La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures.
L'ordre du jour appelle la suite du débat sur l'action de l'État à l'égard des plus précaires durant la crise sanitaire. Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits, s'arrêtant dans la séquence de questions-réponses à la question de M. Alain Ramadier.
Je rappelle que la durée des questions, comme celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Alain Ramadier.
Madame la présidente, madame la ministre déléguée chargée de l'autonomie, chers collègues, de nombreux professionnels ont été en première ligne face à la crise. Ils ont tenu bon malgré les risques, la peur et l'épuisement. Nous leur devons tant. Nous le savons.
Je veux évoquer ceux dont on a un peu moins parlé mais qui, pourtant, ont également beaucoup souffert de la pandémie qui désole encore notre quotidien : les familles monoparentales. Perte de revenus, garde des enfants pendant l'activité professionnelle, problèmes liés au handicap, gestion des cours pendant le télétravail, fermeture des écoles, des crèches et des cantines : pour les mères et pères isolés, la situation actuelle est aussi précaire qu'elle est source d'anxiété.
Dans notre pays, une famille sur cinq est monoparentale. Dans 82 % des cas, il s'agit de femmes seules avec enfants. Pour de très nombreuses mères isolées, la perte de revenus liée à l'instauration du chômage partiel, conséquence de la crise sanitaire, a été catastrophique, puisqu'elles n'ont perçu que 84 % de leur salaire net pour faire vivre leur famille.
Au sein de ces familles, les problèmes d'ordre financier s'ajoutent à d'autres difficultés, chômage et pauvreté notamment. Beaucoup n'ont eu d'autre choix que d'avoir recours à l'aide alimentaire ou aux associations, dont je salue le dévouement.
Les conséquences sont dramatiques : les enfants de familles monoparentales ont beaucoup souffert de troubles psychologiques et de problèmes de sommeil. La situation de « parent isolé » n'est fiscalement prise en compte que dans le calcul des parts. C'est insuffisant. En effet, beaucoup de parents seuls ne connaîtront pas demain le retour à la normale de leur activité professionnelle. C'est insuffisant car l'ouverture des classes est conditionnée à la situation sanitaire de chaque établissement. Enfin, c'est insuffisant car, dans de nombreux cas, la pension alimentaire n'est pas versée par l'autre parent. Il ne faut pas oublier les familles monoparentales. Comment comptez-vous les aider ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
En 2020, le Gouvernement a effectivement souhaité apporter aux familles monoparentales un soutien spécifique pour affronter l'urgence de la crise. Nous avons majoré de 100 euros par enfant à charge l'aide exceptionnelle de solidarité versée aux bénéficiaires du RSA et de l'ASS – allocation spécifique de solidarité – et nous avons revalorisé de 100 euros l'allocation de rentrée scolaire.
De façon plus structurelle, depuis l'annonce de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, le Gouvernement a eu à cœur de lutter contre les situations de privation matérielle qui concernent les familles monoparentales. Elles ont particulièrement bénéficié de l'augmentation massive de la prime d'activité à la fin de l'année 2018, avec une revalorisation de 90 euros par mois pour une rémunération au SMIC – elles perçoivent en moyenne 244 euros. La création du service public des pensions alimentaires, accessible depuis le mois de janvier 2021 à toutes les familles, victimes d'impayés ou non, constitue également une avancée majeure dans la lutte contre la précarité des familles monoparentales.
Par ailleurs, de nouveaux moyens ont été consacrés à l'accès aux modes de garde, sans avance de frais. L'accès aux crèches a été renforcé, grâce à l'instauration des bonus « mixité » et « territoire », destinés à faciliter l'accès à l'emploi de parents célibataires et de limiter les dépenses.
Un appel à projets a été lancé en avril 2020, afin d'appliquer les mesures de soutien à la parentalité. Nous avons souhaité renforcer collectivement l'aide accordée aux familles monoparentales en 2021. En décembre 2020, le ministère chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances a créé un groupe de travail sur la situation de ces familles. Ce groupe élabore un plan d'action assorti d'un ensemble de mesures. Nous avons également déployé les mesures du plan Les 1 000 premiers jours de l'enfant, dont certaines sont évidemment susceptibles de concerner les familles monoparentales, par exemple le développement des offres de répit parental.
La situation est exceptionnelle : les effets du covid-19 sur le quotidien des Français sont palpables, notamment à cause du ralentissement de l'économie. Les conséquences financières de la perte d'un emploi sont directes. Depuis plusieurs mois, les Français ont été beaucoup plus nombreux à devoir recourir à l'aide alimentaire, qu'ils soient étudiants isolés, privés d'emploi à temps partiel, intérimaires dans des entreprises fermées ou sans emploi et sans indemnisation de Pôle emploi faute de remplir les critères habituels d'indemnisation.
Dès lors, ne serait-il pas souhaitable, tandis que la crise se poursuit, que la situation particulière de chaque demandeur d'emploi donne lieu à une prise en charge personnalisée, qui tienne compte de sa situation au regard du covid-19 ? Ainsi, une période d'essai résiliée à cause de la crise sanitaire ne devrait pas provoquer une absence d'indemnisation de plusieurs mois. Ensuite, ne faut-il pas aider davantage les associations d'aide alimentaire à répondre à l'afflux, alors que les dons ont considérablement chuté ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La précarité alimentaire n'est pas née de cette crise. Je la connais depuis très longtemps, plus de vingt-sept ans. Il s'agit malheureusement d'une constante de notre société, que la crise sanitaire a aggravée.
Moi, j'ai essayé de lutter, monsieur !
On estime que plus de 7 millions de personnes sont en situation de précarité alimentaire, soit une augmentation de 15 à 20 % des files d'aide alimentaire en 2020 par rapport à 2019. Ces personnes savent qu'elles peuvent se tourner vers les nombreuses associations que vous avez citées, qui œuvrent au quotidien dans l'ensemble du territoire. Ces associations et les bénévoles qui s'y engagent imposent le plus grand respect, et nous les remercions tous.
Dans cette période, l'État s'est engagé à venir en aide aux plus précaires. En 2020, il a alloué un budget de plus de 290 millions d'euros à la lutte contre la précarité alimentaire, soit une augmentation de 121 % par rapport à 2019. Vous le voyez, l'effort est considérable. Nous nous engageons résolument à lutter contre la précarité alimentaire qui touche les étudiants. Les CROUS – centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires – se sont largement lancés dans la création d'espaces de distribution alimentaire, d'épiceries solidaires et d'autres dispositifs.
Dimanche soir, j'étais à Mulhouse avec les associations De bon cœur et Communauté solidaire d'Alsace, qui apportent des paniers repas aux étudiants les plus fragiles. J'ai une nouvelle fois rencontré des jeunes en très grande détresse psychologique et matérielle, or une majorité de ces étudiants étaient des étudiantes. Il faut savoir qu'en France, 67 % des nouveaux bénéficiaires des aides alimentaires sont des femmes. À l'origine de cette situation, il y a la disparition de petits boulots, provoquée par la pandémie. En effet, les étudiantes, qui occupent très fréquemment des postes dans des secteurs particulièrement touchés comme le tourisme ou l'hôtellerie, sont les premières à perdre leur emploi. Je souligne que les dépenses d'une étudiante sont en moyenne 23 % plus élevées que celle d'un étudiant. Seriez-vous favorables à la création d'aides spécifiques aux jeunes femmes, qui s'ajouteraient bien entendu aux aides existantes ? Je pense par exemple à la prise en charge des protections périodiques.
La détresse est aussi psychologique : 30 % des étudiants ont eu des pensées suicidaires, selon une étude réalisée en novembre dernier par IPSOS. Pour y remédier, le chef de l'État a proposé en février la création d'un chèque psy. On estime que 3 000 consultations hebdomadaires sont ainsi prises en charge. C'est beaucoup, mais trop peu pour constituer une réponse adaptée à l'ampleur du phénomène. La faute en revient aux réalités de terrain : pas assez de psychologues dans les universités, un pour 30 000 étudiants ; les psychologues de ville jugent le chèque peu attractif en raison de lourdeurs administratives ; enfin, le chèque psy est nécessaire pour constater les urgences, mais ne saurait constituer la prise en charge de tout un parcours de soins. Le Gouvernement entend-il améliorer et pérenniser le dispositif pour répondre à cet immense défi de santé publique ?
Il faudrait bien plus de deux minutes pour répondre à cette question, dont vous admettrez qu'elle est très vaste. Nous avons beaucoup travaillé sur les dispositifs de lutte contre la précarité des femmes, notamment sur la précarité menstruelle.
Je répondrai plutôt à la question relative à la détresse psychologique dont souffre une part importante des jeunes de notre pays. Nous le savons, la crise sanitaire a provoqué une forte dégradation de leur santé mentale. En janvier dernier, près d'un jeune sur cinq de moins de 25 ans rapportait des symptômes de troubles dépressifs sévères – c'est considérable. Aussi le Gouvernement a-t-il déployé dès janvier 2021 le chèque d'accompagnement psychologique, dit chèque psy, afin de proposer à tous les étudiants qui en ressentent le besoin une consultation avec un psychologue, un psychothérapeute ou un psychiatre. Dans tout le territoire, plus de 1 500 psychologues se sont portés volontaires pour participer au dispositif, et nous les en remercions. Il s'agit d'accueillir les étudiants pour une première série de trois consultations renouvelable une fois, entièrement prises en charge par l'établissement d'enseignement supérieur avec lequel les psychologues auront signé une convention.
Ce dispositif complète le recrutement en cours de 80 psychologues supplémentaires dans les services de santé universitaire. En moyenne, 2 300 consultations sont assurées chaque semaine. Les services de l'État travaillent par ailleurs à déployer des mesures nouvelles à destination des étudiants : le lancement d'une campagne de communication et de prévention autour des enjeux de santé mentale et l'amplification du dispositif premiers secours en santé mentale dans les universités, afin de repérer précocement les situations de détresse.
Vous appelez l'attention sur la précarisation des jeunes, que la crise est venue renforcer. Le Gouvernement n'est évidemment pas resté insensible aux difficultés financières qu'ils rencontrent. Nous avons versé des aides exceptionnelles. En complément des aides financières pour les jeunes diplômés en recherche d'emploi, des bourses supplémentaires ont été versées fin janvier. Nous travaillons évidemment à répondre à ces questions.
Dix millions de pauvres : c'est le seuil dramatique que la France a franchi en 2020, selon les grandes associations caritatives. Des familles, des personnes isolées, des jeunes ont encore besoin de l'aide alimentaire pour vivre : 8 millions de personnes ont dû y recourir cet hiver, soit huit fois plus que dans les années 1980. Cela représente une augmentation de près de 3 millions de personnes, soit une progression de 30 % entre 2019 et 2020. Or le taux d'épargne des Français enregistré en 2020 a également progressé de 30 % ce qui a permis de constituer 160 milliards d'euros d'« épargne-covid » selon l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques. Mais, visiblement, ce ne sont pas les mêmes citoyens qui sont concernés.
L'État a pris des mesures d'urgence, mais la crise sanitaire et économique qui touche le pays est profonde. Elle n'est en réalité qu'un catalyseur, l'accélérateur d'une mauvaise spirale installée depuis des années. L'action du Gouvernement reste principalement consacrée à une politique de l'offre destinée aux entreprises. Le plan de relance annoncé en septembre dernier pour 2021 concentre 22 milliards d'euros de crédits à l'aide aux entreprises et aux baisses de charges ; en proportion, seulement 0,8 % est consacré au soutien des plus précaires, c'est très insuffisant. Esther Duflo l'a souligné : « Plus on aide les gens, plus ils sont aptes à sortir de la trappe à pauvreté. »
De son côté, le comité d'évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a examiné la stratégie du Gouvernement et a formulé des recommandations. Il a insisté sur plusieurs nécessités : mieux définir et comprendre la grande pauvreté, lutter contre les effets sur la pauvreté de la crise du covid-19, renforcer la lutte contre le non-recours, aider les jeunes de 18 à 24 ans les plus démunis, évaluer l'efficacité de l'accompagnement dans sa globalité et accélérer le déploiement du plan Logement d'abord. De son côté, le groupe Socialistes et apparentés a également fait des propositions, qui ont été énoncées cet après-midi. Contrairement à ce que disait le président Macron, le ruissellement n'existe pas. Quelles mesures d'équité sociale, économique et fiscale appliquerez-vous ?
Vers les publics les plus précaires, nous avons fait « ruisseler » au total plus de 3,5 milliards d'euros de soutiens directs, alloués au financement d'aides exceptionnelles de solidarité versées en mai, juin et octobre.
Ainsi, 880 millions d'euros ont été destinés à une aide exceptionnelle de solidarité, versée automatiquement le 15 mai dernier, à 4,1 millions de foyers. De plus, 160 millions d'euros ont permis de verser, au mois de juin, une aide de 200 euros à 800 000 jeunes en difficulté, et 580 millions d'euros ont été consacrés à la revalorisation exceptionnelle de l'allocation rentrée scolaire.
Trois aides supplémentaires ont également été versées, fin novembre, à près de 4,7 millions de foyers, pour plus de 970 millions d'euros : une aide de 151 euros pour 2,1 millions de foyers allocataires du RSA ; une aide de 100 euros par enfant à charge, pour toutes les familles bénéficiaires des aides personnalisées au logement ; une aide de 150 euros versée à près de 600 000 jeunes de moins de 25 ans, non-étudiants, bénéficiaires des APL – aide personnalisée au logement. Par ailleurs, une aide de 150 euros a été versée aux 740 000 étudiants boursiers, à l'initiative du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Au-delà de ces chiffres et de ces aides, sont promus des dispositifs d'aide à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Ainsi, le dispositif « 1 jeune, 1 solution » permet d'apporter une aide concrète aux jeunes, de les aider à trouver un projet, de les accompagner et, surtout, de les sortir de la précarité. Je me bats depuis longtemps pour l'insertion sociale et professionnelle des jeunes, quel que soit leur profil, quel que soit leur démarrage dans la vie, car chacun d'entre eux peut avoir une solution et un avenir. Notre politique est donc double : soutenir grâce aux aides, et mettre en place des dispositifs pour aider à s'en sortir.
Un paquet de pâtes, un peu de riz, une boîte de thon, une bouteille de lait, quelques légumes et un savon : voilà, madame la ministre déléguée, ce pourquoi, en 2021, nos étudiants sont capables d'attendre pendant des heures et des heures dans le froid, à la fin d'une longue journée de travail. Ces paniers distribués par les associations d'aide ne sont plus, à ce stade, des distributions de confort, mais des distributions de nécessité, qui représentent, pour beaucoup de ces jeunes, la seule solution pour faire un repas par jour.
Depuis le mois de mars dernier, plusieurs centaines de milliers de personnes ont basculé sous le seuil de pauvreté. Les étudiants sont particulièrement touchés par la hausse de la précarité et de la pauvreté. Avec l'augmentation du coût de la vie et la suppression de la quasi-totalité des jobs étudiants et des stages, leur niveau de vie a reculé : 33 % d'entre eux déclarent rencontrer des difficultés financières depuis le début de la crise sanitaire.
Ainsi, la pandémie de covid-19 a fait basculer certains jeunes dans la précarité, ou a dégradé des situations déjà très fragiles. Certains d'entre eux vont même jusqu'à renoncer à des repas, à des soins médicaux, ou à des achats de première nécessité, pour des raisons financières. La détresse des étudiants est terrible, madame la ministre déléguée.
À cette détresse économique, s'ajoute pour certains une détresse psychologique. Je veux parler des étudiants étrangers, mais également des étudiants français, dont les familles sont établies hors de France, qui n'ont pas vu leurs proches depuis des mois et des mois, parfois même depuis plus d'un an. Le prix exorbitant des billets d'avion et la fermeture des frontières leur font subir une solitude terrible, les faisant très souvent sombrer dans une dépression liée à l'isolement.
Ayant apporté récemment mon soutien à l'association AGORAé, qui vient en aide aux étudiants en difficulté, en leur distribuant des repas chauds, j'ai pu constater cette réalité : une majorité des jeunes dans le besoin sont des étudiants étrangers ou français dont les familles résident à l'étranger.
Il est plus que nécessaire d'agir pour ces étudiants : que proposez-vous pour les aider, dans un premier temps financièrement, et peut-être, dans un second temps, psychologiquement ?
L'aide alimentaire n'est malheureusement pas apparue avec la crise sanitaire : elle est récurrente et existe depuis très longtemps. Chacun essaie d'apporter sa pierre à l'édifice et d'améliorer les conditions de l'aide alimentaire en France. Les jeunes sont concernés, les personnes âgées, et d'autres : nous ne découvrons pas ce phénomène, et j'espère que vous non plus.
La précarité étudiante a effectivement fortement augmenté pendant la crise. Les images d'étudiants que vous évoquez, attendant des heures pour bénéficier d'un panier-repas, sont choquantes. Je l'ai dit, le Gouvernement a débloqué des sommes sans précédent pour lutter contre cette précarité. Nous devons faire plus. Nous devons accompagner les étudiants dans la durée.
Le dispositif « 1 jeune, 1 solution » vise à répondre aux conséquences économiques de la crise sanitaire : certains n'ont pas pu achever leur formation, tandis que d'autres arrivent sur le marché du travail durement frappé par la crise économique. Ce dispositif cherche d'abord à accélérer l'embauche des jeunes, avec une compensation de charges. Nous développons également massivement l'apprentissage en alternance, qui fait partie des solutions que nous essayons de trouver pour les accompagner, avec une aide exceptionnelle allant de 5 000 euros à 8 000 euros par contrat.
