, et puis il y a de bonnes raisons d'adresser des reproches aux mânes de Napoléon Bonaparte – le rétablissement de l'esclavage, à lui seul, entache gravement sa mémoire. Nous autres, députés, ne pouvons non plus approuver l'homme du 18 brumaire, qui bouscula le Parlement.
Mais reconnaissons que nous lui devons aussi la colonnade du palais Bourbon, qui est devenue aujourd'hui l'emblème de notre démocratie, par l'un de ces détours de l'histoire qui en montre toute la complexité. De même, nous aimons nos lycées, créations de Napoléon, nous respectons nos préfets, la Cour des comptes, le Conseil d'État, la Légion d'honneur, le code civil,…
…toutes ces masses de granit qu'il jeta sur le sol de France et sur lesquelles s'est bâtie notre modernité.
Bien sûr, et c'est heureux, les lycées actuels sont plus ouverts qu'en 1802. Bien sûr, le code civil de 2021 donne aux femmes plus de droits que l'ancien code Napoléon. Bien sûr, nous sommes en paix avec nos voisins européens, qui partagent maintenant nos idéaux. C'est là le résultat d'autres batailles, d'autres combats, parce que notre république démocratique et sociale ne s'est pas construite en un jour.
En 1840 déjà, dans cet hémicycle même, les députés s'affrontaient sur la mémoire de Napoléon. J'ai demandé la réédition de ces débats si éclairants d'intelligence et j'ai souhaité que soient exposés à la bibliothèque de l'Assemblée nationale les documents exceptionnels qui sont conservés au palais Bourbon pour la mémoire de Napoléon, comme sa lettre d'abdication, une abdication parlementaire, et le plan de son tombeau.
En 1840, il était demandé à nos collègues d'approuver des crédits pour le retour des cendres de l'ancien empereur. Bonapartistes et anti-bonapartistes ferraillèrent magnifiquement par de superbes envolées oratoires qui célébraient « le grand capitaine » ou fustigeaient son despotisme, tandis qu'Alphonse de Lamartine, pourtant très critique, invitait ses collègues à accueillir le souvenir de Napoléon avec recueillement, mais sans fanatisme. C'est la bonne méthode. Au nom de la représentation nationale, je souhaite qu'elle soit appliquée au citoyen Napoléon Bonaparte, général de la Révolution, emprisonné en 1794 pour robespierrisme et empereur de la complexité historique.
À notre tour, sachons nous pencher sur notre passé avec mesure et discernement, sachons reconnaître les mérites et, dans cette vaste fresque de la France moderne que nous nous efforçons de poursuivre, sachons ne pas réduire les grandes dates et les grands hommes à de petits slogans.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.
Monsieur le président, avec l'ensemble des députés du groupe Les Républicains, je veux tout d'abord m'associer avec force et émotion à l'hommage que vous avez rendu à Stéphanie Montfermé.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LaREM, Dem, Agir ens, SOC, ainsi que parmi plusieurs députés non inscrits. – Mme Marie-George Buffet applaudit également.
Monsieur le garde des sceaux, le meurtre antisémite, abject, de Sarah Halimi, battue et défenestrée en 2017, a choqué tous les Français. Aujourd'hui, il les choque doublement, par son extrême sauvagerie et parce que son auteur ne sera pas jugé. La cour d'appel de Paris, puis la Cour de cassation, le 14 avril dernier, en ont décidé ainsi. L'expertise psychiatrique a conclu à son irresponsabilité, car il a agi consécutivement à la consommation de cannabis.
Cette décision pose la question des conditions de l'abolition du discernement ; elle a suscité un débat controversé, et de nombreuses critiques sur le fonctionnement de notre justice. Comme l'insécurité alimente un sentiment d'insécurité, cette décision injuste alimente un sentiment de défiance envers l'institution judiciaire et d'impunité. Comment admettre, en effet, monsieur le garde des sceaux, que la consommation volontaire d'une quelconque substance altérant le comportement puisse exempter de toute responsabilité ?
Il est des limites morales qui appellent à des évolutions légales. Ce que vous qualifiez pudiquement de vide juridique ne confine-t-il pas plutôt tout simplement à l'absurdité ? Parce que le droit n'est rien sans les faits, parce qu'il doit s'en nourrir, il est impératif de clarifier, à l'aune de cette dramatique affaire, les causes et les conditions de l'irresponsabilité pénale et de prendre toutes les dispositions permettant de faire évoluer la loi. Jamais la consommation volontaire de drogue ne pourra servir de rempart à un procès. Aussi les Français…
…attendent du Gouvernement des mesures qui renforcent notre pacte républicain, qui renforcent notre justice et sa vocation : la rendre. Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je veux tout d'abord m'incliner avec respect devant le chagrin des familles Attal et Halimi. J'ai mesuré comme vous, bien sûr, l'émoi suscité dans notre pays par la décision rendue par la Cour de cassation. Le Président de la République m'a demandé d'intervenir et de préparer un texte. Doit-on distinguer entre le fou, qu'il n'est pas question de juger – ce serait une régression, un retour au Moyen-Âge – et celui qui doit sa folie à la consommation de produits psychotropes ? Je le dis ici, devant la représentation nationale : oui, il faut distinguer ces deux situations.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
Pour autant, bien sûr, deux lignes rouges doivent limiter notre réflexion. Premièrement, je l'ai déjà dit, on ne juge pas les fous ; deuxièmement, bien évidemment, on ne peut condamner un homme pour un crime si son discernement est aboli.
M. Erwan Balanant applaudit.
Il existe une voie médiane.
Je vous l'ai dit, le Président de la République m'a demandé d'intervenir, je consulte des psychiatres, des magistrats, des avocats,…
…des représentants des cultes. Je me suis nourri du travail des anciens députés Dominique Raimbourg et Philippe Houillon, de l'avis de l'avocat général, de la lecture, bien sûr, de l'arrêt, et j'aurai l'honneur, fin mai, de présenter un texte que j'espère, vous voterez.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, Stéphanie Montfermé avait quarante-neuf ans. Elle était une épouse, une mère, une amie, une collègue. Elle a travaillé pendant vingt-huit ans au service de la France et des Français. Elle était fonctionnaire de police au commissariat de Rambouillet et, il y a dix jours, elle a été assassinée par le terrorisme islamiste, endeuillant une nouvelle fois le territoire des Yvelines, après les attentats de Magnanville et de Conflans-Sainte-Honorine.
Monsieur le Premier ministre, le format de cette prise de parole impose à chaque parlementaire de formuler une question. J'avoue avoir beaucoup hésité quant à la manière de vous la poser, tant elle l'a déjà été. D'autres présidents de la République, d'autres premiers ministres se sont rendus dans des territoires ensanglantés par le terrorisme islamiste ; ils ont consolé des familles, pris des engagements, changé la loi. Pourtant, cette question perdure.
Cette question, nous nous la posons et vous vous la posez, monsieur le Premier ministre. C'est la question que notre peuple, au plus profond de lui-même, se pose. C'est une question que chaque Français, soucieux du destin de son pays et amoureux de la France, se pose. C'est la question qui assombrit nos joies et taraude les foules qui défilent au lendemain des crimes ignobles. C'est une question qui devrait nous unir, quand, trop souvent, elle nous sépare. C'est une question que les populistes ne se posent pas – ils ont déjà des réponses toutes faites. C'est une question que l'extrême gauche ne se pose pas – pour elle, la question n'existe pas. Mais cette question perdure, car, à la fin de la journée, qui meurt ? Des serviteurs de l'État, des fonctionnaires, des militaires, des policiers, des gendarmes, des journalistes, des enseignants, des jeunes aux terrasses des cafés, des Français juifs, sur lesquels on a tiré à bout portant dans une école, ou qu'on a défenestrés.
Monsieur le Premier ministre, cette question est simple et je vous la pose avec toute la solennité qui s'impose : quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer nos moyens de lutte contre le terrorisme islamiste ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Avec vous, madame Aurore Bergé, et avec la représentation nationale, je veux évidemment, au nom du Gouvernement et à la suite du Premier ministre – qui est intervenu dans une très digne et très belle cérémonie honorant cette policière de Rambouillet, sa famille et ses collègues – rendre hommage à Stéphanie Montfermé, à son parcours et condamner une nouvelle fois le terrorisme islamiste qui, comme vous l'avez dit, touche la France.
Depuis la présidence de Nicolas Sarkozy et les ignobles attentats de l'école juive de Toulouse, depuis le quinquennat du président Hollande – chacun se souvient des horreurs qu'ont alors connues Paris et d'autres villes de France –, jusqu'à la présidence d'Emmanuel Macron aujourd'hui, tous les pays européens et, si j'ose d'ire, tous les pays du monde, ont connu la barbarie islamiste.
Madame Bergé, nous nous posons les mêmes questions que vous. Nous constatons, malgré les trente-cinq attentats déjoués par les services de renseignement français depuis janvier 2017, malgré le doublement du budget de la DGSI – Direction générale de la sécurité intérieure –, malgré le recrutement de 1 900 policiers supplémentaires dans les services de renseignement, malgré les textes importants votés sous plusieurs majorités, qui nous aident à déjouer ces attentats, que l'hydre islamiste continue à tuer à travers le monde et singulièrement en France.
Les neuf derniers attentats ont été commis par des individus qui n'étaient pas connus des services de renseignement. C'est cette confluence vers le terrorisme que nous devons empêcher, par le travail de lutte contre le séparatisme – le « djihadisme d'atmosphère », comme le dit Gilles Kepel –, mais aussi en promouvant « la société de vigilance », à la suite de M. le Président de la République, en luttant contre l'islamisme radical, et en même temps, évidemment, en assurant une meilleure détection, une meilleure maîtrise de nos frontières et un soutien encore renforcé aux forces de l'ordre.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, de retour de son voyage sur la Station spatiale internationale, où il se trouve de nouveau en ce moment, l'astronaute français Thomas Pesquet disait combien, depuis là-haut, la fragilité de la planète devenait très concrète. De là-haut, on ne distingue pas de frontières, pas de conflits ethniques, pas de différences d'appartenance religieuse. De là-haut, on ne voit que le grand bateau sur lequel l'humanité, une et indivisible, est embarquée.
Ce bateau fait naufrage, nous le savons : le changement climatique est commencé ; l'écosystème compatible avec la vie humaine est menacé. Nous sommes entrés dans la décennie décisive pour l'humanité.
Pour contenir le réchauffement climatique dans la limite acceptable définie par les accords de Paris sur le climat, il nous faut diviser par cinq, d'ici à 2030, les émissions de gaz à effet de serre dues à nos activités. Si nous faisons moins bien, nous franchirons des points de bascule irréversibles ; ce sera un grand saut dans l'inconnu.
Le 29 juin dernier, dans les jardins de l'Élysée, Emmanuel Macron s'engageait devant les 150 citoyens tirés au sort de la Convention citoyenne pour le climat à reprendre 146 de leurs 149 propositions. Mais, depuis lors, vos amis les lobbys et votre volonté de ne jamais déranger les puissants sont passés par là.
L'écologie sans lutte des classes, c'est du jardinage ! Votre projet de loi ne s'attaque pas à la responsabilité des grandes entreprises, ni à celle des plus riches. Cet après-midi, avec le vote de ce projet de loi, vous carboniserez les espoirs que vos engagements avaient suscités.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Seules quinze propositions de la Convention, les moins structurantes, y sont reprises. La Convention vous a d'ailleurs sanctionné d'une note de trois sur dix. Il restera un bilan : le vôtre.
Monsieur le Premier ministre, devant l'Assemblée nationale, douze personnes se sont attachées.
Elles représentent douze mesures phares qui ne figurent pas dans votre projet de loi. Les clés sont à votre disposition ; les détacherez-vous ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.
Vous avez rappelé les enjeux, monsieur Quatennens, et ils sont énormes. Nous sommes en train de travailler pour l'avenir de nos enfants, je dirais même pour l'avenir de l'humanité.
Face à cela, il y a plusieurs possibilités. L'une d'elles est de chercher une nouvelle fois à engager des débats stériles, de parler du « tout ou rien ». En général, vous le savez, quand on demande tout, on n'obtient rien.
Vous avez évoqué Thomas Pesquet et rappelé que nous vivons tous sur la même planète, que nous sommes tous sur le même bateau. Si nous voulons avancer, il faut le faire tous ensemble. Si nous voulons que nos réformes fonctionnent, si nous voulons lutter contre le réchauffement climatique, nous ne pouvons pas laisser des personnes sur le bord du chemin.
C'est pourquoi, pour notre part, plutôt que de faire de grandes phrases, plutôt que de fixer des objectifs immenses qui, à la fin, n'aboutissent à rien ,
Protestations sur les bancs du groupe FI
parce qu'ils entraînent une révolte sociale, nous prenons des mesures exigeantes et, en face de ces mesures exigeantes, nous prévoyons à chaque fois un accompagnement.
Je me suis rendue hier à Marseille. Les élus sont venus me voir et m'ont.parlé de la création des zones à faibles émissions mobilité, les ZFE-m. On va demander à des gens de ne plus entrer dans les agglomérations avec une vieille voiture polluante. Pourquoi ? Parce que, dans notre pays, 40 000 personnes meurent encore chaque année à cause de la pollution.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Parce que des enfants ont des troubles respiratoires, car ils sont dans les pots d'échappement.
Il est facile de dire cela. Et si on ne prend pas, à côté, les mesures nécessaires pour aider les personnes à conserver une mobilité, pour aider nos artisans à changer de véhicule de sorte qu'ils puissent entrer dans les agglomérations, pour développer les livraisons à vélo, pour favoriser l'accès aux transports en commun ; si on n'accorde pas près de 14 000 euros d'aide à toute personne qui a besoin de changer de véhicule, eh bien, on se paye de mots, monsieur le député.
Pour chaque mesure que nous avons introduite dans ce texte, un accompagnement est prévu. C'est de cette manière que nous avancerons et que nous protégerons la planète et, surtout, nos concitoyens.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, alors que notre pays sort progressivement des mesures les plus contraignantes prises pour ralentir l'épidémie de covid-19, nos EHPAD sont encore dans des situations humaines et psychologiques tendues. Sur le plan national, l'allégement que vous avez présenté la semaine dernière est justifié par la montée en puissance de la vaccination. Or, dans nos EHPAD, près de 95 % des résidents sont vaccinés, tout comme les trois quarts des personnels. Malgré ces taux de vaccination exceptionnels, il n'est toujours pas permis de revenir à une vie plus normale dans les maisons de retraite.
Vous le savez, depuis plus d'un an, les résidents des EHPAD sont assignés à résidence, privés de toutes leurs libertés fondamentales : privés de sortie à l'extérieur ; privés de lien physique avec leurs enfants ; privés de rencontres avec leurs familles ; privés, souvent, de l'entourage des leurs au moment de la mort. Les familles, quant à elles, sont privées des derniers instants de vie avec leurs proches, des dernières étreintes avec leurs parents, des derniers adieux et rites permettant de faire le deuil.
Le dernier protocole, prétendument allégé, envoyé par les agences régionales de santé et le ministère n'est pas assez clair sur ce retour indispensable à la vie normale.
Surtout, il indique que la restriction est la règle et que, selon les cas, la liberté peut être accordée. Or c'est l'inverse qu'il faut : la liberté doit redevenir la règle pour tous, et la restriction, l'exception.
Ouvrir les EHPAD, c'est aussi soulager les personnels de ces établissements, qui ont été en première ligne durant des mois. Ils ont maintenu de l'humanité, de l'affection, du soin, de la vie, dans des circonstances angoissantes et pesantes.
Mme Caroline Fiat applaudit.
Ils ont accompagné avec douceur et bienveillance les résidents en mal de contacts, de rencontres. Ils ont fait face aux solitudes et aux détresses psychologiques. Ils ont géré la pression des directions, des familles, de la société. Ils ont souvent été le dernier lien et les derniers sourires pour ceux qui partaient.
Monsieur le Premier ministre, pour les résidents, les familles et les personnels, il est donc impératif que des mesures nationales claires soient prises, non pas pour alléger faussement le protocole, mais pour libérer totalement les EHPAD et faire cesser cette situation quasi inhumaine, où les personnes âgées ne meurent pas du covid, certes, mais meurent de chagrin.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Permettez-moi de m'inscrire en faux contre ce que vous venez de dire. Les protocoles ont été allégés au fil de l'eau, en fonction de la crise sanitaire et de la campagne vaccinale. Pour rencontrer très régulièrement les personnes concernées, je peux vous dire que cet allègement est appliqué la plupart du temps.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR.
La crise sanitaire a conduit à des mesures de confinement. Je vous remercie d'avoir évoqué l'importance et la sensibilité du sujet dans les EHPAD, et d'avoir rendu hommage aux personnels. Le droit de visite est, dans les EHPAD, l'incarnation immédiate de la liberté d'aller et venir. Celle-ci est particulièrement cruciale, vous avez raison, à l'heure où la vaccination protège 80 % à 90 % des résidents.
En temps ordinaire, les professionnels des EHPAD ont à cœur de faire de ces établissements des lieux de vie – croyez-moi, ils s'y emploient –, où la personne est accompagnée de manière collégiale, globale et personnalisée, en recherchant autant que possible le consentement, en reconnaissant aussi le rôle et la place de la famille.
En temps de pandémie, vous avez raison, il a été difficile de préserver ces valeurs et cette culture de l'accompagnement. Pour répondre à ces enjeux, j'ai installé, dès le mois de juillet dernier, un groupe éthique, qui se réunit très régulièrement.
Il a travaillé sur l'adaptation des protocoles, sur les sorties, sur les visites pour Noël, sur la vaccination et le consentement et, plus récemment, sur le droit de visite. Sur ce sujet, je travaille aussi, en lien avec les collectifs de famille – que je reçois, pour ma part, très régulièrement –, avec les représentants des organismes gestionnaires des visites et avec des éthiciens, à l'élaboration d'un cadre juridique précis qui garantisse aux familles la possibilité de rendre visite à leurs proches en EHPAD, bien sûr,…
…tout en garantissant aux résidents une réelle liberté de choix.
Un député s'exclame.
Ce ne sont pas des colloques, monsieur, ce sont des protocoles.
Soyez assuré, monsieur Nury, que j'ai entendu les souffrances des familles et des résidents ; je sais les sacrifices auxquels ils ont consenti. Les familles, que je reçois très régulièrement, m'en sont reconnaissantes et me le disent.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Loin des partis pris politiciens, respectons, bien évidemment, le droit de visite dans les EHPAD.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, l'industrie pharmaceutique va-t-elle profiter de cette crise pour augmenter les tarifs des vaccins contre la covid, gonfler ses dividendes et siphonner nos finances publiques ? La question est légitime, d'autant que ces groupes ont touché beaucoup d'argent public, alors même qu'ils fixent les prix.
Pfizer aurait d'abord vendu sa dose de vaccin à 15 euros, puis la négocierait désormais à 19 euros. Nous en parlons au conditionnel, car le secret est total. Ce que nous savons, c'est que les prix augmentent. On parle même aujourd'hui d'un prix de 50 euros la dose.
Le PDG de Pfizer, Albert Bourla, a annoncé des marges de 20 % à 30 % sur les premiers contrats, mais ses actionnaires en veulent plus. On les connaît bien : ils s'appellent Goldman Sachs, BlackRock, Morgan Stanley, etc.
.L'Union européenne est en train de finaliser son troisième accord avec Pfizer. Celui-ci prévoit l'achat de 1,8 milliard de doses supplémentaires. Combien allons-nous les payer ? De grâce, épargnez-nous le sacro-saint secret des affaires ! Quand l'argent public est investi aussi massivement, le minimum est d'associer le Parlement.
Des pays comme l'Inde et l'Afrique du Sud, des prix Nobel de la paix, des chercheurs réclament la possibilité de produire librement ces vaccins et d'en faire des génériques à des prix accessibles, comme le fit Nelson Mandela avec le traitement contre le sida. C'est le seul moyen de ne pas être les otages du Big Pharma. Ce n'est pas loi de l'offre et de la demande qui doit commander ; c'est celle de la vie : l'humain doit passer avant les profits.
En France, la vaccination est prise en charge par la sécurité sociale, grâce aux cotisations que nous payons sur nos salaires. Nos cotisations doivent servir à financer la santé, non pas à gonfler les dividendes des fonds de pension américains.
Monsieur le Premier ministre, les députés communistes vous demandent simplement de la transparence ; c'est la moindre des choses que nous devons aux Français. Combien allons-nous payer ces vaccins ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Vous m'interrogez sur le prix des vaccins et sur l'impact pour nos finances publiques. Je tiens d'abord à souligner que la vaccination avance en France et à rappeler que nous tiendrons les objectifs de primo-vaccination : 10 millions de personnes ayant reçu une première dose à la mi-avril, c'est fait ; 20 millions à la mi-mai, c'est pour bientôt ; 30 millions pour le début de l'été, c'est la cible fixée par le Président de la République et le Premier ministre.
Cette vaccination est permise par l'approvisionnement et la fabrication des doses de vaccin en Europe. En France, près de 75 millions de doses seront livrées au premier semestre ; près de 300 millions sur l'ensemble de l'année 2021.
À quel prix ? Vous le savez.
Ces informations sont confidentielles, néanmoins le groupe Pfizer communique lui-même sur un prix de 19,50 dollars pour les doses vendues aux États-Unis. On peut donc penser que l'ordre de grandeur est le même pour nous.
On a d'ailleurs suffisamment reproché à l'Union européenne d'avoir trop négocié le prix des vaccins.
Nous savons également que, pour les nouvelles négociations, il n'a jamais été question d'un prix de 150 ou 175 dollars, comme j'ai pu l'entendre. Nous en restons très exactement aux chiffres que vous avez vous-même évoqués ; il s'agit du prix d'un vaccin classique, et c'est bien normal.
J'ajoute que ces vaccins ne sont pas ceux que nous administrons en ce moment, car il convient de développer de nouveaux vaccins contre les variants et contre les réinfections. C'est également cette innovation que nous finançons au travers du prix du vaccin, dont j'ai indiqué l'ordre de grandeur de manière assez précise, ce qui, je pense, vous satisfera.
Notre objectif est de protéger le plus rapidement possible l'ensemble de la population. Au vu du coût des mesures que nous avons prises pour protéger les Français, à savoir 424 milliards d'euros, le prix du vaccin est bel et bien notre meilleur investissement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le garde de sceaux, sans justice, pas de République. Parce que juive, Sarah Halimi, médecin, a été torturée et défenestrée à Paris, le 4 avril 2017. Le meurtrier, son voisin musulman radicalisé, ne sera pas jugé en France. Par un arrêt rendu le 14 avril dernier par la Cour de cassation, il a été jugé irresponsable car pris d'une bouffée délirante aiguë. Parce qu'il ne souffre d'aucune pathologie, cet islamiste, placé dans une unité psychiatrique, sortira tôt plutôt que tard. Sa bouffée délirante n'est autre qu'un cocktail morbide d'antisémitisme et de cannabis, volontairement consommé à haute dose. Cette décision soulève le cœur autant qu'elle suscite l'effroi.
Trois mois après le crime, en juillet 2017, je dénonçais déjà, depuis ces bancs, un déni. Jamais je n'aurais pu imaginer que s'ajouterait, quatre ans plus tard, ce déni supplémentaire ! Déni face à l'antisémitisme arabo-musulman ; déni de la justice, qui ne distingue pas entre folie provoquée volontairement et maladie psychiatrique réelle.
La justice est indépendante ; elle nous oblige, mais n'est pas infaillible. Le docteur Zagury l'admet : l'irresponsabilité se décide en fonction de facteurs très aléatoires. Certes, on ne doit pas juger les fous dont la maladie seule éclaire le crime. Mais le procès doit être automatique si les stupéfiants ont été pris volontairement.
Monsieur le ministre, à la demande du Président de la République, vous présenterez un projet de loi pour modifier le code pénal. Vous remédierez ainsi au problème juridique soulevé par ce meurtre, non à son infamie morale. L'absence de renvoi de l'assassin devant une cour d'assises laisse pour le peuple français une frustration abyssale.
Pourquoi les neuf policiers présents ne sont-ils pas intervenus ? Pourquoi le juge d'instruction a-t-il refusé la reconstitution et refusé de recevoir les avocats des victimes ? Pourquoi le téléphone de l'assassin n'a-t-il pas été examiné ? Pourquoi, en désespoir de cause, la famille de la victime a-t-elle décidé de porter l'affaire en Israël, décision à laquelle je ne me résous pas ?
C'est à la représentation nationale, comme pour l'affaire Dutroux, de faire la lumière sur les dysfonctionnements éventuels. C'est pourquoi, avec Constance Le Grip, nous demandons la création d'une commission d'enquête parlementaire. Monsieur le ministre, le Gouvernement et la majorité soutiendront-ils cette initiative ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LR.
Je voudrais tout d'abord vous dire que je partage votre émotion. Nous vivons dans un État de droit et la création d'une commission d'enquête parlementaire relève des pouvoirs exclusifs du Parlement. En vertu des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs, le Gouvernement n'a pas à s'immiscer dans les décisions souveraines de l'Assemblée nationale. De la même façon, en raison des règles constitutionnelles, le ministre de la justice ne peut pas commenter une décision de justice ; cela lui est impossible.
