Intervention de Antoine Herth

Séance en hémicycle du mercredi 5 mai 2021 à 15h00
Stratégie nationale pour la prochaine politique agricole commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth :

À l'occasion de ce débat et du suivant qui sera consacré au plan stratégique national, je crois qu'il est utile de rappeler le contexte de cet exercice. La Commission européenne décline sa politique selon trois priorités et elle demande à chaque État membre d'établir un plan stratégique national comprenant neuf objectifs spécifiques et un objectif transversal. Je les rappelle : assurer le revenu équitable des agriculteurs, accroître la compétitivité, rééquilibrer les pouvoirs dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire, agir contre le changement climatique, protéger les ressources naturelles, préserver les paysages et la biodiversité, soutenir le renouvellement des générations, dynamiser et soutenir le développement économique des zones rurales, garantir la qualité des denrées alimentaires et la santé, enfin – c'est l'objectif transversal – moderniser par l'innovation dans le cadre de la transition numérique.

Je note qu'à l'Assemblée nationale, nous sommes assez familiers des sujets du bas de tableau. On parle beaucoup de zones rurales, de qualité alimentaire, de biodiversité, de protection des ressources naturelles et de lutte contre le changement climatique. En revanche, quand notre assemblée s'est-elle pour la dernière fois enflammée sur les questions du renouvellement des générations, de l'accroissement de la compétitivité – un gros mot pour certains – ou des moyens d'assurer un revenu équitable à nos agriculteurs ? J'ai beau chercher, je ne vois pas…

Je note aussi que la France a pris de l'avance – et c'est heureux – sur un sujet puisque, avec la loi ÉGALIM, elle a déjà pris des positions sur le rééquilibrage du pouvoir dans la chaîne alimentaire. Alors oui, monsieur le ministre, ce rendez-vous parlementaire est important car, sans réponse sur le revenu des agriculteurs, il ne faudrait pas espérer trouver des jeunes pour assurer la relève. Il faudrait aussi que nous remisions nos belles idées sur l'entretien de l'espace rural et toutes les missions de préservation du milieu naturel que nous leur confions. Je recommande, à ce propos, la lecture du diagnostic publié par le ministère de l'agriculture, qui est éloquent. Je note d'ailleurs avec satisfaction qu'il comporte également un volet spécifique aux outre-mer.

On y parle beaucoup du revenu des agriculteurs, exprimé en résultat courant avant impôts par unité de travail agricole non salarié (RCAI/UTANS), à ne pas confondre avec le salaire d'un ouvrier, car ce chiffre englobe à la fois la rémunération des agriculteurs et celle du capital, souvent le remboursement des emprunts, mais c'est le seul critère que nous ayons. Ce revenu est en moyenne de 29 800 euros par an, mais un quart des exploitants touchent moins de 8 000 euros et un autre quart plus de 40 000 euros. Les revenus des producteurs de viande bovine, d'ovins, de caprins et de productions céréalières se situent entre 25 000 et 27 000 euros. Il faut être producteur de porcs ou viticulteur pour espérer dépasser les 45 000 euros – il est à noter que ce sont les productions les moins soutenues par les subventions de la PAC.

S'agissant des départements d'outre-mer, caractérisés par la prédominance des petites exploitations, le revenu moyen est de 24 000 euros en Martinique, 12 000 euros en Guadeloupe et seulement 6 500 euros à Mayotte.

Le diagnostic souligne que les prix des productions agricoles sont soumis aux risques du marché, mais aussi aux risques climatiques. En moyenne, les subventions représentent 14 % des recettes des exploitations, mais 35 % pour l'élevage bovin ou ovin. Quant aux charges, elles ont augmenté bien plus vite que les prix : de 84 % entre 2000 et 2018. Il est bon de se rappeler ce chiffre lorsque nous débattons de taxes et autres contributions, fussent-elles motivées par des causes environnementales. Les agriculteurs ont heureusement développé de nouvelles activités comme l'agrotourisme, la transformation et la vente directe ainsi que la production d'énergie.

Pour finir, quelques grandes tendances sont mises en évidence : la poursuite de la concentration des exploitations ; l'amplification du phénomène de sous-traitance : l'accroissement du nombre de salariés, alors que le nombre d'actifs non salariés diminue ; l'augmentation des risques liés au changement climatique ; l'augmentation de la volatilité des prix du fait des tensions commerciales et géopolitiques ; les nouvelles attentes des consommateurs – moins de viande et plus de produits issus de l'agriculture biologique – ; le déclin de certaines zones rurales ; la difficulté de maîtriser les charges liées au saut technologique que constitue le développement du numérique et de la robotique.

Voilà, mes chers collègues, quelques éléments que je soumets à votre réflexion. Cette excellente base de travail apporte des arguments en faveur de la position équilibrée que vous défendez, monsieur le ministre, en particulier en ce qui concerne l'élevage, les zones intermédiaires et la question de la convergence. La PAC est un outil puissant d'accompagnement de notre agriculture face à tous les défis qu'elle affronte mais le débat ne peut pas se résumer à la seule distribution des subventions. Pour moi, le grand sujet reste d'aider nos agriculteurs à créer de la valeur ajoutée dans un territoire qu'ils entretiennent et à acquérir un haut degré de résilience face aux aléas de leur métier.

De grâce, n'ajoutons pas par des bouleversements irréfléchis de l'instabilité aux incertitudes chroniques de nos paysans. Il faut, comme eux, savoir s'inscrire dans le temps long : c'est probablement l'exercice le plus difficile en politique – avec le respect de son temps de parole, monsieur le président !

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