Nous visons aussi la création de 100 000 missions de service civique, qui sont très demandées, en particulier pour le soutien au grand âge. Elles s'ajoutent aux 140 000 missions initialement programmées.
Nous voulons accompagner les jeunes les plus éloignés de l'emploi, en construisant 300 000 parcours d'insertion, avec notamment la création de 50 000 places en garantie jeunes en 2021, permettant un suivi en même temps qu'un projet. Mieux qu'un RSA jeunes, nous proposons donc un parcours d'insertion vers l'emploi, avec une allocation de 500 euros par mois pour les jeunes éloignés de l'emploi.
Je n'ai pas de réponse à vous apporter pour l'instant sur la politique en direction des étrangers, qui relève d'une logique différente.
Je me fais l'écho de certaines difficultés rencontrées dans ma circonscription, qui sont à l'image des très nombreux problèmes auxquels sont confrontés des milliers de nos concitoyens pendant cette crise. Un Beauvaisien ayant acheté un fonds de commerce, le 1er octobre 2020, s'est vu contraint d'arrêter son activité un mois plus tard, à la suite des restrictions sanitaires. Or, il n'est éligible à aucune aide, puisque celles-ci sont réservées aux commerces ayant eu une activité avant le 30 septembre 2020.
Reprendre un fonds de commerce est un acte courageux, un pari risqué, qui engage bien souvent toutes les économies de ceux qui se lancent. Or, de nombreux Français ayant pris ce risque au mauvais moment, se retrouvent privés d'aides pour n'avoir pas travaillé assez longtemps, tout en devant rembourser les sommes importantes empruntées pour l'ouverture de leur commerce.
Dans ma circonscription toujours, un autre Isarien a démissionné de son entreprise après une promesse d'embauche pour un poste plus attrayant. Lorsque la crise est arrivée, la seconde entreprise n'a pas pu l'embaucher. Puisqu'il avait démissionné, il a évidemment été privé d'indemnité chômage alors que, bien sûr, crédits, impôts, loyers et charges continuent de s'accumuler. Comme lui, beaucoup de Français se retrouvent dans ce que j'appelle des trous noirs administratifs : j'évoque ainsi tous ceux qui ne rentrent pas dans les cases, à l'instar des deux cas que je viens de citer, qui subissent de plein fouet les effets de la crise, sans être éligibles à aucune aide.
Madame la ministre déléguée, que prévoit votre ministère pour sortir le plus de Français possible de ces trous noirs ? Peut-on regarder quelques situations au cas par cas, et permettre aux personnes concernées d'accéder aux aides dont elles ont besoin pour survivre et pour relancer leur activité ?
Concernant le calcul du chiffre d'affaires de référence pour les aides aux entreprises créées récemment, vous n'êtes pas sans savoir que le fonds de solidarité a été progressivement élargi aux entreprises nouvellement créées, raison pour laquelle différentes périodes sont prises en compte pour le calcul de l'aide, qui doit obligatoirement reposer sur un chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise.
Normalement, la date de création d'entreprise à prendre en compte pour le fonds de solidarité est celle du début d'activité, mentionnée sur le formulaire de déclaration déposé au centre de formalités des entreprises. Néanmoins, par exception, lorsque l'activité a débuté postérieurement à la date indiquée, l'entreprise peut prendre en compte la date à laquelle elle a pour la première fois rempli la double condition d'avoir disposé d'immobilisations, et d'avoir versé des salaires ou réalisé des recettes.
Pour les entreprises créées entre le 1er février 2020 et le 29 février 2020, le chiffre d'affaires de référence est celui réalisé en février 2020, ramené sur un mois. Pour les entreprises créées entre le 1er mars et le 30 septembre, le chiffre d'affaires de référence est une moyenne mensuelle réalisée entre le 1er juillet 2020, ou, à défaut, entre la date de création de l'entreprise et le 31 octobre 2020. Pour les entreprises créées entre le 1er octobre 2020 et le 31 octobre 2020, le chiffre d'affaires de référence est celui réalisé durant le mois de décembre 2020.
Par dérogation, pour les entreprises ayant fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public en décembre 2020, le chiffre d'affaires réalisé est ramené, le cas échéant, sur un mois. Pour les entreprises créées entre le 1er novembre et le 31 décembre, le chiffre d'affaires de référence est celui réalisé durant le mois de janvier 2021.
Concernant l'autre situation, si la personne a démissionné pour retrouver un emploi, et que sa promesse d'embauche a été rompue, elle peut, normalement, au bout de quatre mois, avec suffisamment de preuves de recherche d'emploi, se rendre auprès des instances régionales paritaires, lesquelles sont en mesure de requalifier le dossier. Je ne peux que vous encourager à inviter la personne concernée à effectuer cette démarche auprès des instances régionales paritaires.
Nous déplorons, chaque jour, les conséquences désastreuses de l'épidémie de covid-19 : celles relatives à l'augmentation de la précarité et de la pauvreté arrivent en tête de nos préoccupations. Je ne m'attarderai pas sur les constats, que nous ne connaissons que trop bien : chômage partiel et chômage réel, faillites d'entreprises, réseaux de solidarité en difficulté.
Des mesures d'urgence ont été mises en place. Elles étaient nécessaires pour aider les publics les plus touchés. Mais l'ampleur de la crise nous oblige à constater que ces mesures ne suffisent malheureusement pas, et ne suffiront pas. Dès aujourd'hui, il faut anticiper la prolongation de la crise sociale au-delà de la crise sanitaire. Les filets de sécurité prévus lors de la crise disparaîtront, avec un risque d'explosion de la pauvreté au même moment, ce d'autant que cette crise sociale s'ajoute à une pauvreté contre laquelle le Gouvernement s'était pourtant engagé à lutter.
Or, le comité chargé d'évaluer la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté lancée en 2018 indique que parmi les trente-cinq mesures annoncées, seules quatre ont été intégralement mises en œuvre – deux ont été abandonnées et les vingt-neuf autres sont dans un état d'avancement très inégal. Parmi les difficultés évoquées par France Stratégie, en charge de cette évaluation, figure le non-recours aux droits lié au manque d'information et à la complexité des démarches. Impossible de ne pas songer au report sine die des concertations sur le revenu universel d'activité qui avait été annoncé en 2018 par le Gouvernement, pour lutter contre le non-recours.
La crise sanitaire ne doit pas nous faire prendre davantage de retard, mais doit au contraire nous inciter à agir plus vite et plus fort contre la précarité et la pauvreté. Quelles mesures comptez-vous prendre pour mener à bien la stratégie que vous avez fixée, et pour élever celle-ci à la hauteur des enjeux ?
Merci de votre question, qui porte en particulier sur l'évaluation de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Nous ne disposons pour l'instant, de la part du comité d'évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté que vous évoquez, que de ce que j'appellerai un rapport d'étape. Ce comité fait d'ailleurs part des difficultés qu'il a rencontrées du fait notamment du « manque de données » et d'indicateurs mis à sa disposition par France Stratégie.
J'appelle aussi votre attention sur le fait que siègent à ce comité trois présidents d'associations de lutte contre la pauvreté qui ont une certaine orientation, disons-le. Nous l'avons voulu ainsi et nous devons le prendre comme tel. Le travail que vous mentionnez n'est ainsi que l'une des évaluations de la stratégie de lutte contre la pauvreté et ses effets ; il en existe d'autres. Je pense notamment à la publication de l'INSEE, en date du mois de novembre 2020, qui souligne qu'en 2019, le taux de pauvreté a diminué de 0,3 point par rapport à 2018 et que le revenu courant des ménages a nettement augmenté, soit une progression de 3,2 %, après une hausse de 2,7 % en 2018. Il s'agit donc d'une augmentation nette, soutenue tant par la baisse des prélèvements sociaux et fiscaux, que par le dynamisme des salaires et des prestations sociales.
J'évoquerai également l'étude de la DREES – direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé –, qui met en évidence l'impact positif des transferts publics, notamment celui des prestations sociales et des allocations familiales, sur les variations annuelles de niveau de vie des plus précaires. Les transferts publics ont amorti en moyenne 70 % des variations annuelles de niveau de vie des personnes d'âge actif entre 2011 et 2016.
Par ailleurs, la survenue de la crise sanitaire a fortement ralenti le déploiement de certaines mesures, comme le petit-déjeuner à l'école ou la tarification sociale dans les cantines. Elles vont retrouver, le Gouvernement s'y engage, leur trajectoire antérieure. D'autres mesures s'appliquent déjà : la complémentaire santé solidaire, la réforme « 100 % santé ».
Enfin, vous conviendrez qu'il est difficile de lutter contre la pauvreté en un an ! Il faudra des années pour que notre action produise tous ses effets, d'autant que nous agissons à la racine, dès le plus jeune âge.
Nous débattons ce soir de l'action de l'État à l'égard des plus précaires durant la crise sanitaire. Je ne suis pas très satisfait de la réponse que vous venez d'apporter à M. Falorni, et je vous demande à mon tour : qu'avez-vous fait, et qu'allez-vous faire, qui soit enfin à la hauteur de la crise sociale dramatique que nous vivons, à la hauteur des 300 000 emplois détruits en un an ?
Tout au long de l'année, on a fermé les bars, les restaurants, les boîtes de nuit, les lieux de culture ; cela peut s'entendre, même si je crois que l'on aurait pu faire autrement. C'était là une question sanitaire. Mais qu'avez-vous fait pour protéger tous ceux qui font vivre ces lieux pour nous toutes et tous ?
Qu'avez-vous fait pour les étudiants en galère qui y trouvaient souvent leurs petits boulots ? Vous n'avez pas même consenti la pauvre petite ouverture en faveur du RSA jeunes que nous avons proposée. Et ne me parlez pas des aides cosmétiques que vous avez imaginées, aides alimentaires ou aides au retour à l'emploi, alors qu'il n'y a plus d'emploi !
Qu'avez-vous fait pour les centaines de milliers d'intérimaires et d'extras dont les revenus dépendent de ces établissements ? Laissés sur le carreau, ils n'ont même pas eu d'année blanche, comme les intermittents, alors que la mesure serait si simple à mettre en place.
Pire encore, vous vous obstinez à maintenir la réforme des allocations chômage, mettant ainsi en place une pure et simple trappe à précarité.
Au moment où tout le pays est à l'arrêt sous vos claquements de doigts, où le Secours populaire enregistre une augmentation de 45 % de ses files d'attente, vous expliquez aux plus précaires et aux chômeurs qu'ils sont coupables de leur chômage, de leur misère et de leur crise ; et 800 000 d'entre eux vont perdre de l'argent, parfois des sommes considérables.
Vous ne semblez même pas décidés à prolonger la trêve hivernale, alors que les plus fragiles d'entre nous ont vu cette année cauchemardesque les pousser vers le précipice. Vous venez de citer des taux de pauvreté pour 2018 et 2019 dont vous êtes apparemment fière ; je crains que les chiffres pour 2020 et 2021 ne soient vraiment pas les mêmes.
Au moment où les plus riches ont vu leur fortune augmenter de 439 % en dix ans – c'est un record du monde, soit deux fois plus que les autres pays –, vous refusez de les taxer. Qu'allez-vous faire pour éviter d'ajouter de nouveaux drames sociaux, donc humains, à la catastrophe que nous vivons ?
Je ne me sens pas concernée par le ton que vous employez pour me parler ; dans la vie, voyez-vous, il y a ce que l'on dit et ce que l'on fait. Pour ma part, j'ai toujours fait. Je ne me sens donc pas visée du tout par votre discours vraiment caricatural, permettez-moi de vous le dire.
Le principe de solidarité a guidé l'action de ce Gouvernement, ne vous en déplaise, tout au long de la crise sanitaire. Solidarité entre les générations, d'abord : en confinant la population à deux reprises, en prenant des mesures sanitaires parfois très restrictives, vous l'avez rappelé, le Gouvernement a fait le choix de protéger les plus vulnérables des Français, c'est-à-dire les plus âgés et ceux qui présentent des comorbidités, ceux dont le risque de développer la maladie était très important.
Nous protégeons également les plus jeunes, que la crise a parfois fait basculer dans la précarité. Le Gouvernement a mobilisé des moyens inédits, même si vous dites le contraire : des aides exceptionnelles ont été versées aux jeunes en difficulté. Tous les étudiants, boursiers ou non boursiers, ont eu accès à deux repas par jour au tarif de 1 euro dans les restaurants universitaires – vous dites que c'est faux, je vous affirme, moi, que cela existe.
Le plan de relance, ainsi que le plan « 1 jeune, 1 solution » doté de quelque 7 milliards d'euros, devront permettre d'améliorer l'accès à l'emploi des jeunes qui rencontrent des difficultés pour s'insérer. L'emploi demeure le moyen le plus efficace de prévenir le basculement dans la pauvreté.
Nous soutenons également les plus précaires, la précarité augmentant sensiblement les risques de développer des formes graves de la maladie. Des soutiens directs pour près de 3,5 milliards d'euros ont été versés sous des formes diverses : aides financières, aides alimentaires, hébergements d'urgence, soutien aux associations qui œuvrent contre la précarité. Il ne s'agit pas d'être fier, monsieur le député, mais de faire ! Je souligne aussi que des millions de masques ont été fournis aux plus précaires et aux associations qui les accompagnent.
Enfin, nous soutenons les entreprises, les commerçants, les indépendants, qui ont fortement pâti de la crise sanitaire. Un plan massif de sauvegarde de l'emploi, pour près de 40 milliards d'euros, a été mis en place, ainsi que des mesures d'activité partielle et des mesures de protection pour les entreprises, et pour des millions de travailleurs.
La crise du covid a agi comme un catalyseur des inégalités : les plus fragiles sont devenus encore plus fragiles, et les territoires qui étaient déjà en difficulté le sont un peu plus encore. Ainsi, mon département, la Seine-Saint-Denis, est celui qui paie le plus lourd tribut social et sanitaire à la crise.
Cette fragilisation des familles ne fait malheureusement que commencer. Mais à peine entrevoit-on la fin du tunnel – je le dis avec d'infinies précautions –, à peine reprend-on un peu espoir, que vous remettez le cap sur des mesures d'affaiblissement, sinon d'amputation, des amortisseurs sociaux dont nous avons pourtant mesuré combien ils étaient indispensables.
Nous souhaitons très vivement que vous ne cédiez pas à ces vieux réflexes. Changez de logiciel, réinventez-vous comme d'autres le font jusqu'aux États-Unis !
Ainsi, vous auriez pu répondre à notre demande d'abandonner définitivement la réforme de l'assurance chômage ; vous auriez pu accepter la proposition, formulée sur différents bancs, d'instaurer un RSA pour les moins de 25 ans, qui souffrent particulièrement de cette crise ; vous auriez pu accepter notre proposition d'annulation des frais bancaires pour les ménages les plus défavorisés – je pense notamment aux découverts, qui rapportent chaque année 6,5 milliards d'euros aux banques.
Nous espérons tous que la crise du covid sera enfin surmontée dans les prochains mois ; mais la quatrième vague déferle déjà : c'est celle de la misère.
Au moment où nous allons examiner un projet de loi tendant à prolonger l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 31 octobre prochain, entendez-vous prolonger jusqu'à cette même date la trêve hivernale des expulsions locatives, afin que les ménages les plus en difficulté ne subissent pas une double peine et qu'ils puissent bénéficier de toutes les aides qui pourront les soutenir, au lieu d'être mis à la rue ?
Vous avez posé beaucoup de questions : vous avez parlé de votre département, du RSA jeunes, de la réforme de l'assurance chômage, puis de la trêve hivernale. C'est sur cette dernière que je vous répondrai, puisqu'elle concluait votre propos.
Nous avons prolongé la trêve hivernale l'an dernier, vous le savez, jusqu'au 31 juillet 2020, afin de protéger les plus vulnérables. Nous avons également demandé aux préfets de privilégier la prévention et de limiter les concours de la force publique pour les opérations d'exécution. Au mois de février dernier, nous avons étendu la période de protection pour les occupants menacés d'expulsion jusqu'au 31 mai.
Toutefois, vous en conviendrez, ces dispositifs dérogatoires ne peuvent se substituer de manière pérenne au cadre législatif et constitutionnel des rapports locatifs et du droit de propriété. C'est pourquoi le Gouvernement a défini les étapes d'une transition progressive de l'état d'urgence vers une reprise de l'application des procédures d'expulsion locative durant l'année 2021.
Si une expulsion devait avoir lieu, elle devra impérativement être assortie d'une proposition de relogement. L'État s'engage par ailleurs à indemniser rapidement tous les propriétaires affectés pour les sommes légalement éligibles, grâce au fonds d'indemnisation des bailleurs, qui sera abondé de 20 millions d'euros.
Concernant les minima sociaux, le Gouvernement a conduit tout au long du quinquennat des politiques visant à soutenir les ménages les plus exposés à la précarité. Certaines prestations sociales ont été massivement revalorisées ; je pense à l'allocation aux adultes handicapés (AAH), au minimum vieillesse, à la prime d'activité surtout. Le Gouvernement a déployé des moyens inédits pour soutenir les plus précaires. Une nouvelle revalorisation des minima sociaux n'est donc pas souhaitable pour l'instant.