Comme l'a exprimé le procureur général près la Cour de cassation, l'une des grandes difficultés de cette affaire, c'est que le juge ne peut pas opérer de distinction là où la loi ne le fait pas. C'est le sens du travail qui m'a été confié par le Président de la République, pour lequel je procède à des consultations. J'ai entendu tout à l'heure quelqu'un, derrière le masque, dire « c'est nul ». Qu'est-ce qui est nul ? De travailler, de consulter, de ne pas agir sous le coup de l'émotion, de recevoir des magistrats, des avocats et des psychiatres ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
J'essaie de présenter le meilleur texte possible, équilibré, prenant en considération deux choses : on ne juge pas les fous et on ne condamne pas un homme pour un crime sans intention de le commettre.
Pour le reste, monsieur Meyer Habib, j'entends bien sûr votre émotion. Vous ferez ce que votre choix parlementaire vous dicte et le Gouvernement respectera ce choix.
Mêmes mouvements.
Le groupe Socialistes et apparentés veut partager son émotion avec tous les députés, autour du visage de la République, incarné par Stéphanie Monfermé.
M. Florian Bachelier applaudit.
Je voudrais vous dire à quel point nous sommes dans un moment de vérité pour la démocratie. Le 12 mars 2020, le Président de la République prononçait un discours qui a fait date : « […] il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. »
Le 23 avril 2021, une note de Bercy, alimentée en première main par le MEDEF, montrait une position de la France pour le moins ambiguë dans la lutte contre les paradis fiscaux, dans le cadre de la directive en préparation depuis le scandale des LuxLeaks. À l'instar de ce que nous avons fait en 2014 sous la présidence de François Hollande, cette directive vise à contraindre les multinationales et les holdings à la même transparence par rapport aux paradis fiscaux.
C'est aujourd'hui l'heure de vérité : le Parlement européen s'est prononcé pour une transparence totale ; le Conseil européen a émis des réserves ; la France est dans l'ambiguïté. Au-delà de l'épisode de la note du MEDEF, pouvez-vous nous dire avec clarté si la France défend une clause de sauvegarde qui protégerait pendant six ans, sur la base de données accessibles, des pratiques fiscales illégales représentant 10 à 20 milliards qui manquent aux PME et à la puissance publique pour faire face aux défis du temps présent ?
Mme Christine Pires Beaune et M. Boris Vallaud applaudissent.
Au-delà de cet argent qui manque, au-delà du débat sur l'agrégation ou la désagrégation des données, qui assurent une véritable transparence, au-delà des milliards, c'est une question de démocratie. À l'heure où les États-Unis s'affranchissent enfin du dogme de la compétition fiscale, serions-nous la vieille Europe incapable d'inventer la nouvelle économie fondée sur la transparence, la vérité et la démocratie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Il n'y a aucune ambiguïté dans notre attitude concernant la fraude fiscale ; nous l'avons démontré ces trois dernières années par l'intensification des contrôles fiscaux, par leur plus grande efficacité et par l'obtention de retours plus importants. Je veux saluer le travail qu'a réalisé Gérald Darmanin lorsqu'il était ministre des comptes publics et celui désormais effectué par Olivier Dussopt. Chaque année, notre main ne tremble pas en matière de contrôle fiscal des entreprises.
Je veux également saluer le travail que nous avons fait sur la TVA intracommunautaire, au sujet de laquelle la fraude fiscale est importante, ainsi que le travail effectué concernant les paradis fiscaux et les conventions fiscales bilatérales ; nous avons systématiquement poussé des positions de plus grande transparence. Enfin, il n'y a pas d'ambiguïté : nous soutenons la directive que vous mentionnez, qui est en voie de finalisation sous la présidence du Portugal. Ceci ne doit pas nous amener à être naïfs :…
…communiquer des éléments commerciaux, qui fourniront des informations précieuses à nos concurrents asiatiques …
Protestations sur les bancs du groupe SOC
…au moment où tout le monde s'étonne de la naïveté de l'Europe, voilà une manière bien négligente de soutenir les entreprises. Notre position est claire : transparence fiscale certainement, mais pas pour livrer les informations commerciales de première main et nous retrouver dans des situations de pertes de contrats et de marchés. C'est de l'emploi français dont il est question.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, cette semaine, les villes de Romans-sur-Isère et de Valence, dans la Drôme, ont connu plusieurs nuits de violences urbaines.
Depuis le début de l'année, de tels faits, pourtant graves, ont tendance à se multiplier dans la Drôme et partout en France. Des coups de feu ont même été échangés sur la voie publique entre bandes rivales, énième manifestation d'une actualité qui nous est insupportable. Nous éprouvons tous une grande lassitude vis-à-vis de cette délinquance et des incivilités qui meurtrissent le vivre-ensemble. Les aspirations légitimes au calme sont sans cesse brisées par des scènes de violence urbaine, de nouveau, par un sentiment d'insécurité, de nouveau, et par une situation qui vous échappe, de nouveau.
Au-delà des graves troubles subis par nos concitoyens, les forces de l'ordre ont essuyé jets de pierre et tirs de mortiers d'artifice. Dans de trop nombreux quartiers, les services de secours ne peuvent plus intervenir sans protection policière, sans se faire attaquer. Ce sont d'ailleurs des guets-apens à l'encontre des sapeurs-pompiers sous escorte policière qui constituent le point de départ des violences de cette semaine. Mais où est donc passée l'autorité de l'État ? Alors que nous déplorions la violence dont les forces de l'ordre font l'objet, suite à l'assassinat de Stéphanie Monfermé, il est temps de réagir face à cette réalité quotidienne intolérable. Les bandes qui n'hésitent pas à prendre à partie les forces de l'ordre sont un phénomène que le Gouvernement semble incapable d'enrayer. Vous avez beau jeu de vous parer de vos nouveaux habits sécuritaires, mais les Français ne se laisseront pas abuser par un tel déguisement. Vous ne pouvez pas masquer votre bilan calamiteux en matière de sécurité au regard de la situation dans notre pays. Quand allez-vous enfin garantir aux Français le droit à vivre en toute sécurité ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame la députée Anthoine, on peut être d'accord avec beaucoup de vos propos, mais vous oubliez sans doute le principal : s'il y a des troubles dans certains quartiers, notamment à Valence, c'est parce que depuis le mois de janvier, il y a eu 495 interpellations et vingt-cinq réseaux de trafic de stupéfiants démantelés ; c'est parce que la police de la République fait son travail.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Madame, j'aurais également souhaité que vous formuliez, comme vous l'avez pu faire dans le courrier que vous m'avez envoyé, des remerciements au Gouvernement pour les quinze policiers supplémentaires arrivés à Valence, et que vous souligniez le travail extrêmement précis du préfet – que vous connaissez bien – et des services de police. Ce midi encore, trois interpellations supplémentaires de responsables des violences contre les policiers ont eu lieu.
Voyez-vous, madame, je pense qu'il y a deux façons de voir cette question très compliquée du trafic de stupéfiants : soit on veut la tranquillité et on ne dérange pas les trafics, soit on considère que la police est partout chez elle et qu'elle doit les démanteler. Pour ce faire, des centaines de personnes sont interpellées,…
…nous menons la guerre contre la drogue, nous renforçons les policiers et nous travaillons avec les procureurs de la République. Nous faisons un travail qui réglera bien des problèmes pour les prochains ministres de l'intérieur.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Vous vous félicitez de votre action, mais quel décalage avec ce que vivent les Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je regrette qu'il ne vous reste pas quelques instants pour nous faire des propositions…
…mais mon bureau est ouvert, je les écouterai avec grand plaisir. Madame la députée, vous auriez peut-être pu accompagner l'une des 270 interventions de police effectuées depuis deux mois.
Soixante CRS supplémentaires resteront plusieurs jours dans la commune de Valence : n'hésitez pas à faire des sorties avec les policiers, vous verrez à quel point la fermeté de la République est de retour.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question s'adresse à madame la ministre de la culture, que j'ai plaisir à revoir en meilleure santé de jour en jour ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et LT
et concerne la réouverture des lieux culturels. Le Président de la République a fixé le cap des prochaines étapes du déconfinement, avec les dates du 19 mai, du 9 juin et du 30 juin. Nos concitoyens les ont déjà bien en mémoire, surtout la première qui leur permettra de retrouver le chemin des musées, des cinémas, des théâtres et des salles de spectacles. Ils attendent cette échéance avec la même impatience que celle des artistes à rejouer et à retrouver leur public.
La culture est essentielle pour tous, elle est une part de l'art de vivre à la française. Les Français en sont friands, en témoignent les succès de la chaîne publique culturebox ; ils en ont grand besoin pour dépasser la période pénible que nous subissons depuis plus d'un an.
C'est dire si le monde culturel a appris ce calendrier avec soulagement. Si les professionnels peuvent se projeter dans le temps avec l'échelonnement des ouvertures et les jauges, des questions subsistent toutefois sur leur application concrète : en effet, la réouverture des musées et des cinémas semble beaucoup moins complexe que celle des théâtres, des cabarets et des salles de spectacles, voire des festivals qui, ici ou là, ont fait le choix d'annuler ou de reporter. Après des mois de suspension, le redémarrage du spectacle vivant nécessite la relance préalable des répétitions et la prise en compte des jauges limitées, du couvre-feu et de la période creuse des mois d'été. Certains professionnels ne pourront redémarrer avant l'automne, voire au-delà. Il y a aussi les écoles de musique et les conservatoires, qui attendent des précisions. Madame la ministre, après que l'État, se tenant au chevet de la culture, a apporté par votre ministère des aides massives et inédites à l'échelle mondiale…
…pouvez-vous préciser les conditions que vous envisagez pour déconfiner et relancer la culture ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je crois que nous sommes unanimes, sur ces bancs et au-delà, pour nous réjouir de la réouverture des lieux culturels, annoncée vendredi dernier par le Président de la République. Celle-ci obéit à trois principes. C'est d'abord une réouverture générale, qui concerne tous les lieux de culture : les musées, les théâtres, les salles de cinéma, les galeries d'art, etc.
C'est aussi une réouverture progressive et prudente, qui s'effectue par étapes. Vous les avez rappelées : le 19 mai, l'ensemble des lieux culturels rouvre, avec au maximum dans les salles de spectacle, 800 personnes en intérieur et 1 000 personnes en extérieur ; le couvre-feu est repoussé de 19 heures à 21 heures. Le 9 juin, on élargit encore, avec une limite maximum fixée à 5 000 personnes et le couvre-feu reporté de 21 heures à 23 heures, ce qui permettra les séances en soirée. Le 1er juillet, les jauges seront finalement abolies et nous pourrons avoir des spectacles et des spectateurs en grand nombre.
Enfin, la réouverture doit être respectueuse de la santé des Français. Elle est responsable et il n'est pas possible à ce stade d'envisager de renoncer aux mesures barrières. Je préfère les appeler des mesures de protection, qui respectent notre santé – j'y suis très sensible – et celle de ceux qui nous accompagnent dans les salles de spectacles : lavage des mains, distanciation et port du masque absolument obligatoire dans tous les lieux de culture.
Nous nous réjouissons, parce que les lieux de culture participent aussi à l'animation de nos territoires ; nous allons regagner les salles de spectacle et de cinéma, et j'encourage les Français à retrouver dès le 19 mai le monde de la culture – nous en avons été trop longtemps privés.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question, s'adresse à monsieur le ministre des solidarités et de la santé et concerne la stratégie vaccinale. Pour tout dire, j'hésite à employer l'expression : encore eût-il fallu qu'il y eût une stratégie et qu'il y eût des vaccins.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Le Gouvernement a présenté le calendrier des réouvertures : une valse à quatre temps, avec un Président de la République qui bat la mesure. Cependant, la situation sanitaire est toujours très incertaine, et les Français manquent de vaccins. Il y avait zéro mort à Londres et 60 % de la population étaient vaccinés lorsque les Anglais ont rouvert, ce qui est loin d'être le cas chez nous.
Alors que nous abordons la rentrée scolaire, combien d'enseignants sont vaccinés ? Quel pourcentage de la population des collèges et des lycées est vacciné ? Quel pourcentage de la population des établissements du premier degré est vacciné ? Pourquoi ne pas avoir anticipé et profité des vacances scolaires pour vacciner ? C'est toujours le même manque d'anticipation. Oui, il faut élargir la vaccination à plus d'enseignants, comme il faut l'élargir à plus de Français. Arrêtez de saucissonner la population : sept catégories et dix-neuf sous-catégories de patients ; douze catégories et vingt sous-catégories de comorbidité ; quarante maladies rares – et ça change tout le temps !
Masques, tests, vaccins, vous êtes toujours en retard. Au début, les masques n'étaient pas pour tout le monde – n'est-ce pas monsieur le ministre ? Selon vos propres mots, ça ne servait à rien. Ensuite, ce sont les tests qui n'étaient pas pour tout le monde. Aujourd'hui, c'est au tour des vaccins. C'est toujours l'absence d'anticipation et la gestion de la pénurie. On a des patients sans vaccins et des vaccins sans patients. Quand serez-vous enfin clairs, efficaces et rapides, afin de permettre à tous ceux qui le souhaitent d'être vaccinés ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Merci pour cette question, qui n'est en rien, bien sûr, caricaturale.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Pouvons-nous enfin sortir des caricatures et des anathèmes, s'il vous plaît, pour parler des faits ?
Je remercie les Français de leur résilience, de leur façon de réagir et de s'adapter à la crise sanitaire de manière tout à fait responsable. Nous pouvons les féliciter et nous féliciter du grand engouement pour la vaccination. Il n'était d'ailleurs pas évident au départ qu'il ait lieu. Plus de 16 millions de Français ont reçu au moins une injection de vaccin, soit trois adultes sur dix.
Cette réussite est le fruit de plusieurs décisions. D'abord, nous privilégions en toutes circonstances la sécurité des vaccins. Nous favorisons la mobilisation exceptionnelle de tous les professionnels de santé, que je salue, pour accélérer chaque jour le rythme. Dans la seule journée d'hier, plus de 420 000 personnes ont été vaccinées.
La priorisation que nous avons établie constitue en effet une stratégie, que nous déployons progressivement mais rapidement. Il s'agit de nous assurer que nos concitoyens qui en ont le plus besoin, parce qu'ils sont les plus sensibles au virus, disposent des vaccins les premiers. C'est un choix de santé publique, un choix politique clair, que nous assumons pleinement. Il porte ses fruits, puisque la part des catégories de personnes vaccinées dans les services de réanimation est en baisse continue, ce dont vous devriez être satisfaits.
C'est un indicateur clair : la vaccination marche, elle protège contre les formes graves du virus.
Avec l'augmentation du nombre de doses disponibles et l'élargissement progressif des publics éligibles, nous atteindrons notre objectif de protéger toute la population. Samedi, nous avons ouvert la vaccination à 4 millions de Français supplémentaires, qui souffrent de maladies chroniques, en particulier d'obésité. Le Président de la République a présenté un cap clair à nos concitoyens : dès le 15 juin, tous les Français majeurs qui le souhaitent, et j'espère que chacun le souhaitera, pourront se faire vacciner.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, qui n'est pas là, court après le virus ; les Français courent après les vaccins. La vérité est que 70 % des Français n'ont pas reçu la première dose et que 90 % n'ont pas reçu la seconde.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, le 8 avril, le Parlement a adopté à une très large majorité une loi relative aux langues régionales. Je tiens à remercier l'ensemble de mes collègues qui l'ont soutenue, notamment ceux de la majorité. Bravo à vous tous !
Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR, Agir ens et UDI-I, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.
Ce vote est un symbole de l'affirmation du rôle du Parlement, Assemblée nationale et Sénat, dans l'élaboration transpartisane de la loi. Il s'agissait du premier vote définitif d'une loi relative aux langues régionales sous la V
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Car c'est bien un membre de votre cabinet qui a rédigé le recours. La presse s'est fait l'écho des conditions très obscures de cette saisine. Certains collègues signataires témoignent d'ailleurs avoir été trompés sur la démarche.
Je ne remets pas en cause le pouvoir des parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel et je reste très serein quant à l'issue de l'examen. Toutefois, l'influence que vous avez exercée auprès de ces parlementaires pose la question de la séparation des pouvoirs,…
…puisque ni le Premier ministre, ni le Président de la République n'ont souhaité user de leur droit de saisine.
Dès lors, ce recours nous place une situation ubuesque, relativement au respect des règles démocratiques et des droits du Parlement. En effet, il revient normalement au secrétariat général du Gouvernement, placé sous l'autorité du Premier ministre, de défendre la loi devant le Conseil constitutionnel ; or le recours a été rédigé de l'intérieur même d'un cabinet ministériel !
Pouvez-vous nous dire si le Gouvernement défendra devant le Conseil constitutionnel la position du Parlement, notamment de sa majorité, qui a voté le texte ?
Applaudissements sur les bancs des groupe LT et GDR et sur plusieurs bancs des groupes LR et UDI-I. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je vous remercie de votre question qui permet de rappeler le processus législatif. Il s'agit d'une proposition de loi que vous avez vous-même déposée, donc issue de l'opposition. Votre texte était intéressant, je m'y suis d'ailleurs montré favorable lors de sa première lecture à l'Assemblée nationale. Il a ensuite été examiné au Sénat, où la majorité, qui appartient au parti Les Républicains, a adopté deux dispositions, qui ont ensuite été débattues à l'Assemblée nationale. Il est vrai qu'à leur égard, j'ai formulé dans l'hémicycle des questions de nature constitutionnelle. En effet, de telles questions se posent – j'ai bien exprimé des questions, et non des réponses –, au titre de la conformité à l'article 2 de la Constitution. Le sujet n'est pas négligeable, puisqu'il s'agit de l'affirmation du français comme langue de la République.
Comme vous l'avez dit vous-même, je crois qu'il faut être très serein. Il est normal en démocratie, dans notre République, de poser une question au Conseil constitutionnel. Il y a deux semaines, le Premier ministre lui-même a déféré au Conseil constitutionnel la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, d'origine gouvernementale. Il est classique que des députés ou une autorité institutionnelle posent des questions au Conseil constitutionnel.
En tant que proposition de loi, votre texte n'a pu être examiné auparavant par le Conseil d'État ; s'il est validé par le Conseil constitutionnel, il en sortira renforcé,…
…ce qui vaut beaucoup mieux que s'il était contesté dans quelques mois par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité. En matière de sécurité juridique comme de démocratie, on doit tous s'en réjouir.
Permettez-moi donc répéter les propos que j'ai déjà tenus dans l'hémicycle : nous devons être tous militants de la Constitution. Il est normal de poser des questions constitutionnelles. Bien entendu, chacun tiendra son rôle ; l'administration défendra la position qu'elle doit défendre. En outre, vous le savez, quasiment tout groupe, ou tout citoyen, peut faire parvenir au Conseil constitutionnel une argumentation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le droit est une question d'interprétation. Vous n'avez pas répondu à ma question relative à ce que fera le secrétariat général du Gouvernement.
Je le regrette : j'aurais bien aimé le savoir. J'ai un peu l'impression, monsieur le ministre, que vous devenez le Premier ministre – je trouve ça inquiétant.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur quelques bancs du groupe LR.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée, chargée de l'industrie.
Le 1er mai, journée internationale des travailleurs, j'étais à nouveau aux côtés des salariés et des syndicats de FerroPem sur le site des Clavaux en Isère. L'esprit n'était pas à la fête. Une industrie de pointe, fierté de l'électrométallurgie française, installée depuis 120 ans, s'y meurt sur fond de turbulences économiques mondiales.
La direction de Ferroglobe menace d'arrêter la production, malgré la forte motivation et le comportement exemplaire des employés, sur lesquels pèse un PSE (plan de sauvegarde de l'emploi), alors qu'ils produisent à un prix compétitif du silicium de qualité. Les résultats des mois de mars et avril démontrent un net rebond de compétitivité, une marge dégagée largement positive et une forte amélioration du prix de revient. Si rien n'est fait, l'ensemble de ces emplois et un joyau industriel français disparaîtront.
Pourtant, il est possible de diversifier les activités, et les débouchés sont nombreux. Nous avons besoin de silicium pour des filières d'avenir – pour le matériel médical, la production de batteries électriques ou de panneaux photovoltaïques. Le granulé de silicium n'est produit que dans un seul endroit au monde, c'est le site des Clavaux.
Il n'y aura ni relance de l'économie ni défense de notre patrimoine industriel si nous ne prenons pas toutes les mesures pour préserver l'emploi, quand les débouchés existent. Élus de tous bords et nombre de nos concitoyens soutiennent les salariés dans leur combat pour sauver les emplois et garder cette production dans nos vallées de montagne, au lieu de l'importer de l'autre bout du monde.
La crise sanitaire nous montre chaque jour l'importance de la souveraineté et de la relocalisation de l'industrie : soyons cohérents, gardons nos entreprises en France. Madame la ministre déléguée, je vous sais mobilisée. Comment le Gouvernement entend-il sauver ces 357 emplois, asseoir la compétitivité de l'entreprise et accompagner les filières d'avenir qui dépendent du silicium, que nous avons la chance d'avoir en France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe GDR. – Mme É milie Bonnivard applaudit également.
Vous le savez, nous avons déjà parlé de ce dossier, ensemble et avec les élus locaux, dont je connais la forte mobilisation, aux Clavaux et à Château-Feuillet. Vous connaissez mon attachement aux vallées alpines. Je sais combien les annonces de cette nature sont douloureuses ; dans ce cas, elles le sont d'autant plus qu'elles concernent une industrie qui a un rôle à jouer dans la transition écologique et énergétique,…
…comme en matière de souveraineté économique – nous connaissons trop bien le coût social et environnemental de délocaliser ce type de production à l'autre bout du monde. Il serait tout à fait inapproprié de perdre tous les sites de FerroPem en France.
Ils appartiennent à Ferroglobe, entreprise espagnole, qui possède six sites en France, dont deux sont menacés de fermeture.
Nous sommes collectivement mobilisés, mais je veux dire en premier lieu que Ferroglobe doit assumer ses responsabilités. Nous le leur avons dit, vous le leur avez dit. Il s'agit d'une ligne rouge, et nous serons particulièrement vigilants à ce qu'elle ne soit pas franchie. En second lieu, nous devons agir en parallèle. Ainsi, le 23 mars, j'ai saisi la Commission européenne, dans le cadre de l'ouverture d'une procédure de défense commerciale relative au silicium de calcium, que le site des Clavaux produit, afin d'apporter une réponse appropriée aux frontières de l'Europe.
Il faut également actionner tous les leviers de soutien dont nous disposons. Nous avons eu recours au dispositif relatif aux chocs industriels du plan territoires d'industrie, qui permet d'aller chercher des projets sur les territoires. Nous en avons repéré six, susceptibles de créer de l'emploi industriel. Au total, trente-sept projets sont accompagnés dans le cadre du plan de relance.
Le 1er mai, j'ai reçu un mail d'un habitant de ma circonscription. Il m'interroge sur la crise sanitaire, mais en fait sa question s'adresse à vous, monsieur le Premier ministre. Je vous la pose donc directement. Pourquoi ce Gouvernement déconfine-t-il les Pyrénées-Atlantiques au même rythme que Paris, malgré des chiffres totalement différents ?
Que dois-je répondre à mon correspondant, comme à celles et ceux qui m'interpellent régulièrement à ce sujet ? Mon département connaît un des taux d'incidence les plus bas de France, d'autres sont dans des situations comparables ; vous le savez, je vous épargne les chiffres.
Alors que nous nous engageons dans un déconfinement progressif, nous sommes nombreux à penser qu'il est encore temps d'appliquer, en profondeur, la différenciation territoriale dont les Français entendent beaucoup parler. Il est encore temps d'innover en la matière.
Tel est le sens de la démarche transpartisane engagée à l'initiative de notre collègue David Habib, que je salue, et portée par l'ensemble des parlementaires des Pyrénées-Atlantiques, que j'associe à mon intervention. Par un courrier commun, nous avons en effet saisi le Président de la République, dans le but d'engager un déconfinement expérimental en Béarn et au Pays Basque, compte tenu de leur situation, bien meilleure qu'ailleurs.
L'activation d'un tel déconfinement, encadré et localisé, permettrait par ailleurs de mesurer toutes les conséquences d'une relance des activités de service, commerciales, culturelles et sportives. Notre pays pourrait en tirer des enseignements riches pour l'avenir, et il serait toujours temps de mettre un terme à l'expérience, en cas de reprise de la circulation du virus. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à engager les Pyrénées-Atlantiques dans cette voie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Benoit Potterie applaudit également.
Sourires.
Chaque semaine, le Gouvernement dresse un état des lieux de la situation sanitaire dans notre pays. Une situation que vous connaissez, madame la députée : nous sommes désormais dans une phase de baisse de la pression épidémique. À la prise des dernières mesures de freinage renforcé, nous faisons face à un taux d'incidence de plus de 400 cas pour 100 000 habitants et à une pression maximale dans les services de soins critiques.
La situation s'améliore pourtant de jour en jour. J'en veux pour preuve que ce taux a chuté, notamment depuis hier, au niveau national, à 250 cas pour 100 000 personnes.
Très clairement, les efforts des Français payent. Le sérieux et l'impact de notre campagne de vaccination, puisque 16 millions de Français ont désormais reçu une première dose, contribuent à l'amélioration de la situation.
Comme nous le faisons depuis le début de la crise sanitaire, nous en tirons les conséquences et adaptons finement les mesures. Le Président de la République a dressé, vendredi dernier, un cap clair sur l'allégement des mesures sanitaires, dont la première étape a débuté hier par la levée des restrictions de déplacement.
Le ministre des solidarités et de la santé viendra dès ce soir vous présenter un projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dont la vocation est très claire : offrir un cap pour un retour à la vie normale, tout en permettant d'avoir recours à des mesures préventives pendant la période estivale, en cas de reprise épidémique nationale ou localisée.
