Intervention de Agnès Thill

Séance en hémicycle du mardi 4 mai 2021 à 21h00
Situation des entreprises touchées par la crise de la covid-19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Thill :

Enfin, les patrons des petites et moyennes entreprises françaises semblent apercevoir le bout du tunnel : Les perspectives d'activité économique s'améliorent pour la majorité d'entre elles, mais pas pour toutes. Pour beaucoup, les tensions sur la trésorerie sont moins fortes en raison des mesures gouvernementales de soutien massif mais, on le sait, beaucoup resteront encore au bord de la route. Une bonne nouvelle, toutefois : selon l'enquête Bpifrance de février dernier, 55 % des dirigeants de PME comptent investir cette année, un niveau identique à celui observé un an plus tôt, alors qu'ils n'étaient que 41 % à la fin de l'an passé. C'est tant mieux.

Dans une autre étude publiée en février dernier, les économistes de l'assureur Allianz considéraient que, toutes entreprises confondues, les sociétés françaises étaient celles d'Europe qui disposaient de la trésorerie la plus importante. C'est très bien, et nous pouvons nous en féliciter. Mais cette situation cache un nombre important d'entreprises qui souffrent toujours. Car, à y regarder de plus près, la situation est très contrastée selon les PME en fonction de leur secteur d'activité.

Alertée par la Fédération française du bâtiment de l'Oise, je prendrai pour exemple le secteur du bâtiment qui, bien qu'il ait connu une chute d'activité violente de l'ordre de 15 % en 2020, a tenu grâce aux mesures de soutien public rapidement décidées. Maintenant, le secteur a moins besoin de l'argent de l'État que d'un État qui le protège. En effet, il est actuellement gravement fragilisé par une hausse importante du prix des matériaux allant jusqu'à 50 % sur l'acier, le cuivre, le bois, la peinture ou le PVC. Cette hausse s'explique notamment par la reprise économique internationale et par les décisions politiques de certains pays, comme les États-Unis ou la Chine, lesquels s'approvisionnent massivement en Europe. Le mouvement gagne plus récemment les plastiques, le polyuréthane et le polystyrène, mais aussi des équipements plus techniques dotés de puces électroniques et autres composants en silicium.

À la hausse des prix s'ajoutent désormais des ruptures durables d'approvisionnement de ces matériaux, qui vont allonger les délais de réalisation et de livraison des chantiers. Ainsi, bien plus tardif et non anticipable, le choc de la pandémie se manifeste maintenant par de réelles complications pour les entreprises concernées, lesquelles rencontrent des difficultés concrètes à chiffrer des opérations, faute de visibilité sur les délais de livraison et les prix à appliquer. De surcroît, la plupart des marchés en cours sont signés à prix fermes, non actualisables ni révisables, et prévoient des pénalités de retard. Les entreprises supporteront ainsi la hausse exponentielle du coût des matériaux sur des marges déjà faibles, avec la double peine des pénalités de retard.

Monsieur le ministre délégué, le Gouvernement demandera-t-il aux donneurs d'ordres publics et privés de rester ouverts aux demandes de négociation des entreprises du bâtiment, afin de permettre des recalages de planning sans pénalités ainsi que la mise en place de clauses d'actualisation et de révision des marchés à venir ? Le Gouvernement prendra-t-il une ordonnance identique à celle du 25 mars 2020 afin de geler purement et simplement les délais dans la commande publique, et de facto les pénalités de retard, afin d'éviter une catastrophe sur le plan économique pour ces centaines de milliers d'entreprises ?

Autre exemple, il y a d'un côté, de nombreux petits commerces, qui font encore l'objet de fermeture administrative et dont le principal filet de sécurité est le fonds de solidarité, et, de l'autre, de très grandes entreprises qui ont étendu leurs activités, les confinements ayant offert à certaines d'entre elles un monopole de fait. C'est le cas des entreprises du numérique dont on a beaucoup parlé, notamment d'Amazon qui a triplé ses ventes au cours du troisième trimestre 2020 ; la grande distribution a aussi été largement favorisée – le chiffre d'affaires de Carrefour est en hausse de plus de 20 % – et on peut aussi citer les entreprises pharmaceutiques telles que Sanofi ou encore les assurances qui ont vu le taux de sinistralité se réduire en 2020.

Le responsable des affaires budgétaires du Fonds monétaire international (FMI) a préconisé récemment l'instauration d'un impôt supplémentaire sur les entreprises auxquelles la pandémie de covid-19 a profité. Monsieur le ministre délégué, afin de lutter contre l'accroissement des inégalités, envisagez-vous une contribution exceptionnelle sur les surplus de bénéfices de ces entreprises en 2020 ?

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