« Chaque fois que l'on refuse 1 milliard d'euros pour la pauvreté, c'est 10 milliards que l'on prépare pour les tribunaux, les prisons, les asiles de fous. » Cette phrase de l'abbé Pierre, vous la connaissez certainement, et elle résonne d'autant plus intensément après plus d'un an de crise sanitaire, économique et sociale.
La pauvreté explose dans nos quartiers, dans nos territoires. Elle frappe de plein fouet et en priorité les plus fragiles ; les plus vulnérables rencontrent des difficultés spécifiques.
Des dispositifs d'insertion et de sauvegarde de l'emploi ont été instaurés, et ils sont nécessaires, mais ils sont très largement insuffisants. Contrairement à l'idée dépassée que le Gouvernement s'entête à véhiculer, et que vous venez d'énoncer à nouveau, l'activité ne saurait être l'unique remède à la pauvreté. Arrêtons de nous voiler la face : il n'y aura pas de travail pour chacun dans les mois qui viennent.
Selon les chiffres les plus récents, 35 % des 18-24 ans sont aujourd'hui en recherche d'emploi – une hausse de cinq points par rapport à l'an dernier ; c'est aussi le cas de 15 % des 25-29 ans – une hausse de huit points.
La priorité est donc de protéger. Un changement radical de paradigme est indispensable : le problème est profond, et d'ordre idéologique, quand un gouvernement persiste à refuser le principe même d'une hausse du RSA comme son ouverture aux jeunes et perpétue le fantasme de l'assistanat alors que plus de 8 millions de Français vivent dans la précarité alimentaire.
Oui, les aides sociales coûtent un « pognon de dingue », mais on trouve bien des milliards pour les grandes entreprises, qui nous en récompensent bien souvent, trop souvent, par l'évasion fiscale et le dumping social. C'est la cohésion de notre société qui est en jeu ; la misère est le terreau de la violence et de l'exclusion, et les difficultés se concentrent dans les ghettos que nous avons laissés se créer et se refermer sur eux-mêmes.
Le premier séparatisme en France est bien social. C'est donc en priorité par un plan de relance que nous pouvons le combattre, en dégageant des moyens pour le logement, la mixité sociale, la jeunesse.
Mais vous qui connaissez bien le travail social, madame la ministre déléguée, vous qui savez la détresse de ces travailleurs sociaux qui cherchent des solutions alors qu'ils n'ont pas de logements à proposer, vous qui savez que ces jeunes qui ne peuvent même plus rendre visite à leurs grands-parents en EHPAD ont la boule au ventre quand ils pensent à leur avenir, quelle proposition structurante allez-vous faire ? Allez-vous enfin vous décider à augmenter le RSA et à l'ouvrir aux jeunes dès 18 ans ? Cette solution permettrait de résoudre l'essentiel des problèmes que je viens d'évoquer.
Je suis membre d'un Gouvernement qui sait ce que la solidarité veut dire, contrairement à ce que vous avez l'air d'affirmer.
Notre ligne de conduite, c'est de protéger tous les Français dans la crise, quoi qu'il en coûte. Fidèles à nos promesses, nous avons augmenté les minima sociaux, comme l'AAH et le minimum vieillesse ; je l'ai rappelé à plusieurs reprises.
Lutter contre la pauvreté, c'est définir une stratégie structurelle de réduction des inégalités dès l'enfance ; il ne s'agit pas de mettre chaque année un pansement sur une plaie. Nous déployons cette stratégie depuis 2018. Nous l'avons dotée de 8,5 milliards d'euros. Ses résultats devront évidemment être évalués à l'échelle d'une génération. La lutte contre la pauvreté est un effort de longue haleine.
Le Gouvernement s'est également mobilisé, dans l'urgence de la crise, pour répondre aux besoins des plus précaires : des soutiens directs, pour 3,5 milliards d'euros, leur ont été alloués. Nous continuerons de répondre aux besoins des Françaises et des Français.
Vous appelez de vos vœux un RSA jeunes. À notre sens, ce n'est pas en permettant aux jeunes de 18 à 25 ans d'avoir accès au RSA que vous lutterez efficacement contre la pauvreté des jeunes, mais en créant les conditions d'une meilleure insertion sociale et professionnelle. Vous partagiez cette philosophie, autrefois.
Le Gouvernement a donc engagé une réforme profonde des politiques d'insertion ; nous nous sommes fixé pour objectif la création d'un véritable service public d'insertion, dont l'État sera le garant.
Nous lutterons aussi contre la pauvreté des jeunes en favorisant un meilleur accès à la garantie jeunes, qui assure ce même niveau de revenus mais en l'assortissant d'un accompagnement social.
Le plan de relance et le plan « 1 jeune, 1 solution » ont permis le renforcement de l'accès à l'emploi des jeunes qui rencontrent des difficultés pour s'insérer, autour de trois axes : favoriser l'entrée dans la vie professionnelle ; orienter et former 200 000 jeunes ; accompagner les jeunes éloignés de l'emploi en construisant 300 000 parcours d'insertion sur mesure.
Vous le voyez, nous luttons, à notre façon.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
L'ordre du jour appelle le débat sur la situation des entreprises touchées par la crise de la covid-19.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement, et nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
La parole est à M. Nicolas Forissier.
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour débattre d'un sujet fondamental : la situation de nos entreprises qui, depuis maintenant près de quatorze mois, font face à un contexte économique très difficile en raison de l'épidémie de covid-19. Si les aides du Gouvernement ont jusqu'à maintenant fait montre d'une certaine efficacité – je tiens à le dire – en permettant à beaucoup d'entreprises d'encaisser le choc de la crise, on remarque cependant que certains secteurs sont malheureusement bien plus affectés que d'autres, à l'instar du transport et du tourisme. Les PME, elles aussi, qui sont nos pourvoyeuses d'emplois,…
…sont très inquiètes et subissent durement les conséquences de la crise sanitaire.
Malgré un soutien très important de la part de l'État, le taux d'insolvabilité des entreprises demeure encore trop élevé. On constate même, ces derniers temps, des évolutions particulièrement inquiétantes dans ce domaine, alors que les défaillances d'entreprises se sont maintenues à un niveau exceptionnellement bas au premier trimestre 2021. Leur nombre est en effet apparu en recul d'environ 32 % par rapport au premier trimestre 2020, ce qui se comprend : elles étaient, pour beaucoup d'entre elles, sous perfusion. Cela étant, le mois de mars 2021 a été marqué par une explosion du nombre de défaillances : 79 % des jugements se sont en effet soldés par une liquidation directe de l'entreprise concernée – un niveau jamais atteint depuis vingt ans.
Monsieur le ministre délégué, si les difficultés se multiplient dès à présent pour nombre de nos entreprises, combien seront menacées par un risque de faillite au sortir de la crise sanitaire ?
De nombreux entrepreneurs risquent en effet de se retrouver devant une situation insurmontable lorsque l'inéluctable extinction des aides aura lieu.
C'est vrai de beaucoup de commerçants, de salariés et de responsables de TPE, de PME et parfois d'ETI – entreprises de taille intermédiaire –, ou encore de restaurateurs et d'hôteliers, qui se trouvent dans une situation très difficile. Une vague de faillites est à craindre. Dans un tel contexte, il me semble impératif d'assouplir les différents mécanismes de soutien proposés à nos entreprises, en allongeant par exemple la durée d'amortissement des PGE – prêts garantis par l'État – de cinq à dix ans.
Aujourd'hui, il faut aller plus loin, monsieur le ministre délégué, et ne pas se contenter du renforcement des dispositifs d'aide accordés par l'État. Une simple mise sous perfusion, même sur un temps long, ne saurait conduire à une guérison définitive. Il faut oser ! Il faut oser redéfinir les relations entre l'État et les entreprises ; oser définir une véritable stratégie industrielle ; oser repenser en profondeur la dynamique entrepreneuriale dans notre pays ; oser renouer avec un véritable esprit de conquête et d'innovation qui, seul, permettra de redresser notre économie et de la faire rayonner dans le monde.
Pour ce faire, il nous faut en premier lieu faire confiance aux entrepreneurs, et je prendrai à cet égard deux exemples très récents. En effet, certaines de nos filières industrielles très importantes se trouvent actuellement en grande difficulté. Je pense aux fonderies sous-traitantes de nos constructeurs automobiles, qui font l'objet de PSE – plans de sauvegarde de l'emploi. C'est le cas de l'entreprise Alvance Aluminium Wheels, située près de Châteauroux, où 300 emplois sont menacés après des années de difficulté. Pourquoi ? Parce que les constructeurs commandent à l'étranger plutôt qu'en France, et ce pour des différences de prix très limitées.
Deuxième exemple : j'ai reçu tout à l'heure, avec notre collègue Stéphanie Kerbarh, des entrepreneurs implantés dans tout le pays, produisant uniquement en France, qui ont développé une plateforme de solutions pour accompagner la sortie de crise. Ils visent à proposer des produits nous permettant de lutter contre le covid-19 et les autres virus, mais sans avoir encore obtenu une véritable réponse de la part de l'État, ce qui donne le sentiment d'une véritable inertie bureaucratique. J'appelle donc votre attention, monsieur le ministre délégué, et je vous recontacterai sur ce point, car ces entrepreneurs inventent et produisent en France et ont simplement besoin d'être écoutés au plus haut niveau de l'État.
La crise sanitaire a mis en lumière notre dépendance par rapport à l'étranger – je ne reparlerai pas des masques ou des médicaments. J'insiste sur la nécessité de prendre des décisions audacieuses et de produire en France, ce qui nécessite avant tout de restaurer la compétitivité des entreprises en réduisant massivement les impôts de production,…
…lesquels sont en réalité des impôts contre la production. Rappelons que s'agissant du secteur industriel, ces impôts sont six fois plus élevés en France qu'ils ne le sont en Allemagne.
En second lieu, nous devons recréer un environnement favorable à l'émergence de champions français. Cela suppose de clarifier et d'inscrire dans la durée les transmissions familiales de PME et d'ETI, question majeure qui n'est toujours pas réglée dans notre pays. En France, le taux de transmission intrafamiliale s'élève en effet à 17 %, contre 56 % en Allemagne et 69 % en Italie.
Je conclus ce propos introductif en rappelant qu'au-delà de ce que nous pouvons attendre de la croissance, selon le discours du Gouvernement, notre action doit s'appuyer sur une maîtrise de nos dépenses publiques. Cela imposera de mener des réformes courageuses, comme celle de notre système de retraite. La France est le pays de l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques – où le nombre d'heures travaillées par habitant est le plus faible, avec une moyenne de 630 heures par an, contre 722 en Allemagne, et ce en raison des trente-cinq heures ainsi que de l'âge de départ à la retraite. Le Gouvernement et nous tous, collectivement, devons donc prendre rapidement des décisions majeures afin que la sortie de crise des entreprises ne se résume pas à une poursuite de la perfusion, qui ne pourra être éternelle, autrement dit, afin d'éviter de très graves difficultés.
Je lance donc quelques pistes en introduction de ce débat et un appel : osez, allez bien au-delà des mesures d'accompagnement, et restructurez en profondeur l'environnement des entreprises, s'agissant en particulier de la transmission intrafamiliale, de la structuration des filières industrielles et du soutien aux entreprises clés pour les territoires ! Monsieur le ministre délégué, nous attendons des réponses qui aillent plus loin que des mots et qui se traduisent en actes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il n'est plus tout à fait utile de rappeler que la crise sanitaire a engendré une crise économique d'une ampleur inédite depuis celle de 1929. Dans un premier temps, l'activité économique s'est réduite au strict minimum, et ce aux quatre coins du globe. Puis l'épidémie a évolué différemment selon les pays. Les mesures de restriction n'ont pas été partout les mêmes, tout comme les mesures de soutien apportées par les pouvoirs publics. De ce point de vue, la réponse du Gouvernement a été rapide, massive et efficace. Il faut savoir le reconnaître et le valoriser, alors que les critiques, parfois justifiées, sur le fonctionnement de l'État pleuvent. Grâce à l'élaboration d'outils efficaces et sans cesse adaptés aux contraintes rencontrées sur le terrain, le pouvoir d'achat des Français a été préservé et les faillites d'entreprises contenues.
Cela étant, il est très difficile, voire impossible, d'aborder la situation des entreprises touchées par la crise de manière homogène. En effet, la crise n'a pas frappé tous les secteurs de l'économie de la même façon. Ainsi l'industrie connaît-elle un rebond bien plus rapide que les services, encore tributaires de l'évolution de la situation sanitaire. De plus, au sein même de chaque secteur, les situations doivent s'apprécier au cas par cas et région par région.
À ce titre, et parce qu'elle est une plaque tournante majeure à l'international, l'économie francilienne, plus que toute autre, a été particulièrement frappée par la pandémie. Parce que la France est la première destination touristique mondiale et la seconde destination des investissements étrangers en Europe, les conséquences de la pandémie sur des secteurs tels que le tourisme, la culture, l'événementiel, l'hôtellerie-restauration et l'industrie aéronautique – rappelons que l'Île-de-France est la première région aéronautique d'Europe – sont dramatiques. J'ai également une pensée pour les professionnels du monde de la nuit, car la situation sanitaire ne devrait pas permettre une réouverture rapide des discothèques.
A contrario, les secteurs du numérique, de l'information et de la communication ont su résister et parfois tirer leur épingle du jeu.
Une autre difficulté dans l'analyse de la situation des entreprises tient à l'impossibilité d'obtenir une photographie précise de la situation financière de chacune d'entre elles. Les données dont nous disposons pour le moment s'apprécient au niveau macroéconomique. En moyenne, sur l'année 2020, le taux de marge des sociétés non financières a chuté de quatre points, dont deux points directement imputables à la crise. Le taux de marge s'est ainsi établi à 29,3 % en 2020, ce qui représente le niveau le plus bas depuis 1985.
La dette nette des sociétés non financière a quant à elle augmenté de seulement 17 milliards d'euros en 2020. Cela s'explique principalement par les 132 milliards d'euros de PGE distribués, qui ont permis de consolider la trésorerie des entreprises, autant qu'ils ont accentué leur endettement brut. Il y a fort à parier que cet excès d'endettement pourrait pénaliser l'investissement, pourtant essentiel à la reprise. À cet égard, toute la difficulté est de savoir si ce sont les mêmes entreprises qui ont renforcé leur trésorerie et accru leur endettement dans la même proportion. Je sais que la Banque de France et l'INSEE mènent des travaux pour estimer à un niveau plus microéconomique la répartition des dettes et de la trésorerie, ce qui nous sera très utile.
Quoi qu'il en soit, le soutien aux entreprises ne doit pas s'arrêter d'un coup sec, car leur situation est encore très fragile et elle le sera encore pendant de nombreux mois, voire des années. Les soutiens devront donc se poursuivre dans le temps, pour tenir compte d'un rétablissement qui ne pourra malheureusement être que graduel.
Le calendrier clair des réouvertures progressives des bars, restaurants, lieux de culture, commerces et infrastructures sportives est à saluer. Il permet de donner de la visibilité aux entreprises, qui pourront ainsi enfin anticiper. Toutefois, désendettement et sortie progressive des aides constituent évidemment les deux défis majeurs à court terme pour permettre aux entreprises de sortir au mieux de la crise.
Vous pourrez compter, monsieur le ministre délégué, sur les députés du groupe Agir ensemble pour vous aider à relever ces défis. Je pense notamment au premier projet de loi de finances rectificative pour 2021, qui devrait être examiné début juillet, pour lequel nous aurons des propositions concrètes à vous faire.
Ce débat, proposé par nos collègues du groupe Les Républicains, est très important, car nous constatons que la crise ne frappe pas l'ensemble des secteurs économiques de manière uniforme. Alors que certains sont touchés de plein fouet et demeurent à l'arrêt, d'autres commencent à rebondir, et progressent parfois plus rapidement qu'avant la crise.
L'étude annuelle « Besoins en main-d'œuvre », publiée ce jour, réalisée par Pôle emploi en collaboration avec le CRÉDOC – Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie –, indique que les services, l'agriculture et la construction devraient se remettre à recruter dès la fin de la crise, tandis que l'industrie et la restauration resteraient sinistrées. À cela s'ajoute un effet taille : les plus petites entreprises embaucheraient proportionnellement plus que les plus grandes.
Les macroéconomistes, après avoir évoqué une courbe en forme de V puis de racine carrée, pour décrire la reprise, parlent maintenant du K, avec des secteurs qui repartent tandis que d'autres continuent de chuter. Cette approche sectorielle est insuffisamment prise en considération dans le plan de relance du Gouvernement. Si les règles de l'Union européenne ne permettent pas de privilégier un secteur par rapport à un autre pour l'octroi des aides d'État – elles permettent seulement de privilégier les entreprises selon leur taille –, rien n'empêche le Gouvernement de le faire en construisant un plan de relance, or cette stratégie est absente du premier plan que vous avez proposé. Cela risque de susciter un retard préjudiciable à la reprise, notamment dans l'industrie.
Tout d'abord, il me semble que le plan souffre d'un défaut de ciblage, ce qui affaiblit à la fois son efficacité et sa lisibilité. Il comprend plus de 113 actions englobant des sujets extrêmement divers, qui vont du soutien au développement de la filière hydrogène – c'est sans doute le volet plus structuré – à la plantation de 7 000 kilomètres de haies ; les haies, c'est très bien, mais je doute de leur effet d'entraînement.