Nous ne pouvons en effet pas exclure qu'une dégradation localisée puisse intervenir et déclencher, de fait, un état d'urgence sanitaire dans cette région.
Je n'ai pas de réponse concernant la région particulière que vous mentionnez, bien sûr, car nous parlons d'un cadre général et global. Dans ce nouveau cadre, un décret pourrait, le cas échéant, prolonger l'état d'urgence sanitaire de deux mois, période au terme de laquelle une prorogation par la loi serait nécessaire. La place du Parlement est donc garantie. Nous faisons par ailleurs le choix politique de la confiance en notre Parlement pour régler cette question dans nos débats de tout à l'heure.
M. Rémy Rebeyrotte applaudit.
Monsieur le Premier ministre, vous êtes des champions ! En France, le patrimoine des ultra-riches, multiplié par cinq en dix ans, est le plus indécent du monde. Si le SMIC avait suivi, il serait de 4 800 euros par mois.
En France, les entreprises du CAC40 versent 51 milliards d'euros aux actionnaires, soit une augmentation de 22 % en un an. Le Fonds monétaire international (FMI) et l'Organisation des Nations unies (ONU) plaident pour une hausse de l'impôt sur les riches et les profiteurs de crise. Le Royaume-Uni va augmenter ses impôts sur les sociétés. Les États-Unis veulent taxer les plus riches. Et vous, que faites-vous ? Vous voulez faire 2,3 milliards d'euros d'économies sur les personnes privées d'emploi, et plonger plus de 1 million de Français dans la misère.
Vous tripatouillez donc notre système d'assurance chômage. Certes, le Conseil d'État a d'abord censuré une bonne partie de vos mesures, en vous reprochant des inégalités d'allocations allant de un à quatre. Vous avez revu votre copie et les écarts iront désormais de un à cinquante !
Bravo ! Des champions, vous dis-je : déjà six chômeurs sur dix non indemnisés, des licenciements à gogo depuis le covid-19, 1 million de chômeurs en plus, mais vous continuez à servir les riches et à voler les pauvres.
Avec votre réforme, Thomas, qui a travaillé dix mois en continu avec un salaire de 2 800 euros, percevra 1 492 euros de chômage. Laura, qui elle aussi a travaillé dix mois avec le même salaire, mais a alterné avec des périodes de chômage, recevra quant à elle 31 euros d'indemnité.
Les 7 millions de chômeurs de notre pays devront non seulement deviner quelle rue traverser pour trouver un emploi,…
…mais ils devront aussi penser à commencer leur chômage le premier du mois ! Attention, selon que vous serez au chômage à partir du premier, du sept ou du quatorze du mois, vos indemnités pourront drastiquement baisser. Jamais un Gouvernement n'aura porté une attaque aussi grave sur le fondement même de l'assurance chômage !
Monsieur le Premier ministre, on ne joue pas aux apprentis sorciers quand on ne sait pas compter sur ses dix doigts !
Abandonnez cette réforme indigne dont personne ne veut ! Luttez enfin contre le chômage, et non contre les chômeurs ! Et sachez une chose : le seul chômeur que l'on espère en 2022, c'est Emmanuel Macron !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe GDR. – Mme Laurence Dumont applaudit également.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail.
L'aspect polémique de votre question ne m'a pas échappé, et ses nombreuses caricatures non plus.
Exclamations sur quelques bancs des groupes FI et GDR.
Peut-être pouvons-nous regarder objectivement les faits, ce qui sera plus simple et plus intelligible pour tout le monde.
Regardons les faits : le système d'assurance chômage tel qu'il existait précédemment encourageait les entreprises à recourir à de nombreux contrats courts. Rendez-vous compte, madame la députée : plus de 250 % d'augmentation des contrats de moins d'un mois sur les dix dernières années, telle est la réalité de la situation que fabriquait le système de protection chômage qui était jusqu'à présent le nôtre. Les indemnités chômage étaient radicalement différentes, selon que vous aviez travaillé quinze jours d'affilée ou que vous travailliez un jour sur deux.
La réalité, c'est que le système était profondément inéquitable.
Protestations sur les bancs du groupe FI.
Il fallait donc le réformer. Nous l'avons réformé, peut-être pourrions-nous nous retrouver sur ce point, tenant compte de la réalité de la crise sanitaire. C'est pour cette raison que la réforme qui sera mise en place le 1er juillet n'est pas celle de 2019 : elle a été très largement aménagée pour tenir compte d'un certain nombre de remarques.
Quant à la situation que vous évoquez concernant l'activité partielle, madame la députée, vous faites sans doute référence à une conférence de presse tenue récemment par un syndicat, dans laquelle celui-ci a tout simplement présenté des chiffres partiellement erronés, puisqu'il a oublié d'expliquer que l'activité partielle permet de cumuler l'indemnité chômage et le revenu. Or on ne peut apprécier l'importance du montant de l'allocation chômage qu'au regard du montant du revenu qui est perçu.
En matière de comptabilité et de lecture de la réalité, je crois donc que nous n'avons pas beaucoup de leçons à recevoir, madame la députée !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, Alexeï Navalny est en détention depuis le 17 janvier 2021, au titre d'un jugement que la Cour européenne des droits de l'homme a considéré comme non fondé en droit. Cette détention a fait l'objet d'un rapport que j'ai présenté, au nom de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), le 22 avril dernier.
Ce rapport prend en compte le point de vue des Russes et démontre le caractère illégal de sa détention et les atteintes aux droits qu'il subit en prison. L'Assemblée parlementaire a donc voté sa libération immédiate, l'accès à des soins de médecins indépendants, la visite du comité contre la torture, et a recommandé au Comité des ministres de recourir à tous les moyens juridiques pour conduire la Russie à respecter ses obligations.
Je rappelle que la Russie a tout fait, en 2019, pour revenir comme membre à part entière du Conseil de l'Europe. Je rappelle aussi que la délégation française, à l'unanimité de ses bancs, a voté en faveur de ce retour, dans une démarche collective engagée avec sa présidente, Nicole Trisse, ici présente.
Ainsi, les Français de l'APCE ne sont pas anti-russes. Mais accepter le retour des Russes n'était pas un chèque en blanc : c'était vouloir assurer la protection des citoyens russes par la Cour européenne des droits de l'homme. Or, depuis 2019, la Russie n'a pas tenu sa promesse : Navalny en est le symbole.
Vendredi dernier, elle s'est reniée une fois de plus en m'interdisant l'accès à son territoire, tout comme à sept autres Européens. Dès lors, je m'interroge : pourquoi la Russie sanctionne-t-elle le rapporteur, alors que le Conseil de l'Europe n'a, à ce jour, pris aucune décision contre la Russie ?
Une telle sanction n'a aucun effet sur mon mandat. Elle ne fait qu'une victime : la Russie, qui s'interdit de défendre pleinement son point de vue. Face à l'escalade des sanctions contre la Russie, il existe encore un lieu où le dialogue est possible : le Conseil de l'Europe. Dans un mois, son Comité des ministres sera un moment de vérité : que fera la France si la Russie ne fait aucun geste ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député Jacques Maire, je veux d'abord réitérer notre plein soutien à la suite des mesures inacceptables dont vous avez été l'objet en fin de semaine dernière.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.
Comme nous l'avons indiqué dès samedi avec Jean-Yves Le Drian, ce soutien est celui de tout le Gouvernement, qui ne peut rester insensible à cette situation.
Vous l'avez rappelé, cette mesure touche aussi un certain nombre de responsables politiques européens, dont le président du Parlement européen et la vice-présidente de la Commission européenne en charge des valeurs et de la transparence : cela n'est pas innocent.
Cette mesure intervient aussi dans un contexte de dégradation très grave, d'abord marqué par l'engrenage que vous avez décrit. La République tchèque, notre partenaire de l'Union européenne, a pris des mesures d'expulsion justifiées à l'égard de diplomates russes, à la suite d'ingérences très sérieuses, et la Russie y a répondu de manière disproportionnée, par différentes expulsions et par les mesures que vous avez rappelées, lesquelles vous concernent également.
Bien sûr, cela intervient aussi dans le contexte de l'affaire Navalny, de l'emprisonnement dont la France a redit à plusieurs reprises, par la voix de Jean-Yves Le Drian, le caractère inacceptable, je le répète aujourd'hui, ainsi que dans celui de la détention parfaitement arbitraire d'un certain nombre de personnes qui n'ont commis pour seul crime ou délit que de soutenir M. Navalny dans sa volonté d'expression.
Nous continuerons à porter cette voix avec la plus grande fermeté, notamment après les événements de la fin de semaine. Le Conseil de l'Europe est en effet une enceinte essentielle, et je veux à cet égard saluer votre action de rapporteur en son sein : elle doit se poursuivre, tout comme l'action de Nicole Trisse, qui a écrit ce matin même au président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à la secrétaire générale du Conseil de l'Europe pour tenir cette ligne de fermeté absolue tout en laissant ouvert un espace de dialogue. Vous en avez d'ailleurs été l'acteur avec vos collègues français, notamment en permettant le retour de la Russie pour protéger les droits des Russes à travers l'action de la Convention et de la Cour européenne des droits de l'homme.
Cette ligne de fermeté, nous la défendrons en examinant toutes les options, à la fin du mois, lors d'un sommet de l'Union européenne auquel participera le Président de la République.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. La France connaît, depuis le début de l'année, une augmentation faramineuse du coût des matériaux et des problèmes d'approvisionnement en matériaux.
Il s'agit encore, hélas, d'une conséquence de la crise sanitaire : plus 30 % à 40 % pour les prix de l'acier et plus 10 % à 15 % pour ceux du cuivre, du zinc de l'aluminium. Et je ne parle pas du prix du plastique polyuréthane.
Les entreprises font aussi face à des ruptures d'approvisionnement : en bois de construction par exemple, alors qu'il s'agit pourtant une filière préférentielle. Dans l'Orne, à l'Aigle, à Mortagne-au-Perche ou à Vimoutiers, comme partout en France, c'est tout le secteur du BTP qui est touché.
Les artisans doivent réaliser des chantiers à des prix qui n'avaient pas anticipé cette envolée des coûts. De plus, faute d'approvisionnement, des retards indépendants de la volonté des entreprises entraînent l'application de pénalités. De nombreux constructeurs ne peuvent tout simplement pas travailler. Certains chantiers sont à l'arrêt. L'équation est simple : sans visibilité sur les coûts, il n'y a pas de devis ; sans visibilité sur les délais de livraison, il n'y a pas de préparation de chantiers.
De la même façon, s'il n'y a pas de matière, il n'y a pas de chantier. Et s'il n'y a pas de chantier, il n'y a pas d'emploi. À quoi sert un plan de relance si les entreprises ne peuvent pas répondre à la demande ?
Monsieur le Premier ministre, je sais que vous souhaitez une relance rapide, alors ma question est simple : que comptez-vous faire pour remédier à cette problématique, pour permettre au secteur du bâtiment de travailler et, tout simplement, pour éviter d'empiler les crises ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie.
Oh non, pas elle ! On ne va encore rien comprendre…
Vous avez raison, madame la députée Louwagie, nous sommes dans des circonstances très particulières d'augmentation des prix des matières premières des intrants chimiques, du plastique, ainsi que des matériaux de construction, alors que la reprise mondiale a été beaucoup plus rapide que ne l'anticipaient tous ceux qui produisent ces différents intrants critiques pour le secteur du bâtiment, mais également pour l'ensemble de l'industrie.
Depuis le mois de janvier, nous avons mis en place un suivi avec France Industrie : d'abord sur les semi-conducteurs, puis sur l'ensemble des filières, afin de faire, jour après jour, un point sur les délais d'approvisionnement et d'accélérer les choses, qu'il s'agisse de dispositions douanières, de coups de téléphone pour faire remonter des commandes sur la liste d'approvisionnement ou de mesures diplomatiques.
Mais ce qu'il y a derrière cette situation, c'est la remise à niveau de l'économie, le redémarrage de son moteur. Selon les experts que je voyais encore aujourd'hui, notamment Alexandre Saubot, président de France Industrie, ces difficultés conjoncturelles devraient être résolues d'ici à la fin de l'année, avec un probable point haut durant cet été.
Au-delà, le plan France relance a anticipé les facteurs structurels de ce phénomène ; nous devons relocaliser la production des intrants critiques de l'électronique et des semi-conducteurs. Nous travaillons à leur retour en France, puisque nous avons déjà financé plus de 273 projets de relocalisation depuis septembre dernier.
Enfin, s'agissant de la commande publique, nous ferons tout notre possible pour passer des messages de bienveillance : c'est essentiel pour le bâtiment comme pour les artisans.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Merci de vos réponses, madame la ministre déléguée. Avant de penser à relocaliser, il faut répondre à l'urgence. J'aurai trois suggestions : évaluer la possibilité de neutraliser les pénalités de retard ; évaluer la possibilité de réviser les contrats, sur le point précis de l'indexation des prix de chantier ; enfin, si les entreprises doivent avoir recours au chômage partiel, leur dire très vite si c'est dans le cadre de la crise sanitaire ou dans un cadre de droit commun. Elles attendent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ma question est celle des agriculteurs, arboriculteurs et viticulteurs de la Drôme ; elle s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Ma circonscription, c'est pour beaucoup celle des vacances, l'entrée en Provence, les villages classés dans les champs de lavande. Mais pour nos agriculteurs, c'est leur gagne-pain et l'investissement de toute une vie.
On ne peut rien quand la nature se met en colère et quand le gel anéantit, au printemps naissant, toute une année de travail. Dans la vallée de la Drôme notamment, à Livron, à Loriol, à Mirmande ou à Cliousclat, ce sont jusqu'à 100 % des abricots et 80 % des kiwis qui ont été perdus. Les vignes ont aussi beaucoup souffert. Seules les amandes ont un peu mieux résisté.
Vous avez débloqué 1 milliard d'euros pour nos agriculteurs. C'est une très bonne nouvelle.
Mais ces aides doivent être versées très rapidement : il y va de la survie de nos exploitations.
Par ailleurs, les salariés saisonniers – certains de nationalité étrangère – sont nombreux dans la Drôme pour ramasser, tous les ans, les fruits de la vallée du Rhône. Ils sont installés depuis des années, parfaitement formés et appréciés ; ils sont devenus indispensables à l'agriculture drômoise. Ils étaient là, les nuits de gel, pour tenter de sauver, à la bougie, les vergers transis. Avec nos agriculteurs, ils n'ont pu que constater, lorsque l'aube a pointé, l'ampleur des dégâts. Il n'y aura pas de fruits, donc pas de travail cet été : une saison de précarité, puis une autre, à l'automne.
Nous avons un devoir de solidarité vis-à-vis de ceux qui cultivent la Drôme et seront au rendez-vous l'année prochaine pour des jours meilleurs.
Monsieur le ministre, quel est le calendrier de versement des aides d'un montant historique que vous avez annoncées ? Des dispositifs d'accompagnement sont-ils prévus pour les salariés agricoles saisonniers ? Enfin, des réflexions sont-elles en cours pour permettre aux agriculteurs de faire face, à plus long terme, à ces phénomènes météorologiques devenus récurrents ? Au nom de nos agriculteurs, de nos saisonniers et de toute la Drôme, je vous remercie de votre réponse.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Emmanuelle Anthoine et M. Fabrice Brun applaudissent également.
Vous avez raison de souligner la détresse de nombre de nos agriculteurs, notamment dans votre beau département de la Drôme où je me suis rendu, à vos côtés, dans une exploitation d'arbres fruitiers, plus précisément d'abricotiers, où la récolte a été entièrement détruite malgré une bataille acharnée des agriculteurs contre le gel.
Face à cette situation exceptionnelle, le Gouvernement, vous l'avez dit, répond de manière exceptionnelle. Nous avons d'abord consenti une aide de 1 milliard d'euros. Ensuite, vous l'avez dit, c'est une course contre la montre. Les premières mesures d'urgence s'appliquent dès maintenant ; les consignes sont passées aux préfets depuis le début de la semaine. Ce sera également le cas pour ce qui concerne les dispositifs d'assurance chômage, les exonérations fiscales, les charges sociales.
Il nous faudra également compenser les pertes de production. En moyenne, dans notre pays, cette compensation, dans le cadre du régime des calamités agricoles, prend neuf mois. C'est beaucoup trop long, et totalement inadapté à la situation.
Les premières aides doivent arriver dès cet été, notamment pour les arbres fruitiers, car c'est dès cet été que le manque à gagner se fera sentir ; je m'y engage.
Une question fondamentale nous est posée : l'adaptation de notre agriculture. Nous devons mieux prévenir et mieux gérer les risques. Je salue notamment, à cet égard, le travail de votre collègue Frédéric Descrozaille. Ce travail doit commencer dès maintenant : il y va de la souveraineté de notre pays, dans laquelle l'agriculture joue un rôle fondamental.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Agir ens.
« Liberté, égalité, fraternité » : telle est notre devise républicaine. Liberté d'aller et venir, liberté de parole, liberté de conscience, liberté de pensée – et cette liberté a été bien mise à mal ces derniers temps.
Ces dernières semaines, nous vivons une tentative de polémique sur la commémoration du bicentenaire du décès de l'empereur Napoléon Ier , et je ferai miennes – une fois n'est pas coutume – les paroles du président de notre assemblée : « Commémorer n'est pas célébrer. »
Plus localement, mais de façon tout aussi symptomatique, il y a quelques jours, une télévision du service public, France 3, décide de ne pas honorer son engagement de diffuser un documentaire consacré aux fêtes de Jeanne d'Arc à Orléans, au motif qu'une des voix off du film est celle d'une journaliste jugée trop à droite. Les bras nous en tombent.
C'est là une grave atteinte à notre devoir de mémoire, une censure qui ne dit pas son nom, une insidieuse police de la pensée.
Le maire d'Orléans Serge Grouard a annoncé qu'il ne céderait en rien à ces pressions et que le documentaire en question, financé à hauteur de 25 000 euros par la mairie, serait tourné et diffusé sur le site de la ville d'Orléans.
L'Assemblée nationale est le cœur battant de notre vie démocratique. Elle ne peut rester sans réaction face à ce comportement choquant d'une chaîne du service public censée être garante du pluralisme et de la liberté d'expression.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe UDI-I.
Monsieur le Premier ministre, trouvez-vous normal le comportement de cette chaîne publique ? Comment entendez-vous faire respecter non seulement la mémoire des femmes et des hommes qui ont fait l'histoire de France, mais aussi les valeurs du service public ?
Mêmes mouvements.
Vous avez, en filigrane de votre intervention, rappelé les principes de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. D'abord, l'audiovisuel, et en particulier celui de service public, doit respecter tous les courants de pensée et d'opinion. Ensuite, et de façon tout aussi fondamentale, le service public est indépendant ; il n'est plus sous le contrôle du ministère de la culture. Les fonctions de régulation et de sanction ont été confiées à une autorité administrative indépendante, aujourd'hui le Conseil supérieur de l'audiovisuel, bientôt, si vous en décidez ainsi, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM).
France Télévisions s'est exprimée sur les raisons qui l'ont amenée à ne pas diffuser le documentaire qui avait été financé par la mairie d'Orléans. Il ne revient pas au Gouvernement, et encore moins à la ministre de la culture, de commenter les déclarations de France Télévisions.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Croyez-vous, madame la ministre, que nous puissions nous contenter d'une telle réponse ? Vous ne pouvez pas vous défausser de cette façon !
Nous le voyons : la déconstruction de l'histoire est en marche !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Le 20 avril dernier, nous apprenions le décès d'Idriss Déby Itno, au pouvoir au Tchad depuis trente et un ans, dans des circonstances encore non élucidées. Depuis, Mahamat Idriss Déby, fils du défunt président maréchal, a pris la tête d'un Conseil militaire de transition, qui a nommé par décret ce dimanche 2 mai quarante ministres et secrétaires d'État, créant notamment un nouveau ministère de la réconciliation nationale. Dans le même temps, l'Assemblée nationale a été dissoute et de nouvelles élections doivent avoir lieu dans un délai de dix-huit mois. Un gouvernement militaire continuera donc d'exercer le pouvoir d'ici là, contrevenant ainsi au cadre démocratique légitime en cas de vacance du pouvoir, ce qui a entraîné des manifestations qui ont été réprimées dans le sang en plusieurs endroits du pays.
Le Tchad est un pilier essentiel de la lutte antiterroriste au Sahel et le plus grand contributeur de la force alliée G5 Sahel ; l'opération Barkhane y dispose de sa base d'état-major et de ses forces aériennes. Sa déstabilisation pourrait avoir de lourdes conséquences sur le dispositif sécuritaire local, alors que les attaques terroristes ne semblent pas décroître dans les pays voisins, au Burkina Faso, où une trentaine de civils furent tués ce week-end, ou au Mali.
Or les engagements de la France dans la région, plus que de tout autre pays, sont scrutés de près par l'ensemble de nos partenaires étatiques mais également par les partis d'opposition, les acteurs de la société civile ou encore les ONG qui ne manquent pas de rappeler à notre pays son exigence démocratique.
Alors que la France accueillera en juillet prochain le sommet Afrique-France à Montpellier, événement majeur devant incarner le renouvellement de nos partenariats avec ce continent, quelle est la position de la France sur la situation politique au Tchad ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Le Tchad vit en effet une situation très grave, exceptionnelle, porteuse de risques pour sa propre sécurité, pour celle de toute sa région, et au-delà pour notre propre sécurité.
Sous l'impulsion du Président de la République et du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, l'action de notre pays est guidée par trois principes essentiels.
La France a d'abord réaffirmé son très ferme attachement à la stabilité et à l'intégrité territoriale du Tchad. Le décès du président Déby, le 20 avril, est intervenu alors qu'il s'était porté à la tête des forces armées qui combattaient une incursion venue du territoire libyen. Nous condamnons la menace que ces groupes armés font peser sur la stabilité du Tchad et sur la sécurité des Tchadiens ; cette menace se perpétue, puisque Boko Haram continue de menacer les forces tchadiennes dans la région du lac Tchad.
Le Tchad, vous l'avez dit, est pour nous un partenaire majeur dans la lutte contre le terrorisme, dans le cadre du G5 Sahel comme dans celui de la Force multinationale mixte et dans celui de la MINUSMA, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali.
Le Conseil militaire de transition a réaffirmé les engagements du Tchad en matière de lutte contre le terrorisme : c'est un point essentiel.
La France a également souligné d'emblée l'importance d'une transition pacifique, d'une durée limitée, qui s'appuie sur un gouvernement civil d'union nationale et sur un dialogue avec l'ensemble des parties prenantes. L'objectif doit être de revenir rapidement à des institutions démocratiquement élues.
C'est ce double message, soutien à la stabilité et vigilance sur les conditions de la transition, que le Président de la République a délivré lui-même en se rendant aux obsèques du président Déby le 23 avril dernier. Nous avons rappelé ces principes avec la plus grande fermeté lors de la répression inacceptable des manifestations.
Quant au gouvernement de transition, je rappelle qu'il est présidé par un Premier ministre civil, M. Padacké.
Nous soutenons également les efforts de l'Union africaine pour accompagner ce processus.
Nous restons enfin extrêmement vigilants quant à la situation de la communauté française du Tchad.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Le Président de la République a annoncé un grand débat national sur la consommation de drogue. Ce débat est nécessaire : notre pays compte 5 millions de consommateurs de cannabis, dont 1 million de consommateurs quotidiens. Cette consommation a des conséquences importantes sur la santé publique, notamment parce que les dealers vendent des produits frelatés. Elle est également une source d'insécurité. Pourtant, la seule réponse est une politique de prohibition. Le tout-répressif est un échec total. D'autres pays ont fait le choix d'une politique de légalisation, comme les États-Unis ou le Luxembourg ; ils ont fait le choix d'affronter le problème plutôt que la politique de l'autruche.
Demain, une mission parlementaire d'information sur le cannabis rendra son rapport, lequel défendra la légalisation contrôlée du cannabis. Je salue mes collègues députés pour ce travail de qualité. Cette proposition n'est pas laxiste : la légalisation contrôlée par l'État, outre qu'elle garantirait aux consommateurs des produits contrôlés, permettrait d'assécher les trafics tout en générant des recettes fiscales et en créant des emplois. Elle s'accompagnerait d'une véritable politique de prévention auprès des jeunes pour réduire la consommation et les risques. C'est d'ailleurs le choix qui a été fait pour les autres drogues légales que sont le tabac ou l'alcool. Ce débat est donc crucial pour la santé des jeunes.
Le simple fait de montrer ce gobelet
M. François-Michel Lambert montre un gobelet imprimé d'une feuille de chanvre et portant l'inscription : « Légalisation »
pourrait me valoir d'être inquiété pour promotion de la légalisation du cannabis.
M. François-Michel Lambert sort du gobelet une cigarette roulée
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Monsieur Lambert, il est interdit par notre règlement de brandir ce type d'objet.
Alors, monsieur le ministre, êtes-vous prêt à ouvrir un débat sans l'instrumentaliser, un débat rationnel, loin des émotions ?
Monsieur Lambert, je vous rappelle à l'ordre avec inscription au procès-verbal.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
La différence entre vous et moi, monsieur Lambert, c'est que je ne peux pas montrer toutes les dépressions que les drogues occasionnent et qui enragent les familles de France, ni ces mères et ces pères de famille qui se battent tous les jours pour expliquer à leurs enfants que c'est de la merde qu'ils prennent dans leurs veines et qu'ils fument.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et LR ainsi que sur quelques bancs des groupes Agir ens et UDI-I .
