Intervention de Jean-Louis Thiériot

Séance en hémicycle du mardi 4 mai 2021 à 21h00
Situation des entreprises touchées par la crise de la covid-19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Thiériot :

Quand on sort d'une guerre, l'essentiel est de ne pas perdre la paix. Nous allons sortir de cette crise. Pour en tirer les leçons, il n'est jamais inutile de revenir aux anciens, en l'occurrence à l'étymologie : crisis signifie à la fois « jugement » et « action ». Quel jugement, pour quelle action ?

Cette crise a été le révélateur de l'évaporation de la production française. Nous avons tous des images qui nous hantent : les masques qu'il faut importer en catastrophe ou les respirateurs que nous ne savons plus produire. Le mot banni de « souveraineté » est redevenu à la mode. Après la mondialisation heureuse, voici venu le temps de la mondialisation piteuse. À nous d'en faire une mondialisation vertueuse, sans naïveté, appuyée sur un État stratège habité par le patriotisme économique.

Parmi les nations d'Europe, la France a souffert plus que les autres. La part de l'industrie dans notre PIB, qui était à peu près identique à ce qu'elle était en Allemagne et en Italie dans les années 2000, est aujourd'hui moitié moins importante. Ces piètres résultats ont été obtenus avec une dépense publique de 58 % du PIB, contre 48 % en moyenne dans l'Union européenne. Triple punition, donc : inefficience économique, taxation et chômage.

Appartenant par nos gènes et notre histoire à la famille de la libre entreprise, non par dogmatisme, mais parce que c'est là que se crée le bien-être de tous, nous vous invitons solennellement, monsieur le ministre délégué, à suivre ces quelques pistes pour rendre aux entreprises françaises leur éclat. Quatre axes s'imposent : restaurer, libérer, produire et conquérir.

Restaurer, d'abord : aujourd'hui, la France souffre au moins autant de la concurrence intra-européenne que de la concurrence extra-européenne. Il s'agit d'abord de mettre nos entreprises au même niveau de compétitivité, coûts et hors coûts, que leurs grands compétiteurs européens.

Libérer : nulle économie n'a jamais prospéré sans la confiance et la liberté laissée aux agents économiques d'épanouir leurs talents. En dehors des activités stratégiques, où la main de la puissance publique ne doit pas trembler, la grande maxime d'action doit être : autant de liberté que possible, autant d'État que nécessaire. Cette liberté doit devenir le fil rouge de l'action de l'État, des relations sociales et du capitalisme qui doit venir, le capitalisme participatif.

Produire en France : il est temps de tourner le dos à l'aveuglement de ceux qui ont cru que notre pays pouvait se contenter d'une économie de services et se passer du savoir-faire de nos ouvriers. Un pays sans usines est un pays déclassé. Les usines sont la dignité des cols bleus et le centre d'un écosystème d'entreprises de services et de sous-traitance. Mais l'industrialisation ne se promeut pas par décret : elle suppose un environnement favorable et la simplification des normes, pour éviter le suicide par la vertu. J'ai en tête, monsieur le ministre délégué, le site de la raffinerie Total de Grandpuits, dans ma circonscription : il va fermer. Total a de beaux projets de chimie verte mais, pour sauver l'emploi, il faudrait que Corbion, une société hollandaise de production de lactide, y installe son site européen. Or elle hésite à cause des normes, de la lourdeur des procédures et des pesanteurs du droit du travail. Pour ces habitants de mon canton de Nangis et pour tous les salariés de l'industrie de France, dont ils ne sont que l'allégorie, agissons tout de suite.

Conquérir, enfin : l'économie française n'a jamais été aussi grande que quand elle a été portée par un grand dessein, qu'il s'agisse de celui de Napoléon III, qui voulait faire du pays le rival de l'Angleterre, ou de Charles de Gaulle, qui voulait lui rendre sa place dans le concert des nations par l'éclat de ses réalisations. Retrouver l'esprit de conquête, prendre le leadership européen dans les g reen tech grâce à une écologie sociale de marché bien pensée – autant de défis exaltants qui peuvent et doivent mobiliser nos énergies pour faire du commun à l'heure de la sortie de crise.

Dans Citadelle, Antoine de Saint-Exupéry écrivait : « Force-les de bâtir ensemble une tour, et tu les changeras en frères, mais si tu veux qu'ils se haïssent, jette-leur du grain. » Agissez vite, monsieur le ministre délégué, pour construire la nouvelle citadelle France.

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