Le plan manque également d'actions réalisées de A à Z. À ce titre, l'exemple des bornes de recharge électrique est très éloquent : vous prévoyez, non pas un financement intégral, mais un accompagnement de 205 millions d'euros pour 2021, quand l'Allemagne met 3 milliards sur la table, c'est-à-dire quinze fois plus, pour financer un million de bornes de recharge électriques en concertation avec l'industrie automobile.
Ensuite, il me semble que le plan n'affiche pas suffisamment d'actions en lien avec la souveraineté industrielle de la France et de l'Europe, contrairement au plan décliné aux États-Unis, par exemple.
Enfin, le plan manque d'effet d'entraînement. À mon sens, la relance doit être conçue comme la capacité de l'État à créer un effet d'entraînement pour toute l'économie et les acteurs du secteur privé. J'ai effectué, dans Chorus, un pointage des 23 milliards d'euros de crédits du plan de relance pour 2021, une fois retranchés les fonds provenant de la Caisse des dépôts et consignations, et j'ai trouvé que seuls 10 milliards sur 23 financent des actions susceptibles de concourir à un effet d'entraînement.
Au-delà des montants eux-mêmes, il est impératif de définir quelles infrastructures industrielles conditionnent le maintien de notre industrie en France. Par exemple, rien dans le plan de relance n'est prévu pour financer des puits de carbone. Or le port de Rotterdam le fait, et le Texas, qui compte de nombreuses raffineries, s'y met aussi en se disant qu'en captant le carbone, il est possible de maintenir une industrie. Nous savons que les normes seront de plus en plus exigeantes en matière d'écologie, et c'est bien normal, mais il faut s'y préparer, c'est-à-dire s'organiser, notamment pour les ports français. Je prends cet exemple, mais il y en aurait bien d'autres.
Les médias bien informés indiquent que le Gouvernement réfléchirait à un second plan. Le haut-commissaire évoque des montants, mais il ne mentionne jamais d'objectifs, ni ce qu'il espère de ces plans en termes de résultats. Je pense que c'est une erreur. Tout cela signifie qu'il ne sait pas trop où il va.
Enfin, au-delà des objectifs et des montants, il y a une exigence territoriale. Pour l'instant, l'allocation du plan répond à la règle : premier arrivé, premier servi. Si l'on regarde le tableau de bord du ministère de l'économie, des finances et de la relance, qui est très instructif, on constate de fortes disparités qui ne s'expliquent pas uniquement par la taille des départements.
Par exemple, dans certains départements, seuls un ou deux projets industriels sont soutenus par l'État, quand d'autres en ont près de cinquante. Cinquante projets sont ainsi soutenus en Haute-Garonne et quarante-cinq en Loire-Atlantique, mais seulement deux dans le Tarn-et-Garonne. Le Tarn-et-Garonne n'est pas vingt-cinq fois plus petit que la Haute-Garonne ! De même, certains départements comptaient plus de mille créations d'emplois aidés au 22 avril 2021, quand d'autres en avaient moins de cent. Ces disparités contribueront à accentuer la compétition entre territoires. Je suis de celles et ceux qui pensent qu'il serait plus judicieux d'organiser les choses, c'est-à-dire d'identifier des filières par territoire afin de permettre à chacun d'avancer selon ses atouts.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
L'ampleur de la crise sanitaire est inédite dans l'ensemble du monde, avec un recul de l'activité mondiale de 3,4 % sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Le recul du PIB français est de 8,2 %, le plus fort jamais enregistré depuis la création de cet indicateur en 1946 par l'INSEE. Depuis le début de la crise sanitaire, l'État s'est pleinement mobilisé afin de répondre à l'urgence sanitaire, économique et sociale. Les mesures prises par le Gouvernement sont massives, je pense par exemple au fonds de solidarité, aux prêts garantis par l'État et au dispositif d'activité partielle. Au fur et à mesure, l'État n'a cessé d'améliorer les aides économiques en fonction de l'évolution de la crise sanitaire et des remontées de terrain.
Une note récente de la Banque de France présente l'impact de la crise sur la situation financière des entreprises et des ménages en 2020. Elle constate que la crise a eu un impact massif, mais très hétérogène, sur la santé financière des entreprises. La dette nette des sociétés non financières est très légèrement en augmentation, de 17 milliards d'euros en 2020 ; en revanche, la dette brute augmente de 217 milliards d'euros, et la trésorerie de 200 milliards, en raison des PGE et des dépôts bancaires.
Le rapport d'étape du comité de suivi de la mise en œuvre et de l'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l'épidémie de covid-19, présidé par Benoît Cœuré, qui a été présenté le 21 avril 2021, indique que, s'il est « trop tôt pour disposer d'évaluations causales sur l'impact des mesures d'urgence [sur la santé financière des entreprises], nous disposons d'ores et déjà d'éléments […] allant dans le sens d'un effet massif des dispositifs sur l'économie française […]. » Premièrement, les défaillances d'entreprises ont fortement diminué en 2020 : elles sont en recul de 38 %, soit 31 000 défaillances contre 51 000 un an plus tôt. Cette tendance reste d'actualité au premier trimestre 2021. Les mesures d'urgence prises par l'État ont permis de réduire le nombre d'entreprises insolvables ou défaillantes. En 2020, le nombre total d'entreprises créées est en hausse de 4 % par rapport à l'année 2019.
Par ailleurs, le rapport d'étape du comité Cœuré présente une étude visant à quantifier l'impact des mesures de soutien sur la situation financière des entreprises. Cette étude montre une limitation de l'augmentation de la part des entreprises insolvables. Cette part augmente de 3 points, lorsqu'existent des mesures de soutien, contre 8 points sans soutien. De même, la part des entreprises en situation d'illiquidité augmente de 8,4 points en cas de mesures de soutien, contre 12 points sans soutien. Nous commençons à enregistrer les résultats des aides apportées aux entreprises par l'État.
Le Gouvernement souhaite désormais élaborer avec les partenaires sociaux une méthode pour fixer des scénarios de levée des restrictions sanitaires et trouver le bon dosage pour établir un calendrier de débranchement progressif des aides. Après avoir répondu à l'urgence, nous nous tournons vers la relance du pays, afin de redresser rapidement et durablement l'économie française. Un plan de relance exceptionnel de 100 milliards d'euros est déployé par le Gouvernement autour de trois volets principaux : l'écologie, la compétitivité et la cohésion.
Ce plan de relance représente la feuille de route pour la refondation économique, sociale et écologique de notre pays. Je suis pleinement conscient et convaincu qu'il s'agit d'un tournant décisif, et je me félicite que les mesures adoptées aient permis aux entreprises de se maintenir. Néanmoins, j'appelle le Gouvernement à faire preuve d'une vigilance extrême et indispensable concernant la levée des aides aux entreprises durant la période de sortie de crise qui arrive. Une levée trop brutale des aides serait dévastatrice et annulerait l'effet bénéfique du soutien apporté par l'État.
Je souhaite aborder le cas des entreprises touristiques, qui ont été particulièrement touchées par la crise. Plus de 320 000 emplois ont été détruits en France en 2020 dans le secteur privé, selon l'INSEE. Du côté des services, le tourisme a particulièrement souffert ces douze derniers mois. La France a perdu 89 milliards d'euros de recettes touristiques en 2020 par rapport au niveau de 2019, selon un bilan établi par Atout France.
Les zones les plus touchées sont les zones de montagne – Mme la présidente ne me contredira pas – où la fermeture des remontées mécaniques cet hiver a mis en péril, plus qu'ailleurs, l'économie locale. Le Gouvernement a réagi par un dispositif de soutien spécifique aux territoires de montagne et l'urgence a été traitée avec les aides. Nous nous concentrons désormais sur l'économie de la montagne à long terme. Ces enjeux seront abordés dans le plan montagne, qui sera présenté prochainement par le Premier ministre.
Une question reste en suspens : à moyen terme, de quelle manière les activités saisonnières ayant une faible trésorerie en raison de la crise pourront-elles ensuite saisir les possibilités de renforcer leur investissement et d'innover ? Plus généralement, je souhaiterais connaître quel accompagnement est prévu à court terme pour les entreprises lors de la levée des aides.
M. Christophe Blanchet applaudit.
Enfin, les patrons des petites et moyennes entreprises françaises semblent apercevoir le bout du tunnel : Les perspectives d'activité économique s'améliorent pour la majorité d'entre elles, mais pas pour toutes. Pour beaucoup, les tensions sur la trésorerie sont moins fortes en raison des mesures gouvernementales de soutien massif mais, on le sait, beaucoup resteront encore au bord de la route. Une bonne nouvelle, toutefois : selon l'enquête Bpifrance de février dernier, 55 % des dirigeants de PME comptent investir cette année, un niveau identique à celui observé un an plus tôt, alors qu'ils n'étaient que 41 % à la fin de l'an passé. C'est tant mieux.
Dans une autre étude publiée en février dernier, les économistes de l'assureur Allianz considéraient que, toutes entreprises confondues, les sociétés françaises étaient celles d'Europe qui disposaient de la trésorerie la plus importante. C'est très bien, et nous pouvons nous en féliciter. Mais cette situation cache un nombre important d'entreprises qui souffrent toujours. Car, à y regarder de plus près, la situation est très contrastée selon les PME en fonction de leur secteur d'activité.
Alertée par la Fédération française du bâtiment de l'Oise, je prendrai pour exemple le secteur du bâtiment qui, bien qu'il ait connu une chute d'activité violente de l'ordre de 15 % en 2020, a tenu grâce aux mesures de soutien public rapidement décidées. Maintenant, le secteur a moins besoin de l'argent de l'État que d'un État qui le protège. En effet, il est actuellement gravement fragilisé par une hausse importante du prix des matériaux allant jusqu'à 50 % sur l'acier, le cuivre, le bois, la peinture ou le PVC. Cette hausse s'explique notamment par la reprise économique internationale et par les décisions politiques de certains pays, comme les États-Unis ou la Chine, lesquels s'approvisionnent massivement en Europe. Le mouvement gagne plus récemment les plastiques, le polyuréthane et le polystyrène, mais aussi des équipements plus techniques dotés de puces électroniques et autres composants en silicium.
À la hausse des prix s'ajoutent désormais des ruptures durables d'approvisionnement de ces matériaux, qui vont allonger les délais de réalisation et de livraison des chantiers. Ainsi, bien plus tardif et non anticipable, le choc de la pandémie se manifeste maintenant par de réelles complications pour les entreprises concernées, lesquelles rencontrent des difficultés concrètes à chiffrer des opérations, faute de visibilité sur les délais de livraison et les prix à appliquer. De surcroît, la plupart des marchés en cours sont signés à prix fermes, non actualisables ni révisables, et prévoient des pénalités de retard. Les entreprises supporteront ainsi la hausse exponentielle du coût des matériaux sur des marges déjà faibles, avec la double peine des pénalités de retard.
Monsieur le ministre délégué, le Gouvernement demandera-t-il aux donneurs d'ordres publics et privés de rester ouverts aux demandes de négociation des entreprises du bâtiment, afin de permettre des recalages de planning sans pénalités ainsi que la mise en place de clauses d'actualisation et de révision des marchés à venir ? Le Gouvernement prendra-t-il une ordonnance identique à celle du 25 mars 2020 afin de geler purement et simplement les délais dans la commande publique, et de facto les pénalités de retard, afin d'éviter une catastrophe sur le plan économique pour ces centaines de milliers d'entreprises ?
Autre exemple, il y a d'un côté, de nombreux petits commerces, qui font encore l'objet de fermeture administrative et dont le principal filet de sécurité est le fonds de solidarité, et, de l'autre, de très grandes entreprises qui ont étendu leurs activités, les confinements ayant offert à certaines d'entre elles un monopole de fait. C'est le cas des entreprises du numérique dont on a beaucoup parlé, notamment d'Amazon qui a triplé ses ventes au cours du troisième trimestre 2020 ; la grande distribution a aussi été largement favorisée – le chiffre d'affaires de Carrefour est en hausse de plus de 20 % – et on peut aussi citer les entreprises pharmaceutiques telles que Sanofi ou encore les assurances qui ont vu le taux de sinistralité se réduire en 2020.
Le responsable des affaires budgétaires du Fonds monétaire international (FMI) a préconisé récemment l'instauration d'un impôt supplémentaire sur les entreprises auxquelles la pandémie de covid-19 a profité. Monsieur le ministre délégué, afin de lutter contre l'accroissement des inégalités, envisagez-vous une contribution exceptionnelle sur les surplus de bénéfices de ces entreprises en 2020 ?
Notre débat intervient quelques jours après la présentation d'un calendrier de déconfinement. Depuis, vous avez égrené un chapelet d'annonces en direction des acteurs économiques. Le ministre Bruno Le Maire a annoncé du « sur-mesure », tenant compte de la situation de chacun. Cette annonce – a priori positive tant la crise n'a pas eu les mêmes conséquences selon les acteurs et les territoires – soulève des questions.
Après le choc brutal et profond de la crise, après les indispensables mesures de soutien, il est à l'évidence nécessaire de préparer la relance. Au-delà des mesures d'urgence, nous nous interrogeons sur la nature des dispositifs aptes à assurer la reprise, notamment pour les entreprises dont l'activité est directement liée au tourisme et dont, on le sait, la trésorerie a été asséchée. Quelle stratégie envisagez-vous pour que la destination France redevienne attractive, une fois que les flux internationaux auront repris ?
Autre sujet, la culture. Ce secteur, qui fait vivre 1,3 million de personnes, a été à l'arrêt total pendant de longs mois. Nous veillerons à ce que les mesures d'accompagnement favorisent la reprise d'activité et la réouverture progressive au public des structures culturelles.
On le sait, la réouverture des commerces ne balaiera pas les difficultés du confinement. Quelles aides prévoyez-vous pour compenser les pertes des commerçants ? Quel dispositif pour aider à écouler les stocks d'invendus ?
Par ailleurs, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre délégué, rares sont les TPE et PME à s'être engagées lors des deux premiers confinements dans une stratégie de numérisation. Quelles sont vos propositions afin d'encourager ces entreprises à se saisir des nouvelles technologies pour faire face, notamment, à la contraction de la demande ?
Dans l'industrie, le secteur pharmaceutique, la chimie et l'agroalimentaire ont retrouvé des niveaux d'activité proches de l'avant-crise ; les taux d'utilisation des capacités sont relativement élevés, et les perspectives d'activité encourageantes. En revanche, dans l'automobile, l'aérien ou la métallurgie, l'avenir reste sombre, en dépit des plans de soutien spécifiques. Les tensions commerciales et le changement climatique imposent par ailleurs à ces industries de se réinventer. Afin de les accompagner dans ces grandes mutations, le soutien public à l'investissement sera déterminant. C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires auquel j'appartiens sera particulièrement vigilant sur le déploiement du pacte vert pour l'Europe. Nous suivrons à ce propos avec attention le projet d'une taxe carbone aux frontières de l'Europe.
L'interruption des activités touristiques pose problème. Pour la seule année 2020, les recettes ont chuté en France de 34 %.
En Corse, où le tourisme est au cœur de l'économie, la contraction de la demande a eu des conséquences particulièrement dramatiques sur l'ensemble de l'activité.
J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion d'appeler l'attention du Gouvernement sur l'inadaptation des dispositifs d'accompagnement aux spécificités de petits territoires, en particulier de la Corse. Ainsi, le décret du 24 mars 2021 instituant une aide visant à compenser les coûts fixes non couverts des entreprises dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19 renvoie à une annexe les entreprises de montagne éligibles. Or, cette liste omet 75 % des communes corses et exclut les commerces qui y sont installés, alors que la Corse, dans son ensemble, est une île montagne – bel exemple d'inadaptation !
Quel paradoxe ! La Corse, territoire le plus touché par la crise, sera le territoire le moins aidé par le plan de relance. Ainsi, l'allégement de 20 milliards d'euros des impôts de production n'y aura que des effets très limités car la mesure n'est aucunement adaptée à la structure du tissu économique insulaire – 200 entreprises corses au maximum en bénéficieront, contre une moyenne de 3 000 dans les régions métropolitaines.
Cela nourrit ma conviction maintes fois répétée : seule une politique de différenciation permettra de prendre en considération ce qui fait la spécificité du tissu économique local et de mettre en œuvre une relance durable de notre économie. C'est en renforçant l'attractivité économique de territoires aujourd'hui désavantagés que nous parviendrons à encourager le développement des entreprises intermédiaires et des PME qui sont implantées. Pour cela, il est nécessaire de donner aux collectivités les moyens de mener une politique volontariste. En toute hypothèse, monsieur le ministre délégué, la Corse, territoire spécifique comme vous le savez, attend des mesures adaptées et donc efficaces d'assainissement et de relance.
Les entreprises ne se résument pas à une liste de coûts et de profits. Elles sont avant tout constituées de travailleurs qui les font vivre et sur lesquels repose toute notre économie. Ce qui affecte ces derniers a donc des répercussions macroéconomiques et atteint toute la société.
Dans une telle situation de crise, la première question à se poser est de savoir si la politique menée à l'égard des entreprises et des travailleurs a été la bonne.