Je ne peux pas montrer toutes ces personnes qui luttent contre des cancers, contre des maladies dépressives, et qui ne résistent pas à cette difficulté ! Car il y a des discours permissifs, comme il y a, pardonnez-moi de le dire, un peu de démagogie dans vos propos.
Très franchement, voyez-vous de la cohérence entre le début du quinquennat, quand vous avez voté pour l'augmentation du prix du paquet de cigarettes à 10 euros parce que vous vouliez lutter contre les cancers, et la légalisation du cannabis ? Voyez-vous de la cohérence du point de vue de la santé publique ? Pensez-vous que les trafiquants, qui font jusqu'à 60 000, 80 000 ou 100 000 euros d'argent liquide par semaine, vont ouvrir une échoppe, déclarer leur argent aux impôts et rentrer chez eux en respectant le code du travail ?
Sortez de la naïveté, combattez la drogue et ne baissez pas les bras !
Vifs applaudissements sur les bancs des groups LaREM, Dem et LR ainsi que sur quelques bancs des groupes Agir ens et UDI-I.
Monsieur le ministre, la naïveté, c'est de croire que vous protégez la santé des Français quand vous laissez tous les jours 1 million d'entre eux aux mains des trafiquants.
Mme Mathilde Panot applaudit.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – Vives protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Outre la nécessité de régler très vite, et par le haut, la situation ubuesque du service d'urologie de son centre hospitalier universitaire (CHU) menacé de fermeture en raison de querelles entre praticiens, La Réunion doit affronter une double urgence sanitaire.
Lorsque la covid-19 s'est abattue sur la planète, nous subissions déjà depuis de très longs mois une épidémie de dengue d'une rare virulence, si bien que, depuis plus d'un an et surtout en ce moment, la lutte épidémique à La Réunion doit être menée sur deux fronts. Alors que le variant sud-africain se propage vite dans l'île et que notre environnement géographique nous exposé à une circulation très forte de la covid-19, la dengue connaît, de son côté, une nouvelle intensité. Chaque semaine, plus de 1 000 nouveaux cas sont enregistrés – j'ai été l'un d'eux au début du mois. Aucune commune n'est épargnée ; celles de ma circonscription sont particulièrement touchées. Cette virulence s'accompagne de formes graves et de nouvelles complications. Plusieurs décès sont déjà à déplorer.
Cette double circulation virale n'est pas sans conséquences sur les structures hospitalières. Les urgences sont saturées, les hospitalisations de plus en plus nombreuses, tandis que la réanimation est à la limite de ses capacités, sans oublier le risque de pénurie des deux principaux antalgiques contre la dengue, dont la distribution est surtout assurée par les laboratoires et par leurs dépositaires, lesquels ne sont pas soumis à l'obligation de tenir des stocks d'avance.
Aussi, j'ai deux questions. Comment allez-vous amplifier la lutte contre les deux épidémies ? Seuls 40 % des plus de 70 ans et 21 % des plus de 50 ans ont été vaccinés contre la covid-19 à La Réunion. Vacciner dès le 24 mai tous les adultes qui le souhaitent dépendra du nombre de doses qui seront disponibles. Pour la dengue, contre laquelle il n'existe ni traitement ni vaccin, la lutte antivectorielle doit être intensifiée, notamment en réactivant le plan ravines. Comptez-vous traiter le sous-dimensionnement de nos moyens hospitaliers que cette double épidémie a mis en évidence ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC. – M. Jean-Hugues Ratenon applaudit également.
Si la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 n'attend pas pour se développer, les maladies vectorielles, elles, continuent de se propager, à l'image de la dengue que vous décrivez. Comme chaque année, cette maladie frappe, notamment à La Réunion dont la situation préoccupe pleinement notre ministère et celui des outre-mer. Des cas ont été signalés dans toutes les communes ; la partie ouest de l'île concentre plus de deux tiers des cas. Depuis le début de l'année, 7 864 cas ont été confirmés par l'ARS – Agence régionale de santé – de La Réunion, et 245 personnes ont dû être hospitalisées. Nous déplorons également le décès récent de deux personnes de cette maladie.
L'Agence régionale de santé se charge de la lutte antivectorielle sur le territoire. Elle est à pied d'œuvre et agit auprès de la population réunionnaise pour réduire les risques de propagation de maladies transmises par les moustiques comme la dengue. Ce travail s'appuie sur plusieurs leviers et comprend des actions de sensibilisation et d'information qui sont essentielles pour le grand public. Mais, on ne le rappellera jamais assez, l'action de l'ARS ne se limite pas à ce travail préalable de sensibilisation. Pour limiter le risque, le service de lutte antivectorielle coordonnée dispose aujourd'hui de près de 150 agents déployés au quotidien sur le terrain pour effectuer des missions de surveillance de la densité de population des moustiques sur l'ensemble de l'île et contrôler régulièrement les ravines en zone urbaine, ainsi que pour mener de nécessaires opérations régulières de démoustication. C'est un travail minutieux et consciencieux, que ces agents effectuent en toute responsabilité ; toutefois, celui-ci ne peut être qu'un complément aux équipements utiles pour protéger les habitations, notamment les moustiquaires.
Soyez assurée que nous suivons de très près cette situation en lien avec l'ARS et que je vous donnerai des compléments d'information.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la mer. J'y associe mes collègues Stéphane Travert et Sonia Krimi.
Depuis le 1er janvier, date de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, les pêcheurs professionnels doivent détenir une licence qui les autorise à pêcher dans les eaux de l'île anglo-normande de Jersey, lesquelles relèvent de la souveraineté du Royaume-Uni. Le 26 janvier, quelques jours après votre venue dans notre département de la Manche, le Royaume-Uni a publié une première liste de navires autorisés à pêcher provisoirement jusqu'au 30 avril. Vendredi dernier, les licences définitives pour 2021 ont été octroyées à quarante et un navires de plus de douze mètres – seulement quarante et un navires – par le Royaume-Uni, en accord avec Jersey.
C'est d'abord une satisfaction pour ces professionnels, puis, très vite, c'est la stupéfaction pour eux : ces licences étaient accompagnées de nouvelles mesures restrictives, sans la moindre explication. Limitation des engins de pêche, des zones de pêche, des espèces autorisées à la capture, et même du nombre de jours de pêche ! Par exemple, un pêcheur de Granville qui a pour habitude de pêcher dans ces eaux des coquilles Saint-Jacques et des bulots en moyenne quarante jours par an a obtenu sa licence définitive pour 2021 avec seulement onze jours de pêche pour l'année entière, et uniquement pour la coquille. Disparu, le bulot !
Ces mesures nouvelles décidées unilatéralement et sans concertation sont en totale violation des dispositions prévues dans le traité. Elles sont illégales et totalement inadmissibles. Les femmes et les hommes de la filière pêche sont, par nature, résilients, mais ils sont aujourd'hui inquiets, ulcérés aussi, de devoir faire face aux pratiques abusives du Royaume-Uni, lesquelles mettent à mal leur activité et celle de toute la filière. Alors, vous vous en doutez, sur la côte ouest de la Manche, de Granville à Carteret en passant par Cherbourg, la colère gronde et l'envie d'en découdre est palpable.
Madame la ministre, nous connaissons votre engagement sans faille et nous savons que vous multipliez les échanges avec le commissaire européen pour faire valoir les droits des pêcheurs. Mais, aujourd'hui, ceux-ci attendent une action forte. Que comptez-vous faire pour que les pêcheurs français ne subissent plus les décisions abusives du Royaume-Uni et de Jersey et puissent se projeter durablement et sereinement ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Pour avoir été souvent aux côtés des pêcheurs, y compris avec vous, je sais combien les professionnels de la Manche, mais aussi ceux de l'Ille-et-Vilaine et des Côtes-d'Armor, sont dépendants des eaux de Jersey. Les pêcheurs de Grandville ne sont qu'à deux heures de leur lieu de pêche. On comprend pourquoi nous avons entretenu, pendant plus de 150 ans, de très bonnes relations avec Jersey.
Comme vous, au soir du 30 avril, j'étais révoltée – oui, révoltée, c'est le mot – d'apprendre que ces quarante et une licences définitives étaient accompagnées de critères spécifiques, comme le nombre de jours de pêche. Ces conditions d'accès ont été décidées unilatéralement et sans explication. C'est tout à fait inadmissible. Vous savez que je me bats au quotidien pour dire : « L'accord, et rien que l'accord. » J'ai dénoncé immédiatement le non-respect de l'accord du Brexit auprès de la Commission européenne car, si nous l'acceptons à Jersey, nous créons un précédent dangereux pour l'ensemble de nos accès.
Comme je l'ai dit aux professionnels, ces nouvelles conditions sont nulles et non avenues. Elles n'ont pas à être mises en application. Je resterai inflexible là-dessus ; il faut les dénoncer, et nous le faisons régulièrement, Clément Beaune et moi. Comme vous le savez, l'accord prévoit des mesures de rétorsion, et nous sommes prêts à les utiliser. L'Europe, la France ont des moyens à leur disposition. En ce qui concerne Jersey, il s'agit, par exemple, du transport d'électricité par câble sous-marin. Je regretterais de devoir en arriver là, mais nous le ferons s'il faut le faire. Régulièrement, Clément Beaune et moi montons au créneau au nom du Gouvernement. Nous ne lâcherons rien : l'accord, rien que l'accord de décembre dernier.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Au moment où je vous parle, les salariés de la branche Steam Power de General Electric retiennent toujours le convoi de départ de l'une des turbines de la centrale anglaise de Hinkley Point. Ce bijou de technologie fait pourtant la fierté de notre pays et celle des salariés qui travaillent dessus, mais ils ont été conduits à cette action forte en raison de la situation de blocage entretenue par leur direction, laquelle refuse de reconsidérer son plan de licenciements.
Lors du rachat de la branche énergie d'Alstom, le projet de General Electric soutenu et voulu par Emmanuel Macron incluait la création de 1 000 emplois nets en France et assurait la maîtrise des activités stratégiques pour notre pays. Depuis ce rachat, non seulement les mille emplois n'ont pas été créés, mais les suppressions d'emplois se succèdent : après les fonctions support et les parties gaz et hydraulique, c'est aujourd'hui la branche Steam Power qui est concernée. Elle est pourtant essentielle à notre souveraineté économique, car c'est elle qui fabrique les composants pour les centrales nucléaires, notamment la turbine Arabelle. Ce nouveau plan va réduire les effectifs du site de Belfort à environ 3 100 salariés, alors qu'ils étaient 4 300 avant le rachat. C'est 28 % de moins. La direction de l'entreprise américaine justifie ce plan par l'arrêt de l'activité charbon, or les salariés concernés travaillent principalement pour l'activité nucléaire.
Depuis trois ans, nous vous alertons sur les risques qui pèsent sur l'avenir de notre parc nucléaire et sur notre capacité à l'entretenir. L'État ne peut pas avoir pour ambition de racheter l'activité nucléaire et, en même temps, ne pas intervenir afin de maintenir les compétences nécessaires pour la faire fonctionner. Dans le courrier qu'il a adressé aux salariés le 27 avril, le ministre de l'économie indique que sa priorité « va naturellement à la préservation des emplois et des compétences sur le site de Belfort, en particulier s'agissant des activités critiques pour notre sécurité d'approvisionnement ». Je le rejoins sur ce point. C'est pour cette raison que les salariés de General Electric, ainsi que les élus locaux et l'ensemble de la population du territoire de Belfort vous demandent aujourd'hui d'intervenir pour que soit mis en place un moratoire sur le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Ce plan doit être remplacé par un plan de gestion prévisionnelle des emplois et de la compétence pour que notre jeunesse soit formée à remplacer ceux qui, depuis des années, font tourner ce fleuron industriel et qui arrivent à la fin de leur carrière.
M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.
Aussi, monsieur le ministre, ma question est simple : que comptez-vous faire concrètement pour sauver les emplois et les compétences sur le site de Belfort ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jean-Luc Mélenchon applaudit également.
Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, suit avec la plus grande attention la situation de General Electric, en particulier sur le site de Belfort.
Le groupe General Electric est confronté à une diminution de son activité dans le domaine du charbon. C'est une transition nécessaire. Cela ne remet pas en cause notre engagement plein et entier dans le nucléaire, qui est un secteur d'activité stratégique pour notre souveraineté ainsi que pour notre mix énergétique. Le ministre de l'économie l'a rappelé avec force. Le 29 mars dernier, il a indiqué que nous travaillions à une solution apte à garantir le contrôle français de cette activité stratégique.
Nous serons particulièrement vigilants sur le PSE que vous mentionnez. Nous l'avons déjà été, puisque, comme vous le savez, il était initialement question de supprimer 228 postes. Nous avons ramené ce chiffre à 134 : ce n'est pas satisfaisant, mais c'est une amélioration ainsi qu'un premier pas.
Nous sommes par ailleurs en contact étroit avec les élus locaux et les représentants du personnel – nous l'étions encore hier, le 3 mai.
Nous avons obtenu l'engagement de General Electric de ne supprimer aucun poste correspondant à un métier, et ce afin de préserver les compétences stratégiques au service du nucléaire.
Nous sommes également mobilisés pour accompagner General Electric dans sa montée en puissance dans les énergies renouvelables : je pense à l'éolien offshore et à l'hydrogène. L'investissement de 2 milliards d'euros que nous dédions à l'hydrogène devrait très prochainement bénéficier au territoire de Belfort. C'est aussi une manière d'accompagner la transition de nos industries.
Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
La pédopsychiatrie en France a besoin d'aide. Une carence massive de soins psychiques adaptés s'annonce pour les bébés, les enfants, les adolescents et les étudiants, une perspective aggravée par la crise sanitaire. C'est un enjeu majeur ici et maintenant, mais aussi pour l'avenir.
L'une des explications est le manque croissant de professionnels formés. À l'instar de ce qu'elle a connu dans l'immense majorité des pays de l'Union européenne, la pédopsychiatrie doit être refondée en France pour en faire une discipline autonome. Elle doit être dotée des moyens de former non seulement des pédopsychiatres compétents – la norme en Europe est de six semaines de stage en service de pédopsychiatrie, contre un seul semestre obligatoire d'apprentissage théorique en France –, mais aussi les nombreux professionnels intervenant dans les soins psychiques – psychologues, psychomotriciens, orthophonistes, éducateurs –, qui ne sont pas toujours informés de l'évolution des connaissances sur le développement de l'enfant.
La France compte un professeur de médecine universitaire pour quatre à six médecins spécialistes en cardiologie ou en neurologie contre un seul pour plus de soixante psychiatres. Au total, ce sont moins de cinquante professeurs des universités de pédopsychiatrie pour tout le territoire !
Pour 200 000 enfants qui ont besoin de soins, seuls 600 pédopsychiatres sont disponibles, soit deux fois moins qu'il y a dix ans ! Néanmoins, le secteur de la pédopsychiatrie reste très engagé dans les soins et la formation.
Cette situation se traduit par des délais interminables et insupportables pour les patients et les familles, auxquels il faut ajouter une inégalité d'accès aux soins – les ressources en matière d'hospitalisation sont particulièrement insuffisantes.
Pourtant, à l'heure de l'explosion des connaissances en neurosciences du développement comme en sciences humaines, la pédopsychiatrie française doit être une filière de formation visible et attractive.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
La crise sanitaire et sociale a évidemment joué un rôle. Son coût mental et psychologique est important, notamment chez les plus jeunes ; les troubles du comportement se multiplient et la détresse s'accroît.
Nous en tirons les conséquences. Le Gouvernement a apporté d'abord une première réponse aux étudiants. Mais nous sommes évidemment tout aussi attentifs aux plus jeunes. Le Président de la République a annoncé le 14 avril dernier la création d'un dispositif destiné à apporter une réponse d'urgence à la souffrance psychique des enfants et des adolescents. Ce dispositif, opérationnel à la fin du mois de mai, comprend la prise en charge à 100 % de dix séances d'accompagnement psychologique sans avance de frais, soit un entretien initial pour établir un bilan et jusqu'à neuf séances ensuite.
Comme l'a indiqué le secrétaire d'État Adrien Taquet, le dispositif s'intégrera dans un parcours de soins coordonnés : tout médecin, qu'il soit généraliste, pédiatre ou autre, pourra prescrire, sur ordonnance, des séances et adresser l'enfant ou l'adolescent à des psychologues répertoriés sur une liste nationale, disponible sur le site psyenfantado.santé.gouv.fr. Il s'agit de repérer et accompagner les enfants et adolescents qui traversent une période de mal-être. Plusieurs milliers de psychologues seront mobilisés. L'enfant doit bénéficier d'une ordonnance avant le 31 octobre 2021 et les séances devront avoir lieu avant le 31 janvier 2022.
Le Président de la République a également annoncé la tenue d'assises de la santé mentale et de la psychiatrie pour apporter, au cours de l'été, des réponses plus structurelles. Il est impératif que dans toutes les situations de troubles plus sévères, les jeunes soient orientés sans attendre vers un psychiatre.
Enfin, du fait de la baisse tendancielle des effectifs en psychiatrie infantile que vous évoquez, le secteur est parfois saturé. La feuille de route santé mentale et psychiatrie avait commencé à répondre à ce problème. L'une de ses principales mesures – la création de dix postes de chef de clinique – est en cours de déploiement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le 4 avril 2017, à quatre heures vingt-deux, un appel reçu par la police faisait état d'une séquestration au domicile. Le docteur Sarah Halimi, parce qu'elle était juive, a été torturée, battue et mutilée pendant quarante-cinq minutes, puis défenestrée.
Tout en reconnaissant le caractère antisémite de ce féminicide, la Cour de cassation vient de dire le droit en rendant une décision d'irresponsabilité pénale de l'auteur des faits. Cette décision provoque, ces derniers jours, émoi et désolation légitimes des représentants du judaïsme en France mais aussi, comme l'a montré la grande manifestation récente au Trocadéro, de toutes les femmes et tous les hommes de vertu républicaine.
En l'état de notre droit, le régime de l'irresponsabilité pénale a profité à celui qui a volontairement pris des stupéfiants ayant entraîné des bouffées délirantes aiguës et le meurtre du docteur Sarah Halimi.
En l'état de notre droit, les décisions de déclaration d'irresponsabilité ne sont pas rendues systématiquement au cours d'un véritable procès.
En l'état du droit, un meurtre peut être caractérisé d'antisémite et ne pas donner lieu à un procès de l'antisémitisme au nom du peuple de France.
Dans ces conditions, la prise volontaire de psychotropes devient-elle une excuse à l'antisémitisme, cette haine pathologique de l'autre, et demain à toutes les autres formes archaïques de violences qui prennent le nom de racisme ?
Comment agir pour non seulement chercher sans cesse à atteindre l'idéal de justice mais également retrouver le chemin de la confiance dans l'institution judiciaire ? Quelles évolutions législatives envisagez-vous pour un droit qui n'est plus conforme à la justice et à l'humanisme que notre société est en droit d'attendre ?
Les démocrates du groupe Dem déposeront des amendements en ce sens dont l'un vise à exclure toute atténuation de responsabilité en cas de consommation volontaire de substances psychoactives.
Comment entendez-vous pallier les carences de la loi et assurer aux familles endeuillées un procès ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM .
J'ai déjà répondu pour partie à la question. Le fait que celle-ci m'ait été posée à trois reprises, par des députés républicains et démocrates, me conforte dans l'idée que les grandes valeurs de la République qui nous taraudent ne sont pas lettre morte. Vous savez mon engagement dans la lutte contre l'antisémitisme et le racisme sous toutes ses formes. Ce sont des valeurs que nous partageons, et je m'en félicite.
Alors que certains souhaiteraient légaliser le cannabis, il me vient à l'esprit qu'un homme ayant consommé trop de cannabis a commis ce que vous avez rappelé.
Il convient de faire très clairement le distinguo entre la folie endogène et la folie exogène, qui proviendrait d'une consommation excessive de psychotropes.
Exclamations sur les bancs du groupe LT.
Ne criez pas ! Peut-être la famille nous regarde-t-elle. Un peu de décence, voyez-vous.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.
Vous irez dire à ces hommes et à ces femmes qu'il faut légaliser le cannabis au moment où des manifestations se déroulent et où la communauté juive – et pas seulement elle, loin de là –,…
…est en émoi à cause d'un crime absolument atroce.
Franchement, un peu de décence.
Je travaille ardemment – j'ai consulté les représentants des cultes et tous ceux qui devaient l'être – pour aboutir d'ici à la fin du mois de mai à un texte équilibré. J'aurai évidemment l'honneur, je le répète, de présenter ce travail à l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agi ens.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.
À entendre le Gouvernement et la majorité, ce texte serait celui de tous les superlatifs : 218 articles, près de 5 500 amendements discutés, 559 adoptés, 110 heures de débat, mais pour quel résultat ? Lors de sa présentation, vous disiez de ce projet de loi qu'il apportait une pierre importante à l'édifice de la République écologique que nous voulons construire, mais peut-on construire un édifice solide avec des fondations si faibles ?
Voilà la question, et plus encore quand nous savons que les événements climatiques à venir seront d'une très grande violence – nous avons d'ailleurs subi des gelées noires en plein débat sur la loi climat. Trop fragiles, ces fondements ne nous permettront pas d'atteindre l'objectif de réduction de 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre, encore moins celui de 55 % assigné par l'Union européenne et dont nous n'avions pas le droit de débattre.
Nous sommes nombreux à vous avoir alertés quant aux insuffisances du texte et des parlementaires issus de tous les bancs de notre assemblée ont dénoncé son manque d'ambition.
Nous avions proposé plusieurs pistes d'amélioration, qui ont été quasi systématiquement balayées. Le Haut Conseil pour le climat a évoqué des périmètres d'application trop restreints, des délais d'exécution trop longs ; les citoyens membres de la Convention citoyenne pour le climat et les ONG ont, en vain, tenté de pousser plus loin certaines mesures. Mais non, monsieur le rapporteur général, je ne considère pas qu'il soit insupportable que les ONG agissent. Au contraire, ce qui est insupportable, ce sont tous ces lobbys qui ont transformé une ambition citoyenne en une vision productiviste froide, technique, technocratique de l'écologie. Pourtant, l'écologie, c'est la vie. Il faut composer partager, projeter, donner, être désirable – tout ce qui manque à votre texte.
Votre faute originelle est de ne pas prendre en compte les évolutions démographiques et les particularismes de notre belle France. La France gagne chaque année près de 200 000 habitants, soit l'équivalent d'un département comme le Gers, mais rien n'est prévu pour en penser les conséquences sur l'aménagement du territoire. Vous avez fait le choix de raisonner à périmètre constant, notamment sur les questions liées à l'artificialisation des sols,…
…là où il aurait fallu penser les dynamiques. Votre approche des enjeux de la mobilité est elle aussi à périmètre constant : rien sur les mobilités contraintes que subissent tous les jours nos concitoyens du fait des déserts médicaux, ou économiques et d'un service public absent de nos territoires ; rien sur les mobilités désordonnées, ces flux de marchandises en tous sens. En performance logistique, la France est au seizième rang mondial et au huitième rang européen, ce qui signifie que nous ne sommes pas bons. Vous ne pensez qu'émissions du transport routier, sans aborder les systèmes organisationnels. Or c'est en optimisant les flux que nous parviendrons à réduire les émissions de gaz à effet de serre, tous simplement par une baisse du nombre de kilomètres parcourus.
On ne trouve pas non plus trace de la fiscalité environnementale et de la lutte contre la pollution plastique, ni d'une réflexion sur les émissions importées ou la biomasse, sujets majeurs pour amorcer la transition écologique, mais occultés.
Les débats ont aussi mis en lumière certaines de vos contradictions. Vous entendez lutter contre le gaspillage d'énergie en interdisant les terrasses chauffées, mais autorisez la climatisation extérieure.
Vous vous attachez à lutter contre la pollution atmosphérique en restreignant le chauffage au bois, mais vous refusez de vous vous attaquer aux particules de freins ou de pneus, qui deviennent les principales sources de polluants atmosphériques de nos villes. Vous interdisez le g reenwashing mais, surtout, vous ne restreignez pas la publicité sur les produits les plus polluants, notamment les grosses bagnoles.
M. Bertrand Pancher applaudit.
Vous interdisez la voiture de l'ouvrier, mais vous autorisez le jet ski de son patron. Je pourrais continuer cette énumération pour démontrer que vous ne vous attaquez pas au fond des problèmes, mais chérissez les symboles. Or, les symboles ne suffisent pas à faire une politique.
Cette loi est le sacre du droit mou, avec des mesures non normatives ou peu contraignantes : TICPE, ou taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques, engrais azotés, consigne, menu végétarien : on est là dans le domaine de la déclaration d'intention que l'on brandit sur les réseaux sociaux, au mépris de l'efficacité
MM. Bertrand Pancher et Jean-Michel Clément applaudissent
– et je ne parle pas du code minier.
Reconnaissons que certains articles vont dans le bon sens. Oui, je le reconnais, le verdissement de la commande publique élargi aux concessions franchit un nouveau palier. L'interdiction de la location des passoires thermiques : oui. L'uniformisation de l'organisation du service public de la performance énergétique : oui.
Sourires.
Le recul du trait de côte : oui. L'obligation de mise en place des ZFE, les zones à faibles émissions : oui. Mais, à l'heure de l'urgence climatique, nous ne pouvons nous contenter de ces quelques mesures.
Avec ce texte, combien de tonnes de CO
En tant qu'élu écologique, je ne peux voter ce texte. Mon groupe Libertés et territoires, convaincu de la nécessité d'un réel tournant dans la transformation écologique face au dérèglement climatique, à l'effondrement de la biodiversité, à l'érosion des ressources, et à l'urgence qu'il y a à agir, vous demande plus. En ce sens, la très grande majorité de ses membres ne voteront pas pour ce texte, qui n'est pas à la hauteur de l'urgence et ne permet pas de donner des libertés aux acteurs locaux pour bâtir en confiance, avec les territoires, l'ambition écologique que nous devons porter.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – M. Guillaume Garot applaudit également.
Nous avons passé trois semaines sur ce projet de loi qui n'aura finalement qu'un impact minime sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre, et donc un résultat insuffisant pour préserver le climat. Ce texte, issu de la Convention citoyenne, aura abandonné ou édulcoré en cours de route les trois quarts des propositions. Le projet de loi climat et résilience n'est plus que le projet de loi climat et dividendes.
Le résultat, traduit dans votre novlangue de start-up nation, est donc le suivant : après un brainstorming intense, la publicité ne sera pas encadrée. On interdira seulement la promo de Butagaz et, pour le reste, on fera confiance aux copains publicitaires.
Pour la rénovation énergétique, la d eadline a été placée en 2034, avec une méthode agile qui a permis d'invisibiliser les passoires thermiques et de placer la responsabilité des actions en justice sur le dos des locataires.
Concernant l'artificialisation des sols, c'est le process dérogation qui a pris le lead : en dessous de 10 000 mètres carrés, on peut bétonner comme on veut. C'est pratique : ça concerne 80 % des projets en cours et, bien sûr, le e-commerce, Macro n- friendly, n'est pas concerné.
Pour l'interdiction des trajets en avion sur les lignes intérieures, le scope a été mis sur les trajets de moins de deux heures : à peine cinq lignes sont concernées, grâce au process dérogation en cas de correspondance.
La taxe sur les engrais azotés bénéficie d'une approche flexible : elle sera envisagée si les objectifs annuels de réduction des émissions ne sont pas atteints. Bravo : le permis de polluer pour tous avant d'atteindre un r each impossible.
Le crime d'écocide, un peu touchy pour les amis industriels, a été disrupté en simple délit. La responsabilité environnementale des entreprises, qui n'était pas corporate pour La République en marche, a tout simplement disparu du pitch : carte blanche aux pollueurs.
Même chose pour le plan d'investissements dans le ferroviaire qui, à défaut de réussir sans c rowdfunding public, va rejoindre la liste des choses que ce gouvernement ne fera jamais.
La mise en place de la consigne du verre a changé de roadmap : avec le passage d'une obligation à une possibilité, puis une d eadline supprimée, le dispositif est complètement inopérant.
Enfin, médaille d'or du benchmarking, l'option végétarienne dans les cantines, petite avancée érigée en business r e volution, restera de l'ordre de la bonne volonté pour les cantines gérées par les collectivités.
Cette loi ne permet donc, en l'état, que de réduire de 6 à 10 millions de tonnes de CO
…mais tous nos feed-back ont été ignorés.
Petit mémento non exhaustif, cette fois en langue française, de ce qui aurait dû figurer dans ce texte si on avait voulu en faire une vraie loi climat : interdiction de la publicité pour les produits les plus polluants et les plus dangereux, interdiction des trajets en avion quand il existe une alternative en moins de quatre heures, généralisation de la consigne du verre, généralisation du choix végétarien dans la restauration collective publique et privée, interdiction des coupes rases dans nos forêts, obligation de la rénovation globale des logements loués en cas de changement de locataire ou de vente dès 2022, fin des accords de libre-échange climaticides et mise en place d'un protectionnisme écologique et solidaire, interdiction de l'artificialisation des sols dès 1 000 mètres carrés, en y incluant les entrepôts du e-commerce, mise en place d'une vraie redevance et d'une taxation des externalités négatives des engrais de synthèse pour sortir du modèle agro-industriel. Enfin, et pour finir, éco-responsabilité pour les grandes entreprises, éco-conditionnalité des aides publiques et taxation des dividendes à 4 %.
Ce texte répond à toutes les exigences des lobbys et épargne les grandes entreprises et les grandes fortunes, alors même que ce sont les plus gros pollueurs. L'Observatoire des multinationales relève avec justesse que 100 % des entreprises du CAC40 ont œuvré pour rendre cette loi climat peu ambitieuse. De fait, justice sociale, solidarité fiscale et conditionnalité écologique ne font tout simplement pas partie de votre vocabulaire, encore moins de votre politique. Le changement climatique a commencé et vous avez choisi de faire une loi de communication, une loi d'affichage, une loi macronienne dans toute sa splendeur, une loi qui ne permettra pas de répondre à notre responsabilité historique face aux défis climatiques qui s'imposent à tous.
C'est un texte déjà dépassé et, fidèles à notre opposition à l'obsolescence programmée, nous voterons contre, car nous sommes pour une République sociale et écologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe GDR.
Madame la ministre de la transition écologique, à vous écouter – et Dieu sait si on vous écoute ! – et à écouter les membres de votre majorité, le projet de loi contient toutes les mesures nécessaires pour permettre enfin à notre pays de tenir ses engagements climatiques. Le Parlement aurait, au cours des trois semaines de débats qu'il a consacrées à votre texte, magnifiquement relayé, selon vos propres termes, les propositions formulées par la Convention citoyenne pour le climat.
Eh bien ni les 150 citoyens, ni la communauté scientifique, ni les parlementaires qui ont tenté de renforcer l'ambition du texte ne partagent cet enthousiasme de façade.
Vous avez, dans une tribune récente cosignée avec un collectif de ministres et de députés de la majorité, dénoncé les postures de ceux qui « s'enferment dans une logique du tout ou rien pour refuser une approche progressive ». Nul ne conteste sur ces bancs la nécessité d'avancer par étapes sans laisser personne sur le bord du chemin, mais le cœur du problème, c'est qu'au bout du compte, votre politique des petits pas ne suit pas le rythme des changements économiques et sociaux qu'impose la crise écologique et climatique. Sous la pression, comme cela a été dit, de puissants intérêts économiques et financiers, vous vous êtes condamnée au sur-place, aux dépens de l'intérêt général et des attentes légitimes de nos concitoyens.
Ce texte souligne les terribles contradictions qui sont les vôtres. On ne peut en effet prétendre opérer la transition écologique de l'industrie sans garantir aux salariés – nous ne cesserons de le dire ! – des droits nouveaux en termes d'emploi et de formation, ni sans renforcer leur pouvoir d'intervention sur la stratégie industrielle des entreprises. Or il n'y a rien d'essentiel, dans le projet de loi, sur l'emploi et la transformation des métiers. Aucune mesure ne vise non plus à encadrer les émissions de carbone des grandes entreprises, ni à leur réclamer des contreparties. Bien au contraire : c'est leur bonne volonté qui fait office de cap. On ne peut prétendre réduire la part du transport routier et aérien sans développer massivement l'offre de fret et de transport ferroviaire, sans préserver le maillage des petites lignes et sans rendre attractifs les tarifs des transports publics, notamment de la SNCF.
Mme Muriel Ressiguier applaudit.
Or vous ne démontrez rien à cet égard dans ce texte.
On ne peut prétendre d'un côté lutter contre l'artificialisation des sols et refuser, de l'autre, tous les amendements visant à mettre un terme à l'expansion des entrepôts des géants du e-commerce. Quant à l'interdiction de l'installation de surfaces commerciales en périphérie, elle ne concernera que celles de plus de 10 000 mètres carrés, un seuil bien trop élevé pour lutter efficacement contre l'artificialisation et préserver les petits commerces de proximité. Pourtant, ce n'est qu'à l'amendement du président Chassaigne – amendement qui a mis la majorité en émoi – que la ruralité vivante doit ses quelques capacités de développement !
On ne peut prétendre encore favoriser la transition de notre agriculture sans garantir des revenus décents aux agriculteurs. Or vous refusez de tirer les conséquences de l'échec de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire (ÉGALIM) et de dénoncer les désastreux traités de libre-échange qui organisent le dumping social et environnemental. On ne peut enfin prétendre conduire à bien la rénovation énergétique de l'habitat et éradiquer les passoires thermiques d'un côté et, de l'autre, repousser à 2028 l'interdiction de louer les passoires thermiques, tout en rackettant le logement social à hauteur de plusieurs milliards d'euros.
Telles sont, madame la ministre, les raisons pour lesquelles le groupe communiste votera contre ce texte qui est un empilement de mesures anecdotiques, tronquées, différées, déléguées, sans-le-sou et asociales.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Pour réussir la transition, l'écologie doit rassembler la société : jeunes, vieux, boomer s, actifs, retraités, urbains, habitants des territoires. Notre responsabilité est d'additionner les volontés, pas d'exclure ni de diviser. Le mouvement des gilets jaunes nous a rappelé à quel point l'acceptation de la transition par la population était cruciale et n'allait pas de soi. Ce projet de loi nous adressait donc un double défi : celui de conjuguer démocratie participative et démocratie représentative d'une part, celui d'accélérer la transition écologique d'autre part. C'est chose faite. Après plus de 200 heures de débats en commission et en séance et l'examen de 9 000 amendements, dont 1 000 ont été adoptés, notre majorité a profondément enrichi et précisé le texte en maintenant le cap et l'ambition écologiques. À ce titre, je salue le formidable travail du rapporteur général et des rapporteurs des différents chapitres qui ont grandement contribué à ce résultat. Près de 370 acteurs de la société ont été auditionnés pour bâtir ces avancées, notamment les collectivités locales qui sont au cœur de l'action de terrain.
Malgré toutes les oppositions de façade, force est de constater qu'un très grand nombre d'articles ont été adoptés à la quasi-unanimité. Les postures ne résistent pas au bon sens des propositions concrètes.
Non, cette loi n'est pas une loi des petits pas comme certains la caricaturent. Quand nous actionnons 200 milliards d'euros par an de commandes publiques pour la transition écologique, ce n'est pas un petit pas. Quand nous planifions la rénovation de plus de 4 millions de logements qui sont des passoires thermiques, ce n'est pas un petit pas. Quand nous décidons la réduction par deux du rythme d'artificialisation des sols pour l'ensemble du pays, ce n'est pas un petit pas. Quand nous accélérons le verdissement de l'ensemble des flottes de véhicules de l'État, des collectivités et des entreprises, ce n'est pas un petit pas. Quand nous adoptons la fin des lignes aériennes au profit du train, dans le pays qui est le leader mondial de l'aéronautique, ce n'est pas un petit pas. Quand nous généralisons l'obligation de 50 % de produits durables, dont des produits bio, aux 300 millions de repas annuels de la restauration collective privée, ce n'est pas un petit pas. Ce sont des pas de géant, pour une transformation écologique profonde de notre société.
Protestations sur les bancs des groupes GDR et FI.
J'entends que le texte ferait des impasses, notamment en ce qui concerne le transport ferroviaire. Je rappelle qu'avec la réforme de la SNCF, la loi d'orientation des mobilités (LOM) et le plan de relance, c'est nous qui avons redonné la priorité à la mobilité ferroviaire du quotidien, repris la dette colossale de 35 milliards de la SNCF pour réinvestir massivement dans les réseaux après des années de dépérissement, soutenu le fret ferroviaire et rouvert les trains de nuit. Bien que ce texte ne soit pas une loi de finances, nous avons intégré des engagements inédits pour soutenir les Français dans la transition : nous avons couplé la trajectoire de rénovation thermique des bâtiments avec le système des aides aux ménages pour la réalisation des travaux, et intégré dans le soutien aux ménages des aides pour les modes de transport les moins polluants dans les zones à faibles émissions. Nous avons également ouvert au vélo le bénéfice de la prime à la conversion des véhicules polluants et prévu la création d'un chèque alimentation durable grâce à un travail collectif de notre majorité, que je souhaite saluer.
Jamais l'État n'aura autant financé la transition écologique des ménages que durant ce quinquennat. Des centaines de milliers de Français ont déjà bénéficié des aides pour la rénovation de leur logement, comme MaPrimeRénov', des primes à la conversion des véhicules et des bonus pour l'achat de solutions électriques. La transformation écologique passera avant tout par un changement des comportements. La création d'un éco-score qui, renforcé et élargi par la majorité, sera appliqué en priorité aux produits textiles, constituera un levier efficace pour orienter les consommateurs et évincer les entreprises irrespectueuses de l'environnement.
Nous assumons le fait de privilégier l'information des consommateurs et les incitations plutôt que les interdictions arbitraires souvent teintées d'anticapitalisme primaire. Méfions-nous des nouveaux idéologues qui appellent à une grande bifurcation comme d'autres avant eux à de grands bonds en avant. Ils mènent à l'autoritarisme et à la misère collective. Ce n'est pas notre conception de l'écologie.
Chers collègues, il y a bien un chemin entre ceux pour qui aucune mesure ne sera jamais satisfaisante et ceux qui considèrent qu'il ne faudrait jamais rien changer ; entre une écologie de l'injonction permanente, devenue rente politique, et un immobilisme coupable face à l'impératif climatique. Cette voie centrale, de bon sens, pour une écologie de terrain et du quotidien, est celle tracée par notre majorité : une écologie qui investit massivement dans le progrès technique et l'innovation, une écologie des solutions concrètes, de l'incitation et de l'accompagnement, une écologie de l'éducation et de l'adhésion de la population.
C'est le sens de notre politique depuis 2017, du plan de relance vert de 100 milliards d'euros et du projet de loi climat et résilience. Ce texte nous aidera à tenir nos engagements climatiques. Il contribuera à amplifier la transformation écologique de la société et à orienter notre économie vers la décarbonation. Économie et écologie sont compatibles ; nous ne cessons d'œuvrer à leur conjugaison. Les députés du groupe La République en marche voteront donc résolument en faveur de ce projet de loi, qui est nouvelle grande avancée écologique pour notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaRem et sur quelques bancs du groupe Dem.
La lutte contre le dérèglement climatique est une préoccupation majeure de notre famille politique. Pour les Républicains, c'est un engagement tiré de leur histoire : les présidents Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy se sont tous illustrés par des actions concrètes fondamentales pour la préservation de l'environnement. Avec l'indépendance énergétique et une énergie décarbonée, la préservation de notre littoral, la création du droit de l'environnement, la promulgation de la Charte constitutionnelle, la définition du principe de précaution ou encore le Grenelle de l'environnement, tous avaient à cœur le respect de la nature, le souci de la protection de notre terre et plus généralement de la qualité de la vie.
Plus le temps passe, plus j'ai la conviction profonde que les gouvernements de droite ont toujours obtenu de meilleurs résultats que les écologistes politiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Or, si l'on doit toujours faire mieux, la France n'a pas à rougir de sa faible empreinte carbone. La droite républicaine a toujours cru aux scientifiques et au progrès technique, qui nous permettra de venir à bout des émissions de gaz à effet de serre. Ce n'est pas, comme vous l'appelez de vos vœux en permanence, la réduction de la consommation, l'interdiction des transports et la culpabilisation permanente des Français qui résoudront le problème. Fallait-il légiférer pour maintenir la France à l'avant-garde du combat contre le dérèglement climatique ? Oui, madame la ministre, mais encore fallait-il le faire dans la bonne direction. Je ne reviendrai pas sur les conditions discutables de l'élaboration de ce projet de loi. Je m'efforcerai d'expliquer en quoi ce texte, dont nous avons débattu très largement, ne répond pas aux attentes.
Ce ne sont pas les taxes et les réglementations franco-françaises qui réduiront les rejets de CO
Faut-il qu'au nom de la réduction de l'artificialisation des sols – objectif que nous partageons – vous empêchiez la France rurale d'offrir aux jeunes générations le choix d'y construire et de s'y implanter ? Quant au logement, vous n'avez pas accepté les propositions que nous avons faites pour mieux aider les ménages modestes à isoler leur habitation. Enfin, que dire de l'usine à gaz qui a accouché d'un nutri-score censé indiquer aux consommateurs les meilleurs produits mais ignorant complètement, dans sa conception, la richesse des appellations d'origine contrôlée qui participent de notre identité et de notre culture ?
Il n'est pas question pour nous de participer à un exercice de communication présidentielle. La lutte contre le dérèglement climatique n'a pas besoin d'effets de manche, tant le sujet est important. Face à une conception réductrice de la protection de l'environnement, qui oppose les Français les uns aux autres, le groupe Les Républicains aura l'occasion de présenter des propositions fortes, pour une écologie positive et radicalement plus ambitieuse.
Nous faisons confiance à la majorité sénatoriale pour que la grande famille de la droite et du centre retravaille ce texte et réalise une nouvelle fois de réelles avancées environnementales sans pénaliser le pouvoir d'achat des Français. Pour cette raison, la grande majorité des députés de notre groupe s'abstiendra à l'occasion de cette première lecture, en attendant le travail de nos sénateurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
C'est dans un climat constructif et apaisé que nous avons achevé nos travaux sur le projet de loi climat et résilience, qui entend poursuivre et compléter l'arsenal législatif que nous construisons depuis le début de la mandature pour répondre, sur tous les fronts, à l'urgence climatique. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés tient à saluer l'engagement de l'ensemble des députés qui, tout au long de l'examen du texte, ont cherché à étoffer l'éventail d'outils à la disposition de notre pays pour lutter contre le changement climatique tout en gardant le cap d'une plus grande justice sociale.
Nous avons la conviction que, par son pragmatisme et les illustrations qu'il trouve dans la vie quotidienne des Français, ce texte est déjà une réussite. Malgré l'entrée en vigueur de la LOM, de la loi ÉGALIM et de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, les Français nous ont demandé d'aller plus loin. De ce point de vue, la Convention citoyenne pour le climat a permis, de manière inédite, de recueillir leur parole, et les conclusions de leurs travaux ont apporté une contribution inestimable aux débats passionnés que nous avons eus.
Sur le fond du texte, la position de notre groupe reste inchangée : il s'agit d'apporter des réponses concrètes aux défis climatiques ambitieux que nous nous sommes lancés. Sans reprendre en détail l'ensemble des avancées, je rappellerai les mesures que l'action de notre groupe a permis d'inscrire dans le texte. S'agissant tout d'abord de notre façon de consommer, l'interdiction des emballages à usage unique constitués de polymères et copolymères styréniques très toxiques pour notre environnement, particulièrement pour les océans, représente une grande avancée. Il nous paraissait essentiel d'interdire purement et simplement leur utilisation. C'est chose faite !
Une autre avancée que nous avons défendue est l'interdiction de l'éco-blanchiment qui consiste en l'affirmation, à tort, qu'un bien ou service est dépourvu de conséquences néfastes sur le climat. Il s'agit de protéger le consommateur contre les publicités mensongères et de lui permettre de faire des choix éclairés.
Parce que nous sommes profondément décentralisateurs, il nous paraissait essentiel de donner toute leur part aux collectivités territoriales et d'inscrire les objectifs de la stratégie bas-carbone, comme celui de la programmation pluriannuelle de l'énergie, à l'échelle locale. Nous sommes trop centralisés pour être véritablement au service du développement des énergies renouvelables dans et pour les territoires.
Nous sommes également heureux que nos discussions animées aient abouti à une meilleure définition de l'artificialisation des sols, qui tient compte désormais de l'atteinte aux fonctions écologiques. Nous nous félicitons d'avoir convaincu nos collègues de l'importance de reconnaître une plus grande capacité aux collectivités territoriales pour planifier le développement de l'implantation des entrepôts logistiques à vocation commerciale, sujet que nous avons pu faire avancer grâce à un dialogue permanent et constructif avec le Gouvernement et le rapporteur.
S'agissant de la rénovation énergétique des bâtiments, nous avons stabilisé dans le temps notre système d'aides publiques à la rénovation afin de donner aux acteurs du secteur une visibilité suffisante pour se positionner et proposer aux Français des solutions performantes, à moindre coût, variant en fonction de leurs revenus.
Nous saluons également l'interdiction à partir de 2025 de la mise en location des logements trop énergivores et l'accompagnement obligatoire des ménages dans leur projet de rénovation. Cet accompagnement individualisé au plus près des projets était pour nous indispensable et nous nous félicitons qu'il trouve dans ce texte une réponse.
Je n'oublierai pas de citer toutes les victoires en faveur de la pratique du vélo, que nous avons défendue collectivement.
Pour conclure, quelques mots sur le titre VI dédié à la protection judiciaire de l'environnement. Cette thématique s'est étoffée et a gagné en consistance grâce à l'investissement du rapporteur dont nous tenons à saluer chaleureusement le travail.
Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés a soutenu la création d'un septième titre relatif à l'évaluation climatique et environnementale de nos politiques. Les mesures prévues dans le projet de loi seront ainsi évaluées chaque année et les collectivités territoriales mettront en place un observatoire des actions qu'elles conduisent dans ce domaine. Quant aux secteurs les plus polluants, ils devront établir une feuille de route relative à leur stratégie de réduction des émissions à effet de serre.
Considérant que l'objectif des membres de la Convention citoyenne pour le climat est atteint, considérant que le texte défend avant tout une écologie qui encourage et non une écologie qui punit, considérant qu'il s'adresse à tous les Français et qu'il respecte l'impérieuse nécessité de justice sociale que nous défendons depuis toujours, considérant qu'il confirme de nombreuses avancées que nous avions adoptées dans de précédents textes de loi de cette législature, le groupe Mouvement démocrate votera pour le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général, applaudit également.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Guillaume Garot.
Il y a un mois, ici même, madame la ministre, vous n'hésitiez pas à nous promettre une loi « historique », ajoutant que nos doutes, après les débats de la commission spéciale, seraient balayés et que nous serions tous impressionnés par la force des mesures et l'élan du texte. Bref, on allait voir ce qu'on allait voir. Et puis on a vu, mais on n'a vu ni force, ni élan.
Vous nous dites qu'il y a des avancées. Il est vrai que le texte en comporte quelques-unes, qu'il s'agisse de l'affichage environnemental, de l'artificialisation des sols ou de la prise en compte des critères environnementaux dans la commande publique. Et c'est tant mieux, nous le reconnaissons. Qu'il y ait des avancées en ces temps d'urgence écologique, économique et sociale est toutefois la moindre de choses. Il ne manquerait plus que nous fassions du sur-place.
En réalité, ce projet de loi n'a ni équilibre, ni cohérence, ni réelle ambition.
Il n'a pas d'équilibre parce que vous laissez largement de côté la question de la justice sociale, alors que c'est le pilier indispensable de toute politique de développement durable.
Il n'a pas de cohérence non plus parce que vous fixez des objectifs sans donner à la puissance publique, aux acteurs économiques et aux citoyens les moyens de les atteindre. Vous formulez des directives générales et vous dites ensuite aux collectivités, aux entreprises, aux acteurs locaux : débrouillez pour parvenir aux buts fixés. Ce n'est pas convenable et ce n'est pas efficace. Et l'on retrouve cette incohérence en matière d'artificialisiation des sols : vous établissez pour les centres commerciaux des règles dont vous exonérez les plateformes de commerce électronique comme Amazon. Qui peut comprendre ?
Enfin, ce texte n'a pas de réelle ambition. Nous savons tous qu'il ne sera pas suffisant pour atteindre les objectifs pour le climat que la France et l'Union européenne ont fixés.
Pour toutes ces raisons, vous ne devriez pas prétendre, madame la ministre, faire l'histoire avec cette loi. Et je veux mettre en garde la majorité. Sur ce texte, comme sur bien d'autres, votre autosatisfaction constante exaspère nos concitoyens.
Elle alimente même la défiance dans les territoires. Députés du groupe Socialistes et apparentés, nous sommes les premiers à défendre la transition écologique et nous voudrions le faire avec tous ceux qui veulent aller de l'avant, mais nous ne pouvons pas cautionner une politique des tout petits pas…
…qui relève plus de l'esquive permanente que d'une véritable transformation écologique.
Des solutions existent pourtant face à l'urgence climatique. Nous les avons défendues tout au long des débats à travers une approche cohérente et des propositions concrètes autour d'un mot d'ordre : plus de justice et moins de carbone. Comment ? Avec des prêts à taux zéro garantis par l'État qui permettraient aux ménages modestes d'acquérir un véhicule non polluant ; avec une interdiction stricte de la location de passoires thermiques, ces logements si mal isolés qu'ils coûtent très cher à entretenir et à chauffer ; avec une politique volontariste de lutte contre le gaspillage alimentaire ; avec un moratoire sur la fermeture des petites lignes SNCF ; avec une TVA à 5,5 % sur les transports en commun ; avec la création d'un fonds 3E – entreprise, emploi, écologie – dédié au financement de la conversion professionnelle dans les secteurs économiques les plus polluants.
Vous tirez fierté, madame la ministre, d'avoir vu le Parlement adopter en séance plus de 160 amendements venus de l'opposition, mais il faut remettre les choses en perspective : 3 000 autres amendements ont été rejetés sans parler des 1 500 amendements déclarés irrecevables.
Oui, bien sûr, il y a des choses utiles dans ce projet de loi, mais ce qui l'emporte, en fin de compte, ce n'est pas ce qui est dans le texte, mais ce qui devrait y être et qui n'y est pas. Le groupe Socialistes et apparentés, à ce stade des débats, ne soutiendra pas un texte qui marque par sa faiblesse. En attendant mieux du Sénat et en espérant davantage de la deuxième lecture, nous voterons contre lui.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
L'expression « impératif climatique », que j'entends souvent, me froisse les oreilles car poser des impératifs, c'est par principe écarter l'idée de dialogue et de concertation et ouvrir la voie à une forme d'arbitraire ou à des décisions fondées certes sur de bons sentiments mais imposées sans discussion : c'est la négation du travail parlementaire. Je crois en revanche à l'urgence climatique et à celle d'agir pour éviter une dérive de nos comportements individuels et collectifs qui condamnerait à terme toute vie sur la planète.
C'est cette obligation de changement que nous ont rappelée les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat et je crois qu'on peut affirmer à présent que le Parlement a été au rendez-vous. Pour certains, cette démarche consistant à associer des citoyens à la décision publique était promise à l'échec et des Cassandre nous disaient que le Parlement ne serait pas à la hauteur de l'enjeu. Or toutes les dispositions prévues dans le projet de loi ont été adoptées et ont même souvent été renforcées. Toujours, les députés ont essayé d'améliorer la robustesse des articles, en les bonifiant à travers leur double expérience d'élus de la nation et d'élus ancrés dans un territoire. Face à l'ampleur de cette tâche, permettez-moi de remercier l'ensemble des collaborateurs et des administrateurs qui nous ont permis de faire ce beau travail.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
Le groupe Agir ensemble a tout particulièrement insisté sur la prise en compte de la biodiversité, sur la possibilité d'instaurer un principe de compensation ainsi que sur l'évaluation. Il lui a semblé important de prévoir des clauses de rendez-vous pour permettre au législateur de veiller à la publication des ordonnances mais surtout de poursuivre le dialogue avec l'exécutif sur l'élaboration des décrets et les corrections à apporter à la loi, dès lors que les effets attendus ne se vérifieraient pas sur le terrain.
Par ailleurs, notre groupe a été heureux de soutenir certaines préoccupations spécifiques aux collectivités d'outre-mer et de constater qu'elles étaient souvent majoritairement partagées.
Au titre Ier « Consommer », notre travail a permis de préciser la mise en pratique du score carbone et dans le cadre la navette, je suis convaincu que nous pourrons encore améliorer son application au secteur des produits de l'élevage. Grâce à l'adoption de l'amendement de ma collègue Maina Sage, nous progressons dans l'interdiction des emballages en polystyrène à usage unique.
Au titre II « Produire et travailler », l'amendement de notre collègue Patricia Lemoine a permis de préciser le rôle des autorités adjudicatrices dans le verdissement des achats. Annie Chapelier, s'agissant des modifications du code minier, est venu préciser dans un amendement la responsabilité des exploitants et de l'État.
Au titre III « Se déplacer », je suis particulièrement heureux que nos débats aient permis de remettre à l'ordre du jour la question de la contribution du transport de marchandises. Sans dispositions le concernant, nous ne pouvons pas espérer faire du report modal : c'est clair, net et précis. Grâce à l'amendement de notre collègue Pierre-Yves Bournazel, le champ d'utilisation de la prime à la conversion est élargi.
Au titre IV « Se loger », le travail parlementaire a permis de donner une véritable lisibilité à la politique de rénovation thermique des bâtiments et je forme le vœu que cela facilite la vie quotidienne de nos concitoyens. Le groupe Agir ensemble a été particulièrement attentif à la question de l'artificialisation des sols, en particulier Valérie Petit et Lise Magnier, qui a mis l'accent sur la fiscalité du logement.
Au titre V « Se nourrir », j'ai été heureux de mettre en avant la question du commerce équitable. Il nous reste à préciser la question de la réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'activité agricole, mais je pense que nous aurons d'autres occasions pour en débattre davantage.
S'agissant du titre VI, notre groupe souhaite que la protection juridique de l'environnement soit prise en compte au-delà de nos seuls murs, en particulier dans les instances internationales.
J'en viens au denier titre consacré à l'évaluation : tout au long de nos débats, notre collègue Valérie Petit a insisté sur la nécessité de mettre au point un véritable tableau de bord pour piloter l'ensemble de ces dispositifs nombreux et complexes. Le groupe Agir ensemble est donc heureux que le Gouvernement ait entendu le message.
Il nous reste une frustration. La France, si elle se contente d'agir seule, ne changera pas grand-chose à la situation climatique de la planète. Il faut impérativement miser sur un effet d'entraînement, en priorité avec nos partenaires européens avec lesquels nous partageons des valeurs communes de liberté, de justice et de démocratie.
Au groupe Agir ensemble, nous faisons confiance à Archimède qui disait : « Donnez-moi un point d'appui et je soulèverai le monde ». Nous voterons unanimement en faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe LaREM.– MM. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général, et Bruno Millienne applaudissent également.
Il m'appartient de présenter l'explication de vote du groupe UDI et indépendants. Pour ce faire, je rappellerai les termes du propos introductif que j'avais développé en commission spéciale, lors de la discussion générale sur ce projet de loi : madame la ministre, la responsabilité vous revient de persuader le plus grand nombre de parlementaires de la nécessité de modifier en profondeur l'activité humaine, en France mais aussi en Europe, afin d'en réduire l'empreinte écologique.
J'ai encore en mémoire les paroles de votre prédécesseur François de Rugy – présent dans l'hémicycle –, affirmant, au plus fort des tensions du mouvement des gilets jaunes, qu'il entendait maintenir la trajectoire écologique.
Combien il est difficile, madame la ministre, d'embarquer le pays – vous avez vous-même utilisé ce mot – vers de tels changements !
Votre projet de loi contient de bonnes dispositions et d'autres moins bonnes. Il est regrettable qu'à l'issue du grand débat national voulu par le Président de la République et de l'instauration de la Convention citoyenne pour le climat, qui ont contribué à porter les ambitions sur ce sujet au plus haut niveau, nous aboutissions finalement à un texte dont les objectifs ont été retenus. Votre sensibilité vous conduit à rester écologiste, mais il est toujours plus facile de proclamer des vérités ou d'afficher des volontés lorsqu'on se trouve dans l'hémicycle en tant que parlementaire qu'en qualité de ministre.
Parmi les dispositions positives du projet de loi…
…figurent celles – déjà engagées, d'ailleurs, par les élus territoriaux et locaux – qui concernent les transports : les parkings relais, les aires de covoiturage, et tout ce qui touche à la mobilité douce et aux pistes cyclables.
Avec mes collègues du groupe UDI et indépendants, nous avons également apprécié les mesures relatives au logement et les discussions que nous avons eues avec Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement, sur la création du service public de la performance énergétique – sujet très intéressant – et sur les dispositifs concernant les passoires thermiques.
Mes regrets portent sur l'absence de certains sujets, tels que l'éolien. Je déplore que nous ne soyons pas en mesure de réinstaurer les zones de développement de l'éolien, les ZDE,
MM. Charles de Courson et Yannick Favennec-Bécot applaudissent
en précisant qu'elles doivent être distantes d'environ un kilomètre de l'habitat. Leur existence permettrait aux élus locaux de planifier les projets d'installation d'éoliennes au sein des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plans locaux d'urbanisme (PLU).
Les océans et la mer sont également absents du projet de loi. Plusieurs députés de notre groupe représentent les territoires ultramarins et ont été, pour ainsi dire, heurtés par ces manquements dans le texte.
Le parti de l'UDI, créé par Jean-Louis Borloo, se veut européen, social et écologiste. Il est donc tout naturel que la question de la mer et des océans nous préoccupe au plus haut point.
J'ai aussi regretté que nous n'ayons pas pu faire bouger le Gouvernement d'un iota sur la question du moratoire sur les grandes surfaces et nouvelles zones commerciales en périphérie des villes. Vous êtes restés campés sur un moratoire s'appliquant à l'implantation d'une surface commerciale de 10 000 mètres carrés ; autant dire que les porteurs de projets de la grande distribution pourront proposer des programmes de 2 000, 5 000, voire 8 000 mètres carrés, de sorte que le texte ne changera rien à l'urbanisme commercial ou à la consommation de foncier dans les zones périphériques.
Par ailleurs, nous nous sommes battus, avec Dominique Potier, Guy Bricout et Christophe Naegelen notamment, pour élargir l'affichage environnemental à la dimension sociale, eu égard aux enfants qui travaillent dans le secteur du textile dans certaines zones du monde, en Asie notamment, ou qui extraient le granit en Chine. Cette mesure aurait représenté un signal très positif.
Applaudissements appuyés sur les bancs du groupe UDI-I.
La question des forêts est également absente du projet de loi.
Enfin, autre sujet qui me tient à cœur : la fiscalité écologique. J'ai encore en tête les propos de Jean-Marc Ayrault qui avait déclaré dans cet hémicycle, lorsqu'il était Premier ministre, qu'il souhaitait un big bang fiscal et voulait engager la transition vers une fiscalité écologique. Il aurait fallu que ce projet de loi comporte un volet fiscal d'amorce de la transition vers une fiscalité écologique.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDI et indépendants s'abstiendra majoritairement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 554
Nombre de suffrages exprimés 409
Majorité absolue 205
Pour l'adoption 332
Contre 77
Le projet de loi est adopté.
Au terme de l'examen du projet de loi, je veux saluer le processus inédit qui a conduit au vote d'aujourd'hui, processus engagé à la suite du grand débat national, avec l'instauration de la Convention citoyenne pour le climat ; je tiens aujourd'hui à saluer ses membres parce que, même si des débats demeurent quant à la portée du texte, celui-ci n'existerait pas sans eux.
Ensuite, je souhaite souligner la qualité des débats tenus dans cet hémicycle. Tous les groupes se sont investis pour formuler des propositions, pour améliorer le texte et faire en sorte qu'il soit à la mesure de l'enjeu majeur de ce siècle.
Je remercie évidemment la présidente de la commission, M. le rapporteur général et tous les rapporteurs qui ont accompli un travail de titan sur le projet de loi, ainsi que sur les milliers d'amendements déposés, et qui ont réussi à apporter des améliorations significatives au texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Je remercie également les groupes de la majorité pour leur soutien, mais aussi ceux de l'opposition qui ont participé aux débats et formulé des propositions. Grâce à eux, nous avons réussi à débattre dignement, ce qui n'est pas toujours le cas.
Enfin, pour ce qui concerne le fond du texte – nous n'y reviendrons pas –, le juge de paix sera l'application de la loi sur le terrain et le retour que nous en aurons dans quelques années. Le combat écologique n'est jamais terminé. Mais, avec cette loi, nous marquons un tournant, j'en suis persuadée, en ancrant l'écologie dans le quotidien des Français et, surtout, en embarquant tout le monde, sans laisser personne sur le côté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze, sous la présidence de M. David Habib.
L'ordre du jour appelle le débat sur l'action de l'État à l'égard des plus précaires durant la crise sanitaire.
La Conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
La parole est à M. Belkhir Belhaddad.
Dans cette crise du covid-19 qui touche l'ensemble de nos compatriotes sans exception, l'État a fait de la santé publique sa priorité absolue. Le confinement a permis de réduire les chaînes de contamination en limitant les interactions physiques et de soulager progressivement les capacités de réanimation des hôpitaux. Mais protéger tous les Français signifie avant tout n'oublier personne, en particulier ceux qui, par définition, ne peuvent pas rester confinés chez eux, simplement parce qu'ils n'ont pas de « chez eux ».
La protection des personnes sans domicile fixe représentait un triple défi : il s'agissait de les mettre à l'abri, et ce dans des conditions permettant de limiter la promiscuité, et enfin d'isoler celles qui étaient contaminées. Pour le relever, l'État a augmenté les capacités d'hébergement de 27 % en 2020 : plus de 43 000 nouvelles places ont été créées, dont plus de la moitié à l'hôtel, ce qui a porté les capacités d'accueil à 200 000 places, auxquelles il faut ajouter les 100 000 places du parc d'hébergement spécifique aux demandeurs d'asile et aux réfugiés. Ce dispositif s'est accompagné de mesures de desserrement des centres collectifs existants, afin qu'on puisse appliquer les mesures barrières, et de la création de centres d'hébergement spécialisés pour recevoir les personnes atteintes du covid-19.
Derrières ces chiffres désincarnés, ce sont des femmes, des hommes et des enfants qui ont pu être confinés et ainsi protégés de la pandémie. Cette réalité donne tout son sens et toute son humanité au fameux « quoi qu'il en coûte » : nous pouvons être fiers, collectivement, d'avoir traduit ce mot d'ordre sur le plan budgétaire, en votant notamment 450 millions d'euros de crédits supplémentaires dans les troisième et quatrième lois de finances rectificatives de 2020. La mise à l'abri de ces personnes s'est accompagnée d'une politique volontariste et ambitieuse en matière d'aide alimentaire : 14 millions de chèques alimentaires ont été produits pour les personnes sans domicile ou sans ressources, et 94 millions d'euros ont été débloqués pour appuyer le dispositif d'aide alimentaire classique.
Je profite de cette occasion pour remercier l'ensemble des acteurs associatifs qui se mobilisent sans relâche, sur les territoires, pour soutenir les plus précaires d'entre nous ; j'en citerai quelques-uns, comme Jean Ndour, qui vient en aide aux étudiants, Marie-Françoise Thull, présidente du Secours populaire de Moselle, accompagnée de nombreux bénévoles, ou encore l'association Lien El Amel de Woippy. Leur importance est reconnue par l'État, qui a récemment attribué une enveloppe de 100 millions d'euros à des projets solidaires d'envergure nationale et régionale. Je formule le vœu, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, que ces associations soient davantage représentées au sein du Conseil économique, social et environnemental (CESE), comme le souhaite, par exemple, ATD Quart monde.
« Ces mesures, dont le coût pour 2020 dépasse le demi-milliard d'euros, ont permis d'éviter une surmortalité des personnes à la rue ou sans domicile » : ces mots ne sont pas les miens, mais ceux de la Cour des comptes, qui a reconnu à leur juste valeur les efforts engagés par la nation pour protéger les plus précaires et contenir fortement les contaminations. Nous devons porter la plus grande attention aux difficultés que la Cour a relevées, concernant notamment le besoin d'anticipation, les délais de distribution des masques ou encore l'efficacité du système des chèques alimentaires.
Nous sommes à un moment charnière : la crise est encore notre quotidien, et les 2 milliards d'euros budgétés dans la loi de finances pour 2021 permettent de maintenir nos efforts d'hébergement des plus précaires ; dans le même temps, l'accélération de la campagne vaccinale laisse entrevoir un avenir plus réjouissant – mais, réjouissant, il devra l'être pour tout le monde, car pour les personnes sans domicile, le retour au monde d'avant n'est pas une solution. La sortie des dispositifs exceptionnels devra se faire de façon progressive, et dans une perspective d'accès au logement. Depuis 2018, le plan national Logement d'abord a permis à 235 000 personnes sans abri ou hébergées d'accéder à un logement, dont 82 000 pour la seule année 2020. Nous devons amplifier cette dynamique, remobiliser tous les acteurs et élargir l'offre territoriale.
J'évoquerai pour finir un point de vigilance, qui nous a tous alertés dans nos circonscriptions : les associations qui distribuent l'aide alimentaire reçoivent un public qu'elles n'avaient jamais vu auparavant, des personnes souvent modestes que la crise fragilise encore plus. Nous devons à tout prix les accompagner de façon systémique, pour qu'elles échappent dès à présent à la grande pauvreté. C'est d'ailleurs l'un des enjeux majeurs des politiques en faveur de l'emploi que présentera Fadila Khattabi dans quelques minutes. Je terminerai par ces mots de Nelson Mandela : « La lutte contre la pauvreté n'est pas un acte de charité. C'est un acte de justice. C'est la protection des droits fondamentaux de l'homme, de son droit à la dignité et à une vie décente. »
« La crise sanitaire a fait basculer un million de Françaises et de Français dans la pauvreté » : voilà ce que titrait le journal Le Monde le 6 octobre dernier. Ce titre n'est pas sensationnel. C'est plutôt le reflet d'une réalité terrible : la crise sanitaire a accéléré la paupérisation de notre société. Sept mois plus tard, nous apercevons désormais avec espoir le bout du tunnel. Cependant, la vague de précarité qui frappe de nombreux foyers est quasiment inédite. Soyons lucides : qui, sur ces bancs, pourrait croire un seul instant que la situation se soit améliorée depuis octobre dernier ?
Tout au long de la crise sanitaire a été menée – et se poursuit – une action gouvernementale de lutte contre la précarité. Dont acte, monsieur le secrétaire d'État. Je pense notamment à l'aide de 900 euros attribuée à 400 000 travailleurs précaires, et aux repas des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) à 1 euro pour les étudiants. Toutefois, la précarité est un iceberg dont je crains que nous ne traitions, aujourd'hui, que la face émergée. Prenons l'exemple des étudiants : oui, ils peuvent bénéficier de deux repas à 1 euro par jour, mais beaucoup de restaurants universitaires ne sont pas ouverts le soir. Et que répondre aux nombreux étudiants qui n'habitent pas dans une métropole : qu'ils doivent prendre leur voiture et faire des kilomètres – avec les frais d'essence que cela induit – pour bénéficier d'un repas ?
Un jeune sur six a arrêté ses études du fait de la crise. Qu'avons-nous à lui répondre ? Du fait de la destruction des emplois, 22 % des jeunes de 18 à 25 ans sont désormais au chômage – qu'avons-nous à leur répondre ? Depuis le début de la crise, notre jeunesse attend des réponses concrètes et rapides du Gouvernement. Permettez-moi de relayer l'appel que m'ont lancé des étudiants de ma circonscription, située dans les Yvelines, notamment lors de rencontres que j'organise régulièrement, en visioconférence, avec ceux qui fréquentent l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines : « Ne nous laissez pas tomber ! Que deviendront nos diplômes et nos stages, notamment à l'étranger ? » Voilà ce qu'ils nous disent.
Le traitement gouvernemental de la précarité reste contextuel, alors que le problème est plus ancien et plus profond. Comme l'indiquait le ministère des solidarités et de la santé, près de 7 millions de personnes ont eu recours à l'aide alimentaire pour se nourrir en 2020, soit un Français sur dix. Déjà, ils étaient près de 5,5 millions en 2019. Les banques alimentaires, sur le terrain, sont le témoin direct de la crise et de la précarisation croissante : les produits s'écoulent plus rapidement, et les besoins sont plus importants – c'est en tout cas ce que me disent les responsables locaux de ma circonscription à Saint-Cyr-l'École, Bois-d'Arcy, Élancourt et, surtout, à Trappes. Les associations sont en première ligne ; il faut leur rendre hommage. Elles pallient, parfois seules, les nombreuses défaillances engendrées par la crise. La mobilisation des bénévoles est sans faille – et l'État, qu'a-t-il fait pour ne pas laisser les associations agir seules et isolées ? Les a-t-il au moins écoutées ? Des solutions existent, et sont plébiscitées par les acteurs de la solidarité dans nos territoires : le relèvement des bas revenus permettrait, par exemple, de combattre la précarité alimentaire en France. Le Gouvernement en aura-t-il le courage ? Je l'espère.
À ce stade, comment ne pas évoquer la question du travail ? Il est vrai que notre modèle social a protégé du pire une majorité de la population, qui n'a subi aucune baisse ou presque de revenus pendant les périodes de confinement. Or, pour la minorité restante, les conséquences sont parfois dramatiques. Pensons aux non-salariés des secteurs sinistrés du tourisme, de la culture, de l'événementiel et de la restauration, mais aussi aux artisans et aux commerçants en général, qui se sont trouvés sans ressources du jour au lendemain, tout comme les personnes en emploi précaire qui n'avaient pas assez cotisé pour être indemnisées par l'assurance chômage. La crise a renforcé la précarité et, surtout, les inégalités. On compte aujourd'hui 3 millions de chômeurs de longue durée, chiffre historiquement haut. Face à la crise, la fameuse antienne du « quoi qu'il en coûte » ne doit pas être l'alpha et l'oméga de la réponse publique en matière de soutien à l'activité économique. Nous devons dès maintenant nous projeter dans l'avenir, avec un vrai plan de relance de l'activité qui ne laisse personne au bord du chemin.
Enfin, j'aurai une pensée pour nos aînés : nombre d'entre eux sont plus isolés que jamais, parfois en pleine détresse morale. Ne les oublions pas. L'isolement est une triste réalité, peut-être la plus délaissée.
Bientôt viendra le moment de tirer au calme les leçons de la crise. À cet instant, il ne faudra oublier ni nos morts, ni les formidables élans de fraternité et de solidarité que nous avons vus jaillir dans tous les territoires. La crise est un accélérateur de l'histoire, ne l'oublions pas. Notre construction devra se faire avec humilité, sur le roc de la vérité, et non sur les sables mouvants de l'autosatisfaction. Léon Gambetta disait : « L'avenir n'est interdit à personne. » Le risque est grand que s'ouvre, dans notre société, une fracture économique et sociale d'une ampleur inédite, dont l'issue pourrait être délétère pour l'avenir de notre pays et pour les prochaines générations.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le constat est sans appel : une grande partie de la population bénéficiant des minima sociaux ne parvient plus joindre les deux bouts. Qu'il s'agisse de jeunes adultes qui veulent ou doivent quitter le domicile parental, de jeunes couples qui désirent se mettre en ménage, ou encore d'adultes et de parents qui souhaitent se séparer – parfois de façon dramatique ––, le contexte sanitaire et économique actuel réduit presque à néant leurs possibilités d'avoir un complément de revenus, notamment grâce à des « petits boulots ». En conséquence, ces personnes en situation précaire ont du mal à trouver un logement, à équiper leur maison, et parfois même à se nourrir et à nourrir leur famille. Dans des situations si difficiles, les élus, mais aussi et surtout les associations, sont souvent leur seul et dernier recours. Les personnes les plus précaires font appel à la solidarité des particuliers et des associations de bienfaisance qui, reconnaissons-le, font un travail remarquable et indispensable – je tiens à les saluer.
L'État est censé aider les associations. Pourtant, le début du quinquennat a plutôt été en leur défaveur : en témoignent la fin des contrats aidés ou encore la suppression de la réserve parlementaire, qui a eu des conséquences catastrophiques. Comme je l'ai déjà souligné à plusieurs reprises dans l'hémicycle, cette suppression a rendu encore compliqué l'accès des associations à des subventions qui, de surcroît, sont limitées.
Ce qui empêche les associations caritatives – et donc, les personnes défavorisées – de bénéficier des aides de l'État, c'est aussi la complexité administrative qu'elles doivent surmonter. Je citerai l'exemple d'une jeune association de ma circonscription : le Groupe solidaire citoyen, qui a douze mois d'existence. En six mois, celle-ci a équipé plus de soixante familles en meubles et en appareils électroménagers indispensables, dans un rayon de 25 kilomètres autour de Saint-Étienne-lès-Remiremont, dans les Vosges. De nombreuses mères isolées, touchées – parfois à la suite de divorces – par la grande précarité, ont eu besoin de cette solidarité de dernier recours. En seulement six mois, le Groupe solidaire citoyen a notamment accompagné trois femmes victimes de violence conjugales. Pourtant, il fonctionne sans aucune aide publique, uniquement avec des dons de particuliers. En effet, pour obtenir une subvention, il faut déposer un dossier en préfecture et, en attendant que le dossier soit instruit par l'administration et que les fonds soient débloqués, les personnes en situation de grande détresse ne bénéficient d'aucune aide d'urgence. Le temps administratif n'est absolument pas adapté à l'urgence de la situation que nous traversons collectivement.
Comment l'État pourrait-il accélérer les procédures de subventions aux associations caritatives en cas d'urgence sociale, afin de suivre au même rythme la mobilisation de nos concitoyens de bonne volonté face à la crise ?
Des millions sont débloqués pour les associations, mais quid des trop jeunes associations non éligibles à ces aides ? Les gens en détresse n'ont pas le temps d'attendre, pas plus que les bénévoles qui sont souvent le dernier recours pour de nombreuses familles.
Permettez-moi de vous faire des propositions simples, mais ambitieuses. Pensez à la possibilité de rétablir, dans une certaine mesure, l'équivalent d'une réserve parlementaire qu'il faudra sans doute appeler différemment, mais qui permettra de redonner des leviers d'action aux élus, accessibles localement, comme nous le sommes, nous autres parlementaires. Pensez aussi à simplifier les démarches administratives des associations. Les critères du nombre d'adhérents, des mois d'ancienneté de l'association, etc. sont aujourd'hui complètement dépassés et inadaptés à l'urgence sociale, mais aussi à notre société du numérique. Enfin, pensez à encourager le bénévolat inestimable en ces temps difficiles pour les plus précaires. Pourquoi, par exemple, ne pas accorder des trimestres supplémentaires aux bénévoles associatifs ? La question mérite d'être examinée.
La terrible crise sanitaire que notre pays traverse depuis plus d'un an a affecté significativement nos concitoyens : sur le plan sanitaire bien sûr, avec une surmortalité qui a plongé de trop nombreuses familles dans l'affliction, et pour les personnes qui se sont remises de la maladie, des séquelles parfois très importantes ; sur le plan psychologique, avec des conséquences que l'on ne mesure pas encore complètement ; sur le plan économique et social, avec de nombreux secteurs économiques qui ont été touchés.
De surcroît, nos concitoyens n'ont pas été égaux devant la maladie. Plusieurs études ont montré en effet que les plus modestes et les précaires ont été davantage touchés par la maladie. On le voit encore aujourd'hui avec la baisse moins rapide du taux d'incidence dans les départements franciliens de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et du Val-d'Oise. Plusieurs études ont récemment démontré que les habitants des quartiers défavorisés avaient été plus touchés – et plus spectaculairement touchés – par le virus. Plus choquant encore : lors de la première vague, la mortalité avait été deux fois plus élevée chez les personnes nées à l'étranger.
Au-delà de cette première inégalité en matière sanitaire, on a constaté également que la crise creusait les inégalités sociales. On l'a vu avec l'exemple frappant des étudiants privés de leurs petits boulots, isolés et confrontés à une grande détresse.
Les pertes de revenus lors du premier confinement ont, selon une enquête de l'INSEE parue le 8 avril dernier, touché un quart des ménages – 35 % des 10 % des plus modestes. L'INSEE relève aussi que 300 000 emplois ont été détruits entre décembre 2019 et décembre 2020, ce qui a touché d'abord les intérimaires, les personnes en contrat à durée déterminée et les saisonniers, éternelle variable d'ajustement de l'économie.
Les files d'attente aux distributions alimentaires ont frappé l'opinion et toutes les associations font état de la hausse spectaculaire du nombre de bénéficiaires : plus 45 % au Secours populaire, plus 30 % aux Restos du cœur, dont beaucoup de nouveaux qui affluent sans discontinuer depuis mars 2020.
Les semaines de confinement total ou partiel ont rendu plus visibles les inégalités et creusé l'écart déjà abyssal qui sépare les conditions d'existence des Français, en raison de l'essor des formes atypiques d'emploi.
À propos des jeunes, on pourrait presque parler de « génération covid sacrifiée ». Or il faut leur assurer une sécurité de revenus sous la forme du RSA jeunes ou de la garantie jeunes, comme l'ont proposé récemment mes collègues Boris Vallaud et Hervé Saulignac.
Il est frappant que l'État ait d'abord pensé à protéger les salariés stables par des mesures de chômage partiel, avant de débloquer dans un second temps des aides exceptionnelles pour les allocataires des minima sociaux ou les étudiants boursiers, comme si ces publics étaient moins visibles.
Les plus précaires ont également souffert de la fermeture des services publics et de leur numérisation accélérée. L'INSEE rappelle que 18 % des ménages français n'ont pas d'ordinateur – taux qui grimpe à 30 % chez les 10 % les plus modestes – et que 14 % n'ont pas de connexion à Internet.
Un récent rapport du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale avance des hypothèses pour l'après-crise. Les économistes n'anticipent malheureusement pas un retour au niveau d'activité antérieur avant 2022 et craignent les effets à long terme du chômage sur l'endettement des ménages – loyer, charges impayées –, ce qui constitue pour la Fondation Abbé-Pierre une bombe à retardement.
Le premier confinement a certes montré que l'économie pouvait rebondir, mais cela rend peut-être trop optimiste. Le chômage de longue durée, par exemple, se situe à un très haut niveau. Les effets psychosociaux peuvent se faire sentir à travers le décrochage scolaire, une recrudescence de certaines addictions comme le jeu ou l'alcool, et bien sûr les violences intrafamiliales.
Pour toutes ces raisons, il nous semble indispensable de lancer en faveur des plus fragiles de nos concitoyens des actions fortes qu'il faudrait financer par de nouvelles ressources fiscales afin d'aboutir à une meilleure redistribution. Même le fonds monétaire international (FMI), par la voix de son responsable des affaires budgétaires, a récemment incité les États à faire payer un impôt de solidarité par les hauts revenus et les entreprises ayant prospéré pendant la crise. Le Gouvernement est attendu sur ce terrain ; c'est une question d'équité autant que d'efficacité économique.
La période de crise économique et sociale que nous traversons est d'une ampleur non égalée depuis la Seconde Guerre mondiale. En raison du ralentissement de l'activité économique, notre produit intérieur brut (PIB) a enregistré un recul de 8,3 % en 2020, et dans le même temps notre chômage s'est accru de 7,5 % malgré les 27 milliards d'euros consacrés au financement du chômage partiel. Face à ce constat, nous nous devons de souligner les particularités de cette crise pour tenter de trouver les solutions adéquates.
Cette crise est particulièrement marquée par la situation de nos concitoyens les plus jeunes qui paient un tribut bien plus lourd que la moyenne des Français. En effet, leur revenu s'est réduit en moyenne de 5 à 10 % par rapport à 2019.
Notre situation économique a aussi entraîné dans la précarité des personnes appartenant à des catégories socioprofessionnelles qui en étaient jusqu'alors éloignées. C'est notamment le cas des indépendants ou des intérimaires. S'il est encore trop tôt pour quantifier précisément l'impact de la pandémie de covid-19 sur la pauvreté des ménages, l'Observatoire des inégalités estime cependant que plusieurs centaines de milliers de personnes ont déjà basculé dans la pauvreté depuis le début de la crise. En conséquence, l'action de l'État à l'égard des plus précaires de nos concitoyens s'est structurée autour de trois priorités : soutenir le revenu des plus modestes via l'attribution d'aides exceptionnelles, développer des solutions d'insertion et d'activité pour les personnes sans emploi, notamment avec le plan « 1 jeune, 1 solution », renforcer le maintien et l'accès au logement et l'hébergement d'urgence. Ces mesures viennent en complément de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté dotée d'une enveloppe de 8,5 milliards d'euros pour la période 2018-2022. Ces dispositions inédites ont été instaurées pour éviter que nos concitoyens les plus vulnérables ne basculent dans la spirale de la grande précarité.
La crise sanitaire et sociale a également montré la nécessité de renouveler les liens entre la société civile, l'échelon local et les pouvoirs publics. En effet, face à la situation d'urgence sociale, de nombreuses associations se sont fortement mobilisées sur le terrain pour répondre à l'afflux des demandes, avec parfois de fortes disparités selon les territoires dans la gestion ou la coordination de l'aide par les préfectures, les départements et les communes. Ces disparités peuvent s'expliquer par le manque de lien et de connaissance mutuelle entre les pouvoirs publics et les acteurs du monde associatif dans certains territoires.
Le formidable élan de solidarité qui a ainsi pu être observé parmi nos concitoyens démontre un véritable potentiel qui ne demande qu'à s'exprimer et à s'élargir. Pour cela, nous pensons que l'État doit accompagner le développement de toutes ces infrastructures humaines qui créent du lien social et soutiennent les plus démunis, devenant indispensables au bon fonctionnement de notre société. De plus, ce développement répond à une envie croissante, de la part de notre société, de plus d'horizontalité. L'entraide et l'auto-organisation peuvent nous permettre de sortir de la solidarité descendante de notre système social pour intégrer pleinement nos concitoyens dans le pouvoir d'agir pour la collectivité.
Pour ce faire, nous pensons qu'il est nécessaire de sortir de la logique purement contractuelle qui s'est peu à peu imposée ces dernières décennies dans les relations entre les pouvoirs publics et les associations pour instaurer un partenariat plus inclusif. Ainsi, dans le cadre du plan de relance, notre groupe Agir ensemble avait proposé de donner à l'échelon local plus de souplesse, tout en assurant une meilleure coordination entre les différents acteurs. Nous soutenons qu'il faut placer le préfet au cœur des stratégies locales et le doter de moyens renforcés, au niveau tant de son pouvoir réglementaire que du droit à la différenciation, pour tenir compte des spécificités des territoires. Les cellules de crise activées par les préfets pendant cette séquence inédite ont prouvé toute leur efficacité en mettant autour de la table les différents acteurs locaux. Les représentants associatifs locaux doivent également être intégrés dans ces instances, ce qui permettra une gouvernance plus inclusive, où chaque acteur local – associations et collectifs citoyens, élus, institutions publiques – pourrait s'exprimer et ainsi relayer sa connaissance du terrain.
Cette approche partenariale a déjà fait ses preuves pendant cette crise sanitaire et sociale. Je peux en témoigner : alors que le nombre d'allocataires du RSA au niveau national est en constante augmentation, le département du Nord a vu plus de gens sortir du dispositif qu'y entrer. Ce succès est dû à une relation partenariale de confiance entre le département du Nord, le monde économique et Pôle emploi, ce qui montre qu'une collaboration intelligente et efficace peut permettre de grandes avancées. Au plus fort de la crise sanitaire, les allocataires ont continué à être accompagnés tout en restant en lien avec les besoins des entreprises. Une aide financière spécifique Activ'emploi a été développée, permettant dans les 24 heures aux allocataires du RSA de payer les premiers frais liés à la reprise d'activité ou à la formation. De plus, dès la fin du mois de novembre, le département du Nord a enregistré, conjointement avec Pôle emploi, une nouvelle opération intitulée « Réussir sans attendre », visant à aider les bénéficiaires du RSA à retrouver le chemin de l'emploi. J'ai pu moi-même constater les bienfaits de ces actions.
Je suis donc intimement convaincu que la réussite de l'action de l'État à l'égard des plus précaires de nos concitoyens doit nécessairement passer par une contractualisation plus forte et un partenariat renforcé avec les relais de l'action locale et des collectivités locales.
Depuis plus d'un an, notre pays vit une crise sans précédent. Or, si celle-ci est avant tout sanitaire, ses effets sur les Français sont également économiques. La stratégie de lutte contre l'épidémie, nécessaire pour protéger la santé de tous, a eu des répercussions importantes sur plusieurs aspects de la vie des Français, en particulier des plus précaires. Fermeture des écoles, des cantines, mise à l'arrêt des lieux de culture, de restauration, limitation des déplacements en France et fermeture des frontières ne sont que quelques exemples des mesures prises pour limiter la propagation de l'épidémie. Si leur nécessité est bien avérée, elles ont toutefois entraîné de profonds bouleversements dans la vie de nombreux Français. Pour soutenir les personnes ayant subi les effets de la crise sanitaire, l'État français a été présent, ce que salue vivement le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés.
L'État a soutenu les plus précaires en maintenant leur pouvoir d'achat et évité ainsi un décrochage économique. Il a été présent à côté de la jeunesse avec un accompagnement financier et psychologique pour les étudiants et avec le plan « 1 jeune, 1 solution » pour les jeunes actifs. Il a été présent pour soutenir les plus précaires en développant des solutions d'insertion et d'activité pour accompagner celles et ceux qui sans cela auraient perdu leur emploi. Il a été présent et il a su agir pour prévenir une nouvelle pauvreté, voire une grande pauvreté due à la crise sanitaire.
Les actions du Gouvernement ont permis de prévenir la bascule dans la pauvreté, en soutenant le revenu des personnes précaires, mais aussi en favorisant l'accès aux droits sociaux, notamment au travers du tissu associatif. Au groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, nous sommes fiers du soutien accordé aux associations engagées dans la lutte contre la pauvreté, qui ont bénéficié d'un plan de soutien de 100 millions d'euros. Ce plan se caractérise par un accès aux biens essentiels, une aide à l'insertion professionnelle ou encore le soutien aux familles, et il doit contribuer à soutenir les plus précaires dans la durée, au-delà des simples mesures d'aides ponctuelles.
Enfin si les actions de l'État à l'égard des plus précaires sont à saluer, la question de leur maintien se pose dès lors que la situation reste fragile, sur le plan tant sanitaire qu'économique. Joseph Stiglitz indiquait récemment que les bilans des ménages et des entreprises ne se rétabliront que progressivement. Il paraît donc nécessaire de ne pas supprimer brutalement les mesures de soutien pour ne pas faire basculer certains de nos compatriotes dans la pauvreté. L'attention portée aux plus précaires et à leur accompagnement pour favoriser leur sortie de l'état de pauvreté est fondamentale pour le groupe Dem et nous veillerons particulièrement à ce que les plus fragiles ne restent pas au bord du chemin.
« La Pauvreté démultipliée » : c'est le nom du rapport que le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale remettra prochainement au Premier ministre. Ce rapport confirme les alertes lancées depuis le début de la crise sanitaire. Celle-ci est devenue, du fait de l'action du Gouvernement, une crise économique et sociale majeure qui a frappé de plein fouet des publics déjà en situation de pauvreté et qui en a fait basculer d'autres dans la précarité. Les pertes de revenus ont touché un quart des ménages mais 38 % des plus modestes. En un an, 300 000 emplois ont été détruits, à commencer par ceux des intérimaires et des saisonniers, éternels variables d'ajustement de l'économie.
Saluons les perfusions de l'État, qui auront eu le mérite de sauver ce qui pouvait l'être. Oui, l'État a sauvé temporairement des pans entiers de l'économie, au prix d'une dette Covid qui devra un jour être remboursée – par combien de générations futures ? Ces générations, ce sont elles, les grandes oubliées, les grandes sacrifiées. Je pense notamment à la jeunesse, aux étudiants auxquels les décisions prises par ce gouvernement ont fait perdre leurs emplois, emplois très souvent précaires quand ils ne sont pas informels. Ces jeunes étaient les plus précaires avant la crise et ces décisions les ont bien souvent plongés dans une précarité encore plus profonde.
Parlons-en de l'aide que vous avez octroyée aux jeunes et aux étudiants : 150 euros pour passer ces mauvais jours – 150 euros, mes chers collègues, quand leurs ressources sont tombées à zéro : je vous laisse calculer avec combien ces jeunes doivent survivre. Si vous dites que c'est assez, alors expliquez-nous pourquoi il y a encore des files d'attente devant les banques alimentaires : peut-être parce que payer un euro un repas au CROUS, c'est encore trop lorsque l'on n'a plus rien. Et si vraiment tout va mal, on fera un chèque, un « chèque psy ». C'est tout d'abord ne rien comprendre à la souffrance psychique et cela ne répond pas à l'urgence.
L'urgence ce n'est pas agir dans le futur, c'est agir maintenant. Nous attendons encore un véritable plan Marshall de lutte contre la précarité des plus fragiles. Malheureusement nos propositions et celles d'autres collègues de l'opposition sont restées lettre morte : quid de l'ouverture du RSA aux moins de 25 ans, que le Gouvernement s'obstine à refuser encore et encore ? Quid d'une réelle aide entre la fin des études et le premier emploi ?
Une telle aide existe aujourd'hui, mais elle est insuffisante et méconnue : insuffisante car d'une durée de quatre mois maximum et d'un montant de seulement 70 % de la bourse initiale. Pour qui sait que le montant moyen d'une bourse en France est de 362 euros par mois, cela signifie que vous demandez à ces jeunes de vivre avec 250 euros par mois, le temps de trouver un hypothétique emploi.
Les efforts consentis par le Gouvernement sont malheureusement teintés d'un solutionnisme administratif et technocratique qui ne prend pas en compte les difficultés réelles dans lesquelles se trouve la jeunesse. Le groupe Libertés et territoires ne peut donc que vous inviter à agir davantage contre le non-recours, c'est-à-dire le fait de ne pas bénéficier d'une prestation ou d'une aide sociale à laquelle on est éligible. Rappelons enfin que les salariés modestes, ouvriers et employés ont, malgré l'aide de l'État, subi d'importantes pertes de revenus. La lutte contre la précarité doit donc passer par un soutien massif à ces classes dites moyennes, qui passent bien souvent sous tous les radars, finissant par tomber dans la spirale de la précarité.
Vous l'aurez compris, le groupe Libertés et territoires ne nie pas les efforts consentis par le Gouvernement, mais l'honnêteté nous oblige à dire que ces mesures sont largement en-deçà des besoins réels. Dans un tel contexte, la temporalité des décisions nous interroge : si le soutien aux entreprises stables a été massif et immédiat, ce n'est que dans un deuxième temps que les aides ont été débloquées pour les plus précaires et de manière exceptionnelle – sans parler de l'anachronisme d'une réforme de l'assurance chômage totalement à rebours des défis qui attendent les Français dans les prochains mois, voire les prochaines années.
Nous sommes à l'aube d'une crise majeure et sans précédent, que le Gouvernement feint de ne pas voir. Chers collègues, monsieur le secrétaire d'État, il vous faut prendre dès à présent la mesure de la bombe à retardement qui nous attend.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, collègues, je suis monté à cette tribune pour vous dire qu'il y a tromperie sur la marchandise. Le débat qui nous occupe aujourd'hui à la demande du groupe majoritaire, au lieu de s'intituler « débat sur l'action de l'État à l'égard des plus précaires durant la crise sanitaire », devrait plutôt s'appeler « débat sur l'action de l'État à l'égard des grandes entreprises, des plus riches et des milliardaires durant la crise sanitaire » eu égard à la politique qui est actuellement menée car en réalité, il n'y a que pour eux que vous agissiez véritablement.
Au début de la crise sanitaire, on s'en souvient, Emmanuel Macron faisait l'éloge de notre modèle social et de l'État Providence ; il nous appelait à interroger notre modèle de développement, ajoutant que certains biens et services devaient être exceptés des lois du marché. Il semblerait qu'il ait changé d'avis. S'exprimant de nouveau dans la presse quotidienne régionale, il s'y félicite cette fois d'avoir supprimé l'impôt de solidarité sur la fortune, jugeant même qu'on aurait dû le faire quinze ans plus tôt. Pour Emmanuel Macron, les fortunés ne doivent pas se montrer solidaires, mais lui est solidaire des plus fortunés. Il associe la fortune à la réussite, comme si l'accumulation indécente de richesses était une fin en soi et qu'il n'y avait pas de lien entre cette accumulation et la pauvreté qui gagne tout le reste d'un pays, la France, dont les milliardaires sont les plus riches d'Europe. Leur nombre s'y est encore accru en pleine crise sanitaire : ils étaient trente-neuf, ils sont désormais quarante-deux, dont le patron du laboratoire Moderna qui peut remercier Emmanuel Macron d'avoir refusé la levée des brevets sur les vaccins car lorsque le vaccin est une marchandise, il rapporte évidemment beaucoup d'argent.
En pleine crise sanitaire, ces milliardaires ont accru leur patrimoine de 55 %, celui-ci passant de 230 à 477 milliards ! En dix ans, le patrimoine des ultra-riches a progressé en France de 439 % – nous sommes les champions d'Europe.
Emmanuel Macron n'exige aucune contrepartie aux aides qui sont versées aux entreprises, aucune vision stratégique et, pendant que des emplois sont détruits partout à travers le pays, que les délocalisations se poursuivent, les entreprises du CAC40, elles, toutes bénéficiaires des aides de l'État, s'apprêtent à distribuer en 2021 51 milliards d'euros de dividendes à leurs actionnaires, soit un retour au niveau record de 2019, avant la crise, alors qu'elles réalisent des bénéfices inférieurs à 37 milliards. Ces gens utilisent donc leur trésorerie et les aides de l'État, non pas pour investir dans l'avenir mais pour rémunérer à court terme les actionnaires.
Nombre de ces sociétés d'ailleurs ont encore des activités dans les paradis fiscaux : là aussi, elles peuvent remercier Emmanuel Macron qui, en plein débat sur la transparence fiscale à l'échelle de l'Union européenne a secrètement demandé aux gouvernements des autres pays de s'opposer à la transparence fiscale, dans une note dont on a découvert qu'elle avait été rédigée par le patronat français. Emmanuel Macron est décidément bien le Président des riches.
Non content de l'être, il est en plus celui qui mène une guerre sociale d'ampleur contre les plus pauvres, puisqu'au même moment, il annonce le retour de l'austérité budgétaire, déclarant vouloir rendre constitutionnel le critère des 3 % de déficit. En contrepartie de l'argent du plan de relance européen, dont on n'a toujours pas vu la couleur, il s'engage à mener à bien une réforme inepte de l'assurance chômage qui va jeter beaucoup de nos concitoyens dans la pauvreté et annonce le retour de la réforme des retraites.
La réforme de l'assurance chômage, c'est 2,3 milliards d'euros d'économies que vous vous apprêtez à faire aux dépens des chômeurs de ce pays, que vous tenez pour responsables de leur situation. Avec les modalités de calcul qui nous ont été présentées cette semaine, les indemnités pourraient varier de 1 à 50 d'une personne à une autre, à travail et à salaire égaux, simplement par des effets de calendrier.
Alors que le FMI appelle à taxer les plus riches, que de l'autre côté de l'Atlantique, Joe Biden s'apprête à le faire et injecte massivement de l'argent dans son plan de relance, vous vous y refusez. Résultat : la France, sixième puissance économique du monde, compte 12 millions de pauvre dans un contexte de gabegie et d'accumulation de richesses. Le Secours populaire a vu le nombre de personnes sollicitant son aide s'accroître de plus 45 %, les Restos du cœur de plus 30 % et les files alimentaires s'allongent chaque jour.
Il faut partager les richesses, taxer les profiteurs de crise, rétablir l'ISF – impôt sur la fortune – et faire une véritable réforme fiscale pour que, dans ce grand pays qu'est la France, personne n'ait à vivre sous le seuil de pauvreté.
Mme Elsa Faucillon applaudit.
Les grandes crises ont tendance à mettre en lumière les limites, voire les échecs des théories économiques dominantes, celles qui sont assénées comme des vérités : théorie du ruissellement ; réformes structurelles présentées comme des instruments de modernisation, mais qui visent moins à réduire le poids de l'État qu'à augmenter celui du marché ; baisse des impôts de production qui favoriserait la compétitivité ; réduction des droits des chômeurs censée encourager l'emploi. Tout cela n'a évidemment jamais eu la moindre assise scientifique sérieuse, mais maintenant ça commence à se voir.
Pourtant le Président de la République, à l'unisson du MEDEF, se gargarise d'avoir supprimé l'ISF, qu'il considère comme une aberration, traitant au passage les personnes qui appellent à son rétablissement de « patriotes au petit pied ». Le rapport de l'Observatoire des multinationales nous apprend que le CAC40 distribuera 51 milliards d'euros de dividendes en 2021, soit le budget finançant les personnels soignants des hôpitaux publics. Rappelons aussi que 100 % de ces grands groupes ont été soutenus par les pouvoirs publics par le biais de différentes aides : chômage partiel, plan d'urgence, plan de relance, soutien de la BCE – Banque centrale européenne – et j'en passe. Le CAC40 rémunère donc les actionnaires non seulement en pillant toujours un peu plus la richesse produite par les travailleurs et les travailleuses mais aussi avec de l'argent public.
En 2020, pendant que les soignants utilisaient des sacs-poubelles pour se protéger, pendant que les aides à domicile s'occupaient de nos anciens pour un salaire de misère, pendant que des intermittents de l'emploi perdaient leur droit au chômage, pendant que des étudiants venaient gonfler les rangs des banques alimentaires, pendant que des enfants manquaient de place et de matériel informatique pour suivre les cours à distance chez eux, les profiteurs de la crise, eux, continuaient d'engranger des milliards, à un rythme plus rapide encore qu'en 2019.
Les mesures en direction des plus précaires ne représentent que 0,8 % des fonds prévus dans les différents plans de relance du Gouvernement. Aucun filet de sécurité n'est prévu pour eux. Vous avez refusé d'ouvrir le RSA aux jeunes, d'assurer des droits aux intermittents de l'emploi, vous maintenez la réforme de l'assurance chômage, qui fera perdre leurs droits à des centaines de milliers de précaires, vous défendez votre réforme inique du calcul des APL – aides personnalisées au logement – et vous refusez même de repousser à nouveau la fin de la trêve hivernale des expulsions locatives. On en vient à se demander si vous ne pensez pas que les inégalités sont un mal nécessaire au bon fonctionnement de notre économie ou de notre société. Les inégalités, évidemment, ont l'effet inverse. Elles freinent la consommation et font baisser les recettes fiscales. De même, les baisses d'impôts pour les riches ne produisent pas de croissance économique.
Taxer le capital, ce n'est pas « taxer la réussite », comme l'affirme le Président de la République. Il s'agit seulement de taxer ceux qui ont profité de la crise et de tenter ainsi d'assurer l'égalité entre celles et ceux qui produisent les richesses. Ces derniers aussi aspirent à décider librement de la conduite de leur vie ; en plus, ils souhaitent le faire en fraternité, eux. À partir du moment où les revenus des milliardaires croissent beaucoup plus vite que le produit intérieur brut et les salaires, les mettre à contribution n'a vraiment rien de révolutionnaire. En revanche, ne pas le faire serait une folie.
J'ajoute que les politiques anti-sociales que vous menez, outre qu'elles étouffent les possibilités de justice sociale, ruinent les perspectives de justice environnementale. Les populations précaires sont les plus touchées par les conséquences du réchauffement climatique : elles vivent dans les lieux les plus exposés à la pollution et n'ont que peu de moyens de s'en protéger. Et ce n'est pas le greenwashing orchestré par la loi climat portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets qui fera oublier votre inaction en matière environnementale.
Victor Hugo écrivait : « Tout le monde a droit de vie ici-bas, et la mort de faim est un crime social. » Abandonnez la réforme de l'assurance chômage, agissez courageusement pour mettre fin au temps partiel subi, rétablissez l'ISF, taxez le bénéfice exceptionnel réalisé par les multinationales pendant la crise et prélevez celles-ci à la source. J'énumère ces quelques mesures, parmi les nombreuses possibles, pour que vous ne puissiez pas dire que vous ne pouvez pas. En réalité, vous ne voulez pas.
M. Gérard Leseul applaudit.
« À la crise sanitaire, qui n'est pas finie, succède dès maintenant une crise économique et sociale d'une ampleur probablement inégalée depuis la dernière guerre mondiale. Nous en connaissons les risques et certains de nos compatriotes en subissent déjà les conséquences. » Ces mots ont été prononcés par le Premier ministre le 15 juillet dernier lors de sa déclaration de politique générale, ici même, face à notre assemblée.
Au regard de l'urgence de la situation, ces mots pleins de justesse ont fait place à l'action du Gouvernement, soutenu par notre majorité. Nous le savons, la crise a accentué la vulnérabilité des personnes les plus fragiles. L'objectif, mes chers collègues, est donc clair et je sais que nous le partageons : il nous faut à tout prix éviter la bascule de nos concitoyens dans la pauvreté, en prêtant une attention toute particulière aux plus précaires. Les moyens engagés pour ce faire sont, il faut le reconnaître, massifs. Aux 8 milliards d'euros prévus initialement par la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, viennent s'ajouter pas moins de 6 milliards, prévus dans le cadre du plan de relance. Ces moyens, vous l'aurez compris, sont inédits.
Dans ma région, en Bourgogne-Franche-Comté, les fonds alloués à l'aide alimentaire, par exemple, sont passés de 360 000 euros en 2019 à 3 millions d'euros en 2020. Le budget voté en octobre dernier, historique, en particulier pour les finances sociales, a permis de déployer un arsenal de mesures fortes s'appuyant sur plusieurs actions prioritaires, telles que l'accès au logement, l'accès aux soins, le soutien aux familles les plus modestes, mais aussi et surtout – je m'attarderai plus spécifiquement sur ce point –, l'accès à l'emploi et l'accompagnement vers celui-ci.
Oui, l'emploi ! Je suis intimement convaincue que seul l'accès à l'emploi permet une sortie durable de la pauvreté. C'est une conviction qui guide le Gouvernement et la majorité depuis le début du quinquennat. C'est une conviction assumée, affirmée, à l'image d'une politique ambitieuse et volontariste qui nous permet de favoriser l'accès à l'emploi pour les personnes les plus défavorisées et les moins qualifiées, grâce à un investissement massif dans les compétences et les dispositifs d'insertion, renforçant ainsi l'égalité des chances.
Depuis près de quatre ans, notre majorité a eu à cœur de défendre un monde où l'individu est maître de son destin et où l'État continue de garantir sa protection. Oui, le droit à un accompagnement personnalisé vers l'emploi doit plus que jamais devenir une réalité tangible et être accessible sur l'ensemble du territoire national. C'est tout l'état d'esprit du service public de l'insertion et de l'emploi, dont le déploiement a été récemment élargi à de nouveaux territoires. C'est l'objectif de la loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique, qui a permis entre autres d'étendre l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée ». C'est également l'objectif du développement des parcours emploi compétences, dont le nombre a été doublé dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans les zones de revitalisation rurale.
Nul ne peut honnêtement douter de l'engagement de l'État auprès des personnes les plus précaires. Je rappelle que le dispositif d'activité partielle, une mesure phare du plan de relance, a permis de sauvegarder des milliers d'emplois, donc le pouvoir d'achat des Français. C'est aussi grâce au plan de relance que l'État a renforcé les moyens consacrés à la lutte contre la pauvreté, en particulier chez les jeunes, auxquels j'aimerais consacrer les dernières minutes de mon intervention.
Oui, l'emploi des jeunes constitue une priorité de l'action du Gouvernement, engagée avec le plan « 1 jeune 1 solution », qui vise à donner une vraie perspective d'avenir à nos jeunes et à en faire des citoyens autonomes. Nous disposons d'un outil puissant et efficace avec la garantie jeunes, que le Gouvernement a renforcée, et qui pourrait encore prendre de l'ampleur. Alors que de nombreux jeunes doivent faire face à des conditions de vie difficiles, nous leur apporterons, en ouvrant ce droit au plus grand nombre, une allocation stable ainsi qu'un accompagnement spécifique, au travers d'une activité professionnelle ou de formation.
Comme le proclamait si justement Nelson Mandela, « La lutte contre la pauvreté n'est pas un acte de charité. C'est un acte de justice. C'est la protection des droits fondamentaux de l'homme, de son droit à la dignité et à une vie décente. »
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur l'action du Gouvernement auprès des plus précaires pendant cette crise sanitaire inédite. Le sujet est complexe, comme certains d'entre vous l'ont relevé, car, comme vous le savez, la pauvreté est plurielle, évolutive, et les leviers d'action pour la combattre sont multiples.
La pauvreté a plusieurs visages – elle n'est pas seulement une privation matérielle. Avec la pauvreté vient la difficulté d'accéder à un logement, à une alimentation de qualité, aux loisirs et à la culture, à une éducation, à des formations. Avec la pauvreté vient également la difficulté d'accéder aux soins, comme la crise nous l'a montré de façon crue, brutale. Les plus précaires ont non seulement été les premiers souffrir des conséquences sociales et économiques de la crise, mais ils ont également été, et restent encore, les plus exposés au virus et à ses formes les plus graves, car, malheureusement, les inégalités sociales et de santé vont trop souvent de pair.
Depuis maintenant plus d'un an que dure cette crise historique, c'est jour et nuit que les agents du ministère des solidarités et de la santé, à Paris et dans les territoires, se dévouent au service de ces femmes et de ces hommes qui subissent de plein fouet les effets sanitaires, économiques ou sociaux de la crise. Je profite de cette occasion pour les saluer.
La priorité du Gouvernement, vous le savez, a été d'abord et avant tout de protéger la santé de nos concitoyens, en particulier des plus vulnérables : les personnes âgées, ou présentant des comorbidités, pour lesquelles le risque de développer une forme grave de la covid-19 est particulièrement élevé et parmi lesquelles les plus modestes sont surreprésentés. Dans le contexte épidémique, nous nous sommes mobilisés pour que toutes les Françaises et tous les Français, quelle que soit leur situation financière, puissent bénéficier d'un égal accès aux soins liés à la covid-19, pour que la pauvreté elle-même ne devienne pas une comorbidité.
Cette crise nous a conduits – je dirais même qu'elle nous a forcés – à abandonner le prisme trop curatif de notre système de santé et à placer la prévention au cœur de nos préoccupations. La diffusion des gestes barrières, le déploiement de la stratégie « tester, alerter, protéger » ont été au cœur de notre action, toujours avec le souci de rendre ces outils accessibles à tous. Nous avons fourni plus de 250 millions de masques aux plus précaires et aux associations qui les accompagnent. Nous avons pris en charge intégralement le coût des tests. Nous avons déployé un mécanisme d'indemnisation performant, avec près de 1,6 milliard d'euros d'indemnités journalières dérogatoires versés en 2020, pour permettre aussi bien l'isolement des cas contacts, que les gardes d'enfants liées à la covid-19.
Je profite de cette occasion pour aborder un sujet qui nous tient à cœur, qui est complexe, qui mobilise fortement les services du ministère et des agences régionales de santé, et dans lequel nous nous sommes pleinement investis, quoiqu'à bas bruit : la vaccination des publics en situation de précarité.
Oui, c'est une mission complexe. Pour commencer, nous avons prévu la prise en charge intégrale des frais liés à la vaccination pour chacun. Cela peut sembler une évidence, ici en France, car cela correspond à notre conception de la sécurité sociale – tant mieux. Par ailleurs, des supports de communication pédagogique ont été élaborés pour les structures du secteur social ; ils ont été traduits en vingt-trois langues puis diffusés aux acteurs et associations de terrain.
Dès la fin du mois de janvier, nous avons élargi le périmètre de la vaccination aux résidents de certains établissements d'hébergement social. Dans les centres de vaccination, des créneaux de rendez-vous ont par ailleurs été réservés aux personnes ne pouvant prendre un rendez-vous en ligne. Dans certains territoires, des centres de vaccination dédiés aux personnes en situation de précarité ont été créés et ont été doublés d'actions consistant à « aller vers » et à « ramener vers ». Nous avons également demandé aux agences régionales de santé de travailler au déploiement d'équipes mobiles de vaccination, pour aller vers les publics hébergés dans des structures sociales. Ces efforts nous honorent. S'ils répondent à un impératif de santé publique, ils reflètent aussi une conception bien française de ce que doivent être l'égalité réelle et la solidarité.
La priorité du Gouvernement, je l'ai dit, a été de protéger la santé de nos concitoyens et d'endiguer la propagation de la covid-19, en adoptant des mesures parfois restrictives. Ces décisions ont été prises en responsabilité. Toutefois, vous le savez, la crise et les mesures sanitaires ont eu d'importantes répercussions économiques et sociales dans notre pays. Dans l'urgence, nous avons pris les décisions qui s'imposaient pour aider les plus fragiles, préserver l'économie et sauver des emplois.
Il nous a ensuite fallu créer des outils, performants et réactifs, susceptibles de guider l'action publique dans cette période complexe. Nous avons donc demandé à la direction statistique du ministère des solidarités et de la santé d'établir un tableau de bord de la précarité, afin de suivre, de la façon la plus réactive possible, l'évolution des effectifs de bénéficiaires des principales prestations de solidarité. La dernière publication date du 30 avril dernier ; elle est publique, et j'invite chacun d'entre vous et, à travers vous, chaque citoyen à s'en emparer.
Que nous disent ces chiffres ? Ils indiquent tout d'abord que nous avons franchi le seuil symbolique des 2 millions de foyers au RSA à la fin du mois d'octobre 2020, mais que le nombre d'allocataires du RSA connaît une baisse continue depuis le mois de décembre dernier. Ils indiquent en outre que la situation semble s'être stabilisée et que notre économie a déjà commencé à rebondir, mais que cette stabilisation reste évidemment fragile. Ainsi, si l'effectif des bénéficiaires de la garantie jeunes et celui des bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ont retrouvé leur niveau d'avant-crise, la crise sanitaire a néanmoins pesé sur la croissance de l'effectif des allocataires de la prime d'activité, et le nombre d'allocataires du RSA se stabilise à un niveau élevé, bien supérieur à celui d'avant-crise. Par ailleurs, à la fin du mois de mars 2021, 378 400 jeunes avaient bénéficié, au moins une fois dans le mois, d'un repas à un euro, soit une hausse de 24 % par rapport au mois de février.
Pris dans leur globalité, ces chiffres montrent tout l'intérêt des mesures de solidarité que nous avons déployées depuis le début de la crise sanitaire. Vous le savez, le Gouvernement a fourni un effort sans précédent pour répondre aux conséquences sociales et économiques de la crise et pour accompagner les plus précaires dans cette période. Nous avons versé près de 3,5 milliards d'euros de soutien direct aux personnes en situation de précarité.
Ces chiffres pouvant paraître abstraits, je vais indiquer ce à quoi ils correspondent concrètement. Nous avons versé des aides financières directes automatiques aux familles pauvres ; en 2020, une famille de trois enfants a reçu à ce titre 1 200 euros, soit l'équivalent d'un SMIC. Nous avons doublé le budget annuel de l'État consacré à l'aide alimentaire, que certains d'entre vous ont évoquée. Nous avons créé 43 000 places d'hébergement d'urgence – 43 000 personnes mises à l'abri chaque nuit, c'est l'équivalent d'une ville comme Dieppe. Enfin, je l'ai évoqué à l'instant, nous avons mis gratuitement 250 millions de masques à la disposition des plus modestes. Voilà quatre exemples très concrets, parmi beaucoup d'autres, de l'aide que nous apportons au quotidien à nos concitoyens.
Il faut ajouter à cela, bien évidemment, le financement de l'activité partielle et des soins pris en charge par l'assurance maladie, à commencer par les tests que j'ai évoqués précédemment. L'aide apportée par l'État a été massive, et nous n'avons pas en rougir : notre système de protection sociale, qui fait l'ADN de la France, a permis d'amortir, comme nulle part ailleurs, les effets délétères de la crise sur les plus précaires.
Si la crise sanitaire a révélé toute la force et toute la pertinence de notre filet de sécurité sociale, il nous faut désormais prévenir le basculement dans la pauvreté des publics déjà fragilisés. Nous y parviendrons grâce à l'insertion par l'emploi et à la relance de la croissance. Mme Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales, vient de le rappeler : l'emploi est le meilleur moyen de lutter durablement contre la pauvreté.
C'est la raison pour laquelle notre ligne de conduite a été, tout au long de la crise sanitaire, de soutenir les entreprises, les commerçants et les indépendants, dont l'activité a fortement pâti de la crise et qui restent, vous le savez, des acteurs clés de la lutte contre le chômage et contre la précarité. À cette fin, le Gouvernement a lancé un plan massif de sauvegarde de l'emploi à travers l'activité partielle – pour près de 40 milliards d'euros – et des mesures de protection pour les entreprises. Je fais ici référence, bien sûr, aux prêts garantis par l'État, au fonds de solidarité ou encore à la compensation des pertes de chiffre d'affaires. C'est l'honneur de l'État, je le répète, de soutenir comme il le fait l'ensemble de ces professions et de ces professionnels.
Lutter contre la pauvreté, c'est également s'assurer que tous les Français qui le souhaitent ont accès à une formation de qualité, susceptible de jouer pleinement le rôle de tremplin et de transition durable vers l'emploi. C'est toute l'ambition du plan « 1 jeune, 1 solution ».
Doté de près de 7 milliards d'euros, ce plan doit permettre de renforcer l'accès à l'emploi des jeunes ayant des difficultés d'insertion, grâce, entre autres, au versement d'aides exceptionnelles pour le recrutement d'alternants et de jeunes de moins de 26 ans, à l'augmentation des places dans certaines formations, au déploiement du plan de soutien et de développement de l'insertion par l'activité économique (IAE) – financé à hauteur de 220 millions d'euros, il doit permettre le recrutement de près de 35 000 jeunes de moins de 25 ans en parcours d'insertion – ou encore au renforcement des dispositifs d'accompagnement vers l'emploi.
Lutter contre la pauvreté, c'est aussi freiner le recours excessif aux contrats courts, qui installent les travailleurs dans des situations d'insécurité. C'est tout l'objet de la réforme de l'assurance chômage que le Gouvernement s'attache à mettre en œuvre.
Vous le voyez, l'État s'est pleinement mobilisé pour accompagner les plus modestes pendant la crise sanitaire. Ce soutien a été d'une ampleur inégalée en Europe, et je crois que nous pouvons tous, collectivement, en être fiers.
Permettez-moi de rappeler que nous n'avons pas attendu la crise sanitaire pour agir contre la précarité. Depuis le début du quinquennat, ce gouvernement agit au bénéfice des plus modestes. Fidèles à nos promesses, nous avons augmenté les minima sociaux ; je pense notamment à l'allocation aux adultes handicapés (AAH), au minimum vieillesse et à la prime d'activité. Nous avons en outre défini une stratégie structurelle pour prévenir, dès l'enfance, la reproduction de la pauvreté et des inégalités.
Cette stratégie, vous la connaissez. Nous la déployons depuis 2018 et l'avons dotée de 8,5 milliards d'euros, qui sont loin d'être abstraits pour nos concitoyens : la revalorisation de la prime d'activité, c'est chaque mois une augmentation du pouvoir d'achat de l'ordre de 241 euros pour une personne seule au SMIC et de 292 euros pour une femme seule au SMIC avec un enfant ; la revalorisation du minimum vieillesse et de l'AAH, c'est chaque mois une augmentation du pouvoir d'achat de 105 euros.
Pour près de 18 000 enfants habitant en zone rurale, c'est aujourd'hui la cantine à un euro par repas. Pour 150 000 enfants scolarisés en zone d'éducation prioritaire, c'est un petit-déjeuner équilibré à l'école, pour commencer la journée du bon pied et ne pas passer la matinée le ventre vide. Pour les bénéficiaires du RSA, c'est un entretien d'orientation dans un délai inférieur à un mois. Pour les jeunes décrocheurs, c'est un accompagnement renforcé, pour reprendre une formation et s'insérer dans la vie active, en pleine autonomie. Pour ceux qu'on appelle les « grands marginaux », c'est un hébergement adapté, qui permet d'enclencher un parcours d'accompagnement et de réapprendre la vie en société.
Cette stratégie portait ses fruits avant même le début de la crise sanitaire. L'étude annuelle de l'INSEE a montré qu'en 2019, la pauvreté et les inégalités entre les revenus des plus aisés et des plus modestes s'étaient réduites.
Tout au long de la crise sanitaire, le principe de solidarité a guidé l'action du Gouvernement, dans ses dimensions sociale, économique et sanitaire. Il continuera plus que jamais à la guider dans les années à venir. Conformément à la ligne fixée par le Président de la République, nous avons protégé et continuerons de protéger tous les Français, en particulier les plus fragiles d'entre eux, quoi qu'il en coûte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que leur durée est limitée à deux minutes, qu'il en est de même pour les réponses et qu'il n'y a pas de droit de réplique. Je vous indique également que je lèverai la séance à dix-neuf heures trente ou peu après. Le débat se poursuivra lors de la séance de ce soir.
La parole est à Mme Danièle Hérin.
Quels dispositifs pensez-vous mettre en place en faveur des associations de lutte contre la pauvreté, qui œuvrent chaque jour pour aider les plus modestes ? La crise sanitaire que nous traversons depuis plus d'un an a amplifié les inégalités, et les associations jouent un rôle accru dans la lutte contre la pauvreté. Je me focaliserai sur les personnes âgées.
Je suis allée sur le terrain pour rencontrer des associations lauréates du plan de relance. Grâce à ces aides financières, elles développeront de nouveaux projets, notamment en lien avec les producteurs locaux. Dans l'immédiat, toutefois, elles doivent faire face à une augmentation du nombre de bénéficiaires et à une baisse des stocks due à des difficultés d'approvisionnement, en particulier en produits frais.
Ces associations ont notamment constaté une augmentation du nombre de retraités bénéficiaires. À titre d'exemple, la Croix-Rouge a enregistré une hausse de 37 % des demandes d'aide alimentaire. Malgré une revalorisation exceptionnelle de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) en 2020, les personnes âgées ont été touchées par la crise, car elles vivaient souvent grâce à des compléments de revenu qu'elles n'ont pas pu assurer. Les femmes âgées, plus nombreuses et percevant souvent des revenus plus faibles, sont encore plus frappées.
Dans l'Aude, la situation est d'autant plus préoccupante que les personnes de plus de 60 ans y représentent 32 % de la population, contre 24 % dans l'ensemble de la France. Dans ce département, le taux de pauvreté est, depuis plusieurs années, très élevé. Les actions des associations sont et seront donc cruciales pour accompagner ces publics précaires en sortie de crise, et les dispositifs mis en place par l'État seront déterminants.
Je vous serais reconnaissante, monsieur le secrétaire d'État, de nous décrire les dispositifs prévus.
Bien évidemment, madame Hérin, nul ne peut être indifférent au sort des personnes âgées précaires qui, du fait de leur âge, ne peuvent plus compter sur les revenus du travail. Historiquement, d'ailleurs, la pauvreté est d'abord celle des personnes âgées, dès lors dépendantes de leurs enfants et petits-enfants. Grâce à la branche vieillesse de la sécurité sociale, la France protège aujourd'hui ses aînés, ce que confirment les chiffres : selon l'INSEE, en 2018, les deux tranches d'âge les moins pauvres de la population étaient celle des personnes âgées de 65 à 74 ans et celle des plus de 75 ans.
Pourtant, vous l'avez souligné, il était nécessaire que le Gouvernement décide de mesures massives pour aider les retraités en situation de précarité, dont un certain nombre sont d'ailleurs d'anciens travailleurs pauvres. Je l'ai évoqué précédemment, le Gouvernement a ainsi augmenté de 100 euros par mois le montant de l'AAH et celui de l'ASPA ; une telle revalorisation est inédite. Par ailleurs, les personnes âgées bénéficieront de facto des réformes en matière de santé, notamment du 100 % santé et de la complémentaire santé solidaire. Ces mesures leur permettront de vivre plus longtemps en bonne santé, ce qui est évidemment un enjeu. La pleine entrée en vigueur du 100 % santé, depuis le 1er janvier 2021, permet une prise en charge à 100 % des soins optiques, dentaires et auditifs.
Du fait de la crise, nous sommes allés plus loin. Le numéro vert d'écoute que nous avions créé a reçu près de 25 000 appels par jour ; un certain nombre de personnes âgées nous ont ainsi fait part des difficultés qu'elles rencontrent, notamment de leur isolement. Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie, travaille bien évidemment sur cette question au quotidien et dans le cadre du comité stratégique de lutte contre l'isolement des personnes âgées, qu'elle a installé.
Par ailleurs, à travers le plan France relance, une enveloppe de 100 millions d'euros a été consacrée aux associations de lutte contre la pauvreté et un grand groupe a été doté de 900 000 euros pour déployer son plan de lutte contre l'isolement et la pauvreté des seniors. Des bénévoles iront ainsi au contact des personnes âgées isolées en situation de précarité pour leur apporter une aide de premier niveau, à savoir, entre autres, un appui aux démarches administratives, une aide aux courses, une aide à la prise en main des outils numériques, une aide à la prise de rendez-vous, une aide aux déplacements.
Madame la députée, nous sommes auprès de nos aînés pendant cette crise sanitaire.
Lors du premier confinement, 40 % des parents ont observé des signes de détresse chez leur enfant. Depuis lors, les indicateurs rendant compte de l'anxiété, les tentatives de suicide et la maltraitance sont au rouge.
La pandémie que nous traversons nous met à rude épreuve, intimement et collectivement. Elle met au jour nos vulnérabilités en matière de travail, de logement et de santé, mais aussi – et la question n'a émergé que trop tard dans le débat public – nos vulnérabilités devant la détresse psychologique des enfants et des adolescents.
Par sa violence et en raison d'un déficit d'évaluation et de prise en charge, cette détresse risque d'hypothéquer l'avenir des générations futures. En effet, un enfant maltraité non repéré, un enfant souffrant d'un trouble mental mal évalué ou un enfant ayant un trouble des apprentissages aggravé par la crise est promis à un parcours semé d'embûches. Or aucun vaccin n'en viendra à bout ; la tâche est plus longue, plus laborieuse.
Vous avez répondu à l'urgence par les aides et l'accompagnement des plus précaires, par la lutte contre les violences intrafamiliales, par l'ouverture des écoles quand certains plaidaient pour leur fermeture, et dernièrement, par la mise en place d'un forfait psychologue pour les enfants. Mais le problème est plus profond : il existe une tension entre l'évolution de notre rapport à la santé mentale et l'organisation du soin et de la prévention. On consulte davantage pour des problèmes divers et tous légitimes, appelant des réponses différentes. Il faut entendre le désarroi de certaines familles. Aussi, l'organisation se trouve bien souvent enlisée et les CMP (centres médico-psychologiques) engorgés, faute de culture commune des professionnels, faute de gradation, faute de valorisation. Dans mon département, l'Eure, la pédopsychiatrie n'est pas faible, elle est sinistrée.
Mes questions sont simples : les assises de la santé mentale prévoient-elles d'attaquer de front la question de la gradation dans la prise en charge des enfants et de la coopération des professionnels, plus finement que le font les PTSM (projets territoriaux de santé mentale) ? Les professionnels de l'école à l'hôpital seront-ils valorisés ? Peut-on espérer la construction d'un système lisible, cohérent et accessible pour les parents, passant notamment par une maison de l'enfant et de la famille ?
Madame la députée, nous partageons votre constat et votre vigilance quant aux conséquences psychiques de la crise sur l'ensemble de nos concitoyens, en particulier sur les jeunes et sur les enfants. Les différentes plateformes d'écoute que nous avons créées depuis le début du confinement remontent effectivement chaque semaine une dégradation de la santé mentale de nos concitoyens. Des capteurs de signaux faibles – qui sont de moins en moins faibles et de plus en plus importants – traduisent cette évolution, avec la transformation des profils des appelants. Les jeunes de moins de 25 ans sont toujours les principaux appelants, mais il y a une augmentation ces derniers temps du nombre d'appels provenant de nos concitoyens entre 45 et 64 ans, en particulier des femmes. Les motifs d'appel sont, sans surprise, les suivants : l'inquiétude vis-à-vis de la vaccination, mais aussi l'incertitude professionnelle et l'isolement social.
Pour répondre à la détresse psychique des jeunes, que vous avez évoquée, nous avons renforcé le nombre de psychologues et d'assistantes sociales disponibles dans les universités. Nous avons également déployé le chèque d'accompagnement psychologique, qui permettra à tous les étudiants d'obtenir une aide pour consulter un psychologue, un psychothérapeute ou un psychiatre. Enfin, il y a de cela quinze jours, au CHU (centre hospitalier universitaire) de Reims, nous avons annoncé avec le Président de la République le lancement du forfait « 100 % psy » pour les enfants âgés de 3 à 17 ans – vous l'avez évoqué –, qui sera opérationnel mi-mai. Sur prescription d'un médecin – médecin de PMI (protection maternelle et infantile), ou médecin scolaire –, l'enfant concerné pourra bénéficier de dix séances gratuites de psychologie, entièrement prises en charge par la sécurité sociale. D'autres dispositifs seront renforcés pour observer et suivre l'état de la santé mentale de nos concitoyens. Nous disposons d'assez peu d'outils réactifs pour ce faire ; nous sommes en train d'en bâtir, à la demande du Président de la République.
Pour renforcer le repérage précoce et accélérer le déploiement de dispositif de prévention, une campagne de communication et de prévention a été lancée par Santé publique France ; peut-être l'avez-vous vue ? Les dispositifs de premiers secours en santé mentale, que vous connaissez probablement, seront déployés. Dans le cadre du Ségur de la santé, 200 postes de psychologues ont été annoncés et seront financés, pour renforcer le binôme psychologue-médecin généraliste. Enfin, dans le cadre des assises de la santé mentale qui auront lieu d'ici à l'été, il y aura un pilier important consacré à la pédopsychiatrie. Depuis deux ans et demi, je n'ai pas fait un seul déplacement dans votre département ou dans un autre, qu'il s'agisse de la Seine-Saint-Denis ou de la Creuse, sans qu'on me parle des difficultés de la pédopsychiatrie. La question de la pédopsychiatrie sera mise sur la table, avec l'ensemble des sujets, dans le cadre des assises de la santé mentale ; c'est une demande du Président de la République.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite du débat sur l'action de l'État à l'égard des plus précaires durant la crise sanitaire ;
Débat sur la situation des entreprises touchées par la crise de la covid-19.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra