Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 4 mai 2021 à 21h00
Situation des entreprises touchées par la crise de la covid-19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Les entreprises ne se résument pas à une liste de coûts et de profits. Elles sont avant tout constituées de travailleurs qui les font vivre et sur lesquels repose toute notre économie. Ce qui affecte ces derniers a donc des répercussions macroéconomiques et atteint toute la société.

Dans une telle situation de crise, la première question à se poser est de savoir si la politique menée à l'égard des entreprises et des travailleurs a été la bonne.

On peut au moins dire – je serai modéré, vous verrez –, que la réponse a été insuffisante et même, par bien des aspects, erronée. Elle n'a pas été suffisante parce que certaines mesures, telles que le chômage partiel, contrairement à ce que vous répétez sans cesse, sont loin de faire de la France le recordman d'Europe en matière d'aides. Au contraire, selon le Conseil national de la productivité, nous sommes dans la moyenne basse des six grandes économies européennes. Nous faisons quasiment moitié moins que l'Allemagne ; nous sommes en dessous de la Grande-Bretagne et presque comparables, ou légèrement en dessous de l'Espagne et de l'Italie. C'est loin d'être un bilan glorieux.

Pour bénéficier du fonds de solidarité destiné aux petites entreprises et aux indépendants, il fallait répondre à une longue liste d'exigences. En outre, le montant était plafonné et ne correspondait pas aux besoins et à l'ampleur de la précarité nés de la crise. Ainsi, certaines entreprises devaient satisfaire des critères assez précis là où d'autres étaient dispensées de toute conditionnalité sociale ou écologique. Les entreprises, notamment celles du CAC 40, ont donc bénéficié d'un soutien de l'État, qui venait s'ajouter aux aides habituelles telles que le CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi –, par le biais du chômage partiel et d'aides sectorisées. Ces entreprises ont pu non seulement continuer à faire des bénéfices, mais aussi, pour certaines d'entre elles, organiser des plans sociaux hallucinants qui doivent tout aux restructurations capitalistes et rien à la covid-19.

Chez Total et Sanofi, malgré toutes les contributions directes et indirectes de l'État, ce sont respectivement près de 7 et 4 milliards d'euros qui ont été versés aux actionnaires. Au même moment, ces deux entreprises supprimaient chacune environ 1 000 emplois rien qu'en France – je vous fais grâce de la liste des autres entreprises qui ont procédé de la même manière ; malheureusement, vous le savez comme moi, elle serait trop longue. Dans un tel contexte, c'est une évidence que nous avons sans cesse répétée, il aurait fallu interdire les licenciements dans les entreprises faisant des bénéfices. Cela aurait au moins permis d'éviter les plans sociaux actuels.

Nombreux sont ceux qui ont perdu de manière rageante et absurde leurs emplois. Au surplus, des intérimaires, des intermittents de l'emploi, se sont retrouvés, par la force des choses, au chômage, en fin de droits, au RSA ou même sans rien du tout, parce que les entreprises qui les emploient habituellement étaient à l'arrêt forcé ou parce que leur contrat ne permettait pas de recourir au chômage partiel. D'un côté, il y a des intermittents, des précaires, auxquels vous seriez bien inspirés – c'est ce qu'ils réclament – d'accorder une année blanche ; de l'autre, il y a votre refus constant de taxer correctement les ultra-riches. Les statistiques montrent que, sur dix ans, la France détient le record du monde de l'augmentation du patrimoine des ultra-riches – 437 % de hausse, soit deux fois plus qu'en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou en Allemagne. Vous continuez cependant de refuser de taxer ces riches tandis que, pour les plus pauvres, la situation est compliquée.

Vous protégez les entreprises profiteuses de crise au moment où les États-Unis s'y attaquent sans scrupule. De nombreux amendements vous avaient été proposés, et pas seulement de la part de la gauche de l'hémicycle, sur les entreprises, notamment du secteur du commerce en ligne, qui voient leur chiffre d'affaires exploser. En France, on n'aime pas prendre l'argent où il se trouve ; on ne touche pas aux entreprises du CAC 40 dont la plupart ont maintenu le versement des dividendes habituels tout en bénéficiant des aides de l'État.

Vous avez vu, comme moi, les récents chiffres concernant ces entreprises : les dividendes ont explosé, ils s'élèvent à 51 milliards d'euros, soit 22 % de plus qu'il y a un an. Tout en recevant des aides de l'État, ces entreprises ont donc engrangé des dividendes comme jamais alors que le pays s'enfonce dans la crise sanitaire, social, écologique.

Après ce constat accablant, se pose la question de l'avenir et, malheureusement, nous ne partageons pas votre optimisme. Les deux années perdues de production de richesses auront évidemment des conséquences sur l'économie. Toute la question sera de savoir qui paie les dégâts ? Le capital ou le travail ? Est-ce que ce sera ceux auxquels vous proposez une réforme des retraites et de l'assurance chômage ainsi qu'une baisse des dépenses publiques ? Ou acceptera-t-on enfin dans ce pays de prendre aux plus riches, à ceux qui possèdent le capital et auxquels vous avez fait des cadeaux afin de favoriser la relance ?

Quant à la baisse des dépenses publiques pour revenir à 3 % de déficit en 2027, ce que M. Le Maire a annoncé, comprenez-vous que c'est tout l'inverse de ce qu'il faut faire ?

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