On peut au moins dire – je serai modéré, vous verrez –, que la réponse a été insuffisante et même, par bien des aspects, erronée. Elle n'a pas été suffisante parce que certaines mesures, telles que le chômage partiel, contrairement à ce que vous répétez sans cesse, sont loin de faire de la France le recordman d'Europe en matière d'aides. Au contraire, selon le Conseil national de la productivité, nous sommes dans la moyenne basse des six grandes économies européennes. Nous faisons quasiment moitié moins que l'Allemagne ; nous sommes en dessous de la Grande-Bretagne et presque comparables, ou légèrement en dessous de l'Espagne et de l'Italie. C'est loin d'être un bilan glorieux.
Pour bénéficier du fonds de solidarité destiné aux petites entreprises et aux indépendants, il fallait répondre à une longue liste d'exigences. En outre, le montant était plafonné et ne correspondait pas aux besoins et à l'ampleur de la précarité nés de la crise. Ainsi, certaines entreprises devaient satisfaire des critères assez précis là où d'autres étaient dispensées de toute conditionnalité sociale ou écologique. Les entreprises, notamment celles du CAC 40, ont donc bénéficié d'un soutien de l'État, qui venait s'ajouter aux aides habituelles telles que le CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi –, par le biais du chômage partiel et d'aides sectorisées. Ces entreprises ont pu non seulement continuer à faire des bénéfices, mais aussi, pour certaines d'entre elles, organiser des plans sociaux hallucinants qui doivent tout aux restructurations capitalistes et rien à la covid-19.
Chez Total et Sanofi, malgré toutes les contributions directes et indirectes de l'État, ce sont respectivement près de 7 et 4 milliards d'euros qui ont été versés aux actionnaires. Au même moment, ces deux entreprises supprimaient chacune environ 1 000 emplois rien qu'en France – je vous fais grâce de la liste des autres entreprises qui ont procédé de la même manière ; malheureusement, vous le savez comme moi, elle serait trop longue. Dans un tel contexte, c'est une évidence que nous avons sans cesse répétée, il aurait fallu interdire les licenciements dans les entreprises faisant des bénéfices. Cela aurait au moins permis d'éviter les plans sociaux actuels.
Nombreux sont ceux qui ont perdu de manière rageante et absurde leurs emplois. Au surplus, des intérimaires, des intermittents de l'emploi, se sont retrouvés, par la force des choses, au chômage, en fin de droits, au RSA ou même sans rien du tout, parce que les entreprises qui les emploient habituellement étaient à l'arrêt forcé ou parce que leur contrat ne permettait pas de recourir au chômage partiel. D'un côté, il y a des intermittents, des précaires, auxquels vous seriez bien inspirés – c'est ce qu'ils réclament – d'accorder une année blanche ; de l'autre, il y a votre refus constant de taxer correctement les ultra-riches. Les statistiques montrent que, sur dix ans, la France détient le record du monde de l'augmentation du patrimoine des ultra-riches – 437 % de hausse, soit deux fois plus qu'en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou en Allemagne. Vous continuez cependant de refuser de taxer ces riches tandis que, pour les plus pauvres, la situation est compliquée.
Vous protégez les entreprises profiteuses de crise au moment où les États-Unis s'y attaquent sans scrupule. De nombreux amendements vous avaient été proposés, et pas seulement de la part de la gauche de l'hémicycle, sur les entreprises, notamment du secteur du commerce en ligne, qui voient leur chiffre d'affaires exploser. En France, on n'aime pas prendre l'argent où il se trouve ; on ne touche pas aux entreprises du CAC 40 dont la plupart ont maintenu le versement des dividendes habituels tout en bénéficiant des aides de l'État.
Vous avez vu, comme moi, les récents chiffres concernant ces entreprises : les dividendes ont explosé, ils s'élèvent à 51 milliards d'euros, soit 22 % de plus qu'il y a un an. Tout en recevant des aides de l'État, ces entreprises ont donc engrangé des dividendes comme jamais alors que le pays s'enfonce dans la crise sanitaire, social, écologique.
Après ce constat accablant, se pose la question de l'avenir et, malheureusement, nous ne partageons pas votre optimisme. Les deux années perdues de production de richesses auront évidemment des conséquences sur l'économie. Toute la question sera de savoir qui paie les dégâts ? Le capital ou le travail ? Est-ce que ce sera ceux auxquels vous proposez une réforme des retraites et de l'assurance chômage ainsi qu'une baisse des dépenses publiques ? Ou acceptera-t-on enfin dans ce pays de prendre aux plus riches, à ceux qui possèdent le capital et auxquels vous avez fait des cadeaux afin de favoriser la relance ?
Quant à la baisse des dépenses publiques pour revenir à 3 % de déficit en 2027, ce que M. Le Maire a annoncé, comprenez-vous que c'est tout l'inverse de ce qu'il faut faire ?
Nous aurions besoin d'investissements massifs pour une grande bifurcation écologique et sociale dont les entreprises profiteraient. Lorsque vous investissez dans la dépense publique, toutes les entreprises en bénéficient, comme l'a montré l'économie de ces dernières années.
M. Pierre Dharréville applaudit.
Un total de 51 milliards d'euros : c'est le jackpot des dividendes qui seront versés aux actionnaires du CAC 40 pour 2021, un montant en hausse de 22 % en pleine pandémie. Selon la note de l'Observatoire des multinationales, publié fin avril, cela représente 140 % des profits de ces grands groupes, ce qui signifie que les grandes entreprises préfèrent brûler de la trésorerie pour rémunérer les actionnaires plutôt qu'investir dans l'économie de demain. Faut-il rappeler que 100 % des entreprises ont été soutenues par l'argent public, grâce aux aides liées à la covid-19, lesquelles ont été perçues sans contreparties sociales, fiscales ou environnementales, malgré les demandes que nous avons formulées à de multiples reprises ?
Le grisbi ainsi absorbé par les actionnaires équivaut à la moitié du plan de relance. Les grandes dynasties du capitalisme français – les Bettencourt, Arnault, Pinault – et les gestionnaires d'actifs comme BlackRock, sniffent à gogo le fric comme de la poudre blanche. Dans le même temps jupitérien, la crise fait des ravages : les PME, les petits commerces, les services publics, ou encore le secteur culturel et non lucratif s'enfoncent ; on ne compte plus les plans de restructuration et les licenciements. Quant à la mèche lente de la réforme honteuse de l'assurance chômage, elle dynamitera le quotidien de millions de chômeurs. D'après la DARES – direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques –, plus de 30 000 suppressions de postes ont été programmées dans le cadre de plans de sauvegarde de l'emploi entre janvier et avril 2021, soit trois fois plus que sur la même période l'année dernière.
À titre d'exemple, dans la circonscription d'Alain Bruneel que je remplace ce soir, une entreprise ferme ses entrepôts pour se moderniser. Alors que les dirigeants ont bénéficié de 10 millions d'euros de PGE, cela ne les empêche pas de licencier 90 salariés expérimentés. La crise a bon dos.
« Il y a des entreprises qui utilisent le contexte de la crise pour procéder à des restructurations qui n'ont pas grand-chose à voir avec celle-ci ». Cette phrase n'est pas de moi ni d'un syndicaliste, elle a été prononcée par le chef de l'État en octobre 2020. Par ces quelques mots, le Président reconnaît ce qui saute aux yeux : Sanofi, Altice, Danone,…
…des groupes profitent de la crise pour doper leurs résultats. Pendant que certains se gavent, les non-essentiels mettent la clé sous la porte les uns après les autres.
Monsieur le ministre délégué, les dividendes sont-ils plus essentiels que la culture ? Qu'un fleuriste ? Qu'un restaurateur ? Qu'un coiffeur ? Qu'un taxi, pourrais-je dire ?
Certes, il serait faux de dire que rien n'a été fait pour les entreprises. La pandémie extraordinaire qui a frappé le monde a forcé à l'adoption de mesures exceptionnelles – je pense notamment au fonds de solidarité, qui permet à nombre de commerçants de survivre –, mais le compte n'y est pas, car le marché est incapable de s'autoréguler. En signant des chèques en blanc sans contrepartie, l'État démontre son incapacité à agir pour relancer l'économie.
Nous avons entendu les discours sur le « made in France » et la relocalisation de l'économie mais, malgré la pandémie, les délocalisations continuent. Ainsi, PSA annonce qu'il va délocaliser une partie de sa production en Hongrie, pendant que Bridgestone ferme en laissant plus de 800 salariés sur le carreau. Je pense aussi à ces verriers spécialistes des pare-brise, qui ont subi un PSE alors que Renault, qui touche des aides publiques par milliards, importe depuis la Chine. C'est impensable ! Comment l'État peut-il laisser Renault importer des machines et des marchandises de l'autre bout du monde, alors que nous avons les compétences et les savoir-faire pour les produire ici ? La réalité, c'est que la crise sanitaire a été un nouveau révélateur…
…de l'impasse de cette course aux profits qui épuise la nature et sacrifie les êtres humains.
Il y a un an, le Président de la République – toujours lui ! – déclarait solennellement à la télévision : « Sachons, en ce moment, nous réinventer, moi le premier. »
Il invoquait un autre projet pour préparer l'après. Qu'en termes délicats ces choses-là étaient dites ! Un an plus tard, on constate la mise en avant des mêmes recettes libérales – le CAC 40 une fois de plus renfloué par l'argent public, les salariés restant à quai.
Pour que le monde d'après soit effectivement celui des jours heureux, il est temps d'oser : oser interdire les licenciements aux groupes bénéficiant de fonds publics, oser doter les salariés de nouveaux pouvoirs dans l'entreprise, oser s'appuyer sur leur intelligence pour construire l'avenir. Chers collègues, monsieur le ministre délégué, nous en sommes bien loin.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.
Hier, lundi 3 mai, a débuté la première étape du déconfinement annoncé la semaine dernière par le Président de la République. Les prochaines semaines marqueront, nous l'espérons tous, le retour à une vie sociale normale, avec la réouverture des terrasses, des commerces, des musées, des salles de cinéma et des théâtres dès le 19 mai. La levée progressive des restrictions est porteuse d'espoir pour l'ensemble de notre tissu économique, durement éprouvé par de longs mois de crise.
Je tiens à saluer la réactivité du Gouvernement et de l'administration, qui ont conçu un formidable bouclier anti-faillites et anti-licenciements, qui protège notre économie et nos entreprises depuis un an. Des millions de salariés ont ainsi pu bénéficier de l'activité partielle et maintenir leur pouvoir d'achat. Des centaines de milliers d'entreprises, parmi les plus petites, ont bénéficié des prêts garantis par l'État et plus d'un million d'indépendants ont bénéficié du fonds de solidarité. C'est ainsi que le patrimoine entrepreneurial de la France a été préservé.
Les décisions prises ces derniers jours afin d'assouplir les conditions d'accès au fonds de solidarité dès le mois de juin pour les hôtels, cafés, restaurants, établissements de culture et entreprises événementielles témoignent une nouvelle fois de la volonté de la majorité et du Gouvernement de répondre à la détresse des secteurs les plus durement touchés par la crise économique, et les dispositifs de France relance permettent d'envisager une transformation durable de notre modèle économique et social.
Toutefois, la crise n'est pas encore derrière nous et les défis sont nombreux pour rétablir durablement la compétitivité de notre économie. La reprise économique ne se fera pas de manière uniforme pour tous les secteurs sur l'ensemble du territoire, et c'est là le principal enjeu d'un rebond pérenne : apporter des réponses sur mesures afin qu'aucun territoire ne décroche. C'est tout le sens de la démarche de la seconde phase du plan de relance annoncée par le Président de la République, car les effets de la crise de la covid-19 se répartissent de manière très contrastée sur le territoire national, avec une grande diversité de situations et une inégalité au sein de chaque région, certains bassins d'emploi résistant tandis que d'autres sont plus éprouvés du fait de leur exposition aux secteurs très durement touchés.
Dans le cadre de la mission sur le rebond économique territorial qui m'a été confiée par le Premier ministre et que j'effectue auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, j'ai pu constater que le déploiement des mesures de soutien et de France relance est en cours et fait bouger les lignes.
En matière de transition écologique, d'abord : la semaine dernière, sur le port du Havre, je me trouvais devant la centrale à charbon qui a fermé ses portes le 31 mars 2020, conformément aux engagements du Président de la République. Juste en face – en traversant la rue, si je puis dire –, un chantier en pleine ébullition : celui de Siemens Gamesa, principal site industriel français dédié aux énergies renouvelables, qui construira les éoliennes offshore et créera, grâce au soutien de France relance, 750 emplois principalement tournés vers les jeunes Havrais éloignés de l'emploi. Même constat à Saint-Avold, en Moselle, près de Forbach, l'un des territoires les plus fragiles de notre pays, où la centrale à charbon, qui ferme elle aussi, cédera la place à un pôle hydrogène auquel nos collègues parlementaires travaillent activement.
En matière d'emploi, ensuite : à Saint-Doulchard, dans le Cher, site du groupe Michelin dédié à la fabrication des pneus d'avion, le soutien de France relance aura permis au directeur du site de convaincre le groupe d'investir et de maintenir l'emploi sur place. À Morteau, madame la présidente, Pequignet Horlogerie, la dernière manufacture d'horlogerie française, courageusement reprise par ses salariés en 2017, pourra, grâce au soutien de France relance, relocaliser une partie de l'usinage de ses pièces de précision et maintenir les savoir-faire français.
À nos entreprises, qui peinent trop souvent à trouver de la main-d'œuvre, l'activité partielle et l'activité partielle de longue durée auront permis de conserver leurs talents, leur ressource humaine, qui est évidemment leur première richesse et qui leur permettra de rebondir rapidement une fois la croissance revenue.
En outre, la crise a suscité dans les territoires un nouveau dialogue et une coopération nouvelle entre élus locaux, acteurs économiques, partenaires sociaux et services de l'État, participant ainsi à la lutte contre les fractures sociales et territoriales. Je pense à cet égard au dispositif Sharing, une plate-forme de prêt de main-d'œuvre créée dans le Lot-et-Garonne sous l'égide de la chambre de commerce et d'industrie. Cette initiative locale, lancée dès le début de la crise sanitaire, lorsque les sous-traitants aéronautiques ont subi les contrecoups des déboires du Boeing 737 Max, en 2019, a concerné vingt entreprises et cinquante salariés, et permis de sauver quinze emplois, des ingénieurs de l'aéronautique allant travailler dans des entreprises de l'industrie agroalimentaire. Je pense également au dispositif interfilières Passerelles industries, créé par l'UIMM – l'Union des industries et métiers de la métallurgie –et rassemblant dix branches industrielles de la région Occitanie, piloté par France industrie Occitanie en collaboration avec la région et la DIRECCTE – la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – et auquel participent 300 à 400 entreprises, qui a servi de support au prêt de main-d'œuvre pour cinquante personnes.
À ce titre, je me réjouis de constater que le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise, adopté mercredi 28 avril en conseil des ministres et examiné désormais par l'Assemblée nationale, prévoit la prolongation des assouplissements du prêt de main-d'œuvre jusqu'au 31 octobre. Il n'en reste pas moins qu'il est toujours plus difficile de solliciter France relance pour les petites entreprises ou collectivités que pour les grandes, et qu'il nous faut donc veiller à ce que l'impulsion donnée par la relance entraîne tout le pays vers une reprise durable. C'est ce à quoi nous vous invitons, monsieur le ministre délégué.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Je vous remercie doublement, monsieur le député.
La parole est à M. Jean-Louis Thiériot.
Quand on sort d'une guerre, l'essentiel est de ne pas perdre la paix. Nous allons sortir de cette crise. Pour en tirer les leçons, il n'est jamais inutile de revenir aux anciens, en l'occurrence à l'étymologie : crisis signifie à la fois « jugement » et « action ». Quel jugement, pour quelle action ?
Cette crise a été le révélateur de l'évaporation de la production française. Nous avons tous des images qui nous hantent : les masques qu'il faut importer en catastrophe ou les respirateurs que nous ne savons plus produire. Le mot banni de « souveraineté » est redevenu à la mode. Après la mondialisation heureuse, voici venu le temps de la mondialisation piteuse. À nous d'en faire une mondialisation vertueuse, sans naïveté, appuyée sur un État stratège habité par le patriotisme économique.
Parmi les nations d'Europe, la France a souffert plus que les autres. La part de l'industrie dans notre PIB, qui était à peu près identique à ce qu'elle était en Allemagne et en Italie dans les années 2000, est aujourd'hui moitié moins importante. Ces piètres résultats ont été obtenus avec une dépense publique de 58 % du PIB, contre 48 % en moyenne dans l'Union européenne. Triple punition, donc : inefficience économique, taxation et chômage.
Appartenant par nos gènes et notre histoire à la famille de la libre entreprise, non par dogmatisme, mais parce que c'est là que se crée le bien-être de tous, nous vous invitons solennellement, monsieur le ministre délégué, à suivre ces quelques pistes pour rendre aux entreprises françaises leur éclat. Quatre axes s'imposent : restaurer, libérer, produire et conquérir.
Restaurer, d'abord : aujourd'hui, la France souffre au moins autant de la concurrence intra-européenne que de la concurrence extra-européenne. Il s'agit d'abord de mettre nos entreprises au même niveau de compétitivité, coûts et hors coûts, que leurs grands compétiteurs européens.
Libérer : nulle économie n'a jamais prospéré sans la confiance et la liberté laissée aux agents économiques d'épanouir leurs talents. En dehors des activités stratégiques, où la main de la puissance publique ne doit pas trembler, la grande maxime d'action doit être : autant de liberté que possible, autant d'État que nécessaire. Cette liberté doit devenir le fil rouge de l'action de l'État, des relations sociales et du capitalisme qui doit venir, le capitalisme participatif.
Produire en France : il est temps de tourner le dos à l'aveuglement de ceux qui ont cru que notre pays pouvait se contenter d'une économie de services et se passer du savoir-faire de nos ouvriers. Un pays sans usines est un pays déclassé. Les usines sont la dignité des cols bleus et le centre d'un écosystème d'entreprises de services et de sous-traitance. Mais l'industrialisation ne se promeut pas par décret : elle suppose un environnement favorable et la simplification des normes, pour éviter le suicide par la vertu. J'ai en tête, monsieur le ministre délégué, le site de la raffinerie Total de Grandpuits, dans ma circonscription : il va fermer. Total a de beaux projets de chimie verte mais, pour sauver l'emploi, il faudrait que Corbion, une société hollandaise de production de lactide, y installe son site européen. Or elle hésite à cause des normes, de la lourdeur des procédures et des pesanteurs du droit du travail. Pour ces habitants de mon canton de Nangis et pour tous les salariés de l'industrie de France, dont ils ne sont que l'allégorie, agissons tout de suite.
Conquérir, enfin : l'économie française n'a jamais été aussi grande que quand elle a été portée par un grand dessein, qu'il s'agisse de celui de Napoléon III, qui voulait faire du pays le rival de l'Angleterre, ou de Charles de Gaulle, qui voulait lui rendre sa place dans le concert des nations par l'éclat de ses réalisations. Retrouver l'esprit de conquête, prendre le leadership européen dans les g reen tech grâce à une écologie sociale de marché bien pensée – autant de défis exaltants qui peuvent et doivent mobiliser nos énergies pour faire du commun à l'heure de la sortie de crise.
Dans Citadelle, Antoine de Saint-Exupéry écrivait : « Force-les de bâtir ensemble une tour, et tu les changeras en frères, mais si tu veux qu'ils se haïssent, jette-leur du grain. » Agissez vite, monsieur le ministre délégué, pour construire la nouvelle citadelle France.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Depuis le début de cette crise sanitaire, deux convictions ont guidé l'action de Bruno Le Maire et la mienne. La première est que l'économie française est forte et a une formidable capacité de rebond. C'est ce qui a justifié le choix du Président de la République du « quoi qu'il en coûte », afin de protéger nos entreprises et nos salariés, et le déploiement d'un plan de relance de 100 milliards d'euros, dont 30 milliards ont déjà été engagés.
Madame Rabault, l'objectif que nous visons avec le plan de relance est bien de relocaliser et d'accompagner les transformations. Le Président de la République l'a dit : peut-être y aura-t-il un deuxième temps de la relance et nous envisagerons, le moment venu, la façon d'aller plus loin. Nous ne céderons pas aux sirènes des alarmistes qui capitulent et qui annoncent l'effondrement de l'économie française. Celle-ci a une formidable capacité de rebond, comme elle l'a démontré au premier trimestre de cette année en enregistrant une croissance de 0,4 % – à comparer avec les baisses de 1,7 % en Allemagne, de 0,5 % en Espagne et de 0,4 % en Italie.
Notre deuxième conviction guide l'objectif que Bruno Le Maire et moi-même nous sommes fixé depuis plusieurs mois : toute entreprise saine avant la crise doit être prête pour la reprise, grâce au soutien de l'État. Nous ne sommes pas encore au bout du chemin, mais je puis vous assurer que le Gouvernement répondra présent pour accompagner les entreprises, y compris en période de reprise.
Face à la dégradation de la situation sanitaire en France depuis le début du mois d'octobre, le Gouvernement a continuellement adapté son action pour répondre à la situation des entreprises. En six mois, le plan tourisme a été élargi à plusieurs reprises, englobant aujourd'hui soixante-dix-huit secteurs d'activité en liste S1 et 122 en liste S1 bis . Grâce à une mobilisation de tous les instants, notamment des élus dans leurs territoires, nous avons pu identifier les manques – ces fameux « trous dans la raquette » – et essayer d'y remédier de façon très méthodique et précise. Avec les dispositifs d'aide que sont le fonds de solidarité – dont 94 % des moyens ont été dédiés aux plus petites entreprises –, les prêts garantis par l'État, accordés à plus de 660 000 entreprises – dont 95 % ont moins de vingt salariés –, les exonérations de charges sociales et le chômage partiel, nous avons su nous adapter à toutes les entreprises touchées par la crise. Je pense en particulier à celles du secteur de la montagne ou aux établissements thermaux, mais aussi aux entreprises de loisirs en salle, aux autocaristes, aux grossistes en boissons et à bien d'autres encore. La diversité de notre tissu économique est vaste et le Gouvernement a su s'accorder au mieux aux spécificités de chacun.
Notre volonté de répondre au mieux aux besoins des acteurs économiques nous a notamment conduits à apporter des réponses spécifiques, par exemple en ce qui concerne les stocks des entreprises des secteurs de l'habillement, de la chaussure, de la maroquinerie et des articles de sport. En effet, à la fin des soldes d'hiver, j'avais été saisi par de nombreux commerçants ayant accumulé des stocks plus importants que l'an passé et manquant de possibilités de les écouler en raison de la nature saisonnière des produits. Pour remédier à cette situation, nous avons annoncé une aide forfaitaire représentant 80 % du montant de l'aide perçue au titre du fonds de solidarité du mois de novembre 2020, qui bénéficiera à plus de 36 000 entreprises de moins de cinquante salariés, pour un montant moyen avoisinant 6 000 euros par commerce. L'entreprise n'aura pas besoin de renseigner un formulaire. Nous avons voulu faire rapide et simple : le versement sera automatiquement effectué par la direction générale des finances publiques (DGFIP) dès le 25 mai.
Je profite également de cette tribune pour revenir sur deux sujets sur lesquels j'avais été directement interpellé par de nombreux parlementaires. Le premier concerne les commerces multiservices. Plusieurs d'entre vous m'avaient sollicité au sujet de leur problématique, qui n'est pas facile à résoudre. Nous avons donc travaillé et abouti à un dispositif visant à aider ces entreprises durant la crise en compensant tout ou partie de la perte de chiffre d'affaires de l'activité fermée. Le second sujet, sur lequel nous avons aussi eu l'occasion de travailler depuis quelques semaines, est celui des transmissions d'entreprises. Le décret relatif au dispositif de prise en charge des coûts fixes des entreprises ayant racheté un fonds de commerce qui a été fermé administrativement sera signé dans les prochains jours. Les établissements concernés pourront déposer leur demande d'aide dès le mois de juin.
M. Christophe Blanchet applaudit.
Mesdames et messieurs les députés, il me semble que l'État a su agir et réagir tout au long de la crise. Nos fils conducteurs ont été la rapidité et l'adaptabilité aux besoins des entreprises. À titre d'exemple, pour le mois de mars, près de 400 000 entreprises ont reçu les crédits du fonds de solidarité depuis l'ouverture du guichet le 20 avril. En résumé, l'État a mis en paiement plus de 2 milliards d'euros en moins de deux semaines. Je rappelle qu'entre le 4 et le 28 décembre 2020, plus de 500 000 entreprises avaient perçu près de 5 milliards d'euros du fonds de solidarité au titre du mois de novembre. Je tiens d'ailleurs à cette occasion à remercier les agents de la Direction générale des finances publiques, ainsi que ceux de la Direction générale des entreprises (DGE), en central comme dans les territoires, pour le travail quotidien qu'ils assurent.
Cette rapidité est, je le crois, soutenue et reconnue par de nombreux acteurs de l'économie. Le rapport intermédiaire de Benoît Cœuré a ainsi rappelé que les mesures de soutien aux entreprises ont été rapidement mobilisées ; la réactivité des autorités publiques ainsi que la facilité de recours aux dispositifs font globalement l'objet d'une appréciation très favorable. Le rapport souligne également que les dispositifs ont été adaptés et élargis pour prendre en compte les cas particuliers.
Ainsi, on observe une baisse de près de 40 % des défaillances d'entreprises en 2020. Lors de la reprise de l'activité, nous devrons naturellement veiller à la solvabilité des entreprises et au remboursement de leur emprunt, car nombre d'entre elles craignent de ne pouvoir assumer leurs dettes. Nous étudierons le moyen de les accompagner dans la durée pour le remboursement de leur PGE.
Alors que le Président de la République a présenté un calendrier de réouverture, j'entends la préoccupation de certains secteurs qui ne pourront reprendre une activité normale dès la levée des restrictions sanitaires : je pense au secteur de l'événementiel, aux discothèques ou encore aux restaurants et aux hôtels dépendant du tourisme international, en particulier à Paris. Je vous confirme que le Gouvernement sera aux côtés de chacun de ces secteurs.
J'aimerais aussi répondre à Mme la députée Thill : les acteurs du bâtiment – la semaine dernière la CAPEB, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, et cet après-midi la FFB, la Fédération française du bâtiment – nous ont alertés sur les sujets que vous avez évoqués. Concernant le coût des matériaux, leurs représentants nous ont fait des propositions auxquelles nous répondrons dans les prochains jours. Nous analysons la situation secteur par secteur. Cette semaine, Bruno Le Maire et moi-même recevrons les représentants d'une douzaine de branches concernées par la reprise pour étudier ce que nous pouvons faire avec chacune d'entre elles et répondre à leurs attentes. Nous prolongerons le fonds de solidarité dans sa forme actuelle pour le mois de mai, puis nous l'adapterons pour indemniser partiellement les pertes de chiffre d'affaires même lorsqu'elles n'atteignent pas 50 % du chiffre d'affaires mensuel. Cette mesure d'accompagnement incitera les entreprises rouvrant avec une jauge contrainte à reprendre leur activité.
Pour les exonérations de cotisations, nous maintenons le dispositif actuel au mois de mai. Ce mécanisme sera maintenu autant que nécessaire pour les entreprises soumises à une fermeture administrative. À compter du mois de juin, il évoluera lui aussi pour s'adapter à un contexte de reprise d'activité. Quant au dispositif de l'activité partielle, qui est mieux adapté à une période de crise que de reprise, il sera adapté pour accompagner la reprise progressive de l'activité.
Tout au long de cette semaine, Bruno Le Maire, Élisabeth Borne, Jean-Baptiste Lemoyne et moi-même consulterons l'ensemble des professionnels touchés par la crise, afin d'aborder le sujet des protocoles de réouverture par étapes et des aides qui en découleront. Notre manière de fonctionner avec les élus et les entreprises a toujours consisté à écouter, analyser et réagir. À l'issue des concertations, nous préciserons dans les prochains jours les paramètres envisagés pour l'évolution des différents dispositifs. Je crois en la capacité d'adaptation non seulement de notre tissu économique, mais aussi de nos concitoyens. Nous parviendrons à la fin de la crise sanitaire grâce à notre capacité à nous réinventer quotidiennement.
L'adaptation aux problématiques des entreprises a constitué le fil conducteur de l'action économique du Gouvernement. L'État a su accompagner au mieux chaque secteur d'activité. Actuellement, près de 90 % des entreprises françaises fonctionnent normalement, en dépit des restrictions sanitaires. Notre objectif, qui est essentiel, est bien sûr d'accompagner les 10 % d'entreprises qui restent, comme nous l'avons fait depuis le début de la crise.
Monsieur Forissier, vous avez souhaité que nous osions prendre des décisions. Or nous avons pris des décisions courageuses. Il faudra en prendre d'autres et c'est ce que nous ferons le moment venu, dans les prochaines semaines. Je présenterai en particulier au Premier ministre et au Président de la République un plan dédié aux indépendants, qui représentent 3 millions d'entreprises. Je proposerai des mesures relatives à la protection, notamment sociale, à la simplification, à la transmission d'entreprise – que vous avez citée –, aux conjoints collaborateurs et aux défaillances d'entreprises. Il est normal que nous permettions aux indépendants de travailler dans les meilleures conditions possibles. Il est temps qu'à l'occasion de cette crise, nous prenions des mesures qui sont attendues depuis très longtemps et qui correspondent à leur mode de fonctionnement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous en venons aux questions. Je rappelle que leur durée, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes sans droit de réplique.
La parole est à M. Stéphane Viry.
Vous avez déjà répondu, monsieur le ministre délégué, à certaines questions posées dans le cadre de ce débat. Proposé par le groupe Les Républicains, celui-ci est important puisqu'il concerne la situation des entreprises touchées par la crise du covid-19. J'ai une pensée pour tous les commerçants, travailleurs indépendants et dirigeants de TPE que nous avons reçus les uns et les autres depuis un an, comme je l'ai fait pour ma part à Épinal. Nous avons souvent interpellé le Gouvernement, notamment vous-même, pour transmettre leurs suggestions, craintes et doléances. Or l'inquiétude reste encore vive à ce jour, en dépit d'un soutien massif de l'État, qui présente encore et toujours des lacunes.
J'aurai, pour ma part, quatre questions. La première porte sur les travailleurs indépendants, dont la situation est toujours insuffisante sur le plan social. Qu'en est-il précisément du plan que vous avez évoqué ? On sait que l'allocation des travailleurs indépendants n'a pas fonctionné et il existe manifestement une lacune dans votre dispositif.
Ma deuxième question, déjà évoquée par Nicolas Forissier, concerne les filières industrielles : il est temps de mettre le paquet en déployant une volonté politique forte pour restructurer l'industrie. Dans certains secteurs, c'est actuellement la panne sèche.
Je tiens également à vous faire part d'une préoccupation majeure portant sur le plafond européen, qui paraît déjà atteint, voire dépassé. Où en sont les négociations entre le Gouvernement et la Commission européenne ? Nous avons besoin de gages à ce sujet.
Je m'interroge aussi sur la dégressivité du fonds de solidarité pendant la période de sortie du confinement, de juin à août : l'opacité est grande à ce sujet. Qu'en est-il ? Une clause de revoyure est-elle prévue à la fin de l'été 2021 ?
Par ailleurs, les établissements de sport en salle attendent avec beaucoup d'impatience leur réouverture. Je vous avais écrit, monsieur le ministre délégué, au sujet d'un établissement à Chavelot. Les patrons de ces structures n'ont pas toujours été indemnisés car, étant salariés, ils ne pouvaient pas obtenir de rémunération. Il reste, là encore, de nombreuses interrogations et attentes.
Je vois notre collègue Blanchet : quid des discothèques, dont on sait manifestement qu'elles ne pourront pas rouvrir ? Comment seront-elles indemnisées ?
J'aurai enfin une dernière question au sujet du monde des arts et du spectacle : les jauges mises en place limiteront les chiffres d'affaires. Comment compenserez-vous l'impossibilité d'un fonctionnement normal ?
J'aurais besoin de bien plus de deux minutes pour répondre à l'ensemble de vos questions, monsieur Viry, mais je m'efforcerai de répondre rapidement à quelques unes d'entre elles. Il est normal que les entrepreneurs soient inquiets, au regard de la situation sanitaire et de l'incertitude qui pèse sur leur avenir. Néanmoins, nous sommes à leur écoute et à leur disposition. Nous avons pour principe de les consulter sur les futurs dispositifs. Pour les travailleurs indépendants, je présenterai des propositions au Premier ministre et au Président de la République au cours des toutes prochaines semaines, comme je l'indiquais il y a quelques minutes. J'espère d'ailleurs que, dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou de celui du projet de loi de finances, l'ensemble des parlementaires auront l'occasion de manifester leur soutien aux travailleurs indépendants en approuvant les propositions que nous serons amenés à faire.
En ce qui concerne les plafonds européens, je peux vous dire que nous négocions depuis plus d'un an avec la Commission sur les modalités des dispositifs mis en place par l'État français, notamment sur les coûts fixes. Nous travaillons sur les plafonds, en particulier sur celui d'1,8 million. C'est un sujet de préoccupation mais je pense que nous allons y arriver.
Quant au fonds de solidarité, il va connaître des adaptations. Le Président a indiqué qu'au mois de mai, il allait être reconduit dans les mêmes conditions qu'au mois d'avril. Pour les mois de juin, juillet et août, il connaîtra une dégressivité en fonction de la reprise d'activité. Nous prévoyons une clause de revoyure au 31 août pour déterminer s'il est encore nécessaire d'accompagner certains secteurs, je pense en particulier à l'événementiel.
Les activités en salle, notamment sportives, font partie des secteurs avec lesquels j'ai beaucoup travaillé. Comme les établissements thermaux, elles bénéficient d'un dispositif spécifique de prise en charge de leurs coûts fixes, dans une proportion de 90 % pour les entreprises réalisant moins d'1 million de chiffre d'affaires. Il faut savoir que, dans ces coûts fixes, figure la rémunération qui permet aux représentants de ces entreprises d'avoir une couverture.
Vous l'aurez compris, nous avons travaillé secteur par secteur dans le détail pour répondre aux questions des entrepreneurs.
Tout d'abord, je voudrais rendre hommage à tous ceux qui ont fait tourner la France pendant cette crise, à ceux qui se sont dépensés sans compter au service des autres, et plus particulièrement à ceux qui travaillent au sein de la plus grande entreprise française, les artisans et les commerçants – autant de TPE et PME vitales pour notre pays. Bien sûr, le Gouvernement a mis en place des aides appréciables et appréciées mais, si certains acteurs économiques sont bien soutenus, d'autres ont été laissés sur le bord du chemin.
J'ai choisi ce soir de détailler trois causes de désarroi chez certains entrepreneurs.
Il y a tout d'abord un problème avec certains codes APE. Je connais des entreprises dont l'activité est majoritairement tournée vers l'événementiel, mais dont le code APE retient la petite partie d'activités informatiques, ou d'autres qui, bien que vivant essentiellement du commerce et du tourisme, ont un code APE « élevage d'autres animaux ». Ces codes inadéquats les empêchent de bénéficier de nombreuses aides.
Autre problème fréquent : la prise en compte de la double activité, l'une essentielle, l'autre non. Prenons le cas d'une brasserie-épicerie : le côté brasserie sera fermé mais pas le côté épicerie. Alors même que leurs charges subsistent, ces entreprises sont exclues des aides, car elles n'ont pas subi une perte de 50 % ou plus de leur chiffre d'affaires par rapport à l'année précédant la crise.
Troisième écueil : les lourdeurs administratives qui pèsent davantage en ces temps de crise. Certains artisans, qui bénéficiaient de qualifications et d'autres certifications essentielles pour leur activité, se voient menacés de les perdre, faute d'avoir pu assurer suffisamment de chantiers à cause des confinements. Ces PME et TPE sont donc exposées à une double peine : empêchées de travailler, elles risquent de perdre des marchés faute de qualifications. De nombreuses entreprises craignent que 2022 ne leur soit fatale. Monsieur le ministre délégué, comment les empêcherez-vous de mourir alors que, grâce à tous ceux qui n'ont cessé de travailler durant toute cette crise, elles font vivre la France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le député, je voudrais, comme vous, rendre hommage à l'ensemble de ces entrepreneurs courageux, présents et disponibles qui, au cours de cette crise, on fait face : ils ont permis à la France de continuer à fonctionner et aux Français d'avoir accès aux services et aux prestations qu'ils attendaient et de bénéficier de la nourriture. Loin de les laisser mourir, nous nous battons tous les jours pour qu'ils puissent continuer à vivre.
J'ai été moi-même artisan pendant quarante ans et je sais qu'au moment de créer une entreprise, personne ne prête véritablement attention au code APE, qui sert à l'INSEE à établir des statistiques. Quand la crise a commencé, il a bien fallu choisir un critère et le code APE a été retenu. Or certaines entreprises ayant changé d'activité ont conservé le même code, ce qui a pu les priver des soutiens souhaités. Dans les cas très précis, pour lesquels on constate que le chiffre d'affaires prédominant correspond à une autre activité que celle ciblée par le code APE, nous cherchons une solution pour accompagner l'entreprise.
Vous évoquez le fait que certains artisans auraient perdu leur qualification. Je suppose que vous faites allusion à la certification RGE – reconnu garant de l'environnement – pour les entreprises du bâtiment. Je peux vous assurer que ma collègue ministre déléguée chargée du logement et moi-même avons beaucoup travaillé sur le sujet : nous avons mis en place un RGE chantier permettant à ceux qui n'avaient pas la qualification d'accéder au dispositif MaPrimeRenov'. Il n'est pas question de pénaliser ces entreprises qui ont besoin de travailler régulièrement. Nous sommes à leur écoute et essayons de les soutenir.
Malheureusement, de nombreuses entreprises seront bientôt fragilisées par l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire à l'encontre de l'un ou de plusieurs de leurs clients. Elles pourraient être conduites à demander à leur tour à bénéficier de l'ouverture de l'une desdites procédures, voire à être l'objet d'une liquidation judiciaire. Ces enchaînements d'ouvertures de procédures collectives auront des conséquences dévastatrices sur l'emploi et notre économie.
Pourquoi, alors, ne pas étudier dès maintenant des dispositifs destinés à atténuer l'inévitable ? Lors du lancement d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le passif de la société est systématiquement gelé pour une période d'observation allant de douze à dix-huit mois. Les créanciers ne bénéficiant actuellement d'aucune sûreté ou privilège de paiement, ils peuvent être poussés eux aussi à déposer. Pourquoi ne pas accorder à ces entreprises créancières le versement d'une avance d'un montant représentant 75 % à 80 % de la créance déclarée et certifiée ? Après l'adoption du plan de restructuration judiciaire, le montant de l'avance serait porté à 100 % de celui de la créance admise, minoré du montant des remises consenties et de celui converti en titres donnant ou pouvant donner accès au capital. Les remboursements de cette avance s'effectueraient par le versement des dividendes annuels du plan à l'organisme financeur par le commissaire à l'exécution du plan. Il pourrait être demandé à l'entreprise bénéficiaire de verser à chaque échéance un intérêt calculé au taux légal en vigueur au premier jour du premier versement de l'avance. L'accès à ce dispositif serait bien évidemment fermé aux entreprises dont les dirigeants ont été condamnés pour infractions graves aux obligations comptables.
Ces propositions ont été travaillées avec le président du tribunal de commerce de Caen, M. Taillandier, que je remercie ici. Issues du terrain, elles sont le fruit de l'expérience de nombreux spécialistes. Je pourrais vous en soumettre d'autres évidemment, mais le temps m'est compté.
Monsieur le ministre délégué, une telle mesure vous paraît-elle réalisable à court terme ? Plus largement, quels sont les dispositifs mis en place pour éviter un effet domino pour notre économie ?
Vous avez raison : ce que vous appelez l'effet domino, le fait, pour une entreprise défaillante, d'entraîner dans sa chute des fournisseurs constitue bien un risque. Avec le garde des sceaux, nous avons demandé il y a quelques mois à M. Richelme, ancien président de la Conférence générale des juges consulaires de France, de nous remettre un rapport sur le traitement de entreprises en difficulté. Le plan dédié aux indépendants examinera la façon dont il est possible de prévenir le plus en amont possible les difficultés.
Pour l'instant, nous avons globalement réussi à tenir et à éviter trop de défaillances. L'enjeu que vous abordez est très important, parce qu'il importe de limiter les conséquences dramatiques que pourraient avoir les difficultés d'une entreprise sur d'autres.
Le dispositif que vous prévoyez, globalement complexe, n'est pas sans risque et n'a pas été retenu. Soyez assuré que je vais avec mes collègues, en particulier avec le garde des sceaux, regarder de quelle manière nous pouvons protéger l'entrepreneur qui subit une défaillance car, comme vous le savez, il peut avoir à supporter pendant très longtemps les dettes de l'entreprise dont il est responsable à titre personnel, ainsi que les fournisseurs pour éviter les cascades de défaillances que vous avez évoquées.
Mme Valérie Rabault a balayé dans son intervention cette vaste question qui nous préoccupe sur tous les bancs de cette assemblée : le tissu des entreprises dans tous nos territoires est durement affecté par la crise sanitaire. Le Gouvernement a, certes, mobilisé des ressources importantes, à travers les prêts garantis par l'État ou le fonds de solidarité, mais certaines entreprises nous sollicitent en tant qu'élus de proximité pour nous alerter sur le fait que ces dispositifs sont insuffisants ou ne permettent pas de prendre en compte leur situation particulière.
Je pense notamment à des grossistes alimentaires et, plus généralement, aux sociétés dépendantes du tourisme, de l'hôtellerie ou de la restauration, ainsi qu'à des structures plus petites qui n'ont pas été créées depuis assez longtemps pour justifier d'un chiffre d'affaires suffisant à certaines périodes de référence.
Je souhaiterais savoir quelles pistes le Gouvernement explore dans la perspective d'un nouveau plan de relance. Aux États-Unis, le président Biden a eu la lucidité de revenir sur la fameuse politique du ruissellement, laquelle, confesse-t-il, n'a jamais fonctionné. Il met en œuvre un véritable plan de relance économique et sociale, doté de financements records. Vous et votre gouvernement, monsieur le ministre délégué, que faites-vous pour vous montrer, enfin, à la hauteur de cette grave crise ?
Je pense, monsieur le député, que l'immense majorité des entrepreneurs – j'en rencontre beaucoup – considèrent que les dispositifs mis en place par l'État français sont tout à fait exceptionnels et qu'ils répondent globalement à la situation. Cela ne veut pas dire que tout est simple : je sais bien sûr les difficultés rencontrées par les entreprises. L'effort consenti par la France – prêt garanti par l'État, fonds de solidarité, indemnisation du chômage partiel, exonération de cotisations sociales – est exemplaire. Quand nous le comparerons, le moment venu, avec celui des pays équivalents, vous verrez que nous serons parmi les États qui ont fait le plus pour les entreprises.
Vous évoquez quelques cas particuliers sur lesquels je me suis penché, comme sur beaucoup d'autres. Prenons les grossistes en boissons : je me suis déplacé dans la banlieue de Reims pour visiter une entreprise de ce secteur et je puis vous dire, que depuis le mois de janvier, le fonds de solidarité – aides allant jusqu'à 10 000 euros ou 20 % du chiffres d'affaires – et le dispositif spécifique de prise en charge des coûts fixes permettent de continuer à soutenir ces entreprises.
Vous insistez sur la nécessité de mettre en œuvre un autre type de plan de relance. Notre objectif est d'abord de mettre en application le plan de relance de 100 milliards sur deux ans. Le Président de la République a évoqué la possibilité qu'il y ait un deuxième temps de la relance. Il faudra voir comment nous pourrons continuer de soutenir certains secteurs. Je vous garantis que nous accompagnerons les entreprises le temps qu'il faudra, en tout cas tant que les conditions sanitaires les empêcheront de reprendre une activité normale.
Je rentre d'une tournée effectuée dans ma circonscription du Maghreb et d'Afrique de l'Ouest où nous n'avons jamais connu un tel niveau de crise sociale et économique depuis l'après-guerre : 691 000 emplois ont été supprimés, le taux de chômage a augmenté de plus de 7 %. Nous nous trouvons aujourd'hui face à un défi et je vous rejoins, monsieur le ministre délégué, sur le fait que la France s'est montrée à la hauteur en instaurant un dispositif puissant de soutien aux entreprises situées en France.
Cependant, vous le savez, ce dispositif comporte une lacune : les entreprises détenues par des Français à l'étranger ne sont malheureusement pas aidées. Ce sont ainsi 3,5 millions d'entrepreneurs français, pour la plupart exerçant dans le secteur de la restauration ou de l'hôtellerie, qui travaillent, créent, mettent leurs tripes dans leur outil de travail et qui exportent le savoir-faire à la française. Ils sont nos ambassadeurs à l'étranger, comme on ne cesse de le leur répéter dans les ambassades.
Toutefois, lorsqu'ils se tournent vers nos institutions, nos ambassades, vers l'Agence française de développement (AFD) ou vers Proparco – Promotion et participation pour la coopération économique –, ils reçoivent une réponse négative, faisant valoir qu'on ne peut rien leur accorder ou que c'est compliqué. Si vous êtes un entrepreneur et que vous avez besoin de 100 000 euros de prêts aujourd'hui, et que vous exercez au Maroc, en Algérie, en Tunisie ou en Afrique, vous ne pourrez pas les obtenir, à moins de vous tourner vers les marchés et d'accepter des taux exorbitants. Les entrepreneurs français à l'étranger sont au bout du rouleau et nous devons les aider.
Je me souviens parfaitement de notre échange dans cet hémicycle en janvier dernier, lorsque vous m'aviez interrogé sur la situation des entrepreneurs français à l'étranger : j'ai bien reçu vos propositions et je vous en remercie très chaleureusement.
Je connais bien ces entrepreneurs, pour en avoir rencontré un certain nombre. Tout d'abord, ils bénéficient des programmes d'aides mis en place dans leur pays de résidence, lorsqu'ils existent, mais il est vrai qu'il n'y en a pas partout et vous avez eu la gentillesse de dire que la France avait été exemplaire sur ce point, ce dont je vous remercie.
Je rappelle à cet égard que les services économiques de la Direction générale du trésor, qui sont présents dans plus de 105 pays, sont pleinement mobilisés et assurent une veille active pour accompagner les entrepreneurs français installés à l'étranger.
Pour ce qui concerne leur accompagnement financier, il existe des dispositifs instaurés avec l'aide de l'Agence française de développement, au travers de sa filiale Proparco, dédiée au secteur privé, que vous avez citée : je pense notamment à la garantie ARIZ – accompagnement du risque de financement de l'investissement privé en zone d'intervention –, qui est une garantie en perte finale proposée par Proparco aux institutions financières pour couvrir 50 % à 75 % d'un prêt individuel.
Je souhaite également rappeler que les entrepreneurs français à l'étranger peuvent compter sur le soutien des acteurs locaux d'influence de la France, notamment les chambres de commerce françaises à l'étranger.
Enfin, j'ajoute à ces dispositifs les aides à l'exportation, en particulier dans le cadre du plan d'urgence et du plan de relance, dont le volet export est doté de 247 millions d'euros. Voilà les quelques éléments que je peux vous apporter. Je suis naturellement à votre disposition pour examiner le moyen d'améliorer encore, d'une façon ou d'une autre, ces mesures.
Les entreprises sont globalement satisfaites des aides qui leur ont été octroyées pour traverser la crise et que vous avez su adapter au fil des mois. Je tiens d'ailleurs à saluer la réactivité et l'écoute de votre cabinet, ainsi que de celui de Bruno Le Maire, qui ont toujours répondu à nos sollicitations, notamment concernant le secteur des dentelles et broderies, très implanté dans ma circonscription.
Ces entreprises, emblématiques du savoir-faire français et déjà ébranlées par la concurrence asiatique, subissent de plein fouet la crise sanitaire, puisqu'elles dépendent fortement du secteur de l'événementiel et de l'export, qui représente la majeure partie de leurs ventes : je pense aux maisons Jean Bracq, Guéguin, Sophie Hallette, Solstiss et autres. Il est primordial de les aider à garder le cap et à conserver leur image auprès de leurs clients, tant en France qu'à l'international. À travers elles, c'est tout le savoir-faire de leurs employés que nous devons reconnaître et protéger.
Vous avez su répondre à certaines de leurs attentes. Néanmoins, des lacunes, particulièrement pénalisantes pour certains secteurs, subsistent encore : ainsi, la Manufacture française de textile me signale qu'alors qu'elle travaille pour des secteurs considérés comme fortement affectés par la crise sanitaire – commerces de gros de textiles notamment –, elle n'est pas concernée par les aides qui leur sont attribuées, notamment celles portant sur les charges sociales ou le taux de prise en charge de l'activité partielle. Cette entreprise n'est en effet pas considérée par l'URSSAF comme faisant partie de la liste S1 bis , parce que son code APE 1310Z correspond à l'activité « préparation de fibres textiles et filature ». Son secteur d'activité est pourtant très concurrentiel et le chef d'entreprise se trouve au bord de l'épuisement.
Envisagez-vous de remédier à ces lacunes ? J'ajoute que cette entreprise se trouve également confrontée, comme cela a été rappelé tout à l'heure, à l'instar de ses confrères français et européens, à de forts problèmes d'approvisionnement en matières premières, conjugués au triplement des frais de transport en mer de 2020 à 2021. Comment analysez-vous la situation et quels moyens prévoyez-vous pour y remédier ?
Plusieurs membres du Gouvernement se sont déplacés au début de la crise pour visiter ces entreprises : nous serions ravis que ces rencontres perdurent afin de préparer au mieux l'après-crise pour ces fleurons de l'industrie française.
Je connais bien, monsieur le député, votre circonscription et la ville dans laquelle vous avez longtemps exercé les fonctions de maire. Je connais également le secteur de la broderie et son importance au sein de votre territoire. Je suis particulièrement sensible à la préservation de cette filière remarquable, éprouvée par la crise. C'est pourquoi j'ai veillé, dès le mois de novembre, à ce que ce secteur d'activité soit inclus dans la liste S1 bis du fonds de solidarité instauré par le Gouvernement pour soutenir les entreprises les plus touchées.
Vous évoquez la situation d'entreprises et, comme vous avez eu la gentillesse de le dire, nous nous efforçons, avec mon cabinet et celui de Bruno Le Maire, de déterminer, dès lors que notre attention est appelée sur un cas particulier, la meilleure manière de l'accompagner. Mon cabinet a contacté cette semaine les entreprises concernées : nous continuerons de chercher le moyen de les aider, au-delà des dispositifs généraux en vigueur, compte tenu de leurs spécificités et de leurs modes de fonctionnement un peu particuliers.
Enfin, pour répondre à votre invitation, je vous propose de venir rapidement dans votre circonscription pour accompagner ces entrepreneurs et apporter le soutien de l'ensemble du Gouvernement à leur filière.
Depuis le 24 avril, environ 400 000 travailleurs de plus de 55 ans ont pu se faire vacciner prioritairement contre le covid-19. Le fait de travailler en milieu clos, de se trouver dans l'impossibilité de respecter les gestes barrières, de ne pas pouvoir télétravailler ou encore d'être particulièrement à risque figurent parmi les critères de sélection retenus par le Gouvernement. Selon une liste publiée par le ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, une vingtaine de métiers ont ainsi été définis selon cette méthodologie.
Depuis, le Gouvernement a annoncé un nouveau calendrier de déconfinement : il entend lever les restrictions et permettre aux commerces dits non essentiels, aux restaurants, aux bars, ainsi qu'aux lieux culturels, d'ouvrir de nouveau progressivement. Ce sont ces établissements qui ont le plus souffert des conséquences de la crise : les fermetures imposées ou les couvre-feux auxquels ils ont dû faire face ont gravement porté préjudice à leurs activités.
Si les aides de l'État ont, jusqu'à présent, fort heureusement maintenu à flot une grande partie d'entre eux, une reprise rapide de l'activité est essentielle pour garantir leur pérennité. Aussi ceux qui travaillent dans ces secteurs sont-ils nombreux à souhaiter accéder prioritairement à la vaccination : chauffeurs de taxi, caissiers, serveurs, vendeurs ou professionnels de la culture sont particulièrement exposés à l'épidémie.
Entendez-vous, monsieur le ministre délégué, répondre favorablement à leur demande et élargir la liste des métiers permettant d'accéder prioritairement à la vaccination contre le covid-19 ?
La crise sanitaire est en effet terrible pour tous les Français, pour les chefs d'entreprise et l'ensemble des travailleurs. Nous bénéficions néanmoins d'une chance particulière, celle de disposer de vaccins. Il y a un an, peu d'entre nous auraient pu imaginer cette situation. La production actuelle des vaccins nous donne l'espoir d'atteindre les objectifs fixés par le Premier ministre de 20 millions de personnes vaccinées au 15 mai et de 30 millions au mois de juin.
Néanmoins, il reste un certain nombre de publics prioritaires, puisque le choix a été fait en France de vacciner d'abord les plus fragiles et les personnes les plus âgées ou résidant en EHPAD. Il y a quelques jours, la vaccination a été ouverte à une nouvelle catégorie de Français prioritaires, en particulier les personnes qui souffrent de pathologies telles que le diabète ou l'obésité.
Par ailleurs, certaines professions sont particulièrement exposées. Le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ont évoqué les personnels de l'enseignement ; certains métiers ont commencé à être cités et la vaccination s'appliquera, dans un premier temps, à ceux qui ont plus de 55 ans. Nous continuerons dans cette direction et j'ai bon espoir que, dans les prochains mois, voire les prochaines semaines, nous pourrons accompagner tous ceux qui sont en contact direct du public et qui ont besoin d'être protégés. J'espère, comme l'a dit le Président de la République, qu'à la fin de l'été, tous ceux qui, en France, auront voulu se faire vacciner, auront pu le faire.
La crise sanitaire produit des effets terribles sur les TPE, les PME et les indépendants, partout en France, mais particulièrement dans les outre-mer qui subissent déjà un taux de chômage et de pauvreté sans comparaison avec l'hexagone.
Les chiffres récemment obtenus par la chambre de commerce et d'industrie de La Réunion auprès de ses membres sont en effet inquiétants : 26 % des entreprises déclarent envisager l'arrêt de leur activité ; parmi elles, 55 % le redoutent dans moins de trois mois et 5 % sont déjà en cours de fermeture ; 85 % déclarent une baisse de chiffre d'affaires de 30 % et plus et 42 % ne peuvent pas rémunérer leurs salariés ; 27 % des entreprises locataires ne sont pas en mesure de payer leur loyer et 67 % des chefs d'entreprise ne parviennent plus à s'accorder une rémunération.
La France insoumise ne cesse depuis plus d'un an de proposer l'instauration d'un barème progressif par tranche, concernant l'accès au fonds de solidarité. En effet, conditionner l'octroi de l'aide à la perte de 50 % de chiffre d'affaires, sans tenir compte du niveau de revenus, expose particulièrement les indépendants et les petites entreprises les plus précaires. Certes, vous avez annoncé qu'à compter du mois de juin, les cafés, restaurants et lieux de culture bénéficieraient du fonds de solidarité, même si leur perte de chiffre d'affaires est inférieure à 50 %. Mais pourquoi ne l'avez-vous pas décidé auparavant ? Pourquoi n'avez-vous pas adopté nos amendements déposés en ce sens depuis un an ?
Les indépendants et les petites entreprises de La Réunion demandent à être indemnisés dès 30 % de perte de chiffre d'affaires et souhaitent que tous les secteurs soient désormais inclus dans cette mesure. Entendrez-vous leur appel et adapterez-vous le dispositif d'aide aux entreprises au contexte difficile des outre-mer ? Je le souhaite vivement.
Je connais le poids très important des petites entreprises dans l'ensemble des territoires d'outre-mer, en particulier sur l'île de La Réunion. Je rappelle qu'un accès dérogatoire au fonds de solidarité renforcé a été autorisé pour l'ensemble des commerces de détail dans les territoires ultramarins les plus fortement dépendants de l'activité touristique.
Il est évident que nous devrons continuer à accompagner ces entreprises : citant des chiffres, vous avez évoqué leurs difficultés tant en matière de remboursement que de paiement des rémunérations ou des cotisations sociales. Nous avons demandé à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) et aux URSSAF de faire preuve de la plus grande écoute pour accompagner ceux qui sont le plus en difficulté, en les exonérant de cotisations sociales ou en leur apportant un soutien financier. Nous continuerons de regarder de façon très précise, avec l'appui des chambres consulaires ultramarines, comment nous pouvons les aider.
Vous avez souhaité que le fonds de solidarité accompagne ceux qui accusent une perte de chiffre d'affaires moins importante que ce qui était prévu à l'origine du dispositif : votre vœu est exaucé et nous nous efforcerons de continuer dans cette direction, avec une reprise d'activités que j'espère très rapide, en particulier sur l'île de La Réunion et dans l'ensemble des territoires ultramarins.
Je souhaite évoquer la situation de certaines entreprises de mon territoire, pour contribuer à identifier les carences du dispositif de soutien et à faire du sur-mesure. Je citerai tout d'abord l'exemple de la société LM communication – je vous en ai déjà saisi –, qui fabrique des objets promotionnels, et qui s'est vu refuser l'accès au fonds de solidarité en 2021. Cette PME, qui emploie une vingtaine de salariés, a réussi à maintenir son activité à flot en 2020, en se diversifiant dans la réalisation de protections en plexiglas et la fourniture de masques. Malheureusement, ces activités de substitution d'urgence sont désormais obsolètes, car la demande s'est tarie. La société, qui a réussi à traverser l'année 2020 en sollicitant brièvement le chômage partiel, mais sans recourir au fonds de solidarité, ne peut y prétendre cette année, au motif qu'elle ne répond pas aux conditions d'écart de chiffre d'affaires entre 2019 et 2020.
Mon second exemple est la société Neochrysallis, créée en mars 2020 – juste avant le déclenchement de la crise – grâce au dispositif d'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE). Elle prodigue du conseil aux PME de l'industrie. Son activité ayant été stoppée par la crise sanitaire, elle a été contrainte de se réorienter, sans générer de chiffre d'affaires pendant plusieurs mois, le temps de se constituer un nouveau réseau de clients et d'obtenir les agréments indispensables. Elle ne peut donc pas prétendre aux dispositifs d'aide, et sera vraisemblablement obligée de cesser son activité en septembre, d'autant qu'elle est confrontée à l'extinction des droits, auprès de Pôle emploi, permettant de financer les salaires.
Pourriez-vous examiner ces deux cas, monsieur le ministre délégué, en espérant qu'ils permettront de déverrouiller la situation d'autres entreprises comparables ?
Vous mettez le doigt sur des situations très difficiles. Je rappelle que nous comptons 3 millions d'indépendants. Dans les premiers temps de la crise, nous devions élaborer des dispositifs que la Direction générale des finances publique puisse traiter à l'échelle industrielle, avec des mesures transversales – vous partagerez cet objectif. En effet, nous ne pouvions traiter individuellement le cas de chaque entreprise. C'est donc ce que nous avons fait dans un premier temps. Depuis quelques mois, nous essayons de répondre aux cas particuliers.
Vous avez évoqué un exemple très spécifique dans l'événementiel et la communication : en 2020, presque aucune entreprise de ce secteur n'a augmenté son chiffre d'affaires. La société à laquelle vous faites référence a décidé de changer de modèle, pour s'adapter et dégager des revenus : de fait, elle a réussi à obtenir, en 2020, un chiffre d'affaires équivalent à celui de 2019. Elle ne remplissait donc pas les conditions d'éligibilité, qui réservaient le dispositif – protecteur, à l'époque – aux entreprises ayant perdu au moins 10 % de leur chiffre d'affaires en 2020 par rapport à 2019. En conséquence, elle n'a pas bénéficié du fonds de solidarité en 2021, même si sa nouvelle activité a disparu. Vous mettez l'accent sur un effet pervers, pour cette entreprise, d'un dispositif qui était initialement positif.
La deuxième entreprise que vous évoquez, de création très récente, n'a pas pu réaliser de chiffre d'affaires en raison de la crise. Je l'invite à se rapprocher des URSSAF car, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, il existe des dispositifs adéquats de soutien financier aux entrepreneurs qui n'ont pas pu bénéficier du fonds de solidarité. Quant à la première entreprise, je demanderai à mon cabinet de la contacter afin que son cas particulier soit étudié. Je comprends la difficulté qu'elle rencontre du fait de l'évolution de son activité, malgré sa volonté de trouver des solutions adaptées.
En préambule, je souhaite rendre hommage à toutes les entreprises qui font face à la crise, qu'elles soient petites ou grandes, et quel que soit leur domaine d'activité. Je rends également hommage aux salariés qui sont au chômage partiel ou qui sont encore actifs.
À l'occasion de mes déplacements sur le territoire, à la rencontre des entreprises, j'ai été alerté de plusieurs situations, dont trois ont tout particulièrement appelé mon attention. Ainsi, la crise de la covid-19 provoque, au niveau international, une forte augmentation du prix des matières premières, notamment dans les secteurs de la métallurgie, du bois et des semi-conducteurs, alors que les carnets de commande n'ont jamais été aussi pleins. Cette situation tient à l'arrêt de certains sites industriels, à la compétition sur les matières et à l'augmentation des coûts d'exploitation. Quels dispositifs de soutien pourraient être apportés aux entreprises concernées, afin d'éviter que les hausses de prix ou l'augmentation des délais d'approvisionnement ne se répercutent trop dangereusement sur elles, puis sur leur clientèle ?
Par ailleurs, dans les secteurs de la restauration et de l'hôtellerie, la reconversion d'un bon nombre de salariés provoque un défaut de main-d'œuvre qualifiée, préjudiciable à la réouverture de ces structures. Des inquiétudes se font aussi sentir quant à l'embauche des jeunes apprentis, car certains n'ont pas reçu de formation pratique en entreprises – ces dernières ayant été frappées par des fermetures administratives. Ces deux facteurs – les reconversions et le défaut de formation – peuvent compromettre la reprise économique. Qu'est-il envisagé pour faire face à cette situation inquiétante ?
Enfin, un risque pèse sur les sociétés : le défaut de paiement inter-entreprises – vous l'avez déjà évoqué, monsieur le ministre délégué, mais je souhaiterais obtenir plus de précisions. Comment faire face à ce risque, qui pourrait avoir un effet domino sur le tissu économique ? Le défaut de paiement de certaines factures peut compromettre des entreprises qui étaient en bonne santé ; or ce risque est important, compte tenu des dettes qui ont été accumulées.
Je m'associe à l'hommage que vous rendez aux entrepreneurs et aux salariés de France, qui ont fait face à une crise sanitaire terrible.
Vous m'interrogez tout d'abord sur la hausse du prix des matières premières. Comme je l'ai indiqué à Mme Thill, j'ai rencontré les représentants du bâtiment, qui sont les plus affectés par ce phénomène, notamment pour le bois et l'acier. Nous sommes, en quelque sorte, pris en tenaille : d'un côté, l'activité reprend très fortement aux États-Unis et en Chine ; de l'autre, la productivité des entreprises diminue. Bruno Le Maire et moi-même étudierons les dispositions pouvant être prises – en particulier dans les marchés publics –, pour éviter que les entreprises qui ont signé des marchés depuis longtemps ne subissent des conséquences douloureuses. Nous pouvons aussi espérer que ces prochaines semaines et ces prochains mois, l'industrie reprendra et le marché se stabilisera.
Vous avez ensuite évoqué la situation des restaurants – sujet que nous avons étudié la semaine dernière, quand nous avons reçu leurs représentants. Ces derniers estiment que 100 000 personnels risquent de leur manquer, car ils ont changé de métier. Avec Élisabeth Borne et le Pôle emploi, nous avons travaillé à l'élaboration de formations spécifiques destinées aux demandeurs d'emplois dans les métiers sous tension, dont l'hôtellerie et la restauration. Concernant les apprentis, dont certains n'ont pas pu effectuer de stage en entreprise, nous créons des stages d'observation et de perfectionnement, afin qu'ils puissent exercer une activité assez rapidement.
Enfin, s'agissant des difficultés de paiement, nous devons mener un travail de prévention et d'accompagnement : le médiateur du crédit est à la disposition des entreprises pour étudier la possibilité d'intervenir le plus rapidement possible.
Les quatre-vingt-dix stations thermales que compte le territoire se trouvent toutes, sans exception, en grande difficulté. L'année dernière, les établissements thermaux n'ont pu ouvrir que quatre mois, cumulant une perte de plus de 110 millions d'euros. Au-delà, la fermeture de ces établissements a touché les stations thermales dans l'ensemble de leur économie, car de nombreux professionnels en dépendent – artisans, commerçants, coiffeurs ou hôteliers –, soit 100 000 emplois directs et indirects.
Les thermes sont aux stations thermales ce que les remontées mécaniques sont aux stations de ski. Pourtant, alors que seule une infime partie de la saison 2020 a pu se tenir, et que la saison 2021 ne débutera vraisemblablement que le 24 mai, les entreprises des stations thermales ne bénéficient d'aucun dispositif de soutien renforcé. Ayant une situation égale à celle des stations de ski, les stations thermales demandent un traitement égal à celles-ci.
Afin d'assurer la pérennité de l'économie des stations thermales, deux dispositifs mériteraient d'être appliqués dans les meilleurs délais. Le premier concerne l'élargissement du fonds de compensation des frais fixes aux hôtels, cafés et restaurants implantés dans les stations thermales, sans condition de chiffre d'affaires minimum. En effet, le fonds de solidarité renforcé n'est pas suffisant, vu l'importance des charges fixes qui pèsent sur les structures hôtelières. Toutefois, celles-ci ne sont pas capables de justifier de plus d'1 million d'euros de chiffre d'affaires par mois. Le second dispositif viserait à étendre aux catégories socio-professionnelles des stations thermales le fonds de solidarité renforcé, comme c'est déjà possible pour les stations de ski. Les entreprises des secteurs non protégés, c'est-à-dire n'appartenant pas aux secteurs S1 et S1 bis , selon le décret du 30 mars 2020, ne peuvent être compensées de leurs pertes de chiffre d'affaires qu'à raison de 1 500 euros par mois : or, en réalité, leurs pertes peuvent être beaucoup plus importantes.
Monsieur le ministre délégué, vous connaissez le particularisme fort qui habite les stations thermales : une grande partie de l'activité économique des territoires thermaux vit et dépend du thermalisme. Êtes-vous favorable à l'élargissement du fonds de compensation des frais fixes et à l'extension du fonds de solidarité aux entreprises implantées dans les stations thermales ?
Par ailleurs, quand les casinos, qui sont le deuxième pilier des villes thermales, pourront-ils de nouveau ouvrir ?
À travers quelques questions, le débat de ce soir révèle une petite partie de l'activité économique française ; or, Dieu sait que les secteurs sont nombreux ! Dans le ministère où j'occupe des fonctions depuis le mois de juillet, j'ai la chance d'être quotidiennement à l'écoute de tous ces secteurs. Le hasard du calendrier fait que, ce matin même, j'ai reçu M. Jean-Yves Gouttebel, président du conseil départemental du Puy-de-Dôme, qui m'a remis un rapport commandé par le Premier ministre sur les stations thermales.
Il y a déjà quelques semaines, nous avons décidé d'inclure les stations thermales au fonds de compensation des frais fixes, au même titre que les activités en salle et les salles de sport : ce dispositif offre une aide et un soutien considérables. Nous travaillerons sur les propositions du rapport Gouttebel, afin de donner une perspective aux stations thermales, aux thermes et aux activités économiques qui en dépendent, qui sont très affectées par la fermeture des stations thermales – j'ai pu le constater quand je me suis rendu à Challes-les-Eaux il y a quelques semaines. Comme nous l'avons fait pour les stations de montagne, nous étudierons les façons d'accompagner ces activités.
Concernant les casinos – dont nous avons également reçu les représentants cette semaine –, la partie machines à sous reprendra assez rapidement, le 19 mai, suivie par la partie des jeux de table le 9 juin. Ces réouvertures se feront dans le respect des règles de sécurité sanitaire et des gestes barrières, afin de garantir à l'ensemble des clients une sécurité suffisante, permettant la reprise d'une activité normale. Nous accompagnons donc les casinos, comme nous accompagnons les thermes et de nombreux autres secteurs d'activité.
Le débat sur la situation des entreprises touchées par la crise de la covid-19 est clos.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Débat sur le thème : « Quelle stratégie nationale pour la prochaine politique agricole commune ? » ;
Questions sur le thème : « PAC 2021-2027, enjeux du plan stratégique national » ;
Débat sur le thème : « Soutien à l'activité économique face à la covid-19 : déploiement et efficacité des aides ».
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra