La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : Quelle stratégie nationale pour la prochaine politique agricole commune ?
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
La parole est à M. Dominique Potier.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, le groupe Socialistes et apparentés, à travers moi, est heureux d'avoir provoqué ce temps de partage et de réunion dans les droits de tirage qui étaient les siens. Il a décidé de consacrer au plan stratégique national – PSN – un débat parlementaire en complément d'autres débats qui ont lieu en commission et dans cette assemblée, parce que c'est l'occasion de dialoguer avec l'exécutif, et avec les différentes formations politiques, de notre politique agricole commune – PAC – qui est l'un des enjeux majeurs de notre société aux plans écologique, économique et social. Le groupe Socialistes et apparentés est donc fier d'avoir permis cet espace de débat. Je note que si d'autres groupes, notamment le groupe Libertés et Territoires et le groupe UDI et Indépendants, ont eux-mêmes provoqué, lundi dernier, des temps de débat sur la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi ÉGALIM, et tout à l'heure encore, c'est qu'il y a en la matière un manque, qui revêt un aspect structurel dans notre démocratie française.
Je ne cesse d'envier le modèle allemand qui prévoit, pour toutes les négociations européennes, que la chancelière vienne devant le parlement indiquer les orientations de l'Allemagne avant d'aller les négocier en Europe. Il faut savoir que l'équivalent de notre PSN fait l'objet chez nos voisins allemands d'un débat entre les groupes politiques et d'arbitrages. La proposition du ministre est discutée, amendée, et c'est cette proposition, issue d'un dialogue entre l'exécutif et le législatif, qui permet de porter la voix des filières, des territoires et de l'intérêt général.
Pour notre part, nous en sommes très loin. J'ai le souvenir ému d'une mission d'information conduite en 2013 par Antoine Herth et Germinal Peiro, qui avait éclairé les débats parlementaires ; nous n'avons pas l'équivalent cette année et je le regrette. La crise du covid peut l'expliquer, mais elle n'explique pas tout. Des présidents de commission, notamment le président Lescure, ont organisé des débats qui auront lieu à la fin du mois de mai et qui nous permettront de dialoguer avec toutes les parties prenantes ; par ailleurs, nous devons saluer cette initiative française qu'a été le débat public sur l'agriculture « imPACtons !» qui a permis à des citoyens, y compris dans une période sanitaire difficile, de débattre et de proposer. Mais ces quelques heures de débat que nous aurons ensemble ne remplacent pas une validation par l'exécutif et le législatif de la position française dans le PSN alors que nous parlons de près de 9 milliards d'euros qui vont compter dans la comptabilité de chaque exploitation agricole, et qu'il s'agit de l'équilibre de nos territoires et de notre société, donc d'une partie de l'équilibre de notre planète.
J'ai un deuxième regret à exprimer, mais je le dis avec beaucoup de respect parce que vous avez engagé un dialogue, y compris avec les oppositions. Stéphane Le Foll, qui a été pendant cinq ans notre ministre de l'agriculture avait établi, avec les services de la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises – DGPE – et du ministère, un exercice qui me paraissait être de très bon aloi. Il s'agissait d'un état complet des revenus par actif, par exploitation, dans les différents territoires français. On y trouvait la plaine céréalière du bassin parisien, le système landais, le système de polyculture-élevage des régions intermédiaires, etc. Si vous avez ce document, monsieur le ministre, il faut le transmettre. Lorsque Stéphane Le Foll se livrait à cet exercice terrible qui est le vôtre aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il recevait ici la gauche, la droite, les centristes, les libéraux et les autres, il leur disait : « Vous voulez un milliard ou 100 millions de plus ici ? Vous voulez bouger les écorégimes, les dotations par hectare ou les aides couplées de telle ou telle manière ? Voici quelles en seraient les conséquences pour le revenu des uns et des autres. » C'était pour le moins éclairant, et cela établissait un principe de responsabilité : nous étions, en responsabilité, en train de recalibrer le revenu des agriculteurs de ce pays. Si nous admettons que tous souffrent aujourd'hui, il faut aussi avoir l'honnêteté intellectuelle de dire que tous ne souffrent pas de la même manière et depuis le même moment, et que le souci de la répartition des aides, au-delà même de leur efficacité écologique et économique, est un vrai sujet qu'il nous revient d'arbitrer en tant que parlementaires.
Ma première réponse, au nom du groupe Socialistes et apparentés, est d'abord celle du processus. Pouvons-nous, à l'instar de ce qu'avait fait Stéphane Le Foll, produire de façon claire, didactique, les éléments qui nous renseignent sur le revenu de nos agriculteurs dans les différentes filières et régions de France ? Il n'y a pas de tabou en la matière, seulement un exercice de transparence démocratique.
Pourquoi le groupe Socialistes et apparentés a-t-il voulu ce débat ? Au-delà des récriminations sur les modes démocratiques qui sont des préalables et qui ouvriront une discussion qui aura lieu jusqu'à l'été, il n'est pas trop tard. Vous le savez, cette nouvelle PAC, qui a été retardée par les élections au Parlement européen et la crise du covid, sera au cœur d'une décennie que nous savons capitale, car elle comporte au moins trois enjeux.
Tout d'abord, alors que nous venons d'adopter un projet de loi sur le climat, nous savons qu'un quart des enjeux climatiques se joue autour de l'alimentation et de la santé des sols, de leur résilience, de leur capacité à capter le carbone et à préserver la biodiversité des écosystèmes. Notre assurance-vie, la biodiversité, et notre contribution à la lutte contre le changement climatique passent par des modèles agricoles, et la France, grand pays agricole, par son territoire, par les savoirs qu'elle exporte dans le monde, peut participer, comme l'avait fait votre prédécesseur Stéphane Le Foll avec l'initiative « 4 pour 1000 » que la France poursuit, à ce récit d'une agriculture qui contribue à préserver le climat et la biodiversité.
Le deuxième enjeu, c'est l'alimentation. Avec une dizaine de milliards d'habitants sur la planète à l'horizon de 2050, comment assurer la sécurité alimentaire collective – je préfère ce terme à celui de souveraineté alimentaire – des uns et des autres ? L'Institut du développement durable et des relations internationales – IDDRI – estime que c'est possible si nous concilions de justes échanges – en valorisant toutes les terres du monde, tous les paysans du monde, tous les écosystèmes – et une agroécologie intensive, à condition de créer les infrastructures d'échanges entre les villes et les campagnes dans toutes les régions du monde, en instaurant autour de la Méditerranée, avec l'Afrique notamment, des échanges solidaires et justes au lieu de conclure des traités absurdes comme l'accord économique et commercial global, le CETA.
Le troisième enjeu, c'est celui du renouvellement des générations. Au cours de cette décennie dans laquelle va s'inscrire la politique agricole commune et le PSN dont nous débattons, entre un paysan sur deux et un paysan sur trois – tout dépend de la manière de compter – partira pour une juste retraite que nos combats législatifs ont un peu contribué à revaloriser. Sans relève, l'agroécologie, la sécurité collective, voire le bilan carbone, ne sont que littérature. Il faut assurer une relève, partager le foncier. Sur ce point, je crains que la proposition de réforme qui arrivera la semaine prochaine devant le Parlement ne soit ni à la hauteur des enjeux ni même présentée sous l'angle qui conviendrait pour gagner ce combat que, vous le savez, nous avons engagé depuis maintenant près de sept ans.
Je souhaite qu'on puisse imaginer ce que pourrait être un PSN ayant pour objet non pas de corriger l'ensemble des revenus – ce qui nous encouragerait à une forme d'immobilisme ou d'équilibre entre les uns et les autres –, mais qui garantirait une stabilité suffisante à chaque filière, à chaque artisan du récit agroalimentaire de la France et qui soit surtout un véritable investissement. C'est bien sûr l'enjeu d'une agroécologie des prix, reconnue non seulement au moyen de labels et de signes de qualité, mais également par une haute valeur environnementale (HVE) qui, je l'ai dit à plusieurs reprises dans les débats qui nous ont réunis, doit être réformée, comme le label AB, sous peine de rater la révolution carbone et les enjeux du partage de la terre, et du partage de la valeur en son sein. Des critères sociaux et environnementaux doivent venir enrichir ces deux labels clés des moteurs de l'agroécologie. Nous devons également prendre en compte l'agroécologie des coûts, car nous savons que les bonnes pratiques, plus économes et plus résilientes, sont celles qui nous permettront de résister aux vents mauvais.
Il faut faire le pari d'investir dans l'agriculture de groupe. Pour quelques dizaines d'euros, quelques poignées d'euros par hectare, nous pouvons privilégier toutes les formes collectives d'organisation qui permettent d'économiser les coûts de production au-delà même des pratiques des intrants par la mécanisation, le partage du capital, la mutualisation des savoirs et du matériel. Favoriser par la PAC une agriculture de groupe est à notre portée dans les écorégimes.
Enfin, il convient de favoriser, y compris par les aides de la politique agricole commune, comme nous l'avons fait avec bonheur dans la filière ovine, la constitution d'associations, d'organisations de producteurs capables de favoriser la conclusion de contrats pluripartites et pluriannuels entre fournisseurs, industriels et transformateurs, car de telles pratiques ouvrent des horizons qui évitent la dégradation des prix. Bien sûr, les mesures agroenvironnementales – MAE – et l'agriculture biologique supposeraient un transfert du premier au deuxième pilier ; nous en sommes partisans. Vous avez comme instrument la convergence, le transfert du premier au deuxième pilier et le plafonnement des actifs, mais vous avez écarté cette dernière hypothèse. Si nous n'ouvrons pas le débat de la redistribution et du plafonnement des aides par actif, nous ne pourrons pas satisfaire les mesures d'écorégimes – en anglais eco-scheme – qui permettent d'investir dans une nouvelle économie agricole au rendez-vous des marchés du futur. C'est le sens de ce que nous allons débattre aujourd'hui : éviter tout immobilisme et toute démagogie, investir dans les transitions du futur.
M. Jean-Paul Dufrègne et Mme Bénédicte Taurine applaudissent.
À l'occasion de ce débat et du suivant qui sera consacré au plan stratégique national, je crois qu'il est utile de rappeler le contexte de cet exercice. La Commission européenne décline sa politique selon trois priorités et elle demande à chaque État membre d'établir un plan stratégique national comprenant neuf objectifs spécifiques et un objectif transversal. Je les rappelle : assurer le revenu équitable des agriculteurs, accroître la compétitivité, rééquilibrer les pouvoirs dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire, agir contre le changement climatique, protéger les ressources naturelles, préserver les paysages et la biodiversité, soutenir le renouvellement des générations, dynamiser et soutenir le développement économique des zones rurales, garantir la qualité des denrées alimentaires et la santé, enfin – c'est l'objectif transversal – moderniser par l'innovation dans le cadre de la transition numérique.
Je note qu'à l'Assemblée nationale, nous sommes assez familiers des sujets du bas de tableau. On parle beaucoup de zones rurales, de qualité alimentaire, de biodiversité, de protection des ressources naturelles et de lutte contre le changement climatique. En revanche, quand notre assemblée s'est-elle pour la dernière fois enflammée sur les questions du renouvellement des générations, de l'accroissement de la compétitivité – un gros mot pour certains – ou des moyens d'assurer un revenu équitable à nos agriculteurs ? J'ai beau chercher, je ne vois pas…
Je note aussi que la France a pris de l'avance – et c'est heureux – sur un sujet puisque, avec la loi ÉGALIM, elle a déjà pris des positions sur le rééquilibrage du pouvoir dans la chaîne alimentaire. Alors oui, monsieur le ministre, ce rendez-vous parlementaire est important car, sans réponse sur le revenu des agriculteurs, il ne faudrait pas espérer trouver des jeunes pour assurer la relève. Il faudrait aussi que nous remisions nos belles idées sur l'entretien de l'espace rural et toutes les missions de préservation du milieu naturel que nous leur confions. Je recommande, à ce propos, la lecture du diagnostic publié par le ministère de l'agriculture, qui est éloquent. Je note d'ailleurs avec satisfaction qu'il comporte également un volet spécifique aux outre-mer.
On y parle beaucoup du revenu des agriculteurs, exprimé en résultat courant avant impôts par unité de travail agricole non salarié (RCAI/UTANS), à ne pas confondre avec le salaire d'un ouvrier, car ce chiffre englobe à la fois la rémunération des agriculteurs et celle du capital, souvent le remboursement des emprunts, mais c'est le seul critère que nous ayons. Ce revenu est en moyenne de 29 800 euros par an, mais un quart des exploitants touchent moins de 8 000 euros et un autre quart plus de 40 000 euros. Les revenus des producteurs de viande bovine, d'ovins, de caprins et de productions céréalières se situent entre 25 000 et 27 000 euros. Il faut être producteur de porcs ou viticulteur pour espérer dépasser les 45 000 euros – il est à noter que ce sont les productions les moins soutenues par les subventions de la PAC.
S'agissant des départements d'outre-mer, caractérisés par la prédominance des petites exploitations, le revenu moyen est de 24 000 euros en Martinique, 12 000 euros en Guadeloupe et seulement 6 500 euros à Mayotte.
Le diagnostic souligne que les prix des productions agricoles sont soumis aux risques du marché, mais aussi aux risques climatiques. En moyenne, les subventions représentent 14 % des recettes des exploitations, mais 35 % pour l'élevage bovin ou ovin. Quant aux charges, elles ont augmenté bien plus vite que les prix : de 84 % entre 2000 et 2018. Il est bon de se rappeler ce chiffre lorsque nous débattons de taxes et autres contributions, fussent-elles motivées par des causes environnementales. Les agriculteurs ont heureusement développé de nouvelles activités comme l'agrotourisme, la transformation et la vente directe ainsi que la production d'énergie.
Pour finir, quelques grandes tendances sont mises en évidence : la poursuite de la concentration des exploitations ; l'amplification du phénomène de sous-traitance : l'accroissement du nombre de salariés, alors que le nombre d'actifs non salariés diminue ; l'augmentation des risques liés au changement climatique ; l'augmentation de la volatilité des prix du fait des tensions commerciales et géopolitiques ; les nouvelles attentes des consommateurs – moins de viande et plus de produits issus de l'agriculture biologique – ; le déclin de certaines zones rurales ; la difficulté de maîtriser les charges liées au saut technologique que constitue le développement du numérique et de la robotique.
Voilà, mes chers collègues, quelques éléments que je soumets à votre réflexion. Cette excellente base de travail apporte des arguments en faveur de la position équilibrée que vous défendez, monsieur le ministre, en particulier en ce qui concerne l'élevage, les zones intermédiaires et la question de la convergence. La PAC est un outil puissant d'accompagnement de notre agriculture face à tous les défis qu'elle affronte mais le débat ne peut pas se résumer à la seule distribution des subventions. Pour moi, le grand sujet reste d'aider nos agriculteurs à créer de la valeur ajoutée dans un territoire qu'ils entretiennent et à acquérir un haut degré de résilience face aux aléas de leur métier.
De grâce, n'ajoutons pas par des bouleversements irréfléchis de l'instabilité aux incertitudes chroniques de nos paysans. Il faut, comme eux, savoir s'inscrire dans le temps long : c'est probablement l'exercice le plus difficile en politique – avec le respect de son temps de parole, monsieur le président !
Sourires.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'être venu répondre aux questions qui nous permettront de préciser les nouvelles orientations de la réforme de la PAC à la suite de la communication du Conseil de l'Union européenne d'octobre 2020.
De nombreux agriculteurs nous ont fait part de leur inquiétude quant aux conséquences concrètes de la mise en place du programme stratégique national. En décembre 2020, la Commission européenne a transmis ses recommandations à la France et aux autres États membres en ce qui concerne le plan stratégique relevant de la PAC. Ces recommandations restent classiques, déclinant quatre objectifs : assurer la sécurité alimentaire, renforcer la protection de l'environnement, renforcer le tissu socio-économique des zones rurales, encourager le partage des connaissances, l'innovation et la numérisation dans l'agriculture et dans les zones rurales.
Derrière ces différents sujets qui paraissent très techniques, l'objectif de notre débat est bien d'éclairer les parlementaires, les citoyens, mais surtout les agriculteurs qui peuvent se sentir perdus face à un outil de plus en plus bureaucratique. Je voudrais aussi profiter de votre présence pour vous demander des précisions sur ce fameux programme stratégique national, symbole d'une PAC qui, pour la première fois depuis 70 ans, sera en quelque sorte nationalisée, ainsi que sur des conséquences qui pourraient déstabiliser les agriculteurs et le monde agricole.
Sur le plan européen tout d'abord : comment la France va-t-elle pouvoir s'assurer que le renforcement du passage d'une logique communautaire à une logique nationale par le PSN ne se fera pas à son détriment, notamment à cause d'États aux normes plus souples – je pense bien évidemment aux normes environnementales. Si la Commission européenne doit donner son approbation au PSN de chaque État membre, qu'en sera-t-il du contrôle de son application ? Disposerons-nous d'un outil de contrôle, par exemple en cas de concurrence déloyale manifeste, et les États qui ne rempliraient pas leurs obligations seront-ils sanctionnés ?
Sur le plan national, si je me réjouis de l'implication de la commission nationale du débat public et de la synthèse publiée par votre ministère le 3 avril dernier, plusieurs éléments de ce document m'interpellent. Plus précisément, je me demande si la gouvernance du plan stratégique national respectera le principe de subsidiarité défini à l'article 72 alinéa 2 de notre Constitution, si les collectivités territoriales, actrices à part entière de la PAC, pourront participer à l'élaboration du PSN et si des mesures sont envisagées pour les impliquer dans la conduite de certaines parties du programme.
Je m'étonne en outre des réponses obtenues des 7 409 agriculteurs à qui on demandait de hiérarchiser les objectifs spécifiques assignés à la PAC. Les deux éléments classés « très prioritaires » sont la défense de l'environnement et la lutte contre le changement climatique ; en revanche, des thèmes aussi majeurs que l'attractivité des métiers de l'agriculture, le revenu des acteurs du monde agricole ou la revitalisation des espaces ruraux ne seraient considérés que comme prioritaires.
J'ai eu l'occasion d'échanger avec de nombreux représentants du monde agricole de ma circonscription de la Somme : beaucoup attendent des précisions sur l'instauration de l'écorégime. En effet, la troisième voie, avec la diversité des assolements, s'avère elle aussi trop restrictive, étant donné que les premières propositions de la DGPE ne comptabilisent pas systématiquement comme des cultures différentes les cultures de printemps comme l'orge, la betterave ou encore la pomme de terre. Les agriculteurs de la Somme aux cultures diversifiées craignent que ces rotations ne soient pas reconnues dans le cadre de l'écorégime, ce qui leur semble incohérent, frustrant et décourageant. Si la nouvelle PAC entend consacrer la diversité des agricultures, notamment entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud, il est nécessaire que le plan stratégique français reconnaisse que les agricultures sont tout aussi diverses sur notre territoire et nous espérons, monsieur le ministre, que vous saurez en tenir compte.
Parallèlement, de nombreux agriculteurs appréhendent de nouvelles normes élaborées au niveau européen, alors que les nouvelles obligations, comme celle de ne pas traiter certaines zones, diminuent leur revenu et ne sont pas compensées par des aides supplémentaires. Beaucoup s'alarment donc de ce renforcement de normes alors que le montant de la PAC a encore été diminué. Ainsi, si la part précise des paiements récompensant les services environnementaux n'est pas connue, comment ces derniers pourront-ils permettre de rétablir une concurrence plus équitable entre le producteur français aux pratiques vertueuses – je pense à un producteur de fraises à Matigny, dans mon département de la Somme – et l'agriculteur espagnol qui produit des fraises sous une serre chauffée ? Plus globalement, monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer comment la France souhaite améliorer la compétitivité de ses exploitants au travers du PSN et en quoi celui-ci sera plus efficace pour les acteurs du monde agricole ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le monde agricole attend avec inquiétude les derniers arbitrages concernant la politique agricole commune. En effet, l'incertitude règne, aussi bien au niveau communautaire qu'au niveau national, sur les contours de la future PAC, le détail de la politique commune qui entrera en vigueur en 2023 étant toujours en cours de négociation à Bruxelles. Du côté français, seules quelques propositions sont connues concernant le plan stratégique national.
Vous en avez détaillé les principaux axes, monsieur le ministre : la souveraineté alimentaire, la structuration de filières dans les territoires, la qualité des produits et la transition agroécologique. Ce sont des objectifs auxquels je souscris. Reste désormais à en assurer la bonne déclinaison dans le cadre de notre stratégie nationale. Sur ce point, j'ai encore des doutes.
Comme de nombreuses organisations agricoles, je regrette que les premiers éléments exposés par la direction générale de la performance économique et environnementale ne concernent jusque-là que le premier pilier de la PAC. Au vu de l'interdépendance des outils de la PAC, la concertation aurait gagné en lisibilité si le premier et le second pilier avaient été présentés conjointement. Je redoute que la future PAC laisse plus de marge pour les transferts entre piliers, au risque d'accroître les distorsions de concurrence entre les États membres.
Mes préoccupations vont au-delà de ces questions d'architecture. Elles concernent également les dispositifs de soutien. Ainsi, la nouvelle mouture des aides couplées m'interpelle. Le projet prévoit de prélever une part importante de l'enveloppe destinée aux éleveurs de ruminants au profit des protéines végétales, des petits maraîchers et des élevages laitiers. Les premières victimes en seront les élevages bovins qui pourraient perdre près de 250 millions d'euros qui leur sont aujourd'hui destinés. Les élevages ovins pourraient eux aussi en subir les conséquences, alors même qu'ils sont très souvent installés dans des territoires fragiles, où leur contribution à l'entretien des paysages et à la préservation de la biodiversité est indispensable. Une répartition plus équilibrée des aides couplées est-elle à l'étude afin que l'émergence de nouvelles filières ne se fasse pas au détriment des élevages existants ?
Un autre sujet d'inquiétude est la mise en place des écorégimes, qui permettront de conditionner entre 20 et 30 % des paiements directs à des critères environnementaux. Les trois conditions retenues pour accéder à ces aides – la détention d'une certification, la mise en œuvre de pratiques de gestion agroécologique et le respect d'un pourcentage d'éléments « non productifs » favorables à la biodiversité – semblent trop restrictives à certains acteurs.
Vous estimez qu'elles permettraient à 70 % des agriculteurs de bénéficier des écorégimes. Pour ma part, je considère qu'elles doivent guider les exploitations dans leurs changements de pratiques sans les sanctionner. À l'heure où les agriculteurs français font face à des injonctions contradictoires – exigence de qualité, réduction de l'impact environnemental, le tout sous une contrainte de coûts bas et une importante concurrence étrangère –, ils ont besoin d'un accompagnement fort et lisible.
Ce soutien doit tout particulièrement être repensé pour permettre à nos agriculteurs de faire face au dérèglement climatique. Les derniers épisodes de gel qui ont dévasté une grande partie de nos territoires, comme c'est le cas dans mon département, sont venus nous rappeler cette urgence. De nouvelles modalités de gestion des risques sont-elles prévues dans le cadre de la PAC 2023-2027 ? Quels moyens seront mis en œuvre pour investir dans l'innovation et favoriser l'émergence de variétés résistantes aux grands froids et à la sécheresse ? Allez-vous renforcer les aides prévues dans le premier pilier, afin notamment de permettre aux agriculteurs d'investir dans du matériel pour affronter les aléas climatiques tout en réduisant leur reste à charge ? Par ailleurs, pouvez-vous rassurer les arboriculteurs sur les règles de minimis qui s'appliqueront aux fonds que vous venez de débloquer ?
Je veux enfin évoquer deux points capitaux et intimement liés : la rémunération des agriculteurs et l'attractivité du métier aux yeux des nouvelles générations. La stratégie agricole française n'a pas permis d'assurer un niveau de vie satisfaisant à nos agriculteurs ni de garantir le renouvellement des générations. La politique agricole commune a une responsabilité dans cet échec, les aides à la surface favorisant l'agrandissement des structures de production. Afin que ces aides soient davantage ciblées vers les exploitations familiales, il me semble nécessaire de revaloriser le paiement redistributif sur les 52 premiers hectares.
La future PAC a vocation à engager des changements structurels pour notre agriculture. Il vous revient, monsieur le ministre, la responsabilité d'en assurer une déclinaison nationale plus protectrice de nos agriculteurs et plus respectueuse de notre environnement.
Mme Michèle Crouzet, M. Jimmy Pahun et M. Philippe Vigier applaudissent.
Je veux commencer par remercier celles et ceux qui ont proposé une discussion sur cette thématique, car je partage le constat de Dominique Potier sur le manque d'échanges à ce sujet et je soutiens ses demandes sur ce point.
Les enjeux de la PAC sont de taille, car celle-ci représente près de la moitié des revenus des agriculteurs. L'un des signaux envoyés par le ministère de l'agriculture semble indiquer que la priorité du plan national reviendrait au financement des assurances multirisques climatiques. Cela peut s'entendre dans un contexte marqué par des périodes de gel ou de sécheresse, mais l'enjeu majeur est plutôt la transition vers un modèle plus résilient face à ces aléas qui, dans le contexte du dérèglement climatique, vont se multiplier. Qui plus est, le modèle retenu tend à conforter avec de l'argent public les revenus et les bénéfices des assurances, qui sont des organismes privés. Or, d'autres voies sont possibles pour soutenir les agriculteurs.
Pour ce qui est du paiement redistributif, qui consiste à réattribuer une partie du budget du premier pilier sur les premiers hectares des fermes, la direction générale de la performance économique du ministère de l'agriculture propose de conserver l'enveloppe de 10 % des aides directes, et même de la porter à 20 %, comme le demandent plusieurs syndicats, dont la Confédération paysanne et Jeunes agriculteurs, afin de soutenir et de préserver notre modèle paysan. J'aurais voulu connaître votre avis, monsieur le ministre, sur le renforcement du paiement redistributif, notamment pour les 52 premiers hectares et, éventuellement, sur l'idée de scinder les valeurs selon trois paliers – elle serait maximale pour les 10 premiers hectares, intermédiaire de 10 à 25 hectares et minimale pour la tranche de 25 à 52 hectares.
D'autre part, se pose toujours la question du plafonnement des aides. Il est catastrophique de ne pas remettre en cause la priorité accordée aux aides à la surface, car c'est un signal très négatif envoyé à l'ensemble de la profession, et qui s'oppose à une plus juste répartition des aides. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous persistez dans ce refus de plafonner les aides ?
Un débat public a été organisé en France en janvier 2021 afin de définir les objectifs et la hiérarchisation souhaités par les citoyens. S'y est exprimé le souhait de partir désormais de la demande, et non plus de l'offre, ce qui nous semble très positif. Il est bon de fonder la réflexion sur ce que les Français souhaitent manger et la manière dont ils souhaitent que leur nourriture soit produite. De fait, c'est bien au consommateur qu'il revient d'en décider et il semble logique que le territoire national réponde à ses besoins de la façon le plus autonome possible. Le débat public national a ainsi révélé une demande claire d'accélération vers la transition agroécologique de la PAC. Les citoyens ne veulent plus avoir à choisir entre environnement et agriculture. C'était en ce sens que nous avions par exemple élaboré une proposition de loi visant à limiter les fermes intensives en fonction du classement de leur impact environnemental.
En ce qui concerne le deuxième pilier, l'objectif de transition écologique se voit attribuer une part de budget bien trop faible. Je note par ailleurs que l'inventivité est à l'œuvre pour ce qui est des écorégimes, puisque tout est possible ou presque. Cette disposition est neuve et nous semble pouvoir cadrer.
Vous proposez un dispositif largement accessible aux agriculteurs, mais qui ne viendra pas forcément récompenser les plus vertueux.
Il semble par ailleurs nécessaire de stopper ou, à tout le moins, de limiter les exportations de bœuf à l'engraissement au-delà nos frontières et, pour ce faire, d'étendre les aides couplées bovin allaitant à l'UGB, ou unité de gros bétail, avec, pourquoi pas, un seuil lié à l'âge et un plafond pour le chargement à l'hectare. Cette mesure permettrait de diversifier la production, par exemple de valoriser l'élevage du bœuf ou d'engraisser des génisses ou des vaches de réforme, ce qui me semble plutôt positif.
Enfin, il semble éminemment important que les aides couplées comportent un lien avec l'herbe. Il est, en outre, nécessaire de resanctuariser l'ICHN, l'indemnité compensatoire de handicaps naturels. Tous ces éléments permettront de mettre en œuvre un modèle agricole équilibré et cohérent.
Alors que nous débattons aujourd'hui de la stratégie nationale pour la prochaine politique agricole commune, je ne voudrais pas oublier les pêcheurs qui, jour après jour, voient le Brexit leur faire plus de mal. La pêche normande est désormais tributaire de licences nécessaires pour accéder aux eaux territoriales britanniques et victime de la pression de pêche exercée en Manche par les grands navires-usines qui pillent nos ressources. Nous avons besoin d'une France qui protège ses pêcheurs et la pêche artisanale. Ce constat se décline évidemment aussi pour toute notre agriculture.
En ce qui concerne la prochaine PAC, il est difficile, monsieur le ministre, malgré votre engagement personnel, de faire confiance au Gouvernement pour définir une stratégie nationale ambitieuse quand, deux ans après son adoption et en pleine crise sanitaire, nous sommes confrontés au triple échec de la loi ÉGALIM, qui a fini de doucher les espoirs de nos agriculteurs – ce que, du reste, vous avez en quelque sorte poliment reconnu en montrant les limites de cette loi.
Deux ans après, nous constatons un échec en termes de prix rémunérateurs pour nos agriculteurs, qui subissent toujours des chantages de la part de la grande distribution et le dumping des produits étrangers. Deux ans après, nous constatons un échec en termes de protection de nos savoir-faire français. Je pense évidemment au lait normand, qui voit son origine, sa qualité et son savoir-faire disputés par les grandes industries, par exemple, – celles-là mêmes qui négocient au plus bas les prix. Je pense encore à nos AOP – appellations d'origine protégées – fromagères, en Normandie et partout en France, dont la survie est menacée par des affichages nutritionnels comme le nutri-score, qui donnent leurs bons points aux produits transformés, au Babybel plutôt qu'au Neufchâtel. Deux ans après, enfin, nous constatons un échec dans nos assiettes. Nous savons en effet que, ni dans les restaurations collectives ni dans la part que représente l'agriculture bio, les objectifs d'une agriculture et d'une alimentation plus vertueuses en 2022 ne pourront être atteints, faute de moyens suffisants.
À ce bilan s'ajoute celui de la crise sanitaire, qui nous a démontré en grandeur nature qu'il était urgent de recouvrer notre souveraineté alimentaire et que la nécessaire transformation de notre agriculture ne devait laisser personne au bord du chemin. Il est à craindre – et vous savez que cette inquiétude s'exprime actuellement – que la PAC ne soit pas à la hauteur de la situation.
Dès 2018, nous avions appris que son budget serait en baisse. L'Union européenne a préféré renvoyer sa responsabilité aux États en exigeant une déclinaison nationale de la PAC, et cette déclinaison a le visage d'un nouveau gadget qui, j'en ai peur, ne réglera rien. À quoi servira un tel outil si rien n'est fait pour protéger le prix du lait, nos maraîchers, nos producteurs de viande ? Ce nouveau gadget budgétaire et réglementaire ne mettra pas fin au dumping social et environnemental que pratiquent d'autres pays.
Voyons par exemple ce qu'il en est de l'exigence pour nos exploitations de se transformer. Si nous savons tous ici – et vous le dites souvent – qu'il est nécessaire de changer nos pratiques agricoles, par exemple de replanter des haies dans nos prairies normandes ou bourbonnaises – car Jean-Paul Dufrègne m'en voudrait de ne pas le citer – ou de diminuer la part des intrants dans nos cultures, comment atteindre ces objectifs alors que 4 % seulement du budget actuel de la PAC sert à accompagner les transitions agroécologiques et les conversions au bio ? Les agriculteurs qui ne parviennent déjà pas à se payer au SMIC auront du mal à investir dans l'agriculture durable si on ne leur en donne pas les moyens. La question est déterminante.
À ce propos, vous avez déclaré, monsieur le ministre, qu'avec la future PAC et la mise en place des écorégimes – passons sur leur niveau d'exigence ! –, quelque 70 % des agriculteurs français sont potentiellement éligibles aux aides. S'il est nécessaire d'inciter à de nouvelles pratiques, comment comptez-vous y parvenir sans moyens supplémentaires ?
Autre sujet de préoccupation : que vont devenir les aides couplées attribuées à certaines productions en difficulté avec cette nouvelle PAC ? Sur ce point, je crains que vous ne choisissiez la méthode des vases communicants, en déshabillant Paul pour habiller Jacques. Notre élevage est déjà en souffrance et cette décision pourrait signer l'arrêt de mort d'un grand nombre de nos exploitations. La proposition discutée pourrait conduire à une baisse des aides spécifiques à l'élevage bovin de 610 à 360 millions d'euros par an, alors que les éleveurs bovins souffrent déjà de prix sous-rémunérateurs. En moyenne, un éleveur a gagné 8 000 euros en 2020, soit moins de 700 euros par mois : cette nouvelle PAC nationalisée va-t-elle régler le problème ou l'aggraver ? Il est à craindre que la stratégie nationale ne vienne entériner une nouvelle stratégie d'ornière et, encore une fois, la PAC risque d'oublier l'essentiel : ceux qui font vivre la terre.
Monsieur le ministre, je ne doute pas votre engagement personnel, mais il est encore temps de faire germer une autre politique ambitieuse pour nos agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.
Nous sommes dans la dernière ligne droite de la négociation de la future politique agricole commune et je sais, monsieur le ministre, que vous y mettez toute votre énergie pour créer et renforcer les meilleurs outils possibles afin de construire une PAC à la hauteur de nos ambitions françaises et européennes. Cette négociation est un tournant pour notre agriculture, car c'est l'un des lieux de transformation profonde, non seulement d'une filière économique, mais aussi d'une forme d'organisation de notre société, d'organisation de nombreux territoires et de choix d'alimentation – parfois de choix de crise, voire d'après-crise. Il nous faut construire pour aujourd'hui et demain ce changement profond, construire ensemble les transitions, en évitant les débats manichéens, en remettant du sens de la nuance dans nos réflexions, et du temps. Le green deal, qui constitue la priorité politique de la Commission européenne, est une démarche transversale pour favoriser la neutralité carbone.
La grande transition agricole européenne que nous souhaitons tous vers une agriculture plus durable, plus résiliente et servant notre souveraineté alimentaire française, doit être accompagnée par une politique agricole commune qui dispose d'objectifs communs et ambitieux.
Je veux saluer, monsieur le ministre, votre action énergique et celle du Président de la République, qui a permis, après une négociation difficile, de disposer d'un budget global lui aussi ambitieux, alors que la proposition initiale de budget accusait une baisse significative et inacceptable pour la France. Ce budget revu, corrigé et stabilisé en juillet 2020 a permis de définir des orientations, des priorités solides pour accompagner nos agriculteurs, nos filières et nos territoires.
Je veux rappeler quelques grands principes et les enjeux qui sont devant nous. Comme vous le savez, il faudra définir des soutiens économiques pertinents, qui permettront d'accompagner la structuration des filières vers une valorisation adéquate des productions sur les différents marchés. Je retiens également que l'agriculture apporte de multiples solutions indispensables à notre réponse aux grands enjeux climatiques auxquels nous sommes confrontés. La PAC doit évoluer pour mieux valoriser les services que nous rendent les agriculteurs avec des outils simples et incitatifs. Je retiens encore l'accompagnement et la transformation des filières de production en tenant compte de leur diversité et de leurs spécificités.
Je veux souligner, si cela était encore nécessaire, l'enjeu majeur que constitue la gestion des risques et la résilience des systèmes à intégrer dans nos réflexions pour conserver les femmes et les hommes engagés dans l'agriculture sur tous nos territoires. L'un de nos objectifs est, comme nous le reconnaissons tous, la simplification de la PAC, qui ne doit pas être une politique de suradministration, mais qui doit être lisible et comprise de tous – de ses bénéficiaires comme de l'ensemble des citoyens européens.
La PAC, c'est un véritable outil économique pour permettre la création de valeur ajoutée. Un autre objectif est celui de la réduction des risques, avec des moyens de prévention, tout en améliorant notre impact environnemental et en luttant contre le changement climatique. Les attentes sont fortes dans ce domaine après les aléas climatiques que nous avons connus dernièrement – le gel et, actuellement, la sécheresse qui revient sévir sur bon nombre de nos territoires. Nous avons identifié les défis économiques, environnementaux et climatiques qui appellent des réponses globales.
Je sais, monsieur le ministre, que vous souhaitez vous inscrire dans ce cercle vertueux qui pousse chaque État membre à progresser. C'est la difficulté à laquelle nous sommes confrontés en ce moment : comment trouver, avec nos agriculteurs et leurs représentants, le juste équilibre entre objectifs communs, objectifs spécifiques, modèles globaux, modèles locaux, dispositifs généralisés et mesures territorialisées ? Nous devons également valoriser nos différentes formes d'agriculture, leurs atouts respectifs et leurs spécificités, et préserver une cohérence d'ensemble au regard de nos objectifs communs, tant économiques qu'environnementaux.
Vous avez lancé, monsieur le ministre, un exercice de concertation inédit avec les parties prenantes sur la partie « objectifs » et les mesures du plan stratégique national, en les appelant les uns et les autres, dans une logique responsable, à donner leurs priorités. Nous saluons cette méthode de travail, qui s'appuie sur la concertation et qui permet en toute transparence de partager les impacts des différentes solutions envisageables qui vous permettront de procéder à vos arbitrages dans une vision politique claire : c'est ce que vous appelez le principe du livre ouvert.
Vous avez d'ores et déjà souligné qu'il n'y aurait pas de transferts massifs entre les territoires, comme cela avait été le cas dans les réformes précédentes. S'agissant du premier pilier, la question de l'e co-scheme est essentielle : il faudra mettre en place un dispositif d'écorégime qui, tout en soutenant la transition agroécologique, demeure inclusif et accessible. En effet, la porte de ce dispositif doit être ouverte au plus grand nombre, qu'il s'agisse d'accéder à l'écorégime de base ou de progresser vers un niveau supérieur du dispositif.
L'écorégime doit aussi reconnaître les exploitations déjà engagées dans la transition agroécologique. Peut-être faudra-t-il entraîner l'intégration de pratiques nouvelles comme l'agriculture de précision et l'agriculture de conservation des sols, mais aussi le soutien aux investissements collectifs ? Nous pouvons engager aujourd'hui la réflexion.
Je terminerai en rappelant, monsieur le ministre, que le chantier est vaste pour faire évoluer la politique agricole commune. Pour être efficace, la France doit parler d'une seule voix. La PAC représente un instrument puissant au service d'une croissance inclusive, et nous devons donc, collectivement, tenir le cap jusqu'à l'obtention d'une proposition ambitieuse, quelles que soient les difficultés à surmonter : monsieur le ministre, nous serons avec vous et derrière vous pour relever le défi, au nom du succès de l'agriculture française et de nos territoires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Avant chaque nouvelle négociation de la politique agricole commune, les discours prennent toujours la même tonalité : ces négociations sont essentielles, il s'agit de sauver notre agriculture, nous sommes face à l'opération de la dernière chance pour notre agriculture. Aujourd'hui, plus que jamais, cette tonalité a du sens ; aujourd'hui, plus que jamais, la déclinaison de la prochaine PAC sera décisive, puisqu'elle s'inscrira dans un contexte historique marqué par une crise sanitaire mondiale dont les conséquences économiques et sociales ne sont plus à démontrer.
La crise écologique, environnementale et climatique ne nous laisse désormais aucune autre option : nous devons accompagner et accélérer la transition agricole, mais aussi mieux prévenir les aléas climatiques qui peuvent toucher les agriculteurs, comme l'épisode de gel en 2021, la jaunisse de la betterave en 2020, ou encore la sécheresse en 2017. La crise sanitaire a mis en évidence un enjeu essentiel : la nécessité absolue de notre souveraineté alimentaire. Notre pays a la chance d'avoir des femmes et des hommes agriculteurs, qui ont fait preuve d'un courage et d'une détermination infaillibles pour nourrir les Français tout au long des différents confinements, alors même que, quelques mois avant le début de la crise, l'agribashing était devenu le sport favori chez certains commentateurs – rappelez-vous.
Les crises aux multiples visages qui menacent l'agriculture française doivent pousser les pouvoirs publics à accompagner et protéger davantage cette chance qu'elle représente. Tel doit être l'objectif de notre stratégie nationale pour la PAC 2023, telle doit être la voix de la France dans ces négociations.
Lorsque les pères fondateurs de la PAC la rédigent, en 1957, ils inscrivent notamment parmi les objectifs la nécessité « [d']assurer un niveau de vie équitable à la population agricole » ou encore de « garantir la sécurité des approvisionnements ». Soixante ans après, nous en sommes toujours là : revenus des agriculteurs, souveraineté alimentaire. Comment pouvons-nous garantir cette souveraineté si les règles s'appliquent différemment dans les États membres, créant, par ricochet, des distorsions de concurrence au sein de l'Union ? Comment pouvons-nous garantir un revenu si les critères d'éligibilité aux aides de la PAC se durcissent ? Je viens de la région des Hauts-de-France, monsieur le ministre, une région où, au cours des quinze dernières années, les agriculteurs de l'Aisne, de la Somme et du Pas-de-Calais, ont déjà largement contribué, à mesure que les aides de la PAC étaient rognées au gré des transferts du premier vers le deuxième pilier : ils ont désormais besoin de stabilité – simplement de stabilité : ils ne demandent même pas un retour en arrière !
Les agriculteurs en grandes cultures, dont dépend fortement notre industrie agroalimentaire, parfois en zone intermédiaire, s'inquiètent des aides couplées, du dispositif d'écorégime et du nouveau dispositif PSN-PAC.
Les aides couplées doivent évoluer, qu'il s'agisse de leur montant ou de leurs modalités. Mais cette évolution doit prendre en compte la structuration économique des filières et leurs apports à notre objectif de souveraineté alimentaire.
Concernant les écorégimes, nous avons compris qu'il s'agissait d'un outil devant nous permettre de mener à bien la transition agroécologique. Mais ils doivent aussi être l'occasion d'accompagner tous les acteurs, et non de diviser les agriculteurs entre eux, comme certains le font parfois en opposant la certification bio ou le label HVE.
Ils doivent aussi tenir compte des labels nationaux ou des productions sous SIQO – signes d'identification de qualité et d'origine –, dont les cahiers des charges sont déjà très stricts. Les critères d'éligibilité à l'écorégime qui seront retenus doivent prendre en compte la diversité des agricultures, mais aussi de nos territoires : ne créons pas un plan stratégique national de la PAC à deux vitesses qui, d'un côté, récompenserait ceux qui ont déjà engagé la transition et, de l'autre, sanctionnerait ceux qui, pour diverses raisons, ne l'ont pas encore fait, en diminuant les aides de la PAC.
Enfin, il y a quelques jours, la France entière, du nord au sud, a été frappée par une vague de froid qui a touché toutes les cultures – vignes, vergers, betteraves, colza : pour certains, la saison complète est fichue. Couvert majoritairement par la PAC, le contrat socle d'assurance récolte offre une couverture minimaliste et reste inopérant. La part des agriculteurs qui souscrivent ce type d'assurance reste d'ailleurs largement minoritaire, pour plusieurs raisons que je n'ai pas le temps d'approfondir. En tout cas, la nouvelle PAC ne peut pas passer à côté du dossier de la gestion des risques : pouvez-vous nous indiquer vos pistes de travail sur les outils actuels de la PAC en matière d'épargne de précaution ou d'ISR – instrument de stabilisation du revenu ?
L'agriculture française est hétérogène : elle touche des territoires différents, des sols différents, des espaces différents, des femmes et des hommes différents, ancrés dans ces territoires. Les parlementaires sont les représentants, les porte-parole de la diversité agricole : il est donc fort dommage que nous ne soyons pas systématiquement associés à la préparation et aux arbitrages du plan stratégique national de la PAC au titre de partie prenante, et qu'il ait fallu des initiatives comme celle-ci pour en débattre.
M. Vincent Rolland applaudit.
Lorsqu'on parle d'agriculture, on parle des territoires de France que nous aimons tous et dont nous sommes les porte-voix, de cette richesse qu'incarnent les agriculteurs par leur courage et leur dévouement. Ces premiers de cordée, monsieur le ministre, il ne faut pas les oublier : durant la crise du covid, ils ont toujours été présents, parallèlement aux personnels soignants, et il ne s'est pas passé un jour sans qu'ils exercent leur activité professionnelle.
À titre personnel, je tiens tout d'abord à saluer votre engagement : la majorité des ministres de l'agriculture en ont fait preuve, mais vous laisserez dans l'agriculture française une image importante, monsieur le ministre. Nous savons que les discussions sont difficiles, qu'à Bruxelles, les complexités sont nombreuses, mais il est des moments où il ne faut pas lâcher, puisqu'il s'agit – chacun l'a bien compris et Julien Dive l'a dit à l'instant – d'un facteur d'indépendance. Comment ne pas vouloir être autonome en matière de sécurité alimentaire ? Il s'agit de la vie de nos territoires : imagine-t-on une France sans agriculteurs ? Il s'agit aussi d'être capable de relever les différents défis : celui, permanent, de l'innovation, celui de la transition écologique et, tout simplement, le défi humain, car il faut permettre à nos agriculteurs de vivre dignement du produit de leur travail.
La nouvelle PAC engendre de nombreuses interrogations. Je constate d'ailleurs que ceux qui sont opposés à la politique agricole commune ne sont pas là :…
…on parle souvent de l'Europe, mais il est des rendez-vous qu'il ne faudrait pas manquer, puisque l'on y parle d'éléments majeurs de la vie politique et de la vie de notre pays depuis plus de soixante ans. Je regrette donc que ceux qui nous parlent sans arrêt de la défense de l'agriculture et de la ruralité soient absents du débat : je le dis sans agression politicienne, mais avec conviction, car c'est pour moi un sujet important.
Le deuxième point sur lequel je souhaite insister, monsieur le ministre, et qui a déjà été évoqué par les intervenants m'ayant précédé, est la multiplicité des crises. Dans mon territoire de la Beauce, où l'on cultive la betterave, je peux vous assurer que les restructurations, ce n'est pas un petit sujet ! Les néonicotinoïdes n'ont pas non plus été une petite aventure – et je vois que Stéphane Travert hoche la tête. Je pourrais également vous parler des inondations, ou du dogmatisme avec lequel certains – qui siégeaient au banc à votre place il y a quelques années – ont abordé le sujet des retenues collinaires : je leur avais fait remarquer qu'il fallait en créer, et aujourd'hui, nous n'en disposons toujours pas. Pourtant, ce sont les mêmes qui nous disent que demain, l'utilisation de l'eau dans les exploitations agricoles devra être toujours plus surveillée.
Mais alors que nous abordons la dernière ligne droite, il faut lever les interrogations qui demeurent. Tout d'abord, pour avoir la chance de piloter un village de start-up pour l'agriculture, je peux vous assurer que des innovations absolument exceptionnelles, en particulier dans le domaine du numérique, sont imaginées et conçues par des hommes et des femmes qui savent se remettre en cause à tout moment, et que ces innovations offrent des marges de progression extraordinaires. C'est une des fiertés de notre pays.
Par ailleurs, s'agissant des contrôles du respect des dispositions dans les États membres, sur lesquels vous êtes en discussion avec vos collègues, il faut être certain, monsieur le ministre, qu'ils seront appliqués partout de la même façon. Cela vous a déjà été rappelé par un précédent orateur, mais je le répète d'autant plus volontiers qu'il y a quelques années, alors que j'étais rapporteur spécial des crédits dédiés à la sécurité alimentaire, j'avais fait ouvrir quelques conteneurs au Havre, ce qui m'avait permis de constater que les productions venues de certains pays européens n'étaient pas tout à fait conformes à ce que l'on pouvait en attendre. Il faut donc vraiment s'assurer de l'application des contrôles.
S'agissant des jeunes agriculteurs, de nouvelles modalités permettront-elles des indemnisations à l'hectare, et non pas à l'actif ? C'est un élément extraordinairement important, car la présence de fermes toujours plus grandes au détriment de fermes « à façon » est une perte de substance pour notre agriculture, et je tenais à le souligner. Il faudra également donner leur place aux fameux écorégimes, auxquels des programmes environnementaux sont naturellement adossés, et rendre compte sans dogmatisme, monsieur le ministre, des importantes difficultés rencontrées par certains domaines de grandes cultures.
Enfin, je ne peux pas terminer mon propos sans rappeler qu'il faut faire appel aux territoires : vous avez lancé des programmes ambitieux, les projets alimentaires territoriaux, et nous verrons quelles collectivités jouent le jeu. Quel sera le rôle des régions ? Elles gèrent les fonds européens et sont capables de créer des projets de filières agricoles très structurées : elles sont donc un levier considérable. Ces enjeux sont devant nous, et vous pouvez être assuré, monsieur le ministre, de notre solidarité : ensemble, nous devons rassurer les agriculteurs sur ce métier formidable, régénérer son attractivité pour les jeunes et éviter la concrétisation des conclusions d'AgroParisTech, si réservées sur les objectifs environnementaux fixés. J'imagine que vous saurez lever les obstacles.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Le débat qui nous réunit cet après-midi est d'une extrême importance : débattre d'une politique aussi structurante que la politique agricole commune est à l'évidence essentiel, mais à l'aune de la période que notre pays et le reste de l'Europe traversent, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, cela revêt une importance plus forte encore pour notre pays, puisque sont en jeu à la fois la souveraineté alimentaire, le développement de nos territoires, les questions environnementales mais également les femmes et les hommes qui travaillent sans relâche depuis le premier jour de la crise de covid pour nourrir le peuple de France. Vous leur avez collégialement rendu hommage, et je vous en remercie, car c'est extrêmement important.
Rappelons tout d'abord le contexte dans lequel s'inscrit ce débat sur la PAC : il est évidemment européen et, comme l'a souligné le ministre Stéphane Travert, marqué par la volonté de certains, au sein de l'Europe, de faire de la politique agricole commune une sorte de variable d'ajustement au profit d'autres politiques européennes.
En octobre 2018, la première proposition de la Commission européenne prévoyait ainsi une diminution significative des budgets de la politique agricole commune. C'est la France et son Président de la République qui ont véritablement retourné la table – car c'est bien de cela qu'il s'agissait – en juillet 2020, permettant une révision à la hausse des montants alloués à la politique agricole commune et évitant ainsi qu'elle ne soit une variable d'ajustement.
C'est ce qui nous a permis d'assurer un budget de la PAC à peu près semblable à celui que nous connaissons aujourd'hui, soit environ 9,5 milliards d'euros par an.
Mmes Stella Dupont et Marie-Christine Verdier-Jouclas applaudissent.
Ce n'était pas gagné d'avance, et lorsqu'on voit les difficultés auxquelles nous faisons face aujourd'hui, je vous laisse imaginer ce qu'elles auraient été si le budget dont nous discutons cet après-midi n'était pas de 9,5 milliards d'euros, mais de 10 %, 15 % ou 20 % de moins.
Le deuxième élément de contexte, c'est évidemment le cadre politique dans lequel s'inscrit la politique agricole commune. Ce cadre, longuement discuté entre ministres de l'agriculture européens, a abouti à des décisions relatives notamment aux finalités de la politique agricole commune, mais aussi à l'écorégime. La France s'était fixé une ligne rouge très importante : les écorégimes, qui constituent en définitive le vecteur de la transition agroécologique, doivent être obligatoires pour tous les États membres, sans possibilité de dérogation. Il s'agit de mettre fin à la concurrence déloyale – que beaucoup d'entre vous ont soulignée – non pas uniquement avec des produits issus de l'importation, mais également avec des produits du marché commun, venant d'autres pays européens. Le socle de l'écorégime, son caractère obligatoire et l'impossibilité de dérogation en font l'un des premiers éléments – mais pas le seul, la route sera encore longue – favorisant une convergence de l'ensemble des standards. Il n'y a rien de plus épuisant que de produire de beaux produits selon des standards différents au sein d'un même marché commun.
Mêmes mouvements.
Le dernier élément de contexte, enfin, tient au fait que les discussions sont toujours en cours. Le trilogue n'est pas finalisé, même si quelques avancées ont déjà été réalisées. Je voudrais en souligner deux, très importantes à mes yeux. La première est l'introduction au sein de la politique agricole commune d'un droit à l'erreur, qui modifiera profondément certains comportements dans le cadre de l'application de la politique agricole commune.
Plusieurs d'entre vous m'ont régulièrement sollicité, en m'envoyant par exemple des courriers…
…m'exposant la situation de jeunes agriculteurs qui, en dépit de leurs efforts, devaient rembourser les aides qu'ils avaient reçues de la PAC après que les aléas de la vie les avaient placés dans l'impossibilité de respecter l'un des critères.
Jusqu'à présent, la PAC ne permettait pas de régler ce type de situation et l'introduction du droit à l'erreur va enfin faire évoluer les choses.
Une autre avancée est la prolongation des autorisations de plantations vinicoles et viticoles de 2030 à 2045, en réponse à une demande forte de la France.
D'autres sujets enfin sont toujours en négociation, comme la part de l'écorégime – sera-t-elle de 20, de 25 ou de 30 % ? – ou comme certaines conditionnalités, notamment la rotation des cultures. En réponse aux propos des députés Grégory Labille et Philippe Vigier, je considère que les politiques définies par les plans stratégiques nationaux ne doivent pas être nationales, mais converger : je me bats tous les jours au niveau européen pour que ces plans soient discutés et signés par le Conseil des ministres européens, car ces documents sont uniquement politiques.
Dans quel calendrier nous inscrivons-nous ? Les plans stratégiques nationaux doivent être finalisés au niveau européen avant la fin de l'année. Cela signifie, pour la France, qu'il nous faut terminer la première version avant discussion à l'échelon européen d'ici cet été. Nous devons donc, au cours des toutes prochaines semaines, achever les consultations et les concertations en cours. Beaucoup ont déjà eu lieu. Comme l'a souligné le député Potier, un grand débat public a par exemple été initié. Pas moins de 1 083 questions ont été posées par les citoyens et nous avons répondu à chacune d'entre elles.
Plusieurs d'entre vous ont également mentionné l'exercice du diagnostic concernant l'agriculture. Bien sûr, il y a aussi des concertations avec les organisations professionnelles et les représentants de la société civile – tant sur le premier que sur le deuxième pilier, madame Pinel : les discussions sur le deuxième ont bien commencé. L'objectif est de trouver le bon équilibre au cours de ces consultations et concertations qui – cela a été souligné – doivent également inclure les régions. En effet, depuis la promulgation de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, dite DDADUE, que vous avez adoptée, une partie du deuxième pilier, notamment les aides non surfaciques, sera désormais gérée entièrement par les régions.
À l'issue des consultations et concertations qui se poursuivent, j'aurai la lourde tâche d'arbitrer l'architecture globale du plan national stratégique. Quatre principaux piliers doivent guider les arbitrages que je rendrai in fine. Le premier a été évoqué par plusieurs d'entre vous, notamment le député Julien Dive : la politique agricole commune doit permettre d'assurer le revenu des agriculteurs, ce qui implique d'assumer qu'elle soit tournée vers la production. Il est essentiel de le souligner. Cela soulève de nombreuses questions essentielles, notamment quant à l'ampleur des aides apportées au travers du premier pilier, et cela explique que j'aie exprimé à plusieurs reprises mon opposition aux transferts d'un territoire à un autre, d'une région à une autre ou d'une production à une autre, comme ceux qui avaient eu lieu dans le cadre des deux dernières PAC.
Le deuxième pilier qui me guide est la souveraineté alimentaire, que plusieurs d'entre vous ont mentionnée. Cela ne vous étonnera pas, car je le dis depuis que j'ai été nommé ministre. Mes prédécesseurs en avaient également fait une ligne forte de leur action, Philippe Vigier l'a souligné. Divers types de production doivent être concernés, comme les protéines végétales. La souveraineté soulève la question de la structuration des filières, évoquée par Dominique Potier, ainsi que celle de l'innovation, absolument essentielle.
Le troisième pilier est bien sûr l'accompagnement – un mot très important – des agriculteurs dans les transitions agroécologiques. C'est l'enjeu auquel doit répondre l'écorégime, qui doit être inclusif et non pas exclusif.
Il doit accompagner les transitions, sans laisser de côté. C'est essentiel.
Enfin, le quatrième pilier est la spécificité des différents territoires, qu'ils soient de montagne, de plaine ou d'outre-mer. Faisant face à des contraintes particulières, porteurs de caractéristiques singulières, ils font la richesse de notre agriculture. Ayons en effet toujours à l'esprit que notre agriculture française est profondément marquée par sa diversité, qui en fait une agriculture de qualité. La qualité des produits agricoles est le maître mot, car c'est elle qui détermine la qualité des produits alimentaires que consomment nos concitoyens.
Au-delà des débats que nous aurons cet après-midi, trois autres sujets s'intercalent avec les questions relatives à la politique agricole commune et doivent inspirer la PAC que nous défendons. Il y a d'abord la loi ÉGALIM. Portée par le ministre de l'époque Stéphane Travert et par le Parlement, elle a permis des avancées, mais il nous faut aujourd'hui aller plus loin. C'est la raison pour laquelle des propositions de textes ont été déposées, notamment par le député Grégory Besson-Moreau, à la suite de la mission d'information présidée par Thierry Benoit ; nous en avons beaucoup discuté en début de semaine.
Le deuxième sujet est celui de la justice dans les échanges commerciaux. C'est un sujet essentiel, comme l'ont souligné MM. Potier, Dufrègne et Jumel. Il y a aujourd'hui une forme d'hypocrisie à vouloir accélérer les transitions agroécologiques au sein d'un marché commun tout en continuant d'importer des produits qui ne respectent en rien nos standards
M. Sébastien Jumel applaudit.
Pour une raison simple : les moyens de protection européens sont eux-mêmes, par leur nature, hypocrites. Ainsi, pour interdire un produit d'importation, il faut que celui-ci présente le risque d'affecter la santé de nos consommateurs ou l'environnement du territoire européen – ce qui signifie « loin de nos yeux, loin de nos consciences. » Aujourd'hui, importer du soja brésilien, c'est importer de la déforestation. Ce qu'il faut changer, ce ne sont pas les règles des accords de libre-échange, car un socle est évidemment nécessaire – raison pour laquelle nous nous opposons à un accord avec le Mercosur. Il faut dépasser la question des tarifs douaniers et nous interroger sur les règles des échanges commerciaux au-delà de l'Europe, au niveau de l'OMC, c'est-à-dire sur la question des clauses miroirs. J'en ai fait la priorité d'action de la France sur le plan agricole lors de la présidence française de l'Union européenne.
Enfin, le troisième sujet est celui de l'assurance récolte, qui interfère totalement avec la PAC, et dont les événements tragiques des dernières semaines nous ont rappelé l'importance. J'ai toutefois la conviction que le monde agricole seul ne pourra pas la financer :…
…ce n'est pas avec la PAC ou avec les budgets nationaux de la PAC que nous parviendrons à la prendre en charge. Le risque climatique est tel qu'il nous faut absolument réinventer le modèle de l'assurance récolte et le régime de calamité agricole en accompagnant le monde agricole face aux aléas du changement climatique. Là encore, c'est une question de souveraineté : songez en effet que 50 % des agriculteurs français prendront leur retraite dans les cinq à sept prochaines années. Or il faut beaucoup de courage pour s'installer avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête ! Les agriculteurs sont animés par une grande passion, mais celle-ci ne doit pas occulter les questions de rémunération et de sécurité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – M. Vincent Rolland applaudit également.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.
La séance est reprise.
Nous en venons aux questions. Je rappelle que leur durée, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
À l'heure où les négociations sur la prochaine politique agricole commune 2021-2027 sont engagées et alors que son montant est consolidé – vous l'avez souligné, monsieur le ministre –, les défis pour l'agriculture française n'ont jamais été aussi nombreux. Aux conséquences prévisibles du Brexit se sont ajoutées celles de la crise sanitaire. Plus que jamais, la stratégie de la France dans le cadre de la PAC devra être d'assurer sa souveraineté alimentaire. Nombre d'exploitations agricoles sont aujourd'hui menacées. Plusieurs milliers d'emplois risquent de disparaître, notamment dans les territoires de montagne, et avec eux une partie de la ruralité et de son modèle économique. Selon l'INSEE, la France a déjà perdu deux tiers de ses agriculteurs exploitants en soixante ans. Nous avons donc la responsabilité de stopper l'hémorragie, d'asseoir notre souveraineté alimentaire et de soutenir les productions les plus durables.
Pour cela, la France devra veiller à ce que les éleveurs conservent les aides couplées du premier pilier de la PAC, et à ce que l'indemnité compensatoire de handicaps naturels bénéficie spécifiquement à l'agriculture de montagne – pour laquelle je rappelle qu'elle avait été initialement prévue – afin de compenser les surcoûts des exploitations et de conforter l'installation des jeunes agriculteurs. C'est essentiel en particulier pour la production laitière, l'une des productions agricoles les plus importantes des territoires de montagne. Elle connaît en effet un déclin certain et risque de disparaître, entraînant la paupérisation de ces territoires. Il est donc indispensable de construire une PAC pour ces territoires vivants et de repenser un système d'aides équitable en réintégrant les oubliés de la PAC.
Enfin, la nouvelle PAC devra également prendre en compte les besoins des petits agriculteurs, des paysans, des maraîchers et de l'ensemble des petites structures qui, jusqu'ici, ont été tenus éloignés des débats. Les défis à relever sont trop importants pour que cette PAC les laisse sur le bord du chemin.
Monsieur le ministre, comment pouvez-vous peser encore dans les négociations afin de garantir la souveraineté alimentaire de notre pays ? Comment permettre à chaque agriculteur de disposer des aides nécessaires et ainsi éviter la relégation de nombreux territoires ? Je n'ai évidemment pas pu m'empêcher d'appeler votre attention sur l'agriculture de montagne.
Madame Battistel, la réponse que je vais vous faire vaudra pour toutes les autres questions. Le premier défi qui se présentait à nous était la consolidation du budget de la PAC et nous l'avons relevé : c'est une victoire de la France, et singulièrement du Président de la République car c'est lui, dans la discussion qui a été menée au niveau des chefs d'État et de gouvernement, qui a permis de rehausser très significativement ce budget pour qu'il soit peu ou prou stabilisé – je mets de côté les débats sur les euros courants et les euros constants.
La question est ensuite celle de la répartition : mettre plus quelque part implique de mettre moins autre part, c'est la grande difficulté de l'exercice. Je suis à peu près certain que dans les débats de cet après-midi, certains diront qu'il faut mettre plus ici, d'autres plus là. Mais où mettre moins ? Vous me direz, évidemment, que cela relève de ma responsabilité car il me revient de faire les arbitrages finaux.
Les éléments que vous avez évoqués, madame Battistel, complexifient encore plus cet exercice. La PAC repose sur deux piliers, et l'ICHN constitue l'un des éléments centraux du deuxième. Dans le cadre de la nouvelle PAC, si l'État veut maintenir les niveaux actuels du budget correspondant à cette indemnité, notamment pour ménager les transitions à travers les mesures agroenvironnementales et les mesures destinées à l'agriculture biologique, il devra dégager 140 millions d'euros supplémentaires par an pendant cinq ans. Je vous laisse imaginer quels enjeux soulève cet effort budgétaire supplémentaire au profit de notre agriculture, si tant est que le deuxième pilier soit maintenu, ce que nous souhaitons, bien sûr.
S'agissant de la production laitière, je ne voudrais pas enfoncer un coin parmi vos collègues du groupe GDR. Je soulignerai seulement les différences entre M. Jumel et M. Dufrègne, l'un appelant à soutenir fortement l'élevage laitier, l'autre l'élevage allaitant.
Je connais vos racines, monsieur le député. Il faut avoir en tête que les aides couplées ne peuvent dépasser 15 % de l'enveloppe totale du premier pilier. Donner plus à l'un, c'est prendre à l'autre.
Mais nous aurons l'occasion d'en reparler.
J'invite chacun à respecter son temps de parole, car nous avons encore deux débats à l'ordre du jour de ce mercredi.
La parole est à M. Luc Lamirault.
Les agriculteurs ont toujours su s'adapter aux changements sociétaux et la mise en place de l'écorégime représente pour eux à la fois un défi et un fort risque pour leurs revenus. Ma dernière intervention concernait plutôt les éleveurs, celle d'aujourd'hui portera sur l'agriculture de plaine. Malgré les efforts pour l'ouvrir à tous, l'écorégime est soumis à trois conditions d'accès qui inquiètent ceux qui nous nourrissent. Alerté par les agriculteurs de mon département sur ce sujet, je partage leurs questionnements. Si l'on se fonde sur les déclarations PAC 2020 de la direction départementale d'Eure-et-Loir, près de 70 % de nos agriculteurs seraient exclus de la prime de l'écorégime au titre de la diversité des cultures. Pour une grande majorité, seules les options « biodiversité et paysage agricole » ou « certification » leur donneraient la possibilité d'obtenir la prime. Là aussi, la marche est relativement importante.
La première option consisterait à transformer 10 % de la surface agricole en surface d'infrastructures agroécologiques (IAE). Pour ce faire, la seule solution envisagée pour la plupart d'entre eux serait de laisser certaines terres en jachère, ce qui entraînerait une réduction de leurs surfaces cultivables et donc de leurs revenus et affecterait notre souveraineté alimentaire. La jachère est pour moi synonyme de décroissance, et il ne me paraît pas judicieux d'associer écologie et décroissance. Si la baisse de production me semble compréhensible lorsqu'elle est la résultante d'une meilleure utilisation des produits phytosanitaires, elle n'est pas acceptable dans le cadre d'une réduction de la surface cultivée.
La deuxième option, dite de la certification, risquerait d'entraîner un afflux de productions biologiques et de haute valeur environnementale (HVE) de niveau 3, ce qui aurait pour conséquence une décroissance par les prix. Cela n'est pas acceptable. L'accès à l'écorégime doit aussi être possible grâce à des démarches de certification reposant sur le niveau de garanties apportées.
Il semble donc souhaitable de créer une certification intermédiaire spécifique.
Nous souhaitons tous un grand succès à l'écorégime. Il faut pour cela que nos agriculteurs puissent obtenir un juste retour financier. Il importe donc d'éviter la création de jachères et de mettre en place des certifications adaptées.
Monsieur le député, je le répète, l'écorégime doit être inclusif, ce qui implique qu'il soit accessible. Cependant, lorsque la nouvelle PAC sera finalisée, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que 100 % des agriculteurs soient déjà éligibles à cet écorégime, sinon cela voudrait dire qu'aucun changement ne leur est demandé. Ce serait rendre un mauvais service au monde agricole, car nous pouvons être sûrs que s'il en était ainsi, le plan stratégique national élaboré par la France serait refusé au niveau européen par mes pairs – et je serais le premier à le comprendre, puisque je veille moi-même à ce que chaque pays consente les mêmes efforts pour éviter toute concurrence déloyale au sein du marché commun. Je n'aurais plus aucune légitimité à exiger quoi que ce soit des autres États membres.
La question est de savoir quels efforts atteignables peuvent être demandés aux agriculteurs. Cela renvoie à toute la structuration de l'écorégime, sur laquelle une concertation et une consultation sont en cours.
Je sais que des chiffres ont circulé ; certains sont erronés. Pour l'agriculture de plaine, il a été dit que seuls 25 % des agriculteurs seraient éligibles à l'écorégime. C'est totalement faux ! Ce serait d'ailleurs contraire à la vision que j'ai de cet écorégime : inclusif, il doit permettre à chacun de faire les efforts nécessaires.
Il existe trois voies, comme vous l'avez rappelé : la première est la diversification des cultures ; la deuxième est la certification – un travail est en cours sur la création d'une certification environnementale de niveau 2+ (HVE2 +) ; la troisième porte sur les infrastructures agroenvironnementales. Le diable se nichant dans les détails, nous sommes en train de discuter de ces différentes voies avec les représentants de la profession, avec les territoires, dont l'avis est très important si nous voulons faire en sorte que cette accessibilité soit bien réelle et ne soit pas un simple effet de discours.
Ma question est très proche de celle de mon collègue Lamirault, les problématiques agricoles du Loir-et-Cher différant peu de celles de l'Eure-et-Loir. La discussion porte bien sur les précisions que vous avez à apporter au sujet des écorégimes. Je sais que vous avez mis sur la table la certification de deuxième degré. Tout l'enjeu est de faire en sorte qu'un minimum d'agriculteurs – nous revenons aux chiffres – de la région Centre-Val de Loire, zone de cultures intermédiaires, soient durement touchés par ce nouveau régime de la PAC.
Évidemment, nous comprenons l'argument selon lequel, à périmètre constant, donner plus aux uns, c'est retirer à d'autres mais ce qui est en jeu, c'est tout l'équilibre du modèle agricole de ces zones intermédiaires. La région Centre-Val de Loire, qui est l'une des premières régions de production céréalière française, production diversifiée qui plus est, a vocation à nourrir non seulement la population française, mais aussi une partie de la population mondiale. Ce modèle de la ferme agricole de moyenne surface, il faut le défendre, car, comme vous le savez très bien, monsieur le ministre, de grandes entités, qui ne sont pas véritablement à vocation agricole, bénéficient aujourd'hui d'aides de la PAC qui sont en quelque sorte dévoyées de leurs objectifs initiaux.
M. Philippe Vigier applaudit.
J'aimerais faire un parallèle pour bien faire comprendre ce qu'est l'écorégime. Il faut que vous ayez en tête certains éléments, mesdames et messieurs les députés, je le dis notamment à l'intention de toutes celles et tous ceux – certains ne sont pas là, comme vous le souligniez, monsieur Vigier – qui affirment que l'agroécologie n'est pas suffisamment forte ou que les transitions envisagées ne sont pas réelles. L'écorégime va consister à prélever 20 %, 25 % ou 30 % – le taux définitif n'est pas encore établi – de la rémunération des agriculteurs au titre du premier pilier et de ne leur verser cette part que s'ils font des transitions agroécologiques. Imaginez, mesdames et messieurs les députés, que le président Ferrand vienne vous expliquer que 25 % de vos indemnités seront prélevées et que ce quart ne vous sera restitué que si, au cours des cinq années de votre mandat, vous changez de comportement.
D'ailleurs, mesdames et messieurs les députés, pouvez-vous dire lesquels de vos comportements quotidiens vous avez modifiés depuis le début de la législature au titre de la transition écologique ? Je m'adresse notamment à ceux qui ne cessent de critiquer le monde agricole.
Je les interroge.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-I.
Je n'ai pas soumis cette proposition au président Ferrand mais vous connaissez ma proximité avec lui : je le ferai très prochainement.
Il faut absolument que cet écorégime soit inclusif. Tous les chiffres ne sont pas encore consolidés, monsieur le député, mais en l'état actuel des discussions, je peux vous faire part des calculs suivants pour le département du Loir-et-Cher : 49 % des agriculteurs sont d'ores et déjà au niveau maximal, en grande culture ; 21 % sont au niveau intermédiaire ; 15 % se situent juste en dessous. Dans un département comme le Loir-et-Cher, l'accessibilité à l'écorégime est d'ailleurs peut-être plus facile que dans celui de l'Eure-et-Loir. Ce n'est pas forcément intuitif mais c'est bien le cas au moment où je vous parle. Toutes ces modalités sont appelées à évoluer, mais soyez assuré de ma volonté de rendre l'écorégime inclusif.
Merci, monsieur le ministre, nous avons pris acte de votre proposition.
La parole est à Mme Jennifer De Temmerman.
Mon intervention marquera un petit changement de ton.
Dans le rapport d'étape de la Commission nationale du débat public, publié l'année dernière, les enjeux relatifs à la lutte contre le changement climatique, la gestion durable des ressources naturelles et la protection de la biodiversité sont les trois thématiques les plus plébiscitées par les participants. Le conseil des ministres européens de l'agriculture et de la pêche a mis en place les écorégimes afin de répondre aux demandes en matière de transition écologique. Je m'interroge toutefois sur ce qu'ils comprennent.
Vous vous êtes prononcé en faveur d'une montée en puissance de la haute valeur environnementale. Pourtant, plusieurs études, dont la plus récente, publiée en mars par l'IDDRI, concluent que le cahier des charges de la HVE ne peut accompagner une réelle démarche de transition agroécologique en l'état actuel. Les chercheurs demandent la suppression de la voie B d'accès à la certification. En effet, les statistiques montrent que les grosses exploitations comme celles de la viticulture ou du maraîchage peuvent obtenir la certification sans aucune amélioration de leurs performances environnementales. Ils demandent aussi une révision des critères et des indicateurs retenus pour la voie A, jugés trop larges.
Autre problématique : le développement de l'agriculture biologique. Je salue le renforcement des aides à la conversion sur la période 2014-2020, mais déplore que nous n'ayons aucune visibilité sur l'évolution des surfaces qui y seront consacrées à l'avenir. La loi ÉGALIM confortée par la loi climat prévoit pour la restauration collective des repas comprenant au moins 50 % de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits issus de l'agriculture biologique d'ici au 1er janvier 2022. En tant qu'ancienne responsable de restauration scolaire, je sais que les arbitrages sont difficiles si l'offre territoriale est insuffisante, notamment pour le bio.
Monsieur le ministre, envisagez-vous de revoir les critères de la haute valeur environnementale ? Quelle évolution de l'agriculture biologique prévoyez-vous, qu'il s'agisse des surfaces ou des emplois ? Que pensez-vous de la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur ces sujets ? Quant à votre proposition concernant les parlementaires, je pense que tous ceux qui défendent l'agroécologie sont prêts à y adhérer.
Vous évoquez la question de la haute valeur environnementale et celle de la qualité. Pour ce qui concerne la première, nous avons déjà eu l'occasion d'en discuter dans cet hémicycle : je pense, comme M. Dive, que ce serait une erreur fondamentale d'opposer HVE et bio, même s'il s'agit de certifications et de modes d'agriculture différents. Souvent, d'ailleurs, les opposants au HVE viennent du monde bio, et vice versa. C'est une guerre fratricide qui n'a aucun sens. Il faut soutenir les deux et le faire massivement.
Nous devons continuer à revoir les critères d'obtention de la certification HVE, puisqu'elle est somme toute assez récente – elle date de cinq à six ans. Nous avons ouvert, dans le cadre du plan Écophyto, la révision de certains de ces critères pour la faire évoluer.
Nous soutenons cette certification et je salue l'action de la majorité présidentielle, qui a voté l'instauration d'un crédit d'impôt HVE, en vigueur depuis le 1er janvier de cette année.
Pour ce qui concerne l'agriculture biologique, nous aurons augmenté de 50 % la surface agricole cultivée en bio en France d'ici à la fin du quinquennat. Certes, certains considèrent que ce n'est pas assez, mais nous parlons tout de même d'une augmentation de 50 % !
Dans le cadre de la politique agricole commune, il nous appartient de préciser notre ambition bio d'ici à 2027 et les éléments de financement afférents. Cela relève du deuxième pilier. Je ne peux que vous redire ici ce que j'ai dit à Mme Battistel : pour maintenir le deuxième pilier et défendre nos ambitions, l'État devra abonder à hauteur de 140 millions d'euros par an le budget de la PAC, en sus des 9,5 milliards que j'évoquais.
La Commission européenne a intégré une liste d'objectifs pour l'avenir de la PAC, dont l'application dépend du plan stratégique national de chaque État membre. Ils consistent par exemple à soutenir l'adaptation de l'agriculture au dérèglement climatique, à réduire l'usage des pesticides ou encore à favoriser une gestion durable des forêts.
Nous relevons cependant des incohérences entre ces objectifs et les décisions politiques que vous avez prises, comme celle de ne pas interdire le glyphosate ou de réintroduire les néonicotinoïdes, au lieu de réduire l'usage des pesticides. Autre exemple : comment favoriser une gestion durable des forêts, alors que vous avez rejeté un amendement sur l'interdiction des coupes rases ?
Le plan stratégique national pourrait constituer un véhicule innovant et défendre des positions fortes. Vous pourriez ainsi financer davantage et accompagner la transition vers l'agroécologie. La France, premier bénéficiaire des aides de la PAC, doit montrer l'exemple vers la nécessaire bifurcation écologique, qui répond à une attente forte de nos concitoyens, désireux de savoir ce qu'ils mangent et comment les aliments sont produits.
Monsieur le ministre, vous parlez souvent de l'importation de protéines végétales comme le soja, qui contribue à la déforestation en Amérique du Sud, point sur lequel je vous rejoins. Lors de l'examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, vous avez ainsi évoqué le plan protéines végétales. Pourriez-vous nous préciser comment vous entendez traduire cette volonté dans le plan stratégique national ?
Le sujet des protéines végétales est essentiel à mes yeux, parce qu'il pose la question de notre souveraineté. Nous dépendons en effet des importations de soja en provenance du continent américain. Cette situation résulte de décisions prises à l'époque du traité de Rome, lorsque les États-Unis d'Amérique avaient accepté l'instauration d'une politique agricole commune en Europe à condition que celle-ci maintienne sa dépendance vis-à-vis des protéines végétales américaines. De discussions internationales en discussions internationales, la dépendance a perduré et il nous faut à présent, soixante ans plus tard, inverser cette tendance – d'autant qu'à la notion de souveraineté s'ajoute une question environnementale, chaque tonne de soja importée du Brésil contribuant à la déforestation.
L'Europe est un élément essentiel : nous serons d'autant plus forts que nous défendrons ces sujets à l'échelle européenne et non pas seulement nationale, y compris dans des instances relevant de secteurs autres que le secteur agricole – je pense au commerce et à la position forte défendue par la France d'un non au Mercosur, précisément pour les questions que je viens d'évoquer.
Au-delà, dans la politique agricole commune, il existe un pourcentage d'aides couplées qui est dédié aux cultures de protéines végétales. La France doit en outre définir une stratégie protéines qui lui soit propre. Dans le cadre du plan France relance, nous investissons 100 millions d'euros en faveur de la structuration et de l'accompagnement des différentes filières, à la fois d'élevage et de grandes cultures, vers le développement des protéines. Voilà le triptyque que nous défendons pour atteindre cette vraie ambition protéique.
La politique agricole commune s'apprête à entrer dans une nouvelle phase caractérisée par le plan stratégique national. Établi pour cinq ans – 2023-2027 –, il devra respecter les deux piliers de la PAC à travers neuf objectifs spécifiques et sera présenté par la France et les pays voisins devant la Commission européenne en juin prochain ; l'échéance approche et les enjeux sont énormes.
Je veux aborder de nouveau la question de l'élevage bovin allaitant. L'Allier, mon département, est le deuxième producteur de France. Il semble que les conditions d'attribution et la répartition de l'enveloppe des aides couplées entre les éleveurs allaitants soient encore en cours de réflexion, voire d'arbitrage.
J'ai une question un peu technique : quelles seraient les conséquences d'un passage à une aide déterminée en fonction de l'UGB pour une exploitation de type production de broutards d'automne et une exploitation qui pratique l'engraissement en deux à trois ans des mâles et des génisses, ce qui représente un cycle beaucoup plus long ?
Quel que soit le mode de répartition, l'enveloppe consacrée à ce type d'élevage ne doit pas diminuer, ni glisser vers d'autres productions non éligibles à l'heure actuelle. Au contraire, elle devrait progresser car ces éleveurs cochent en général les bonnes cases, comme le disait un jeune éleveur de Saône-et-Loire que nous avions invité lundi soir.
Je ne cite que l'exemple des bovins allaitants, que je connais bien, mais j'aurais pu parler également des zones intermédiaires, du maintien des ICHN pour l'élevage ou encore du ratio de productivité de la filière ovine.
Pardon d'insister, monsieur le ministre, mais il en va de la survie de nos territoires d'élevage, si particuliers, et du maintien d'une agriculture respectueuse de cet environnement si riche. 700 euros par mois en moyenne, c'est ce que les éleveurs parviennent à s'accorder pour vivre ! Toute diminution des aides de la PAC viendrait amputer encore ce faible revenu : ce ne serait pas acceptable.
Enfin, vous avez dit tout à l'heure : où pourrions-nous consentir moins d'aides quand tout le monde en voudrait plus ? Plafonnez, monsieur le ministre !
Cela ne changera rien !
Pour ce qui concerne l'élevage, dont nous reparlerons dès le mois de juin dans cet hémicycle, rappelons que le souhait de tout éleveur est de vivre non pas des aides de la PAC, mais bien de la rémunération de son travail.
Le premier enjeu est donc de poursuivre la dynamique lancée par le ministre Travert et vous-mêmes avec la loi ÉGALIM. Dans le cadre de nos futures discussions, il nous faudra déterminer comment, au-delà du changement d'état d'esprit et des avancées apportés par cette loi, nous pouvons combler les lacunes actuelles. En effet, le compte n'y est pas encore et la rémunération de « cour de ferme » n'est pas à la hauteur de la qualité que produisent nos éleveurs. C'est la priorité des priorités.
Il y a deux sujets très importants pour l'élevage. Le premier concerne l'ICHN, vous l'avez dit, en particulier dans votre territoire. Je le répète, le maintien des versements au titre de l'ICHN et des autres ambitions du deuxième pilier nécessite que le budget de la nation y consacre 140 millions d'euros par an, soit 700 millions supplémentaires par rapport aux crédits de la PAC. L'enjeu est de taille.
Le deuxième, c'est le sujet des aides couplées bovins allaitants. Ma conviction, qui est partagée par beaucoup, y compris des professionnels de la filière, c'est que le passage à ce qu'on appelle l'aide à l'UGB – vous connaissez cela par cœur – est une bonne idée. Les consultations et les concertations portent maintenant sur la définition des critères d'attribution : taux de chargement, plafonnement, etc. Les discussions avec la filière sont en cours.
L'échéance de la présentation à la Commission européenne du plan stratégique national pour la politique agricole commune arrive à grands pas. Nous connaissons tous l'importance de la PAC pour les 450 000 agriculteurs qui font de la France la première puissance agricole de l'Union européenne.
La réforme de la PAC sur la période 2023-2027 changera en profondeur la logique du versement des aides. Si ce changement est inéluctable pour répondre aux enjeux actuels, en particulier environnementaux, il suscite de nombreuses inquiétudes au sein du monde paysan. Aussi est-il nécessaire de présenter un plan stratégique national juste et équitable.
Pour ce faire, il conviendrait de mieux définir la notion d'agriculteur véritable. En effet, les aides couplées – qui représentent à ce jour 75 % des aides de la PAC – sont quasi exclusivement attribuées en fonction de la superficie et du niveau de production de l'exploitation. C'est pourquoi certains agriculteurs n'ont pas hésité à déclarer des surfaces sur lesquelles ils travaillent peu afin de gonfler leurs droits à paiement de base (DPB). Non seulement cette tendance conduit à un mauvais fléchage des aides, mais elle rend également difficile l'installation des jeunes agriculteurs.
Il serait donc préférable d'instaurer un principe de proportionnalité entre la quantité produite et le nombre d'hectares détenus. Dans l'exemple de l'élevage pastoral, notamment sur l'ensemble des massifs montagnards, l'instauration d'un seuil de chargement minimum permettrait de limiter le nombre d'hectares déclarables.
Dans la même logique, il est primordial de garantir l'intégralité des droits aux aides de la PAC exclusivement aux agriculteurs dont les revenus agricoles sont supérieurs aux revenus non agricoles. Un principe de dégressivité des droits pourrait ainsi être envisagé pour ceux dont les revenus principaux ne proviennent pas de leur activité agricole.
Comment comptez-vous profiter de la nouvelle orientation de la PAC pour définir des critères d'éligibilité qui mettent en exergue les agriculteurs véritables afin de répondre aux enjeux d'intérêt général, cruciaux dans nos territoires ?
Vous posez une question que plusieurs d'entre vous ont déjà soulevée. Il faut faire très attention, car il y a en réalité deux sujets qui paraissent très proches l'un de l'autre, mais qui n'ont rien à voir : le premier concerne la notion d'agriculteur actif et le deuxième celle d'agriculteur véritable.
Tout à l'heure, certains ont estimé qu'il faudrait passer à un mode de gestion de la politique agricole commune à l'actif. Je considère que ce n'est pas dans l'intérêt de la France au moment où je vous parle. Pourquoi ? Parce qu'il n'existe pas de définition européenne de la notion d'agriculteur actif et que, du fait notamment de la structuration de l'emploi et des coûts salariaux, d'autres pays européens comptent beaucoup plus d'actifs à l'hectare que la France.
Quelle serait la conséquence si demain, nous en venions à une répartition de la politique agricole commune calculée à l'actif plutôt qu'à l'hectare ? Les 9,5 milliards d'euros dont la France dispose seraient significativement réduits. Passer à ce mode de calcul dans le cadre de la politique agricole commune, alors même que nous n'avons pas procédé à une harmonisation au niveau européen, serait tout à fait contraire aux intérêts de la France, qui verrait son enveloppe diminuer. Je me retrouverais alors devant vous à vous expliquer que nous n'avons plus 9,5 milliards d'euros à répartir au sein du monde agricole, mais un montant bien plus bas. Il faut pousser au niveau européen une définition harmonisée de la notion d'actif.
Le concept d'agriculteur véritable, en revanche, est un autre sujet qui conduit à s'interroger, au sein de nos modèles agricoles, sur les caractéristiques qui doivent permettre de bénéficier totalement ou partiellement de la politique agricole commune. Je suis prêt à ouvrir ce débat, parce qu'il reste des points à régler – il intéresse en particulier les jeunes agriculteurs. Ce sujet ne figure pas dans la maquette financière de répartition et nous n'y avons pas encore réfléchi. Finalisons d'abord les grands choix stratégiques de cette maquette ; nous aborderons cette question ensuite.
J'interviens au nom de notre collègue Sandrine Le Feur, qui est retenue dans son exploitation agricole dans le Finistère.
L'article 65 du projet de loi Climat et résilience mentionne la compatibilité du plan stratégique national avec la stratégie nationale bas-carbone, mais pas sa conformité avec cette dernière. Une saisine du Haut Conseil pour le climat est-elle prévue, ainsi qu'un suivi annuel sous la forme d'un conseil de surveillance écologique, comme il est envisagé pour les orientations sectorielles de la stratégie nationale bas-carbone ?
Par ailleurs, la certification environnementale et HVE traduit une ambition moyenne : il n'est pas nécessaire d'afficher des pratiques vertueuses pour l'obtenir, il suffit de se hisser à un niveau moyen sur divers critères. Son inclusion dans l'écorégime français induit un important risque de greenwashing – ou blanchiment écologique – à l'échelle européenne, car les États membres pourraient, eux aussi, introduire leurs propres certifications environnementales dans des cahiers des charges non uniformes au niveau communautaire. Nous risquons en outre de voir diminuer les fonds disponibles pour le développement de l'agriculture biologique en France. Envisagez-vous, en dépit de ces risques – dont vous avez évidemment conscience, monsieur le ministre –, d'inclure la certification environnementale dans l'écorégime ?
Enfin, quelle ambition souhaitez-vous donner à la structuration des filières de protéines végétales dans la prochaine programmation ?
Je vais essayer de répondre autant que possible à ces nombreuses questions. Vous évoquez le risque de divergences entre les ambitions climatiques et environnementales des plans stratégiques nationaux des États membres. C'est précisément contre ce risque que je me suis battu, en travaillant à définir un cadre politique de la PAC qui empêche un grand nombre de dérogations voulues par certains États membres – je pense par exemple au souhait de mettre en œuvre librement des écorégimes, socles de la transition agroécologique, sans définir très précisément les règles qui les régissent. À l'automne dernier, lorsque nous avons établi le cadre de politique générale, je me suis battu contre le risque de concurrence déloyale entre les États membres – risque que nous subissons depuis des années, et contre lequel nous devons absolument lutter. Avec l'aide de partenaires comme l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, la France a obtenu gain de cause. Nous restons néanmoins vigilants, car ces sujets sont en cours de discussion au niveau du trilogue : nos exigences ne doivent pas être revues à la baisse. Les trilogues se poursuivront jusqu'à la fin du mois de mai.
Par ailleurs, nous devons définir notre ambition en matière d'agriculture biologique, ce qui implique de prévoir d'importants financements additionnels au titre du deuxième pilier de la PAC. Comme je l'ai déjà indiqué, nous devrons contribuer à ce pilier par un effort national ; cela témoignera de notre forte ambition, qui doit donner lieu à des accompagnements.
Enfin, j'ai déjà évoqué, dans ma réponse à Mme Taurine, les trois grands axes de la stratégie protéines.
Cette semaine débute le trilogue de la PAC concernant les sujets spécifiques aux régions ultrapériphériques. Trois questions préoccupent grandement les professionnels des filières agricoles : le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), le régime spécifique d'approvisionnement (RSA) et la contribution interprofessionnelle étendue (CIE). Dans ces trois domaines, le mandat du Conseil est malheureusement vide.
Concernant le POSEI, nous partageons votre optimisme, monsieur le ministre : les agriculteurs des départements d'outre-mer avaient été oubliés mais ont été réintégrés – c'est juste, c'est normal et c'est encourageant.
En revanche, les deux autres domaines soulèvent de fortes inquiétudes. S'agissant du RSA, aide au fret destinée à diminuer le coût d'approvisionnement, le Conseil n'a pas pris position. Or, ne pas relever le plafond du RSA dans un contexte d'évolution concurrentielle de la production locale, ce serait non seulement augmenter le coût de la nourriture des élevages locaux – et donc de la viande distribuée localement –, mais aussi être incohérent avec les propos tenus par le Président de la République lors de sa visite à La Réunion, lorsqu'il nous a incités à être autosuffisants.
Enfin, vous le savez comme nous, monsieur le ministre – vous êtes d'ailleurs venu à La Réunion – : la CIE est vitale pour garantir le modèle agricole local. Si le Conseil continue de combattre l'amendement qui a été proposé par le Parlement à ce sujet, il est certain qu'à la fin du mandat présidentiel, nous produirons moins d'œufs, moins de viande et moins de lait qu'à son début. La France est-elle prête à obtenir du Conseil une modification de son mandat de négociation ? Est-elle prête à accompagner le relèvement du plafond du RSA ? Est-elle prête à faire l'expérience de la CIE ? Est-elle prête, enfin, en dépit du chantage exercé – nous le savons bien – par les autres États membres, à accompagner ses outre-mer dans le combat de la PAC ?
Je ne saurais être plus clair : la France défend le POSEI, le RSA et la CIE ; elle les défendait au moment du Conseil, elle continue de le faire au moment du trilogue. Le POSEI a fait l'objet d'une mobilisation générale, afin que son budget soit maintenu. Je connais votre implication dans ce domaine, monsieur Lorion, et vous savez combien nous nous sommes battus, au plus haut niveau de l'État, pour obtenir le maintien des budgets du POSEI. Nous sommes très vigilants à la bonne application de cette décision.
Quant au RSA, c'est un sous-plafond du POSEI – aussi est-il avant tout nécessaire de préserver ce dernier. Le RSA n'a fait l'objet d'aucun mandat, ni du Parlement, ni du Conseil : il n'est donc pas inclus au trilogue à proprement parler, mais nous étudions la possibilité qu'il le soit.
Pour sa part, la CIE est incluse dans le trilogue, et nous soutenons cette proposition. La France ne décide pas seule – la décision relève du trilogue –, mais elle pèse de tout son poids pour défendre ces sujets. À l'occasion du Conseil européen des ministres de l'agriculture auquel j'ai assisté il y a dix jours, j'ai à nouveau insisté sur la priorité à donner aux territoires « ultrapériphériques » – pour reprendre la terminologie européenne –, qui sont incroyablement importants pour notre puissance agricole. Nous sommes donc très fortement mobilisés – vous avez pu le constater s'agissant du POSEI, notamment. Soyez assuré que nous le resterons.
Alors que s'élabore une nouvelle PAC, les premières propositions européennes suscitent des inquiétudes légitimes, et nos agriculteurs redoutent des conséquences désastreuses pour leurs exploitations dans un contexte déjà sinistré. Les éleveurs des zones intermédiaires expriment leurs craintes à l'égard des arbitrages qui seront réalisés par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation ; ils revendiquent une PAC 2023-2027 plus juste et plus équilibrée.
En Bourgogne-Franche-Comté, les deux tiers de la surface agricole utile sont classés en zone intermédiaire à faible potentiel, soit environ 10 000 exploitations d'élevage allaitant, en majorité charolais. Les nouvelles conditions des écorégimes excluent de nombreuses exploitations et pourraient leur faire perdre quelque 80 euros par hectare. La diminution des aides destinées à ces élevages de zone intermédiaire, qui représentent 5 000 emplois indirects, aurait de très lourdes conséquences sur l'économie du territoire. Ce serait d'autant plus incompréhensible que le modèle de développement agricole en vigueur sur nos terres, aux antipodes des « usines à viande » d'Amérique du Nord et du Sud, s'inscrit parfaitement dans le cahier des charges de la nouvelle PAC, qui promeut une agriculture et une politique alimentaire plus durables et solidaires.
Il est donc essentiel que la répartition des subsides de la future PAC pour les années 2023-2027 n'oublie pas les zones intermédiaires, et que la transformation de la filière bovine soit accompagnée en vue de garantir un juste revenu aux éleveurs. Un équilibre doit être trouvé pour qu'un maximum d'agriculteurs puissent en bénéficier. Il est important de préserver le dispositif des aides couplées et de veiller à ce que le développement des écorégimes, combinés aux aides à l'unité de gros bétail, n'entraîne pas une diminution des surfaces de prairies permanentes.
De même, il convient de s'assurer que les plans stratégiques nationaux, placés sous la responsabilité des États, ne débouchent pas sur des distorsions de concurrence au sein du marché intérieur européen. Il n'est pas question que l'agriculture soit, une fois de plus, la variable d'ajustement de la politique budgétaire de la Communauté européenne. Nous devons tout faire pour que le modèle agricole français demeure, car il est le garant de la sécurité et de l'autonomie alimentaires de notre pays. Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager à ce que la PAC 2023 maintienne les aides aux élevages en zone intermédiaire et accompagne la transformation de la filière bovine ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je ne m'étendrai pas sur la distorsion de concurrence, que j'ai déjà abordée à plusieurs reprises. Je me suis battu pour que le cadre politique rende les écorégimes obligatoires pour tous les États membres, car je lutte contre la distorsion de concurrence au sein du marché commun. Lorsque la France assurera la présidence de l'Union européenne, je souhaite que nous défendions cette position, y compris en dehors des frontières de l'Europe – j'en ai cité des exemples tout à l'heure. Si nous voulons mener une transition plus rapide en France, il faut absolument définir des standards de production et en faire une norme dans le monde agricole et dans ce qu'on appelle les « filières commerce ».
Vous craignez que la PAC ne devienne la variable d'ajustement budgétaire des politiques européennes. C'est précisément le risque que nous encourions en avril 2018, et contre lequel nous nous sommes battus. La France a remporté une grande victoire dans ce domaine : nous avons fait en sorte que la proposition de la Commission d'octobre 2018 soit totalement revue, et que la discussion porte sur des budgets peu ou prou équivalents à ceux d'aujourd'hui. Je le répète, la France s'est battue pour que la PAC ne devienne pas une variable d'ajustement mais reste un grand projet politique européen, comme elle l'est depuis le traité de Rome, et comme l'ont voulu les pères fondateurs de l'Europe.
J'ai défendu les zones intermédiaires depuis le jour de ma nomination, considérant qu'elles méritaient une attention toute particulière. Dans les débats actuels, certains affirment que les paiements redistributifs doivent être accrus ; or cela affecterait grandement les zones intermédiaires – c'est d'ailleurs ce qui s'est produit lors des deux dernières PAC, et qui explique que le niveau moyen de paiement de base dans les zones intermédiaires soit inférieur au niveau moyen national, et plus encore à celui de nos amis allemands. Il faut donc être extrêmement vigilant. Dans votre département de la Saône-et-Loire, madame Corneloup, l'accessibilité de l'écorégime est réelle – je pourrai vous communiquer les chiffres. Nous y veillons.
Il serait intéressant d'avoir les chiffres pour tous les départements !
Enfin, j'ai déjà répondu sur la question des élevages allaitants.
La future PAC dessine un nouvel horizon pour l'agriculture française. Sa principale nouveauté réside dans le plan stratégique national, dans lequel les écorégimes symbolisent les ambitions environnementales. La révision de la PAC a suscité un intérêt bien au-delà des seuls agriculteurs, que ce soit à l'occasion du débat public ImPACtons !, piloté par la Commission nationale du débat public (CNDP), ou au sein des nombreuses organisations concernées.
Lors de ces débats, les ambitions environnementales affichées ont été critiquées par les associations de protection de l'environnement, au motif qu'elles n'étaient pas au rendez-vous des enjeux : selon elles, il faut supprimer les aides destinées à certaines productions, car elles freinent la transition. Des critiques ont également été exprimées par les agriculteurs : ils ressentent les exigences environnementales comme un manque de reconnaissance des efforts accomplis, et attendent de la nouvelle PAC qu'elle n'accentue pas leurs difficultés.
Je tiens à souligner que les agriculteurs sont les premières victimes des atteintes à l'environnement et au climat. Ils sont affectés par les écarts de températures – nous l'avons vu lors des épisodes exceptionnels de gel de ces dernières semaines – ; ils souffrent des absences ou des excès de pluie ; ils sont tributaires d'une biodiversité qui, avec les insectes pollinisateurs, assure le rendement de nombreuses cultures. Ils sont les plus convaincus de la nécessité d'agir, et les plus actifs pour la préservation des eaux, des sols, du climat et de la biodiversité. Or cet effort de préservation nécessite une création de valeur permettant d'investir, comme le ferait n'importe quelle entreprise, dans l'adaptation des moyens et l'évolution des pratiques. Le sujet est donc aussi celui de la compétitivité de la « ferme France ». Cette compétitivité, au-delà des investissements pour l'environnement, doit répondre aux enjeux de l'installation, de la modernisation et de l'assurance contre les pertes de récoltes. Monsieur le ministre, comment le plan stratégique national conjuguera-t-il la préservation de l'environnement avec la compétitivité de la « ferme France » ?
Cette équation est complexe, mais c'est aussi celle de notre souveraineté alimentaire. L'épidémie nous a montré combien cette notion de souveraineté était cruciale quand il s'est agi, dans un autre secteur, de gérer la pénurie de dispositifs médicaux.
Mme Nadia Essayan applaudit.
Votre question est essentielle et votre vision est exactement la mienne : il nous faut une agriculture compétitive, une agriculture de production. Et il nous faut en même temps une agriculture dont le maître mot, dont l'ADN, est la qualité nutritionnelle et la qualité environnementale. C'est cela qui rend notre agriculture souveraine : qu'elle soit à la fois capable de produire dans le cadre de circuits courts et d'exporter. Il ne faut pas opposer les agricultures : elles doivent toutes se rassembler autour de la qualité. La compétitivité de notre agriculture ne se réduira jamais à une compétitivité-coût – ce sera même surtout une compétitivité hors coût, et donc une compétitivité fondée sur la qualité. Car n'en déplaise à certains, qui aiment à caricaturer notre agriculture, la taille de nos élevages est bien inférieure à la moyenne européenne, et a fortiori à la moyenne internationale.
Cela signifie qu'il faut trouver un juste équilibre dans le cadre de la politique agricole commune. Avoir une agriculture compétitive, à savoir de production, capable d'exporter, suppose que nos agriculteurs perçoivent un revenu suffisant – c'est le premier pilier. En même temps, les mesures agroenvironnementales prises – qui relèvent du deuxième pilier – doivent permettre d'investir massivement. Or si l'on renforce le deuxième pilier au détriment du premier, on aboutit à une diminution du revenu de base des agriculteurs. Le courage, l'ambition, c'est aussi d'assumer une certaine forme de stabilité entre production et qualité, chemin que vous avez fort bien tracé dans votre question.
Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas applaudit.
Vague de gel, sécheresse, perte de qualité des sols, maladies, épidémies parmi les cultures : les agriculteurs sont les premières victimes du dérèglement climatique et aucun ne se sait à l'abri d'une calamité. L'adaptation au changement climatique requiert une mutation vers l'agroécologie. Parce que la PAC assure l'essentiel du revenu moyen des agriculteurs et oriente directement leurs pratiques, elle est un levier majeur pour la transition attendue des systèmes agricoles et alimentaires.
La politique des petits pas vers le verdissement de la PAC qui a été menée jusqu'à présent est un échec. La Cour des comptes européenne l'a elle-même souligné dans un rapport sévère publié en juin 2020. La nouvelle PAC discutée à Bruxelles a elle aussi une ambition limitée. En demandant aux États membres de définir un plan stratégique national, elle offre toutefois une vraie marge de manœuvre au Gouvernement pour accélérer la transition agroécologique. Pour basculer vers l'agriculture de conservation, il faut une vraie ambition, de vrais objectifs : il ne faut pas faire du greenwashing, l'enjeu est trop important.
Aussi le plan stratégique national doit-il rompre avec la tendance à l'agrandissement, à la simplification et à l'intensification. Il doit rapprocher le producteur et le consommateur, repenser le partage de la valeur ajoutée, soutenir la diversification des cultures, promouvoir l'élevage extensif, l'association des productions végétales et animales, la valorisation de l'entretien de nos prairies, et préserver les milieux semi-naturels. À ce titre, comment comprendre une éventuelle inclusion de la très critiquée certification HVE, qui pourrait se faire aux dépens du bio ?
Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que la stratégie nationale pour la prochaine PAC sera véritablement au service de la transition écologique ? J'ai bien conscience de la redondance de la question, mais cela montre qu'elle traduit une préoccupation primordiale.
Je voudrais vraiment qu'on ait conscience de la part déjà prise par le monde agricole dans la transition agroécologique
Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas applaudit
et de l'aberration consistant à opposer environnement et agriculture. Je le répète, ayez à l'esprit que demain, dans le cadre de la PAC, on dira aux agriculteurs : on vous prend 25 % de votre salaire, qu'on ne vous rendra qu'en contrepartie d'avancées dans la transition agroécologique. J'entends ici ou là ceux qui estiment que ce n'est pas assez. Je propose donc que le président Ferrand annonce aux députés qu'on va leur prendre 25 % de leur indemnité, qui ne leur seront rendus que s'ils prennent des mesures agroécologiques.
Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas applaudit.
Chiche ? Eh bien, c'est ce que nous allons faire pour le monde agricole !
J'entends bien les critiques de ceux qui considèrent qu'il faudrait toujours faire plus. Mais de quoi parle-t-on ? La réalité est celle que je décris. Je pourrais même ajouter que toutes les conditionnalités prévues par la dernière PAC, qui concernaient 30 % du premier pilier, en concerneront désormais la totalité. Vous savez aussi, je l'ai évoqué, ce qu'il en sera des écorégimes ; en plus, le financement des mesures agroenvironnementales favorisera la transition ; en plus, nous allons accentuer nos efforts sur les stratégies bio ou les stratégies HVE. Malgré tout, le discours ambiant consiste toujours à déplorer que les agriculteurs n'en fassent pas assez, voire qu'ils ne fassent rien…
Sortons-en donc. Considérons les faits. Surtout, cessons de décourager tous ceux qui se battent au quotidien, qui nous écoutent et qui se disent : mais quelle aberration, puisque nous vivons de l'environnement, bon sang !
Il y a vingt-cinq ans, quand j'ai décidé de devenir ingénieur agronome, c'est parce que j'avais l'environnement chevillé au corps. Le premier, René Dumont, qu'était-il, sinon agronome ? La voilà, la réalité ! Soutenons donc nos agriculteurs, et soyons fiers de ce que nous sommes en train de faire collectivement et collégialement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
L'ordre du jour appelle les questions sur les enjeux du plan stratégique national dans le cadre de la PAC 2021-2027.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.
La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Une PAC plus verte, une PAC plus juste, tels sont les maîtres mots qui rythment les négociations de la future politique agricole commune pour la période 2021-2027. Cela doit se traduire clairement dans le futur plan stratégique national par la reconnaissance et la compensation à leur juste valeur des systèmes agricoles de montagne, déjà vertueux, et qui s'inscrivent pleinement dans cet objectif.
Avec 50 000 exploitations réparties sur le tiers du sol français, l'agriculture de montagne représente chaque année 8,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 7,2 milliards d'aménités environnementales et 250 000 emplois dans le secteur agricole et agroalimentaire. C'est aussi plus de 2 millions d'hectares de surfaces pastorales qui sont valorisés par plus de 35 000 exploitations.
La réforme de la PAC de 2015 a eu un réel effet de levier pour le développement de nos territoires : c'est d'ailleurs pour cela que la PAC de demain doit s'inscrire dans la continuité de celle d'aujourd'hui.
Or les négociations en cours dans le cadre du plan stratégique national inquiètent. Les agriculteurs et les éleveurs de montagne craignent en effet une remise en cause des aides couplées ciblées sur l'élevage, ainsi qu'une évolution du système d'évaluation des surfaces peu productives par satellite qui pourrait exclure certaines surfaces pastorales. Ils s'interrogent aussi sur le budget consacré à l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN) en zone de montagne.
Monsieur le ministre, ce sont ces inquiétudes et interrogations que l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM) – dont je suis présidente – et l'inter-massif agricole français souhaitaient vous exprimer lors du rendez-vous que nous vous avons demandé en février dernier.
Malgré nos nombreuses relances, vous n'avez toujours pas donné suite à cette demande de rendez-vous.
J'ai donc deux questions. Allez-vous, dans les prochains jours, donner une réponse favorable à notre sollicitation ?
M. Jean-Pierre Vigier applaudit.
En attendant, pouvez-vous nous assurer que les agriculteurs et les éleveurs de montagne, acteurs essentiels de nos territoires, ne seront pas lésés par les futurs arbitrages nationaux ?
Vous omettez de préciser qu'à la suite de la parution de la tribune que vous avez signée sur ce sujet, nous avons organisé une réunion au cours de laquelle j'ai reçu les parlementaires signataires. Je ne crois pas faire partie de ceux qui gardent fermée la porte de leur bureau ; j'ai au contraire toujours donné toute son importance à la concertation, à la discussion avec les parlementaires, et c'est avec grand plaisir que je prolongerai cette discussion.
Pour ce qui concerne le maintien de l'ICHN, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, il faut, en plus de ce que nous faisons sur la PAC, que l'État apporte un financement de 140 millions d'euros. L'enjeu est donc de taille pour les territoires, et on mesure tout ce que cela implique quant aux choix stratégiques. Je fais partie de ceux qui accordent la priorité à la stabilisation dans nos territoires.
J'en viens à votre question précise sur la télédétection par laser (LIDAR) depuis un satellite. Je tiens à vous rassurer : l'expérimentation en cours va être discutée pour déterminer ce qui est utile et ce qui ne l'est pas. À cette fin, nous prendrons en considération, de manière collégiale, les retours du terrain pour savoir quelles sont les éventuelles contraintes, les éventuelles craintes. Si certaines expériences montrent que la LIDAR est pertinente, d'aucuns s'inquiètent de ce que les données puissent ne pas correspondre à la réalité du terrain. Il faut là aussi avancer sereinement, avec prudence et dans la concertation.
Enfin, j'ai déjà répondu à la question des aides couplées. Elles sont importantes pour les territoires. Il faut passer à un régime dit des UGB, qui est très largement discuté. Si tout le monde, y compris les professionnels, reconnaît sa pertinence, le diable se niche dans les détails – en l'occurrence les curseurs, dont nous sommes en train de débattre.
Le dernier round des discussions autour de la future PAC et de sa déclinaison nationale est engagé. Votre ministère a commandé à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) une étude sur la capacité des terres agricoles, des prairies et des forêts françaises à lutter contre le changement climatique. Heureuse initiative dont il serait dommage de se priver des conclusions à l'heure où doit être arrêté le plan stratégique national. En effet, selon cette étude, si on développe des pratiques agricoles et forestières vertueuses, on peut stocker quelque 8,5 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an à l'échelle du territoire français, ce qui permettrait de compenser 6,6 % de nos émissions de gaz à effet de serre.
Ces solutions fondées sur la nature permettent d'augmenter le stockage de carbone par la photosynthèse des plantes. Des études récentes démontrent combien les prairies permanentes – je pense notamment aux zones de marais – sont résilientes en ce domaine, contrairement aux grandes cultures. L'enjeu, à l'aune de l'élaboration du plan stratégique national pour la PAC, est donc double : tout d'abord, préserver les prairies et les zones humides ; ensuite, encourager les agriculteurs à changer de pratiques culturales.
Lorsqu'on envisage une PAC à l'horizon 2027, on ne peut pas écarter la dimension climatique. Il s'agit de reconnaître et d'encourager les pratiques vertueuses dont les zones intermédiaires sont déjà porteuses. Celles-ci se consacrent majoritairement à l'élevage ovin et bovin et doivent persister. Ne nous privons pas de leur contribution à la lutte contre le réchauffement climatique. Au contraire, encourageons ces pratiques et nous gagnerons sur tous les tableaux : aménagement du territoire, soutien aux filières bovines et ovines et réduction de l'empreinte de dioxyde de carbone.
Monsieur le ministre, pouvez-vous me confirmer que le plan stratégique national prendra en compte cette priorité dont les éleveurs et les exploitants qui modifieront leurs pratiques et les territoires bénéficieront ?
M. Bertrand Pancher applaudit.
Dans le cadre de l'écorégime, nous réfléchissons à la création de certifications de type carbone. J'y suis très favorable. S'agissant du carbone, la forêt a fait, si j'ose dire, une offre publique d'achat (OPA) sur l'agriculture. Si on interroge nos concitoyens sur l'endroit où l'on capte du carbone, la plupart d'entre eux nous répondront : dans la forêt. La réalité est qu'après la mer, c'est dans le sol qu'on capte le plus de carbone. Or cela n'est pas valorisé. Autrement dit, ce que nous sommes parvenus à faire soit dans la forêt, soit en agroforesterie, y compris en valorisant à la fois le bienfait environnemental dans la captation carbone, mais aussi la création de valeur pour le détenteur de la forêt ou de la parcelle d'agroforesterie à travers les mécanismes de crédit-carbone, nous ne sommes pas parvenus à le faire dans le domaine agricole. Or c'est pour moi une priorité absolue.
Nous y travaillons, au-delà de la PAC, de manière générale. Nous sommes en train de réfléchir – et c'est vraiment l'un des objectifs de mon ministère – à la structuration de la filière sur les crédits carbone.
Nous sommes en train de définir l'offre, c'est-à-dire l'émission de crédits carbone accordés au titre de pratiques culturales permettant la captation de CO
C'est pourtant essentiel.
Le deuxième point concerne la création de la demande, c'est-à-dire la mobilisation de tous ceux – industriels, énergéticiens ou autres – qui pourraient être intéressés par des crédits carbone émanant de l'agriculture et des sols français.
Enfin, le troisième élément a trait aux interfaces reliant l'offre et la demande. Nous avons d'ailleurs lancé le 30 avril, au titre du plan France Relance, le dispositif « bon diagnostic carbone », que nous avons élaboré avec les jeunes agriculteurs, pour financer les diagnostics carbone des exploitations agricoles. J'y vois un enjeu fondamental : ce dispositif associe création de valeur environnementale et création de valeur économique et permet de montrer que les agriculteurs sont des acteurs de la lutte contre le changement climatique. Il est très important de le rappeler.
L'élaboration de la nouvelle PAC pourrait avoir des conséquences lourdes sur l'élevage, avec pour corollaire des effets sur l'emploi, la vitalité des campagnes, la protection de l'environnement et la souveraineté alimentaire. Le modèle productif de l'ouest de la France repose sur un système de polyculture-élevage et sur des fermes familiales de taille moyenne, dont les externalités positives sont bien connues. Il est pourtant gravement menacé par la faible rémunération de l'élevage, les exploitants percevant en moyenne moins de 20 000 euros annuels. Chaque jour, des éleveurs cessent leur activité, et leurs terres sont trop souvent destinées à la végétalisation : le risque est grand de voir ces espaces se transformer en zones uniquement dédiées à la culture. Nous souhaitons au contraire préserver l'élevage en le réorientant vers des productions à forte valeur ajoutée et à faibles externalités environnementales.
Alors que la PAC pourrait constituer un instrument permettant de favoriser ce type d'agriculture, les sommes perçues par la Bretagne au titre du premier pilier sont passées de 571,9 millions à 425 millions d'euros entre 2006 et 2019. La dernière PAC, à travers la convergence des aides et la suppression de la plupart des aides couplées, a entraîné une baisse sensible des revenus. Nous avons été alertés par les agriculteurs de nos circonscriptions, qui demandent que la part du premier pilier de la PAC consacrée au paiement redistributif versé pour les cinquante-deux premiers hectares soit portée de 10 % à 20 %. Cette mesure avait été acceptée par Stéphane Le Foll, mais n'a jamais été appliquée. Quelle sera votre attitude face à cette demande ?
Par ailleurs, les certifications HVE étant surtout assises sur les cultures, les systèmes d'élevage peinent à se conformer aux exigences associées au certificat de niveau 3. Il est donc proposé de créer une certification HVE de niveau 2 +, tournée vers l'élevage. Où en sont les négociations et quelle sera votre philosophie en la matière ?
Enfin, 56 % des chefs d'exploitations sont âgés de plus de 50 ans : il faudra, durant les dix prochaines années, renouveler la moitié de ces hommes et de ces femmes. Le syndicat Jeunes Agriculteurs a appelé notre attention sur la nécessité de doubler les enveloppes allouées aux jeunes exploitants, afin de faciliter leur installation et d'éviter les phénomènes de concentration préjudiciables au modèle familial.
M. Bertrand Pancher applaudit.
Votre première question est très importante, puisqu'elle concerne le paiement redistributif. Elle illustre bien toute la difficulté de la position qui est la mienne. En tant que digne représentant de votre chère Bretagne, vous estimez qu'il faut augmenter les paiements redistributifs. Tout à l'heure, plusieurs représentants, non moins dignes, de la région Bourgogne-Franche-Comté, se sont pourtant exprimés pour rappeler que les agriculteurs de leurs circonscriptions avaient largement contribué dans le cadre des PAC précédentes. Ils ont même, me semble-t-il, souligné que le paiement redistributif avait significativement contribué à faire baisser le revenu des exploitants, notamment dans les zones intermédiaires.
En effet, si le paiement redistributif est certes très favorable à la Bretagne, du fait de la taille des exploitations, il est incroyablement défavorable à d'autres zones, comme les zones intermédiaires. Les deux dernières PAC ont organisé des transferts massifs conduisant à allouer aux exploitants des zones intermédiaires, y compris en grande culture, des niveaux de paiement de base – le fameux DPB – très largement inférieurs à la moyenne nationale. Il en résulte un accroissement de plus en plus prononcé des exploitations, non pas du fait d'une volonté de puissance des agriculteurs concernés, mais tout simplement parce que le faible rendement par hectare leur impose d'agrandir leurs exploitations pour en vivre, et parce que beaucoup de jeunes agriculteurs refusent de s'installer dans des zones où il est impossible de vivre du produit d'une exploitation.
C'est là toute la difficulté de l'exercice : je comprends totalement votre demande – je ferais d'ailleurs probablement la même si j'étais à votre place –, mais je comprends tout autant celle de vos collègues qui estiment que nous devrions peut-être emprunter le chemin inverse. Au final, ma responsabilité consiste à trouver un juste équilibre entre les intérêts de chacun.
S'agissant de l'installation des jeunes agriculteurs, je vous promets de répondre à l'occasion d'une question ultérieure.
Alors que les négociations sur la prochaine politique agricole commune se poursuivent à Bruxelles et que la France travaille à l'élaboration de son plan stratégique national, les inquiétudes grandissent chez les exploitants, en particulier dans les zones intermédiaires. Je songe aux agriculteurs de Lorraine et à ceux de mon département, la Meuse. Vous le savez, ces régions sont caractérisées par des potentiels agronomiques inférieurs à la moyenne nationale : en sortie d'hiver, les cultures en place ont plus de mal à récupérer car elles ne se réchauffent pas suffisamment tôt. Trop sèches, elles sont en outre difficilement praticables pour semer en fin d'été, voire en début d'automne. Par ailleurs, la qualité de ces terres représente un véritable frein à la diversification, voire à la rotation des cultures.
Pourtant, ces territoires ne font l'objet que d'accompagnements limités, contrairement à d'autres zones défavorisées. Pire : au gré des réformes successives de la PAC, les agriculteurs de ces zones intermédiaires ont vu leurs aides diminuer. Le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), dans son rapport sur les zones intermédiaires, relevait d'ailleurs les difficultés vécues dans ces régions et pointait des risques d'impasse agronomique et économique.
Aussi, je m'interroge sur l'accompagnement prévu pour ces territoires dans la future PAC : le plan stratégique national allouera-t-il des moyens supplémentaires pour accompagner les zones intermédiaires dans la transition écologique ? Si oui, lesquels ? Comptez-vous adapter les écorégimes aux contraintes subies par ces territoires, où la rotation des cultures, par exemple, est difficile au vu des caractéristiques de la terre ? Le cas échéant, comment entendez-vous procéder ?
Merci pour votre question, qui intervient juste après celle de M. Molac et constitue un parfait exemple de l'équilibre que nous devons trouver. Les zones intermédiaires me semblent confrontées à un véritable problème. Elles ont d'abord subi, à l'occasion des deux dernières PAC, des transferts importants – qu'il s'agisse des transferts entre filières ou des paiements redistributifs. Devons-nous continuer à procéder à ces transferts ? Une telle option serait bénéfique à des régions telles que celle représentée par M. Molac, mais très pénalisante pour la vôtre, monsieur le député.
Deuxième point : certains estiment qu'il faut augmenter la rémunération dans les zones intermédiaires. Les enveloppes au titre des paiements de base étant figées, il n'y a d'autre possibilité pour ce faire que d'opérer un transfert du deuxième pilier vers le premier pilier, c'est-à-dire d'effectuer un prélèvement sur l'ICHN ou les mesures agroenvironnementales (MAE) – je vous laisse imaginer la réaction de celles et ceux qui se sont exprimés sur ce sujet – ; ou d'engager un transfert massif des aides couplées vers les paiements de base. Libre à vous d'évoquer cette dernière hypothèse avec le président Chassaigne, mais je crains qu'il ne se montre peu commode dans sa réponse.
Au final, tout l'enjeu est de parvenir à un équilibre. Je suis d'ailleurs très lucide : je pense pouvoir dire qu'à l'issue du travail d'élaboration de la PAC qui est engagé, je me ferai engueuler par à peu près tout le monde :
Sourires
chacun considérera que le résultat obtenu ne va pas assez loin, qu'il aurait fallu faire autrement, ou que les choix ne sont pas assez affirmés. Mon objectif, en tout cas – vous le savez, car vous commencez à me connaître –, est de faire ces choix après avoir consulté un grand nombre de parties prenantes, et en m'appuyant autant que possible sur la raison.
Le schéma de l'écorégime pourrait présenter un grand intérêt pour les zones intermédiaires, car il permet de faire converger l'ensemble des paiements. Ce dispositif repose en effet sur la moyenne nationale des paiements de base. Les zones intermédiaires percevant à ce titre un montant inférieur à la moyenne nationale, le fait de pouvoir prétendre à l'écorégime leur permettra de se rapprocher des autres régions. Par ailleurs, nous avons un énorme problème concernant les mesures agroenvironnementales qui, depuis 2012, ne bénéficient pas aux zones intermédiaires : il faut trouver le moyen de rendre ces dernières éligibles.
La direction prise par le plan stratégique national visant à décliner la PAC en France suit le chemin productiviste promu depuis des années, alors que la période actuelle obligerait au courage politique et à une réorientation de notre système vers un modèle plus résilient, développant par exemple la polyculture-élevage et revenant sur la spécialisation agricole des régions. La PAC actuelle comporte en outre toujours une majorité d'aides attribuées en fonction de la taille des structures et favorise donc l'agrandissement. Il est regrettable que les aides ne soient pas recentrées sur les premiers hectares et plafonnées.
La France pourrait, grâce aux 9 milliards d'euros qu'elle perçoit, mieux orienter les pratiques agricoles vers une agriculture plus paysanne, défendre l'élevage extensif, ou encore soutenir les fermes en fonction du nombre de travailleurs par hectare – ce qui permettrait, par exemple, de favoriser la production maraîchère.
Quelle est votre position quant au plafonnement des aides ? Une telle mesure permettrait une redistribution plus juste et une augmentation de la « subvention » accordée au titre des premiers hectares. Par ailleurs, quelles sont les mesures du plan stratégique national qui permettront de maintenir un modèle agricole paysan ou familial ?
Contrairement à ce que j'entends ici ou là, la PAC actuelle – sans même parler de la PAC à venir – est beaucoup plus redistributive en France que dans bien des pays européens, comme en témoigne le nombre de bénéficiaires par rapport aux montants alloués. J'en veux pour preuve, par exemple, les changements d'orientation en cours en Allemagne, laquelle se rapproche de la configuration française. Voilà pour le premier point.
Vous avez abordé deux questions importantes : celle de l'actif et celle du plafond. La question de savoir s'il faut verser d'abord une aide à l'hectare ou une aide à l'actif est pertinente. Toutefois, comme je l'expliquais précédemment, la difficulté réside dans le fait qu'il n'existe pas de définition d'un actif à l'échelle européenne. Ainsi, du fait de structurations sociales et de coûts salariaux très variables d'un pays à l'autre, si les montants globaux alloués aux États membres avaient été déterminés en fonction du nombre d'actifs agricoles à l'hectare, la France n'aurait pas perçu 9,5 milliards d'euros, mais une somme bien moindre : les budgets qui lui sont alloués auraient diminué au profit d'autres pays européens. Cela n'aurait nullement été dans notre intérêt. En revanche, comme je l'indiquais tout à l'heure, la question de la définition de l'agriculteur véritable se pose : nous devons continuer à la traiter et à la promouvoir.
Un dernier point concernant le plafonnement : la France applique déjà un plafond très inférieur à celui qui prévaut dans de nombreux pays européens, comme l'Allemagne. Je compléterai ma réponse sur ce point ultérieurement, mais sachez que nous nous heurtons à un problème de faisabilité : le contournement du plafond étant très simple, il ne permet probablement pas, in fine, de procéder aux transferts escomptés par ceux qui l'appellent de leurs vœux.
Lundi, à l'initiative d'André Chassaigne, notre vénérable président de groupe ,
Sourires
l'Assemblée nationale a débattu du bilan de la loi ÉGALIM. Nous avions fait le choix de donner la parole aux éleveurs, qui voient leur métier fragilisé, ne parviennent pas à gagner leur vie et travaillent bien souvent à perte. Les jeunes éleveurs, notamment, ne croient plus en l'avenir de leur métier…
…et, pour beaucoup, n'ont pour seul revenu que les aides de la PAC, alors qu'ils aspirent évidemment à vivre du fruit de leur travail et de la rémunération de leur production. Pour l'agriculture dans son ensemble, comme pour l'élevage, le bilan de la PAC actuelle est donc, d'une certaine manière, celui d'un échec – en tout cas pour ce qui concerne le sujet que j'évoque.
Ce qui est inquiétant pour l'avenir, c'est que ce constat s'aggrave. En Auvergne comme en Normandie, les éleveurs craignent que cette nouvelle PAC – je l'ai dit tout à l'heure – déshabille Pierre pour habiller Paul ou Jacques pour habiller…
…Léon. Ils ne veulent pas de la fusion des enveloppes d'aides couplées aux bovins allaitants et d'aides aux bovins laitiers.
Une telle mesure serait dangereuse pour la viande française et pour le lait de nos régions – par exemple de Normandie. Nous risquerions de voir les revenus des agriculteurs s'effondrer encore une fois et de condamner définitivement de nombreuses exploitations, de laminer, d'une certaine manière, les exploitations aux dimensions humaines au bénéfice, notamment, d'exploitations XXL.
Vous avez dit tout à l'heure que pour compenser les effets de cette mesure, 140 millions d'euros par an seraient nécessaires, ce qui représenterait un coût considérable pour les finances de la nation.
Non, ce n'est pas ça !
Vous me dites que je fais erreur, monsieur le ministre : pardonnez-moi pour cette confusion. Nous voulons en tout cas qu'après avoir reconnu l'échec de la loi ÉGALIM, vous preniez des mesures afin de corriger cette mauvaise copie de la PAC et l'anomalie concernant les aides couplées que je viens d'évoquer.
Les questions que vous abordez sont très importantes. Tout d'abord, et même si tout ce que je vais dire ne peut être généralisé car la situation varie selon les territoires, on constate que la part des subventions dans l'ensemble des revenus des éleveurs s'est accrue. Or je redis que la priorité absolue est de parvenir à assurer la rémunération « cour de ferme », grâce à des dispositifs qui ne se limitent pas à ceux prévus par la loi ÉGALIM – je pense par exemple à la proposition de loi de M. Besson-Moreau dite ÉGALIM 2, dont nous discuterons dès le mois de juin.
De même, il nous faut accélérer la création de valeur au niveau des filières, une question absolument essentielle dont nous avons parlé ici même avant-hier. Je me suis d'ailleurs rendu il y a quelques mois dans la circonscription de M. Chassaigne pour évoquer cet enjeu primordial.
Enfin, les 140 millions d'euros par an dont j'ai parlé ne concernent pas les aides couplées : ils sont destinés au maintien de l'ICHN. Vous avez raison de mentionner cette mesure qui est essentielle, car aujourd'hui l'ICHN représente une ressource très importante dans de nombreux territoires – pas le vôtre, mais celui du président de votre groupe, par exemple. C'est pourquoi j'estime que nous devons faire cet effort pour conserver ce dispositif.
S'agissant des aides couplées, je suis favorable à la réforme visant à les attribuer en fonction des UGB. Tout le monde s'accorde à dire qu'il est important de la mener – nous en avons beaucoup discuté avec les représentants de la filière.
Néanmoins – le diable se niche dans les détails – se pose la question des curseurs. J'ajoute que ces aides couplées sont de toute façon limitées, puisqu'elles ne peuvent excéder 15 % de l'enveloppe totale. Certaines filières disent qu'elles ont besoin d'un montant d'aides couplées plus élevé – il est rare qu'une filière en réclame moins, vous en conviendrez.
L'équation est complexe. Comment parvenir à accompagner tout le monde ? C'est d'autant plus difficile qu'il faut prendre en compte d'autres facteurs. En effet, la convergence est très défavorable dans certains territoires, qui sont perdants si l'on prend en compte d'autres critères de la PAC – nous avons évoqué ce cas de figure tout à l'heure –, mais elle est très favorable dans d'autres territoires.
Il convient donc de trouver un juste équilibre, ce qui est atrocement difficile. Nous essayons de le faire avec le plus grand professionnalisme et en nous souciant constamment de nos territoires, de nos productions, de la qualité, de la souveraineté et de l'accompagnement.
Vous avez raison : nous devons concilier ces différents objectifs, ce qui n'est pas évident. Mais ce n'est pas parce que la tâche est complexe que nous n'y arriverons pas.
La PAC laisse déjà une part de compétence aux États membres avec le second pilier, qui définit la politique de développement rural cofinancée par les États. Une PAC à la carte s'esquisse ainsi, les États membres ayant toute latitude pour sélectionner les actions à soutenir.
La réforme de 2013 a accru cette subsidiarité en élargissant la flexibilité au premier pilier : aides couplées à hauteur de 15 %, soutien bonifié aux zones soumises à des contraintes naturelles, paiement redistributif pour apporter une bonification aux exploitations de taille modeste ou encore conditions de mise en œuvre du verdissement.
Enfin, certaines mesures font l'objet d'un encadrement entièrement national : l'indemnité compensatoire de handicap naturel, les aides à l'installation ou encore les mesures agroenvironnementales et climatiques.
Ainsi la PAC crée-t-elle déjà un équilibre entre la définition d'une politique commune et l'adaptation aux spécificités de chaque État membre.
Ne pensez-vous pas que les plans stratégiques remettront en cause cet équilibre et conduiront à un démantèlement progressif de la PAC ? Le risque est grand d'une distorsion de concurrence entre les États membres, en faisant reculer leur ralliement normatif et leurs exigences environnementales. En outre, les plans stratégiques de chaque État membre pourront cibler certaines filières pour les rendre plus compétitives au détriment des autres États membres.
La machine n'est-elle pas en route pour que la PAC prenne la forme d'une politique de cohésion agricole et rurale comptant vingt-sept stratégies agricoles différentes, voire divergentes ? Une fois de plus, l'Union européenne ira à rebours des autres puissances agricoles de taille continentale, comme la Chine et le Brésil, qui continuent d'investir massivement dans des politiques agricoles harmonisées et qui dépensent deux fois plus pour leur soutien à l'agriculture que l'Europe.
Monsieur le ministre, vous disposez de deux minutes pour me dire si vos choix tiendront compte de cette problématique.
Sourires
Ce dont je suis absolument sûr, tout d'abord, c'est que je ne souhaite pas, pour notre pays, le modèle américain ou chinois que vous avez mentionné. L'harmonisation qui le caractérise est profondément contraire à ce qui fait la richesse de notre agriculture, à savoir la qualité. Celle-ci trouve ses racines dans la pluralité de nos territoires. La qualité des élevages dans votre beau département n'est pas sans lien avec les caractéristiques intrinsèques de celui-ci. D'autres départements ont d'autres caractéristiques que l'on retrouvera dans les types de culture qui y sont développés.
Le modèle très différent que l'on observe aux États-Unis ou dans des pays asiatiques se distingue certes par une harmonisation totale, mais l'élevage de truies s'y pratique dans des immeubles de treize étages. Ce n'est assurément pas ce que je souhaite pour notre pays.
Deuxièmement, vous demandez si la convergence entre les États membres est ou non en marche. Elle est selon moi impérieuse.
Vous avez décrit la situation actuelle. Je donnerai quelques exemples : les paiements redistributifs peuvent être très différents d'un État à l'autre ; dans certains États, le premier pilier est très fort, dans d'autres, c'est le second ; des États mettent en place l'indemnité compensatoire de handicap naturel, d'autres non ; dans certains États, cette aide concerne à la fois la protection végétale et animale tandis que la France, prenant notamment en considération les territoires de montagne, a fait le choix de ne l'appliquer qu'au monde animal.
Bref, il est nécessaire que nos politiques s'adaptent aux réalités des territoires. Le maintien de la pluralité des territoires français est heureusement rendu possible par une certaine forme de flexibilité au niveau européen.
À l'inverse, la bataille visant à obtenir plus de convergence et à lutter contre la concurrence déloyale est impérieuse. Je le répète, je me suis beaucoup battu – et la France s'est beaucoup battue – pour que le socle que représentent les écorégimes ne souffre aucune dérogation. Nous avons obtenu cette avancée au niveau du Conseil des ministres. Nous nous battons actuellement pour qu'elle soit confirmée au niveau du trilogue. Les parlementaires de tous bords nous soutiennent d'ailleurs, ce dont je me réjouis.
Oui, il nous faut progresser afin de réduire la concurrence déloyale au sein du marché commun. Le dispositif des écorégimes doit également être défendu dans le cadre des accords commerciaux, pour devenir la règle de base en matière de négociations commerciales au niveau international. Toutefois, cela ne doit pas se faire sans tenir compte de la diversité de nos territoires. Je crois profondément à l'importance de ces objectifs et je me battrai avec détermination pour les atteindre.
Alors que la nouvelle politique agricole commune doit être définie pour les prochaines années, la position française a déjà permis d'éviter une baisse catastrophique de son budget en maintenant l'enveloppe allouée à la France aux alentours de 63 milliards d'euros, alors qu'elle devait intialement être revue à la baisse.
Bien que les négociations ne soient pas encore tout à fait terminées au niveau européen, cette redéfinition sera marquée par deux acquis très importants : la mise en œuvre partout en Europe de l'ambition environnementale pour éviter des distorsions de concurrence, mais aussi la reconnaissance du droit à l'erreur lors du renseignement des dossiers PAC. Cette dernière mesure était particulièrement attendue par nos agriculteurs. En effet, une simple erreur de case cochée ou de description de parcelle pouvait remettre en cause l'obtention de ces primes, donc mettre en péril des exploitations.
En outre, l'Union européenne a rendu éligible aux nouveaux écorégimes du premier pilier l'agriculture de conservation des sols. Je voudrais appeler votre attention sur cette pratique qui répond aux enjeux environnementaux actuels – la fertilité des sols, le stockage du carbone, la lutte contre l'érosion, la qualité de l'eau, le développement de l'usage des produits de biocontrôle afin de limiter l'utilisation de pesticides – et favorise ainsi le retour de la biodiversité dans nos campagnes.
Le territoire normand dont je suis élu est depuis plus de quinze ans précurseur sur ces sujets défendus par l'association Sol-en-Caux et l'Association pour la promotion d'une agriculture durable, à travers la mise en place de semis directs, même pour les cultures industrielles.
Monsieur le ministre, l'agriculture de conservation des sols sera-t-elle reconnue dans les futurs écorégimes du plan stratégique national, afin de rémunérer les agriculteurs pour les services environnementaux rendus et d'enclencher une transition plus massive vers cette agriculture d'avenir ?
Plus globalement, quels sont les axes que le Gouvernement entend promouvoir comme projets politiques pour la politique agricole commune en France, pour les territoires et pour les filières ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'agriculture de conservation est à mes yeux incroyablement importante. Il faut beaucoup miser sur elle. Mon point de vue est un peu biaisé, car ma génération a été formée par cette agriculture, mais je crois profondément que lorsque l'on parle d'agriculture, il faut commencer par s'intéresser au sol. C'est le plus important, car c'est lui que l'on chérit. Or l'approche de l'agriculture de conservation est exclusivement centrée sur la question des sols. J'y crois donc beaucoup.
Lorsque nous débattons de certaines utilisations d'herbicides, je suis d'ailleurs un peu peiné que nous ne nous posions pas la question de la faisabilité et de la pérennité de cette belle agriculture de conservation.
Ce débat est pourtant très intéressant d'un point de vue démocratique, puisque deux objectifs environnementaux viennent se percuter : d'un côté, la lutte contre le changement climatique, avec la captation de carbone ; de l'autre, la biodiversité. Je ne dis pas que l'un est plus important que l'autre ou devrait être privilégié, mais qu'il faut vraiment faire un choix, car ces deux critères ne peuvent hélas être pris en considération au même moment sur une même parcelle – certains disent le contraire, mais ils n'ont jamais démontré comment c'était possible.
N'oublions pas que la nature est très complexe.
Il faut absolument soutenir l'agriculture de conservation, dont je suis un fervent défenseur. Certes, il n'existe pas aujourd'hui de certification pour l'agriculture de conservation. Nous réfléchissons en revanche à la mise au point d'une certification liée au stockage de carbone.
Une telle mesure permettrait de reconnaître le rôle important joué par l'agriculture de conservation, celle qui capte le plus de CO
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous débattons cet après-midi des enjeux du plan national stratégique dans le cadre de la politique agricole commune 2021-2027. Il convient avant tout de saluer l'action du Président de la République, qui nous permet de consolider une enveloppe de 62 milliards d'euros pour les agriculteurs français. Il faut aussi saluer la méthode de concertation que vous avez mise en œuvre depuis plusieurs semaines.
Au moment où vous travaillez sur ce plan national stratégique, je veux pousser ici, à l'Assemblée nationale, un cri d'alarme à propos des agriculteurs des zones intermédiaires. Depuis déjà deux PAC, les zones intermédiaires voient leurs aides diminuer sensiblement, à tel point qu'une partie des exploitations de la vingtaine de départements concernés sont aujourd'hui exsangues. Leurs agriculteurs travaillent la terre et élèvent des animaux dans des territoires aux capacités agricoles plus faibles en raison de la structure agronomique de leurs sols.
Je sais que vous connaissez parfaitement ce sujet et je suis sûr que vous avez encore en mémoire cet après-midi passé dans ma circonscription, dans l'élevage de la famille Charlon à Montigny, où des agriculteurs berrichons vous ont expliqué leurs pratiques et leurs contraintes. Ces agriculteurs œuvrent au quotidien pour nourrir les Français. Ils le font avec fierté, avec excellence, car notre agriculture est la plus vertueuse au monde, mais aussi, hélas, sans en retirer les revenus auxquels ils ont droit. Et je veux redire ici ma fidélité aux agriculteurs du Pays-Fort.
Certains d'entre eux sont déjà mis en difficulté par le retrait injuste de l'ICHN ; il ne faut pas qu'ils soient en plus victimes du nouveau système d'écorégimes. Vous voulez proposer, par exemple, la transition d'un système de naisseur à un système de naisseur engraisseur – le passage à l'UGB. Fort bien : notre système de polyculture-élevage peut nous le permettre alors que l'exportation de broutards ne rémunère plus assez les élevages depuis longtemps ; mais alors que mettrez-vous en œuvre pour que ces exploitations aient, en amont, les moyens d'investir afin d'assurer cette mutation, et que proposerez-vous, en aval, pour organiser la transformation et la distribution, au juste prix, des taurillons et des génisses ?
En ce 5 mai, je vous interpelle, monsieur le ministre, à la façon d'un Bonaparte au pont d'Arcole : quel est votre plan de bataille pour que se lève demain sur nos zones intermédiaires un soleil d'Austerlitz ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Votre question me laisse penser que je n'ai pas réussi à montrer tout à la fois combien je suis conscient de la gravité de la situation des zones intermédiaires et l'action que je mène pour y faire face, bien que je l'ai mise en avant comme priorité du ministère dès ma prise de fonction. C'est en effet un sujet que je connais bien depuis longtemps.
Vous l'avez dit, monsieur le député, le fait est que les deux dernières réformes de la PAC ont abouti à des transferts massifs depuis les zones intermédiaires vers d'autres zones, donc depuis les cultures des zones intermédiaires vers d'autres cultures. J'ai la conviction qu'il ne faut pas continuer ainsi mais stabiliser la situation, sachant qu'en plus, comme le niveau moyen des paiements de base est inférieur à la moyenne nationale dans ces zones, le dispositif de l'écorégime va les rehausser à hauteur de 20 % à 30 %. C'est un point positif.
Et puis, nous en avions discuté lors de ma visite dans votre circonscription, il est vrai que tous les accompagnements au titre des mesures agroenvironnementales depuis 2012 ont échoué dans les zones intermédiaires. L'État étant dorénavant en responsabilité dans la gestion de ces mesures, je considère qu'il faut absolument qu'elles soient au service de ces zones.
Une fois tenus ces propos qui traduisent ma vision des zones intermédiaires, il ne faut pas occulter le fait que les principaux aspects de la question dépassent la politique agricole commune, puisqu'il y a aussi la rémunération – j'en ai parlé précédemment à propos de la loi ÉGALIM – et le sujet de l'accès à l'eau dans le cadre du changement climatique. Les zones intermédiaires imposent d'abord une approche agronomique, sachant que leurs contraintes propres sont souvent amplifiées par le changement climatique. Ce sera l'un des sujets que j'évoquerai dans le cadre du Varenne agricole de l'eau et du changement climatique que nous sommes sur le point d'organiser, sujet d'autant plus important dans des zones comme celles-ci.
L'actualité climatologique et son adversité récente nous prouvent, hélas, que le changement climatique est bien réel… Le Gouvernement a décidé de débloquer une enveloppe d'1 milliard d'euros pour aider l'agriculture française dans cette catastrophe, mais le projet de loi Climat tel qu'adopté en première lecture n'a pas retenu de propositions concrètes montrant que l'agriculture a toute sa place et son rôle à jouer face à l'urgence climatique.
Parmi les éléments de la future réforme de la PAC, le verdissement proposé par le transfert des soutiens du premier pilier vers le second occasionne des inquiétudes et des tensions dans nos campagnes, notamment dans les zones intermédiaires, concernant entre autres l'écorégime. Je rappelle que l'agriculture, à commencer par les sols agricoles, est un puits de carbone majeur. Dès lors, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu'il est urgent de proposer à nos agriculteurs, acteurs en pleine capacité de réaction sur nos territoires, des solutions d'externalités positives favorables à la résilience face aux changements climatiques ? Vous avez déjà en partie répondu, mais ce point mérite que j'y insiste. On assumerait ainsi la rémunération et la rentabilité de leur exploitation au travers de toutes les cultures et inter-cultures – blé sous toutes ses formes, légumineuses, et ce jusqu'au blé dur et au riz. Le captage du carbone et l'ouverture de ce marché vert, et donc l'accessibilité directe de l'agriculteur au marché du carbone, créeraient ainsi de la valeur ajoutée sur des bases environnementales. Le dispositif « bon diagnostic carbone » pour les agriculteurs installés depuis moins de cinq ans ne doit être qu'une étape vers l'accès au marché du carbone pour les agriculteurs volontaires.
J'ai entendu vos réponses. Vous insistez beaucoup sur l'agriculture de couverture et de conservation, qui existe déjà sur de nombreux hectares dans nos territoires, mais ma question est précise : êtes-vous favorable à l'accès des agriculteurs au marché du carbone ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'ai grand plaisir à revenir précisément sur cette question, monsieur le député. Il y a en fait deux marchés carbone, l'un obligatoire et l'autre volontaire. Le marché carbone obligatoire résulte de directives européennes, notamment les fameuses directives ETS – système d'échange de quotas d'émission. Au-delà des déboires des années passées, il fonctionne de par sa constitution même en vase clos. Les secteurs d'émissions – entreprises industrielles ou autres – doivent diminuer celles-ci ou acheter des crédits carbone auprès des autres en vue de les compenser au sein de ce marché pour qu'à la fin des fins, il y ait bien une diminution globale d'émissions. Quant au marché volontaire, il consiste à entreprendre une démarche qui compense l'émission produite – souvenez-vous, il y a quelques années, on proposait de compenser un voyage en avion en allant planter des arbres en Amazonie. Le marché volontaire intéresse beaucoup d'entreprises, mais aussi beaucoup de nos concitoyens, car il permet – qui par un événement, qui par une pratique, qui par une politique d'entreprise, d'association ou de collectivité – d'atteindre la neutralité carbone.
C'est le développement du marché volontaire que je vise pour le monde agricole, parce que son intégration dans le premier marché reviendrait non pas à créer de la valeur et pour l'environnement et pour l'agriculture, conformément à la philosophie d'action qui est la mienne, mais à le soumettre d'abord à des réductions avant même toute création de valeur éventuelle. Je ne suis pas pour cette approche, mais au contraire pour celle visant à de nouvelles créations de valeur pour l'environnement et pour l'agriculture, ce qui nécessite de se raccorder non pas au marché obligatoire, mais au marché volontaire, dont les possibilités peuvent s'avérer très intéressantes pour le monde agricole. Mais il faut au préalable mettre en place le label bas-carbone. Nous l'avons mis au point avec le ministère de la transition écologique et sommes en train de le dupliquer : aujourd'hui, entre 300 et 1 000 exploitations sont déjà entrées dans cette démarche de création de crédits carbone.
Voilà, de manière très précise – un peu technique, j'en conviens –, la position qui est la mienne.
Parmi les objectifs spécifiques du plan stratégique national, on retrouve la nécessité d'assurer un revenu équitable à nos agriculteurs. C'est bien le premier enjeu pour notre agriculture, ce qui nous a conduits à accompagner l'investissement dans l'outil de production par le plan de relance, qui consacre 1,2 milliard d'euros à l'agriculture, à favoriser la diversification des activités, à protéger nos subventions PAC grâce au travail et au soutien de nos ministres et de nos députés européens et, enfin, à retravailler la formation des prix, notamment par la proposition de loi de mon collègue Besson-Moreau.
En tant qu'agricultrice en volailles plein air, j'ai une conviction qui m'anime depuis trente ans : tout dépend de la capacité de notre agriculture à monter en gamme. Nous avons déjà progressé et nous continuerons à le faire ; je sais que la transformation de la ferme France avance à grands pas et nous devons en féliciter les hommes et les femmes du monde agricole. Malgré cela, si le consommateur n'a pas les clés de lecture pour favoriser les produits qui rémunèrent bien leurs agriculteurs, nous continuerons de faire face à un double problème : celui de la course aux prix bas et celui de la captation de la valeur ajoutée par l'aval.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez suivi et soutenu le travail de ma collègue Célia de Lavergne et de l'ensemble des députés du groupe travaillant sur le titre V, « Se nourrir », pour développer, à l'occasion de la future loi Climat, un affichage indiquant aux consommateurs la part de la valeur ajoutée revenant à l'agriculteur. Peut-on dès lors compter sur votre soutien pour intégrer ce dispositif d'affichage à la proposition de loi Besson-Moreau ? Car sans cette colonne vertébrale, j'ai peur que le plan stratégique national n'atteigne pas ses objectifs économiques.
Comme votre collègue Besson-Moreau dans sa proposition de loi, je pense que l'origine est absolument essentielle, tout d'abord parce que c'est une demande ô combien légitime du consommateur qu'il est très important d'entendre, deuxièmement parce que je suis fermement convaincu, comme vous l'avez dit à très juste titre, que l'ADN de notre agriculture, c'est la qualité…
…et qu'il faut donc que celle-ci se traduise dans l'indication de l'origine du produit. Ce n'est pas la même chose de manger un poulet issu d'un élevage français et un poulet issu d'un élevage brésilien, d'un point de vue environnemental comme d'un point de vue nutritionnel. Or aujourd'hui, dans une cantine scolaire, on ne sait pas quel poulet l'on mange : c'est pour moi un gros problème.
C'est bien pourquoi, que ce soit dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi ou dans celui des mesures que je pourrais être conduit à prendre par arrêté, je ferai tout pour faciliter l'indication de l'origine. Je soutiendrai donc l'article que vous avez évoqué.
C'est aussi pourquoi nous nous battons en ce moment pour la mise en œuvre des articles relatifs à l'origine adoptés dans le cadre de la loi sur l'économie circulaire l'an dernier, qui reprenaient les articles censurés de la loi ÉGALIM.
En outre, la question des origines se pose aussi au niveau européen, suite à la saisine par le groupe Lactalis de la Cour de justice européenne sur la réglementation de l'origine du lait. Je mènerai aussi ce combat au niveau européen, parce que je crois beaucoup à l'origine, comme à la pertinence de développer au maximum les indications en ce domaine.
Je souhaite vous interroger sur la situation des éleveurs situés sur les massifs montagneux. La révision de la PAC suscite une inquiétude grandissante chez leurs représentants que j'ai pu rencontrer, particulièrement dans mon département de l'Aude, dont vous connaissez les spécificités géographiques, et vous savez les difficultés rencontrées pour le zonage de certaines communes lors de la dernière délimitation des zones défavorisées. Vous comprendrez donc les inquiétudes des éleveurs à l'égard des arbitrages du plan stratégique national pour l'équilibre financier de leurs exploitations. L'élevage dans mon département est un modèle pour l'agriculture agroécologique que nous défendons. Les éleveurs insistent sur le fait que leurs territoires doivent être reconnus comme des surfaces de production à part entière, avec leurs spécificités géographiques.
De nombreux points d'inquiétude subsistent.
Premièrement, les éleveurs s'interrogent sur l'introduction d'un logiciel de télédétection par laser – LIDAR – pour identifier les surfaces pastorales : ils doutent qu'il pourra délimiter précisément certains espaces enclavés, boisés ou pentus et estiment plus efficace la méthode de déclaration de leurs espaces pastoraux.
Deuxièmement, sur le plan financier, ils souhaitent que le niveau de l'ICHN soit conforté et renforcé. Je veux défendre avec eux la nécessité absolue du soutien à notre territoire audois pour pallier les surcoûts engendrés par les handicaps naturels et géographiques de leurs exploitations.
Troisièmement, les éleveurs m'ont fait part de leurs grandes inquiétudes quant aux projections de diminution des aides couplées bovines et ovines. Avec 300 brebis, un éleveur ovin spécialisé en zone de montagne pourrait perdre jusqu'à 50 % de son revenu ; ce serait la mort des élevages.
En matière de télédétection, de niveau de l'ICHN et d'aides couplées, pouvez-vous, monsieur le ministre, indiquer les orientations du plan stratégique national et lever les doutes ? Quelle place spécifique sera accordée aux conditions économiques des éleveurs installés dans les massifs montagneux ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame Robert, comme je l'ai indiqué, il semble important de stabiliser le niveau de l'ICHN. Mais pour y parvenir, il faut que la contribution du budget national au titre du deuxième pilier de la PAC, qui regroupe notamment l'ICHN, les mesures agroenvironnementales, l'agriculture biologique et l'assurance récolte, atteigne au moins 140 millions d'euros par an, soit 700 millions sur la période. Vous qui votez les budgets chaque année, vous voyez l'importance de l'effort nécessaire.
Pour ce qui est de la télédétection, le dispositif LIDAR est en cours d'expérimentation. Restons sereins et regardons si cela marche. Les remontées de terrain devraient nous renseigner sur les éventuelles inquiétudes et l'analyse de l'expérimentation montrera si le jeu en vaut la chandelle. J'y vais sans idées préconçues et j'attends avec intérêt les conclusions de l'expérience. Je note toutefois que le dispositif est en train d'être déployé massivement dans d'autres secteurs, par exemple dans le domaine forestier, grâce aux crédits du plan France Relance.
Enfin, s'agissant des aides couplées, comme je le soulignais tout à l'heure, les discussions et la concertation sont en cours. Ces aides sont évidemment nécessaires. Je crois au passage à l'UGB, mais les curseurs afférents restent à affiner. Nous y travaillons avec l'ensemble des professionnels.
C'est une question sur le logement ?
Sourires sur les bancs du groupe LR .
Je voudrais relayer à mon tour l'inquiétude des « zones intermédiaires » face au futur plan stratégique national en matière agricole. Ces territoires, qui traversent la France du nord-est au sud-ouest, constituent une zone de grandes cultures avec des niveaux de production faibles en raison de la structure agronomique de leurs sols et du recours à la polyculture-élevage. Ils estiment avoir été peu pris en considération par la PAC jusqu'à maintenant et souhaitent un renforcement des mécanismes de solidarité à leur bénéfice.
Jusqu'à maintenant, les politiques en vigueur ont encouragé des stratégies d'agrandissement dictées par la faiblesse productive des sols. On évoque désormais un nouvel outil d'intervention baptisé écorégime, qui pourrait représenter entre 20 % et 30 % des aides directes aux exploitants. Son objectif serait de conditionner les aides à des actions favorables en matière d'environnement. Les zones intermédiaires pourraient être défavorisées par rapport aux terres très productives qui ont plus de marges de manœuvre. On risque notamment, vous l'avez reconnu, de pénaliser les producteurs lorrains.
Je vous demande donc de tenir compte de ces territoires tant en matière d'aides directes – droits au paiement de base, futur écorégime, ICHN, pour les céréales comme pour l'élevage – qu'en matière d'aides à l'investissement dans le deuxième pilier de la PAC. Ces exploitations et leurs exploitants ne pourront survivre que si leur spécificité est prise en considération par ces mécanismes de solidarité.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer sur l'accessibilité de ce nouvel écorégime pour tous les territoires ? Très concrètement, allez-vous prendre en considération les contraintes de production des zones intermédiaires en étayant les critères, pour permettre à tous les territoires une démarche équitable de progrès ? Cela permettrait d'aller vers un mieux-disant environnemental pour un maximum d'agriculteurs du pays sans exclure ceux des zones intermédiaires, souvent dépourvus, à proximité, d'outils permettant une diversification, comme une sucrerie ou une usine agroalimentaire.
Dernière question : pourriez-vous imaginer, par le biais de cet écorégime, une valorisation des plantes mellifères le long des cours d'eau ? Cela permettrait de traduire dans la PAC une bonne pratique qui recrée de la diversité alimentaire.
Pour ce qui concerne la prise en compte des spécificités des zones intermédiaires dans le cadre de l'écorégime : oui et archi-oui ! Comme je n'ai cessé de l'expliquer cet après-midi, l'écorégime est un des éléments permettant aux zones intermédiaires de retrouver des niveaux de paiement de base un peu plus élevés. En effet – pardon si mes propos sont très techniques, mais cela permettra à ceux qui nous écoutent d'avoir toutes les précisions sur ce point –, dans la mesure où, en matière d'écorégime, la convergence est totale et que le niveau moyen des paiements de base dans les zones intermédiaires est souvent en dessous de la moyenne, ce dispositif leur est favorable. Même s'il ne concerne que 20 % à 30 % des aides, ce serait une évolution qui irait dans le bon sens.
Par ailleurs, les évaluations montrent que, si l'on prend le critère de la diversification des cultures, les zones intermédiaires ont plus facilement accès à l'écorégime que les zones très productives. Ce n'est pas forcément intuitif, mais quand on regarde de près, on se rend compte que, du fait des contraintes agronomiques liées aux spécificités de leurs sols, ces territoires ont souvent déjà opéré une diversification importante. Ainsi, dans votre beau département de Meurthe-et-Moselle, le taux d'accès des zones intermédiaires à l'écorégime est très élevé.
Ce taux dépend des scénarios – que je pourrais vous communiquer – mais, de manière générale, les exploitations des zones intermédiaires y accèdent plus facilement. J'insiste sur ce point car ce n'est pas l'intuition première qu'on peut avoir, mais on le constate avec l'approche agronomique.
Enfin, en matière d'architecture environnementale – ce qu'on appelle des infrastructures agroenvironnementales –, les discussions sont en cours. Nous explorons trois voies d'accès à l'écorégime : soit par la diversification des cultures, que j'ai mentionnée, soit par les certifications – HVE, bio, etc. –, soit par les infrastructures agroenvironnementales. Celles-ci, en plus de représenter des bonus, pourraient devenir une voie directe d'accès à ces aides. Nous sommes en train d'y travailler.
Oui, pourquoi pas.
Le député breton que je suis évoquera deux sujets. Les haies, d'abord : non seulement elles concourent à une bonne gestion des espaces agricoles, mais elles ont également un impact tout à fait positif sur la biodiversité. Seront-elles bien prises en compte dans la surface d'exploitation, dans le cadre de la nouvelle PAC ? On avait eu un sketch dans ce domaine, il y a quelque temps, j'espère que cela ne se renouvellera pas.
Deuxième point : le lait.
On peut utiliser des euphémismes, mais les faits sont là : la loi ÉGALIM a échoué. Le prix du lait payé à l'éleveur a diminué et, chose qui a été moins remarquée, les coûts ont augmenté. Je vous renvoie à l'étude de Cerfrance Bretagne : le coût moyen de 1 000 litres était de 385 euros en 2018, de 398 euros en 2019 et de 402 euros en 2020. La PAC pourrait éventuellement corriger cette situation.
Deux solutions, deux outils s'offrent à vous ; allez-vous les utiliser ?
Le premier est celui des aides couplées à la vache laitière. Aujourd'hui, elles représentent peu de chose ; demain, pourront-elles augmenter, en particulier dans des zones comme la mienne, supposées être des zones de plaine ?
Une autre formule a été esquissée : le paiement redistributif, qui permet d'accorder un peu plus d'aides à l'hectare, pour les cinquante-deux premiers hectares. Aujourd'hui, ce dispositif ne pèse que 10 % de la masse des aides. Comptez-vous passer à 20 %, comme certains le souhaitent ? Cette formule constitue un plus pour l'agriculture familiale car si on aide toutes les exploitations, le soutien est proportionnellement plus important pour les petites et moyennes exploitations. C'est essentiel pour maintenir le troupeau laitier et la production laitière, qui, comme chacun le sait, jouent un rôle majeur dans l'aménagement du territoire.
Face à l'échec d'ÉGALIM, on ne peut plus revenir sur les prix, mais on peut corriger l'effet de leur augmentation grâce aux évolutions de la PAC.
Sur ces deux sujets, haies et lait, qu'envisagez-vous de faire ?
S'agissant des haies, la réponse est oui.
C'est un point technique, mais comme vous le savez, on s'est battu pour que ce point soit inclus dans la BCAE 7 – la thématique « maintien des particularités topographiques » des bonnes conditions agricoles et environnementales – et la prise en compte des haies dans la surface d'exploitation a normalement déjà été revalidée en trilogue. Je fais d'ailleurs partie, comme vous, des grands défenseurs des haies. Dans le cadre du plan de relance, celles-ci seront financées à hauteur de 50 millions d'euros. Depuis les grandes politiques de remembrement, dans la deuxième moitié du XX
…ce qui se traduit aujourd'hui par une catastrophe en matière de captation de carbone, mais aussi par l'explosion des maladies phytosanitaires.
Quant au lait, je suis très embêté, vu le contexte actuel, parce que je ne voudrais surtout pas créer de dissensions au sein du groupe Les Républicains.
Je m'explique. Monsieur Le Fur, vous incarnez une certaine droite,…
…mais MM. Vigier et Bazin auront du mal à y adhérer.
Vous dites qu'il y a deux possibilités.
Si l'on choisit d'augmenter le paiement redistributif, je vous garantis que cela déplaira à M. Bazin, car si le paiement redistributif est très bénéfique pour votre territoire, monsieur Le Fur, il ne l'est pas du tout pour les zones intermédiaires.
Non, pas du tout : en raison de la faible rentabilité par hectare dans les zones intermédiaires, celles-ci ont structurellement besoin d'avoir des grandes surfaces, non par volonté de gigantisme, mais tout simplement parce que leur réalité, c'est qu'il faut y investir beaucoup de travail pour une rentabilité plus faible qu'ailleurs. Eh oui, dire que parce qu'on a plein d'hectares, on est forcément très riche, c'est totalement faux. Mais si l'on choisit de privilégier les aides couplées pour le lait, alors la ligne Le Fur va s'opposer avec la ligne Vigier, parce que les aides couplées sont plafonnées à 15 %, donc tout transfert se fait entre les filières.
Sans prétendre représenter la motion de consensus au sein des Républicains, je vais essayer de vous contenter tous les trois. La tâche est difficile !
Dans ma circonscription de la Somme, le malaise des agriculteurs est partout le même. Après une année plus qu'éprouvante, le projet de la nouvelle PAC inquiète. Comment pourrait-on faire la sourde oreille alors que nos agriculteurs ont tant fait d'efforts pour garantir notre souveraineté alimentaire en pleine crise de la covid ? Il est temps de réagir : vous devez garantir, dans le plan stratégique national, une PAC juste et équilibrée garantissant trois objectifs fondamentaux : protéger notre souveraineté et notre santé alimentaire, développer les actions favorables aux objectifs environnementaux et renforcer le tissu économique des zones rurales.
En dix ans, la convergence progressive des aides a entraîné en moyenne une baisse de 42 % des aides directes agricoles dans la Somme, au profit d'autres régions.
En 2014, le passage du paiement redistributif de 5 à 10 % a permis à certaines régions de compenser pour partie cette convergence du paiement de base, mais hélas pas dans la Somme. La convergence progressive proposée, de 80 %, correspond à une nouvelle diminution des aides de 12 euros par hectare, soit 5,66 millions d'euros ; avec une convergence de 100 %, la perte serait de 8,5 millions d'euros.
Nos agriculteurs s'inquiètent des orientations qui semblent être prises dans le plan stratégique national, comme les critères d'accès à l'écorégime, beaucoup évoqué cet après-midi – une nouvelle version du paiement vert, à laquelle 30 % des agriculteurs ne pourront pas avoir accès avec les critères actuellement proposés. Il est plus que nécessaire de faciliter l'accès à ce dispositif. Garantir des aides en cas de mauvaise récolte liée aux épisodes climatiques difficiles enverrait un signal fort aux agriculteurs, tout particulièrement aux petits exploitants, qui se sentent comme les oubliés de la PAC.
Monsieur le ministre, vous vous en êtes expliqué cet après-midi mais je regrette que vous ne rediscutiez pas d'une meilleure territorialisation de l'ICHN du second pilier, dont ma circonscription ne bénéficie toujours pas, ce qui est incompréhensible au regard des difficultés rencontrées notamment par les exploitants du secteur des bas champs de la baie de Somme.
Le temps me manque, hélas, mais ces trois grands points me conduisent à une question fort simple : la prochaine PAC répondra-t-elle concrètement à ces enjeux ?
Mon objectif est d'y répondre le mieux possible avec les contraintes qui sont les miennes. Je le redis, ce n'est pas une contrainte budgétaire puisque nous avons déjà mené ce combat et nous l'avons heureusement gagné. Voilà trois heures que nous débattons et nous voyons la complexité de la chose, avec les demandes des uns et des autres ; si le budget de la PAC avait été amputé de 15 %, imaginez ce qu'il en aurait été ! Nous avons réussi à obtenir un budget consolidé ; à présent, la grande difficulté tient à sa répartition.
La convergence est nécessaire, tout le monde le sait. Ce n'est pas une réforme ni une vision politique ; c'est une nécessité et nous la traînons depuis des années. Deux possibilités s'offrent à nous : ou bien une convergence totale dès la fin de la prochaine PAC ou bien une convergence plus progressive. Je suis de ceux qui considèrent qu'il y a parfois des impacts beaucoup trop forts, imposant une progressivité.
Sur les paiements redistributifs, au-delà du ton d'humour que j'utilisais en réponse à M. Le Fur, certains départements vont demander ce paiement redistributif de manière très forte et d'autres, qui sont souvent déjà touchés par la convergence, subiront un double effet qui aura de lourdes conséquences sur le revenu des agriculteurs.
L'écorégime devra être accessible mais il faut être clair et ne pas raconter des carabistouilles : c'est un nouvel effort demandé aux agriculteurs. Ce nouvel effort devra être accompagné, c'est-à-dire que l'écorégime devra être accessible. C'est le travail que nous conduisons avec la filière.
Monsieur le ministre, vous vous êtes entretenu le mois dernier avec vos homologues européens afin de trouver un accord concernant la prochaine PAC, laquelle revêt une importance toute particulière pour nos agriculteurs, qui traversent une crise importante.
L'agriculture de montagne constitue un secteur d'activité et d'attractivité pour les territoires générant annuellement un potentiel économique de 8,5 milliards d'euros. Si la loi Montagne de 2016 a réaffirmé l'importance des soutiens spécifiques aux zones de montagne pour assurer le dynamisme de notre agriculture, il convient que la future PAC s'inscrive dans la continuité des dispositifs existants, afin tout simplement d'assurer la pérennité de l'agriculture de montagne. Il est de ce point de vue vital que les aides actuelles, notamment les aides couplées et l'ICHN, soient maintenues, dans un souci d'équité vis-à-vis de tous les agriculteurs et de tous les territoires.
J'insiste : ces aides sont indispensables pour maintenir l'équilibre économique des exploitations agricoles de montagne. À titre d'exemple, concernant la filière laitière de montagne, il n'est pas concevable que l'aide à la vache laitière soit transformée en une aide à l'UGB sans distinction entre montagne et plaine.
Plus globalement, la future PAC doit prendre en compte les enjeux stratégiques du secteur en favorisant l'installation de nouvelles exploitations permettant la promotion de produits de qualité tout en agissant en faveur de la transition écologique. Aussi, quelles garanties comptez-vous apporter dans la future PAC à notre agriculture de montagne, une filière d'excellence qu'il convient de soutenir et d'encourager ?
Monsieur le député, je connais votre compétence sur ces sujets. Je pense que la réforme de l'UGB est importante. C'est une réforme compliquée car elle change les règles de calcul, aujourd'hui figées sur le nombre de veaux par vache et ne prenant pas en compte la composition réelle du cheptel. Comme beaucoup, je pense que passer à l'UGB permet de favoriser la filière et la création de valeur, de donner un coup de pouce aux laitiers, mais cela doit se faire dans un souci du détail : dès lors qu'il y a un taux de chargement, ce qui n'est d'ailleurs pas le cas dans le secteur du lait, que se passe-t-il dans un territoire de plaine, un territoire comme la Normandie qui m'est chère, où l'accès au foncier est tel que les taux de chargement peuvent parfois être très élevés ?
Ces calculs sont sur la table. Nous nous étions demandé s'il fallait retenir une UGB unique ou plusieurs catégories. Dans les premiers scénarios, il n'y en avait qu'une ; on est revenu dessus en dissociant des UGB allaitantes et des UGB lait.
Mais alors, quid des différents éleveurs, demandez-vous. Se pose aussi la question des élevages mixtes. Toutes ces questions sont en cours de traitement et nous sommes même passés à des évaluations au cas par cas, à l'échelle de l'exploitation, pour mesurer les effets chez les uns et les autres et rendre cette réforme accessible. Le projet me semble partagé mais cela nécessite un accompagnement et la prise en compte de toutes les spécificités, que vous incarnez les uns et les autres.
Parmi les grands enjeux de la prochaine politique agricole commune figurent ceux de l'installation de nouveaux agriculteurs et de la transmission des exploitations. Nous avons besoin d'une PAC qui facilite l'installation de personnes non issues du milieu agricole et qui les accompagne dans le développement de projets créateurs de valeur ajoutée.
Tout d'abord, s'agissant de l'installation de nouveaux agriculteurs, je souhaiterais vous interroger sur la dotation jeunes agriculteurs (DJA). La plateforme « Pour une autre PAC » propose de transformer cette dotation en une aide à l'installation, dont la principale différence résiderait dans le décalage du critère d'âge de 40 à 50 ans afin de permettre au plus grand nombre d'en bénéficier. Il s'agirait surtout de viser les personnes en reconversion professionnelle, parfois un peu plus âgées, qui s'orientent le plus souvent vers des systèmes agricoles particulièrement vertueux. L'objectif serait ainsi de faire bénéficier de ces aides en priorité les projets d'installation les plus vertueux, liés à l'agriculture biologique, à l'agroforesterie ou encore aux démarches collectives.
Bien qu'il s'agisse d'une aide « non surfacique » et donc relevant de la compétence des régions, je souhaiterais connaître votre sentiment sur cette proposition ainsi que sur les réflexions en cours sur les aides à l'installation.
Ensuite, s'agissant de la transmission des fermes, nous sommes plus que jamais confrontés à l'énorme défi du renouvellement des générations. Si nous voulons relever le défi de la transmission des exploitations, il nous faut peut-être sortir de la course à l'agrandissement et au surinvestissement. La Commission européenne a d'ailleurs proposé de renforcer l'aide spécifique aux petits agriculteurs, une aide que nous n'avons malheureusement pas utilisée dans la PAC actuelle en raison de son plafonnement et de ses montants trop faibles ne permettant pas d'avoir un réel impact.
Il s'agit pourtant d'un outil très utile pour soutenir ces petites fermes. Je souhaiterais donc savoir si vous comptez intervenir dans le cadre des négociations en cours pour que ce dispositif soit déplafonné afin qu'il puisse aider les petits paysans français en complément des aides couplées.
À côté du sujet de l'aide à l'installation dans le cadre de la PAC, il en est deux encore plus primordiaux : la rémunération, dont nous avons beaucoup parlé, et l'assurance récolte. Heureusement qu'il existe une passion agricole, pour assumer le risque de plus en plus fort des aléas climatiques : pour s'installer en se disant que dans les deux ou trois prochaines années se produira peut-être un épisode de gel, de sécheresse ou de grêle comme ceux que nous avons connus ces dernières années, risquant d'affecter toute une année de production, il faut en effet avoir une sacrée passion.
Il convient d'envisager l'installation dans son ensemble : les outils de soutien de la PAC mais aussi l'action sur la rémunération et l'assurance récolte, et j'ajouterai même l'action sur l'accès au foncier car l'agriculture est l'un des seuls secteurs d'activité où, avant même de commencer, on s'endette de plusieurs centaines de milliers d'euros, pour acheter des terres. Ces trois sujets font l'objet de politiques différentes, toutes très fortes parce que c'est essentiel.
La PAC comporte deux outils d'aide à l'installation, dans les premier et second piliers. L'aide du deuxième pilier, la DJA, sera gérée par les régions. Il est important, a fortiori à l'approche d'élections régionales, de savoir ce que les régions souhaitent faire pour l'installation de jeunes agriculteurs.
Dans le premier pilier, il existe un paiement pour les jeunes agriculteurs, un PJA, qui fait partie de l'escarcelle des arbitrages que je dois rendre. Je suis plutôt favorable à ce que nous soutenions ces installations. Cela appelle des choix, non entre filières ni entre territoires mais au sein même d'une filière entre jeunes et moins jeunes.
Nous parlons de la PAC, des premier et deuxième piliers, des écorégimes, des pourcentages d'aide de 20 % à 30 %, montants absolument considérables. Les agriculteurs français ne partent pas de rien, beaucoup d'efforts ont été déployés dans l'ensemble des exploitations, les grandes cultures comme les autres, parce que si la transition est obligatoire, la compétitivité doit être préservée.
Ce triple objectif, l'accompagnement de la transition agroenvironnementale, la préservation des marges de compétitivité et la garantie d'une rémunération décente aux agriculteurs – ces dernières années ont abondé en courbes sinusoïdales –, nous le partageons, mais il me paraît essentiel d'avancer sur deux exigences.
Tout d'abord, il faut l'accessibilité du dispositif pour tous les agriculteurs, de manière qu'on n'en laisse pas certains de côté. Des efforts ont été déployés en matière de certification environnementale de niveau 2, et des démarches de HVE ont été entreprises récemment dans ma région. Les spécificités de certaines exploitations, comme les zones intermédiaires, Luc Lamirault en a parlé pour l'Eure-et-Loir mais c'est vrai aussi pour d'autres départements de la région Centre-Val de Loire, c'est quelque chose d'important : dans une zone intermédiaire, il y a moins de potentiel agronomique et, naturellement, le bilan économique des exploitations s'en trouve altéré.
Ensuite, il me paraît essentiel de ne pas exclure les agriculteurs dans les voies d'accès : diversification, certification, biodiversité. Il ne faut pas tout cloisonner, sinon vous allez mettre les uns et les autres dans des sortes de sillons, alors qu'il est important que chacune des voies puisse être explorée, avec des montants suffisamment significatifs, de manière à parvenir au résultat souhaité, la transition écologique, avec de la compétitivité et une rémunération décente à la clé. Merci de me dire où en sont vos discussions sur ces sujets.
Mme Jeanine Dubié applaudit.
Il faut en effet assurer l'accessibilité. J'insiste sur un point : l'écorégime est le mécanisme d'accélération des transitions agroécologiques mais certains le présentent comme un instrument de financement. L'écorégime ne finance pas : il prélève et rend, c'est très différent. La réalité est bien la façon dont vous avez présenté l'écorégime : c'est un prélèvement que l'on rend dès lors qu'existent certaines pratiques, ce qui montre, répétons-le, ce que le monde agricole fait en faveur de la préservation de l'environnement et que peu de secteurs d'activité accepteraient.
L'écorégime doit donc être accessible, c'est certain, et nous y travaillons en explorant trois possibilités : la diversification culturale, les infrastructures agroécologiques, la certification. Reste à préciser ce que recouvrirait chacune de ces voies. De quelle certification parlerait-on ? De quelles infrastructures agroécologiques s'agirait-il ? Des passerelles pourront-elles être envisagées entre ces trois voies ?
Une chose est sûre, les règles définies par le Conseil européen nous imposent, quel que soit le nombre de voies que nous choisirons, de prévoir au moins trois niveaux d'écorégime : un niveau zéro, un niveau standard et un niveau élevé. Pour l'heure, nous envisageons donc ces trois voies et, pour chacune d'elles, ces trois niveaux. Ici aussi, le diable se niche dans les détails : nous travaillons donc en concertation avec les parties prenantes pour déterminer la juste accessibilité pour nos agriculteurs.
La PAC est très attendue dans nos territoires car elle est un outil stratégique pour la souveraineté française et européenne. En effet, alors que les discours anti-européens se renforcent, la PAC représente une réalisation communautaire majeure que l'on doit préserver, renforcer et valoriser. À l'heure où les négociations sont encore en cours à Bruxelles, les agriculteurs sont pleinement mobilisés dans mon département rural pour défendre notre production locale, comme le 6 avril dernier, à Bourges.
Pour que cette PAC soit une réussite, elle doit être déclinée selon les États. Tel est précisément le but du plan stratégique national. Je salue le travail de concertation engagé avec le concours de la Commission nationale du débat public afin que les citoyens s'expriment sur ce qu'ils attendent de la PAC en France, de leur PAC.
Le plan stratégique national doit être présenté par la France aux autorités européennes au mois de juin. Or certaines incertitudes demeurent du fait du prolongement des négociations. Dans ma circonscription, comme dans beaucoup d'autres, les agriculteurs s'interrogent sur les conditions d'accès à l'écorégime. Vous avez déclaré, dans cet hémicycle, que 70 % des agriculteurs sont éligibles à cette aide. Cette précision, apportée lors de la séance de questions au Gouvernement le même jour que la manifestation à Bourges, a rassuré les producteurs. Cependant, certaines questions demeurent et les empêchent de se projeter dans la nouvelle PAC et dans la logique de l'écorégime. Celui-ci devrait se décliner selon la certification HVE, le coefficient HVE + donnant droit au niveau standard des écorégimes et le coefficient HVE 3 au niveau supérieur. Afin d'être pleinement informés sur le sujet, nous aimerions savoir si vous avez évalué le pourcentage d'agriculteurs qui seront concernés par ces deux niveaux. Pourriez-vous également nous indiquer la différence entre le niveau standard et le niveau supérieur des aides ?
Je ne peux pas répondre avec précision à vos questions, madame Essayan, car nous travaillons encore sur les modalités des différentes certifications. Nous connaissons bien sûr la certification HVE 3 et la certification Biodiversité, mais la certification CE 2+ reste à créer. Dans tous les cas, ces dispositifs ne constituent que des passerelles. Un agriculteur ne peut se satisfaire, en effet, d'obtenir seulement le niveau standard de l'écorégime. Il cherchera automatiquement à avoir accès au niveau le plus élevé.
Nous réfléchissons également à des certifications sur des productions spécifiques, aux réalités agronomiques très particulières, mais aussi à l'approche bas carbone, qui pourrait être très intéressante en matière de certification, mais qui n'est pas encore finalisée. Ces travaux sont en cours et n'ont pas besoin d'être achevés au stade de la maquette budgétaire. Ils seront complétés au fur et à mesure et discutés au niveau européen.
En tout état de cause, il me semble pertinent de développer des approches différenciées – diversification culturale, certification ou infrastructures agroécologiques – pour les écorégimes. Un travail important doit encore être mené pour analyser les enjeux de ces différentes approches selon les territoires et déterminer les degrés d'accessibilité des niveaux les plus élevés. Les travaux se poursuivent et font l'objet de nombreux échanges.
J'ai deux questions à vous poser, monsieur le ministre. Je suis élue d'un territoire, la Bourgogne-Franche-Comté, identifié comme une zone intermédiaire du fait des capacités agricoles plus faibles dues à la structure agronomique de ses sols. Les agriculteurs s'inquiètent légitimement de la stratégie nationale que vous allez transmettre à l'Union européenne. Selon les informations dont disposent les responsables agricoles, vous pourriez opérer des choix conduisant à diminuer de manière importante le soutien financier aux exploitations d'élevages allaitants, dont la faiblesse des revenus est notoire. Il se développe pourtant, dans cette grande zone en forme de banane qui traverse la France d'est en ouest, des pratiques agricoles vertueuses en matière d'environnement. Ma première question est donc la suivante : quel est l'état des discussions sur le sujet ?
Ma deuxième question concerne le choix de l'agriculture biologique qu'ont fait de nombreux agriculteurs de mon territoire. L'aide au maintien est supprimée au bout de cinq ans alors qu'elle leur donnait le temps de consolider leur modèle économique et leur permettait de faire face aux épisodes récurrents de sécheresse. Le crédit d'impôt mis en place comme monnaie d'échange ne comble pas, loin de là, le déficit. Dans ces conditions, la déconversion de ces agriculteurs paraît inévitable. De quelles mesures financières comptez-vous assortir la certification bio ? Comment aiderez-vous les agriculteurs qui se sont engagés en faveur de l'agriculture biologique il y a cinq ans ?
S'agissant des aides couplées, dont nous avons beaucoup discuté cet après-midi, nous devons, je le répète, poursuivre les discussions afin notamment de préciser le taux de chargement pour chaque territoire.
Quant à l'agriculture biologique, rappelons qu'elle est financée par le deuxième pilier. Nous avons la volonté de la développer conformément à la stratégie « De la ferme à la fourchette ». Les derniers scénarios que nous avons examinés prévoient de faire passer l'enveloppe budgétaire allouée à l'agriculture biologique de 250 millions à 340 millions d'euros. Je ne peux répondre plus précisément à votre question. Certains diront sans doute que ce n'est pas assez et d'autres que c'est trop. Pour maintenir l'ICHN et les MAE, soutenir le développement de l'agriculture biologique et la tendance de l'assurance récolte, et inscrire les mesures relatives à la prédation au sein du deuxième pilier, soit on transfère des crédits du premier vers le deuxième pilier, ce qui n'irait pas dans le sens de la stabilisation des revenus, soit on fait des choix internes au deuxième pilier, ce qui serait très compliqué. En tout état de cause, 140 millions supplémentaires seront nécessaires chaque année en provenance du budget national.
Vous avez maintenant toutes les données de l'équation, madame Untermaier ! Croyez bien que je me bats pour la résoudre et aboutir au meilleur équilibre.
Nous sommes depuis près de trois heures ensemble, monsieur le ministre, et ma question est simple : votre recherche de l'équilibre n'aboutit-elle pas, en réalité, à une forme d'immobilisme et de conservatisme pour notre agriculture ? Rien ne serait moins opportun étant donné l'exigence de justice qui doit aujourd'hui être la nôtre pour rééquilibrer les revenus des agriculteurs. Vous le savez, certains sont plus égaux que d'autres en matière de revenus et de travail. Il est facile, mais peu courageux, d'évacuer cette question.
Deuxième point : nous devons engager l'agriculture dans une profonde transformation afin de répondre à l'urgence climatique et à la mutation des marchés tels qu'elle se dessine. Or toute hésitation à banaliser les écorégimes et à en faire profiter le plus grand nombre, ainsi qu'à procéder à des transferts du premier vers le deuxième pilier de la PAC, nous conduirait à une impasse.
Vous le savez, nous ne disposons en vérité que de deux marges de manœuvre : le plafonnement des aides à l'actif et l'effet redistributif. Nous n'avons d'autre choix que de poursuivre ce mouvement-là.
Le risque serait finalement d'aboutir à une PAC peu imaginative alors que les propositions des coopératives d'utilisation de matériel agricole, les CUMA, et d'autres collectifs, notamment en faveur des fromages AOP, pourraient permettre de générer des économies vertueuses, sources de plus-value. Je pense notamment aux propositions qui concernent l'agroforesterie. En 1950, la France comptait 2,5 millions de kilomètres de haies, contre 750 000 aujourd'hui. Projeter de faire passer ce chiffre à 1,5 million en 2050 serait loin d'être prohibitif. Il s'agit d'un choix politique : celui de favoriser des écosystèmes plus résilients, notamment pour dépendre moins de la phytopharmacie. Un tel choix est à notre portée.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à nous communiquer les tableaux des revenus des agriculteurs, à nous dire quels budgets ils peuvent prévoir et comment ils peuvent se préparer aux marchés du futur ? Comment pouvons-nous réorienter les crédits dans le sens d'une plus grande justice et d'une meilleure préparation pour l'avenir ? Il ne suffit pas de viser l'équilibre, surtout lorsqu'il confine à l'immobilisme : ce ne serait ni judicieux pour l'équité que nous souhaitons pour le monde agricole, ni favorable à la politique d'installation et de relève sans laquelle tout le reste sera vain.
Nous devons rechercher la complémentarité des approches. La question du revenu des agriculteurs est évidemment essentielle. Nous disposons de bases de données sur les revenus actuels, mais pas encore de simulations sur les différents scénarios. Dès qu'elles seront disponibles, nous vous les transmettrons bien évidemment.
Vous considérez que nous n'allons pas assez loin et vous proposez, entre autres – car vous formulez de nombreuses propositions –, le plafonnement des aides à l'actif et le paiement redistributif. Le plafonnement a-t-il du sens et permettrait-il de faire des transferts ? Il fait en tout cas l'objet de débats techniques, du fait notamment de la facilité du contournement, celui-ci étant d'autant plus tentant qu'il permet de disposer d'une somme importante – l'expérience nous l'a montré. Je suis à votre disposition pour en rediscuter.
Sur le paiement redistributif, en revanche, je ne suis pas d'accord avec vous. Refuser d'y toucher ou de procéder à des transferts entre le premier et le deuxième pilier ne constitue pas, selon moi, un manque de courage ou une marque d'immobilisme. Il convient en outre de considérer les spécificités des territoires. La situation des zones intermédiaires, dont nous avons tant parlé cet après-midi, ne s'explique en rien par le manque de courage des agriculteurs.
Non, mais un choix stratégique a été fait il y a quinze ans, celui de mettre fin à un grand nombre d'élevages dans ces zones. Aujourd'hui, pour aider les agriculteurs de ces territoires, la solution ne réside absolument pas dans le paiement redistributif, qui contribuerait au contraire à aggraver les difficultés.
Cela dépend des zones. Les agriculteurs qui pourraient prétendre au paiement redistributif, à travers par exemple un système de polyculture, seraient très pénalisés dans un premier temps. Dans les zones intermédiaires, ce qui a surtout manqué, selon moi, ce sont les mesures agroenvironnementales. C'est là que réside le principal échec et que nous devons agir.
Ma question vient en contrepoint de celle de Dominique Potier. Quand je lis les chiffres du projet de diagnostic publié par le ministère de l'agriculture sur la PAC en cours d'achèvement, je constate, en moyenne, que l'organisation technico-économique du réseau viande bovine a reçu 10 000 euros d'aides supplémentaires, celle du réseau d'élevages ovins et caprins 20 000 euros d'aides supplémentaires et les grandes cultures 10 000 euros d'aides en moins. La politique lancée par Stéphane Le Foll a donc porté ses fruits. Ceux qui voulaient de la justice sociale ont eu de la justice sociale ! Ces trois organisations technico-économiques disposent désormais d'une même enveloppe de revenus, entre 25 000 et 27 000 euros – j'ai développé ce point tout à l'heure à la tribune.
Nous ne pouvons pas continuer ainsi, sauf à ruiner d'autres secteurs. La proposition de M. le ministre me paraît donc de bon sens. Il est nécessaire aujourd'hui de stabiliser les réallocations des aides entre les différents secteurs de production.
C'est ce qui inquiète le monde de l'élevage, en particulier celui de l'élevage bovin. J'ai cosigné – peut-être l'avez-vous fait aussi, monsieur Potier – une tribune qui relayait cette inquiétude des producteurs, car je la comprends. En effet, ils font face à un vrai défi : ils doivent créer de la valeur ajoutée en valorisant mieux leurs productions.
Voici ma question, monsieur le ministre : en complément de ce que nous ferons dans le cadre de la PAC, nous devrons accompagner le secteur de l'élevage bovin pour lui permettre de dégager de la valeur ajoutée, alors qu'il semble que les éleveurs doutent de leurs propres capacités à y parvenir. Ils ne disposent pas des outils d'abattage et de valorisation suffisants ; en outre, ils sont présents de manière trop diffuse sur le territoire et sont mal organisés. Comment comptez-vous développer une politique susceptible de les aider à créer des produits ayant une valeur ajoutée ?
Vous avez mille fois raisons. Dans le contexte actuel, certains domaines de notre agriculture dépendent du soutien apporté par la PAC. L'ICHN et les aides couplées, dont nous avons beaucoup parlé cet après-midi, y contribuent : ce sont des outils qui, dans le cadre de la PAC, peuvent aider à créer de la valeur et pour ma part, je crois profondément qu'on ne peut le faire qu'en commençant par soutenir le développement de filières. De nouveaux dispositifs, les programmes opérationnels, ont aussi été créés au sein de la PAC et les éleveurs peuvent choisir de les adopter.
Ensuite, créer de la valeur se fait aussi en rémunérant la valeur qui existe mais qui n'est pas suffisamment reconnue par les intermédiaires ou, à la fin du processus, par le consommateur – cela renvoie au débat que nous aurons en juin à propos d'ÉGALIM.
Enfin, comme je le disais, la création de valeur peut également être soutenue par la structuration des filières agricoles – de l'amont à l'aval –, qui passe par les labels. Je prends un exemple : aux états généraux de l'alimentation (EGA) – vous êtes nombreux à y avoir participé et je vous en remercie –, nous nous étions fixé l'objectif de parvenir à 40 % de produits bovins estampillés Label rouge en 2022. À ce moment-là, 3 % l'étaient ; aujourd'hui, le chiffre n'a pas évolué – il est encore de 3 %.
J'ai pourtant beaucoup poussé en ce sens et les acteurs de la filière le savent très bien ; la faute n'en incombe pas à l'un ou à l'autre mais bien à la filière dans son ensemble, de l'amont à l'aval, jusqu'à la distribution. Dans le cadre du plan de relance, j'ai introduit un financement de 50 millions d'euros pour les structurations de filières. Je pousse pour que cela se fasse ! J'étais à Lezoux avec le président Chassaigne pour lancer la feuille de route dite de Lezoux, qui vise à structurer la filière bovine au niveau du territoire. Depuis lors, nous l'avons déclinée dans d'autres territoires : je pousse au maximum !
Finalement, vous avez raison : nous devons réussir à soutenir le secteur à l'aide des outils qui sont à notre disposition ; la réforme de l'UGB bovine doit aussi permettre d'aller dans ce sens. Nous devons également nous battre pour une juste rémunération des éleveurs dans le cadre de la loi ÉGALIM, et nous attacher à créer de la valeur ajoutée au sein de la filière. J'ai parfois été un peu raillé à cause de mon appel à la consommation de jeunes bovins dans les cantines scolaires. Mais enfin, dans les cantines de nos territoires d'élevage, on sert parfois de la viande importée ! Voilà la réalité ! En France, on consomme très peu de viande issue de la voie mâle, donc très peu de jeunes bovins, alors qu'elle serait idéale pour les cantines scolaires. Il faut soutenir partout la filière française ; ce débouché n'est qu'un exemple mais je crois qu'il est assez parlant.
Vendredi dernier, je me suis rendu à Strasbourg pour écouter les revendications de 1 500 manifestants qui s'étaient donné rendez-vous avec leur tracteur – le sujet, évidemment, était la réforme de la politique agricole commune. Le message s'adressait d'ailleurs moins à vous qu'aux instances européennes, au Parlement notamment, puisqu'il s'agissait de peser sur les négociations du trilogue.
Trois sujets sont ressortis des échanges que j'ai eus avec eux : d'abord le problème de la filière maïs – dont nous avons déjà discuté –, plus particulièrement de la production de semences dont les parcelles doivent être suffisamment isolées des cultures voisines, ce qui constitue une contrainte forte dans le cadre d'une éventuelle rotation des cultures ; la betterave sucrière, ensuite, qui est un enjeu majeur pour notre territoire car la baisse de sa production menace un outil important de transformation, la sucrerie d'Erstein ; enfin, le tabac blond – je l'ai découvert à cette occasion –, culture très vertueuse sur le plan environnemental puisqu'elle nécessite de limiter au maximum l'apport d'engrais azotés et même d'épuiser les reliquats azotés du sol – la culture se fait ainsi plusieurs années de suite sur la même parcelle.
La grande question posée par les agriculteurs que j'ai rencontrés est donc la suivante : comment seront traitées ces trois cultures particulières ? Seront-elles considérées au sein du bloc des cultures des printemps, ou y a-t-il des discussions en cours avec la Commission européenne pour trouver des solutions spécifiques à leur égard ?
J'ai rencontré hier la délégation du beau territoire que vous représentez et nous avons pu aborder plusieurs des sujets que vous évoquez, suite à la mobilisation qui a eu lieu il y a une semaine environ.
Je n'entrerai pas dans les détails des différentes cultures qui doivent faire l'objet d'une prise en compte spécifique mais j'aurais grand plaisir à en discuter. Le nouvel outil des écorégimes doit favoriser la diversification des cultures et nous sommes en train de voir quelles sont les possibilités en fonction du type de culture concerné : dans certains cas, trouver une solution satisfaisante est compliqué et nécessite de longues discussions ; dans d'autres, ce n'est tout simplement pas possible. Les travaux sont en cours. Vous avez évoqué trois exemples qui ont le mérite d'être assez parlants, mais de nombreux autres auraient pu l'être.
Un deuxième sujet inquiète beaucoup, celui des règles de bonnes conditions agricoles et environnementales relatives à la rotation des cultures, la BCAE 8 – vous en avez parlé. La position du Conseil, pour laquelle la France s'était beaucoup battue, n'a jusqu'à présent pas été reprise dans le cadre du trilogue et cela inquiète de nombreux agriculteurs sur votre territoire, à juste titre – ces règles peuvent avoir des effets très importants. Nous avons réussi à rouvrir le dossier mais la décision finale ne reviendra pas à la France puisqu'elle sera issue du trilogue ; nous sommes en pleine discussion à ce sujet et la BCAE 8 est bien pour moi un sujet d'inquiétude. Nous nous battons aux côtés des filières concernées et certains parlementaires sont mobilisés avec nous ; sur ce sujet, le message de la France est très clair.
Nous avons aussi évoqué le sujet des betteraves : nous nous demandons s'il faut les intégrer dans l'écorégime en tant que type de plantation comme les autres, donnant accès à des points permettant d'atteindre un certain niveau d'aide. Toutes ces discussions sont en cours et je les ai parfaitement en tête.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, je voudrais vous interroger sur un sujet dont il a été question ces derniers temps et que nous avons rapidement abordé cet après-midi : la manière dont la politique agricole commune peut être utilisée dans le cadre du renouvellement des générations en agriculture.
Comme un certain nombre d'élus et de Français, je m'inquiète de la diminution du nombre d'exploitations et d'exploitants agricoles, et je suis plus particulièrement préoccupé par la conversion de certains élevages vers des filières végétales. Nous vivons une époque à laquelle un bon nombre de métiers aspirent à travailler moins, en particulier dans notre pays. Il y a une vingtaine d'années, nous avons eu le débat sur la réduction du temps de travail, dont la durée légale a été réduite à trente-cinq heures ; aujourd'hui, certains proposent de la porter à trente-deux heures. Les éleveurs, eux, travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept pour une rémunération qui n'est tout de même pas – cela a été dit et vous le savez – à la hauteur des efforts fournis.
Ma question est la suivante : l'Union européenne, dans le cadre de la PAC, peut-elle impunément continuer à distribuer des aides qui étaient jusqu'à une période très récente liées aux surfaces alors que ce qui doit importer, c'est que chaque agriculteur puisse disposer d'une exploitation à taille humaine, dans laquelle une unité de travail humain (UTH) tire un revenu décent d'une semaine de travail s'élevant à cinquante, cinquante-cinq voire soixante heures ? Je pense qu'une partie de la politique agricole commune, notamment pour ce qui concerne l'agriculture française et ses 28 millions d'hectares de surface agricole utilisée (SAU), doit être dévolue au renouvellement des générations mais surtout au maintien des exploitations et des exploitants agricoles.
Mme Jeanine Dubié applaudit.
Je l'ai toujours dit, l'installation de nouveaux agriculteurs sera la mesure de notre réussite ou de notre échec. Un quotidien me demandait récemment comment je voyais l'agriculture dans cinq ans, en 2025 ; ce que je peux dire, c'est que nous verrons alors si nous avons réussi ou pas. Nous aurons réussi si nous parvenons à convaincre la jeunesse de France d'investir les métiers de l'agriculture.
L'installation est donc un enjeu primordial, surtout quand la moitié des agriculteurs arrivent à la retraite. J'aime à définir les agriculteurs comme des entrepreneurs du vivant qui nourrissent le peuple. Nourrir le peuple, c'est une noble mission à laquelle on s'attelle par passion, mais la passion ne peut pas tout, d'autant plus que le vivant est une réalité très complexe qui nécessite une mobilisation de tous les instants. La passion ne peut pas occulter la rémunération : les agriculteurs sont aussi des entrepreneurs et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour leur garantir un revenu suffisant – la politique agricole commune y contribue, tout comme ÉGALIM, et je salue à nouveau votre engagement à ce sujet.
Enfin, vous demandez s'il ne faudrait pas aller jusqu'à revoir les modalités de calcul des aides de la politique agricole commune, en les faisant désormais reposer sur le nombre d'actifs. Encore une fois, je comprends votre interrogation qui est tout à fait légitime. Mais la difficulté, c'est que nous sommes dans un marché commun : de ce fait, quiconque peut vendre ses produits n'importe où au sein de ce marché et les prix de vente sont finalement les mêmes partout, à peu de choses près. En revanche, les charges varient fortement en fonction des pays, en particulier celles qui sont liées à l'actif et aux salaires.
Si nous commencions à déléguer des fonds aux différents États membres en fonction de leur nombre d'actifs alors que la définition même d'un actif – dans toutes ses dimensions – n'a pas été uniformisée au sein de l'Union européenne, ce serait contreproductif ; en effet, il y a de fait beaucoup plus d'actifs agricoles dans d'autres pays que dans le nôtre. Nous n'aurions plus 9,5 milliards d'euros d'aides à répartir dans nos modèles de production mais beaucoup moins, et une partie de cette somme se trouverait transférée vers d'autres pays. Il faut donc trouver un juste équilibre. Voilà où nous en sommes : nous devons avancer au niveau européen pour traiter ces sujets, mais ayons en tête que si une telle réforme avait été entérinée maintenant, cela se serait fait au désavantage de la France.
Je vais poser une question au nom de notre collègue Christophe Naegelen, qui devait s'en charger lui-même mais a dû renoncer à être présent au dernier moment. Elle concerne l'agriculture de montagne.
Alors que les négociations menées à Bruxelles sur la réforme de la PAC entrent dans leur phase finale, il est indispensable que la position française ait pour objectifs de préserver notre agriculture de montagne et de défendre nos territoires agricoles de montagne, afin d'assurer leur avenir.
Nous le mesurons bien, les négociations en cours sont cruciales puisque l'avenir de nos territoires dépend du traitement que vous réserverez aux dispositifs d'aide consacrés à ces zones si particulières. Ces différents dispositifs spécifiques à l'agriculture de montagne, ceux des aides couplées et des ICHN, doivent être renforcés tant ils accompagnent nos exploitations, qui sont – je le rappelle – un fondement incontournable de l'économie montagnarde dans son ensemble.
La négociation du montant de la nouvelle PAC nous assure 62 milliards d'euros ; ce cadre ayant été fixé au niveau communautaire, il appartient à notre pays de le répartir au niveau national en déterminant les périmètres. Aussi, monsieur le ministre, j'ai une série de questions précises à vous poser : comment seront compensées les difficultés que rencontrent nos agriculteurs de montagne ? L'indemnité compensatoire de handicaps naturels versée aux paysans de montagne va-t-elle être augmentée ? Comment comptez-vous dédommager les déficits de compétitivité des éleveurs, qu'ils soient allaitants ou laitiers ? Des paiements verts sont-ils prévus pour ces éleveurs qui entretiennent en outre nos prairies ? Enfin, comment encourager notre indépendance alimentaire en aidant les agriculteurs qui souhaiteraient cultiver des protéines végétales pour mettre fin à notre dépendance à l'importation du soja ?
Au cours de ces trois heures de débat, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer au sujet de plusieurs des points que vous évoquez, notamment l'ICHN et les aides couplées. Vous en mentionnez d'autres, en particulier la question des protéines végétales. Cet après-midi, nous avons beaucoup parlé de la politique agricole commune et c'est bien normal, puisque c'était l'objet de nos débats. Nous avons aussi évoqué deux sujets très importants, ÉGALIM et nos politiques à l'étranger – les clauses miroirs.
On a peu parlé d'une politique structurante lancée récemment : le plan France Relance, qui représente pourtant 1,2 milliard d'euros dans le domaine agricole et forestier, comme certains orateurs l'ont indiqué, et qui va nous permettre d'investir 100 millions d'euros dans un plan protéines végétales. Les aides seront accordées aux cultures, à l'élevage et aussi à la structuration de cette filière. J'y crois beaucoup car de nombreuses coopératives et entreprises de transformation demandent des matières premières à 100 % sans OGM, c'est-à-dire à 100 % sans soja sud-américain. C'est bien d'accompagner cette transformation ; c'est encore mieux si ces protéines sont valorisées par le consommateur, les entreprises et les coopératives.
Le plan de relance va donc permettre d'accompagner la dynamique de cette filière qui, selon moi, doit être une priorité de notre action : notre pays doit absolument regagner une indépendance protéique. Le sujet est d'importance pour les grandes cultures mais aussi pour l'élevage, à une époque où les épisodes de sécheresse affectent les prairies et obligent à se tourner vers d'autres sources d'alimentation du bétail.
Il me reste à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir répondu à ces trente-sept questions avec patience et précision.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UDI-I.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.
L'ordre du jour appelle le débat sur le déploiement et l'efficacité des aides octroyées dans le cadre du soutien à l'activité économique face au covid-19.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; puis nous passerons à une séquence traditionnelle de questions-réponses.
La parole est à M. Benoit Potterie.
Les temps sont difficiles pour les Français, pour de nombreux entrepreneurs qui font face à un contexte d'incertitudes, et pour les salariés qui ont perdu ou craignent de perdre leur emploi. Au nom de mon groupe, je tiens à saluer l'ensemble des Français qui redoublent d'efforts malgré les difficultés. Le Gouvernement est à leurs côtés. C'est la raison pour laquelle il était important de mettre en place un ambitieux plan d'aides.
Face à la crise, la réponse du Gouvernement a été rapide, complète et efficace. Nous devons le saluer. Nous avons fait le choix de mettre en place à la fois un plan d'aides pour permettre aux entreprises de survivre et un plan de relance et d'investissements afin de préparer l'avenir. Ces aides concernent tous les secteurs et prennent la forme de différents leviers : fonds de solidarité, chômage partiel, prêts garantis par l'État et aides sectorielles spécifiques. Nous avons fait évoluer ces aides en fonction du contexte sanitaire et économique, mais aussi des remontées du terrain.
Aussi, malgré les fragilités liées à la période que nous vivons, notre économie commence à retrouver quelques couleurs. La France est l'un des seuls pays de la zone euro à afficher un taux de croissance positif au premier trimestre de 2021. Une reprise semble donc s'amorcer, les campagnes de vaccination permettant aux entreprises d'envisager l'avenir avec sérénité. Ce rebond s'explique aussi par le fait que nous avons mis en place l'un des plans les plus ambitieux de la zone euro, ce dont nous pouvons être fiers. Il ne suffit évidemment pas de dépenser des milliards, nous devons aussi nous assurer que les aides sont effectives. Aussi notre groupe a-t-il suscité ce débat, afin d'échanger sur les réactions qui nous parviennent du terrain.
Si nous saluons à la fois la réactivité du Gouvernement face à la crise et l'ambition des plans d'aides et de relance, nous souhaiterions quand même vous faire part de quelques points d'alerte.
Premier point d'alerte : les délais de paiement du fonds de solidarité. Certaines entreprises nous ont signalé des lenteurs qui ont contribué à une tension sur leur trésorerie, notamment dans les petites structures. Deuxième point d'alerte : certaines entreprises multi-établissements peuvent se retrouver exclues des dispositifs parce que le chiffre d'affaires d'un établissement en fait sortir un autre des critères d'aide. Troisième point d'alerte : certains secteurs restent en difficulté malgré les aides car la nature de leur activité ne permet pas une reprise à court ou long terme. Je reçois régulièrement des messages et appels d'entrepreneurs du secteur de l'événementiel, par exemple, qui sont dans une situation de grande détresse.
Enfin, nous souhaiterions appeler votre attention sur la question des stocks saisonniers, notamment dans les secteurs de l'habillement et des articles de voyage. C'est un sujet de préoccupation pour de nombreux commerçants, auquel le Gouvernement a répondu par plusieurs annonces, notamment celle du versement d'une aide sectorielle. Nous souhaiterions avoir quelques précisions sur la mise en place de ce dispositif en termes de montants et de calendrier.
Monsieur le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, je sais que vous êtes pleinement conscient de ces problèmes et que vous vous évertuez à trouver des solutions pragmatiques, comme vous l'avez fait pour les cafés, hôtels et restaurants. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion de travailler ensemble sur ces sujets. Je souhaite que nos discussions se poursuivent dans le même état d'esprit.
Les prochaines semaines seront marquées par l'accélération de la campagne de vaccination et par la réouverture progressive des différents secteurs d'activité. Elles sont porteuses d'espoir, mais il ne faut pas baisser la garde. C'est pourquoi je terminerai mon intervention en faisant deux propositions d'ordre général.
Tout d'abord, la sortie des aides doit se faire de la manière la plus progressive possible, en tenant compte des spécificités des secteurs économiques et des territoires. Les entreprises sont encore très fragiles malgré le rebond qui se profile. La sortie des aides devra donc se faire avec un accompagnement au cas par cas.
Ensuite, nous devons tirer profit du contexte pour effectuer une transition progressive d'un système d'aides vers une stratégie d'investissements dans l'avenir. C'est un chantier que le Gouvernement a déjà engagé en ce qui concerne les batteries et l'hydrogène. Nous pouvons encore aller plus loin pour améliorer la compétitivité globale de nos entreprises, nécessaire pour garantir notre souveraineté. Nous soutiendrons donc toute initiative en ce sens. Lors de l'examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2021, notre groupe déposera des amendements concordant avec cette vision.
Commençons par un constat indéniable : le soutien public de l'État a limité les conséquences de la crise sur nos entreprises. En avril, le comité de suivi et d'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises, présidé par Benoît Cœuré, a d'ailleurs dressé un bilan plutôt favorable de cette action.
Il aurait pu y avoir un effet d'aubaine : la Cour des comptes a récemment alerté sur le risque d'un cumul des aides permettant aux sociétés de toucher plus que le coût de leur préjudice. Mais dans les faits, les entreprises ne se sont pas ruées sur tous les dispositifs accessibles. On constate ainsi que seulement 3 % des PME ont eu recours aux quatre dispositifs, tandis que 21 % des entreprises ont cumulé report des charges et activité partielle.
Nous sommes satisfaits de constater que les mécanismes mis en place pour répondre aux problématiques de trésorerie ou de solvabilité aient atteint leur but. Les aides ont bénéficié proportionnellement plus aux entreprises déclarant une forte baisse de leur chiffre d'affaires au deuxième trimestre de 2020. La crise a provoqué un doublement du nombre d'entreprises devenues insolvables – 6,6 % contre 3,6 % –, mais, d'après le comité de suivi, ce chiffre aurait triplé, atteignant 11,9 % sans les aides de l'État.
C'est la baisse de la rentabilité des entreprises qui nous préoccupe : au cours des trois premiers trimestres de 2020, le taux de marge a baissé de quatre points par rapport à l'année précédente, passant de 33 % à 29 %, tandis que l'endettement brut progressait significativement. La sortie de crise s'annonce donc très délicate : l'effet de la crise sur le bilan des entreprises risque de peser sur leur investissement en phase de reprise. Selon le Trésor, l'endettement supplémentaire lié à la crise pourrait réduire l'investissement d'environ 2 % à moyen terme, ce qui justifie des mesures spécifiques comme celles qui ont été prises dans le cadre du plan de relance.
En cette phase de sortie de crise, nous sommes face à un dilemme : il est nécessaire d'investir davantage afin de relancer notre économie, mais aussi de bien gérer nos finances publiques sans aggraver la dette. Rappelons que depuis le début de la pandémie, les seuls dispositifs d'urgence ont coûté un total de 206 milliards d'euros, soit 9 % du PIB français.
L'entrepreneur doit investir bien sûr, mais également pouvoir redémarrer son entreprise sans être pénalisé par l'absence ou la diminution de son activité durant les douze derniers mois. C'est tout l'enjeu de l'accompagnement qui doit être mis en place.
Pour résumer, pendant la crise, nous avons eu, d'un côté, de nombreux commerces fermés administrativement dont le principal filet de sécurité a été les aides de l'État, et, de l'autre, de très grandes entreprises qui ont étendu leurs activités, les confinements ayant offert un monopole à certaines d'entre elles. Je vise bien évidemment les géants du numérique dits GAFAM, dont nous avons beaucoup parlé dernièrement, lors de l'examen d'une proposition de loi du groupe La France insoumise. Rappelons qu'Amazon a triplé ses ventes au cours du troisième trimestre de 2020. Parmi les secteurs favorisés, on peut aussi citer la grande distribution, l'industrie pharmaceutique ou encore l'assurance car le taux de sinistralité s'est réduit en 2020.
D'ailleurs, le Fonds monétaire international (FMI) a récemment préconisé la mise en place d'un impôt supplémentaire et temporaire sur les entreprises auxquelles la pandémie a profité, afin de lutter contre l'accroissement des inégalités et de montrer à nos citoyens que tout le monde contribue. Nous devons donc collectivement envisager une participation équitable de toutes les composantes de la société à l'effort national. C'est pourquoi nous proposons une contribution exceptionnelle sur les surplus des bénéfices des entreprises en 2020, qui serait évidemment calculée à partir de critères objectifs.
Nous soutenons la politique menée tout en soulignant que, dans une période aussi difficile, il est important que chacun prenne sa part. Il faut en parler très librement et aligner les chiffres, afin que chacun contribue à la sortie de cette crise et donc à la bonne reprise de notre économie.
La parole est à Mme Jennifer De Temmerman, pour le groupe Libertés et territoires.
En mars 2020, au moment du premier confinement, le Gouvernement avançait dans l'inconnu. Un an après, des incertitudes demeurent sur le front sanitaire, mais nous avons encore souvent l'impression que l'exécutif navigue à vue.
On ne peut pas nier que les aides déployées ont été utiles : quatre sociétés sur cinq y ont fait appel. Notre pays a su mobiliser des sommes importantes pour protéger notre tissu économique. Les mesures annoncées au début de la semaine, en particulier l'assouplissement de l'accès au fonds de solidarité, vont dans le bon sens. Cependant, il est nécessaire de tirer les enseignements des erreurs passées, pour préparer au mieux la sortie de la crise et renforcer l'efficacité encore limitée de cette action.
Tout d'abord, monsieur le ministre délégué, votre faute originelle est de ne pas avoir suffisamment rassuré des sociétés au moment du déploiement des aides. Dans ce domaine, les effets d'annonce sont essentiels – mais je ne reviendrai pas sur la distinction entre commerces essentiels et non essentiels.
Du point de vue des acteurs économiques, les communiqués du Gouvernement ont été une succession de signaux brouillés, contraires et inintelligibles. Je comprends le souci de s'adapter, mais il convient de mieux calibrer des aides ab initio pour gagner en clarté.
Au-delà des mesures d'urgence, on ne peut que regretter la lenteur dans l'annonce du plan de relance : le problème n'est pas de disposer de peu de temps, mais plutôt que nous en perdons beaucoup. Le plan américain a été signé dès mars 2020, alors que le plan français n'a été précisé officiellement qu'en septembre pour une application début janvier 2021.
Cette lenteur des mois derniers se répète. Quelque 40 des 100 milliards d'euros du plan de relance doivent provenir de l'Union européenne. Quand ? Alors que vous aviez annoncé que 5 milliards d'euros seraient versés cet été, nous venons d'apprendre qu'ils ne le seraient pas avant septembre. Le mur administratif européen doit-il freiner notre relance ? Chaque mois de retard est un mois perdu pour notre économie.
Par ailleurs, le groupe Libertés et Territoires regrette que ces aides soient pensées au niveau national sans s'adapter aux spécificités locales. Notre tissu économique est hétérogène et la réponse actuelle, une série de mesures uniformes, ne peut être que défaillante. En comparaison, nos voisins européens, notamment l'Allemagne, ont opté pour une différenciation par région.
Notre groupe avait proposé de mieux associer les collectivités en créant un nouveau fonds de solidarité départementalisé pour les situations délaissées par le cadre actuel – les fameux trous dans la raquette.
Un accompagnement opérationnel territorialisé est également nécessaire. L'argent est une chose, mais les entreprises ont aussi besoin d'être guidées dans leurs démarches. Il s'agit notamment d'une difficulté identifiée par les chambres de commerce et d'industrie. Plusieurs entreprises ont du mal à accéder aux aides en raison de leur foisonnement, de leur complexité et du fait de changements incessants. Simplifier l'architecture administrative est une priorité pour gagner en efficacité.
D'autre part, l'efficacité d'une aide ne tient pas qu'à ses effets économiques : il faut envisager son impact global. Notre soutien à l'économie doit être un levier pour accélérer notre transformation écologique. La question d'une écocondition des aides a été abordée, mais les réponses sont restées malheureusement trop évasives. Je pense en particulier au plan de relance et à la baisse des impôts de production : 20 milliards d'euros sur deux ans, une occasion manquée pour instaurer une véritable conditionnalité des aides. Je me réjouis des critères du plan européen concernant le climat, mais ce soutien va se faire attendre. En attendant, il semble que l'écologie et le climat ne soient pas assez présents dans les dispositifs actuels.
Enfin, il convient dès maintenant de préparer la phase d'après et d'éviter une sortie trop brutale. Une adaptation de ce désengagement, notamment pour préserver les secteurs les plus touchés, me paraît primordiale. Les entreprises et les travailleurs ont su s'adapter pour vivre avec le virus. Il appartient à l'État, à son tour, de tirer les leçons de l'année 2020.
Jeudi dernier, les étapes du déconfinement ont été annoncées. Pensez-vous procéder à une transition différenciée des aides selon les territoires et les secteurs économiques ? Les acteurs de l'économie ont besoin de perspectives pour mieux rebondir. On parle souvent de la dette publique ; q uid des dettes des entreprises ? La direction générale du Trésor indique que nos aides n'ont que peu d'effets. Cela pourrait peser sur notre capacité à investir en sortie de crise. Comment pensez-vous rectifier le tir et rassurer l'ensemble des sociétés endettées ?
Le dispositif des prêts garantis par l'État – 300 milliards – sera finalement prolongé jusqu'à la fin de l'année. C'est une bonne nouvelle, mais que pensez-vous d'une conversion de ces PGE en subventions ou de leur échelonnement sur dix ans ? Notre but est d'éviter l'effondrement irréversible de notre tissu économique tout en transformant cette crise en opportunité de changement social et écologique.
Depuis plus d'un an, la crise sanitaire rend incertain l'avenir des petites entreprises et des travailleurs. Depuis plus d'un an, La France insoumise réclame que les dispositifs de soutien soient rendus progressifs pour plus de justice. Nous réclamons également qu'ils soient conditionnés à l'absence de licenciements, à l'absence de versement de dividendes, à la transparence fiscale, au respect des droits humains et à celui de l'écosystème. En vain.
Un million de citoyennes et de citoyens ont perdu leur emploi depuis la crise sanitaire. Tandis que le CAC 40 a d'ores et déjà prévu de verser à ses actionnaires 50 milliards d'euros de dividendes en 2021, tandis que les multinationales s'enrichissent indécemment, profitant de la crise sur le sol français, les petites entreprises et les travailleurs précaires voient leur situation empirer, et encore plus dans les outremer. À La Réunion, plus d'un quart des entreprises envisage de fermer, 42 % d'entre elles ne peuvent plus payer leurs salariés et 65 % des chefs d'entreprise n'arrivent plus à s'accorder de rémunération. C'est dans ce contexte que vous décidez de relancer votre réforme du chômage qui aggravera la pauvreté et laissera des centaines de milliers de citoyens privés d'emploi sur le carreau, tels les 4 200 salariés de Lapeyre, filiale que Saint-Gobain va vendre à un fonds d'investissement allemand – ce sont 4 200 familles qui craignent, à juste titre, que le fonds d'investissement ne siphonne la trésorerie avant de liquider le fameux fabricant de fenêtres. Qu'avez-vous fait pour l'empêcher ? Il est temps d'avoir le courage d'interdire les licenciements pour délocalisation.
L'État français, actionnaire d'Air France, a voté un bonus de 800 000 euros au directeur, malgré l'octroi d'un PGE de 7 milliards d'euros et l'annonce d'un plan de départ volontaire. Il est temps d'exiger l'encadrement des écarts de salaires sur une échelle de un à vingt. Rien ne peut justifier de telles inégalités et encore moins en temps de crise.
Si le chômage partiel a permis de limiter la casse à moyen terme, de très grandes entreprises en ayant bénéficié, Atos, Michelin et Capgemini, ont respectivement 20,5 %, 17 % et 18 % de filiales dans des paradis fiscaux. Il faut exiger la transparence fiscale. Par ailleurs, le dispositif a été détourné au mépris des droits des travailleurs qui, par crainte du chômage, ont participé de cette fraude. Et ce n'est pas la baisse du nombre d'inspecteurs du travail et de leurs moyens qui dissuadera les patrons malhonnêtes de détourner le chômage partiel, pourtant nécessaire, mais dont le financement pose problème. C'est l'État qui devrait le financer entièrement alors que vous avez fait le choix que l'Unédic y participe à hauteur d'environ un tiers, creusant son déficit de plus de 10 milliards d'euros en 2020, déficit qui, sans doute, vous permettra d'affirmer la légitimité de votre réforme de l'assurance chômage.
Comment allez-vous justifier le fait que vous vous prépariez à faciliter les liquidations, comme vous y oblige la directive européenne selon laquelle les entreprises non viables n'ayant aucune perspective de survie devraient être liquidées le plus rapidement possible ? Alors que le bon sens voudrait que vous tentiez de contenir la vague des dépôts de bilan qui se produira lorsque les aides spécifiques cesseront, vous choisissez d'en accélérer le rythme. Vous vous apprêtez donc, de fait, à faciliter des licenciements. Votre plan de relance ne souffre pas la comparaison, toutes proportions gardées, avec celui qu'engage le président des États-Unis. Si vous voulez aider les entreprises, soutenez donc la demande et les citoyens. Encore faudrait-il que vous preniez l'argent où il se trouve, dans les poches des profiteurs de crise. Les milliardaires français ont doublé leur magot, tandis que le reste de nos concitoyens est à la peine. Là encore, vous nagez à contre-courant, car même le FMI – qu'on ne peut soupçonner d'être communiste – appelle à une taxe sur les profiteurs de crise mais aussi à augmenter à la fois l'impôt sur les sociétés et les impôts des particuliers les plus riches.
Éliminez les niches fiscales, augmentez les impôts fonciers ou les droits de succession. Vous êtes bien seul…
Madame, vous n'avez pas la parole !
Vous êtes bien seuls dans votre aveuglement et M. Macron persiste à être le président des riches.
Il y a peu de choses à dire sur l'efficacité des aides aux entreprises et la légitimité des dispositifs, n'est-ce pas ? À la fin 2020, les subventions, prêts garantis et autres mécanismes représentaient à la louche entre 150 et 160 milliards d'euros. Ces dispositifs étaient surtout les bienvenus pour les TPE-PME et dans les secteurs d'activité très touchés. Tout cela a permis la sauvegarde du tissu économique, dont témoigne d'ailleurs de manière un peu contre-intuitive la baisse des faillites en 2020 par rapport à 2019.
Mais le vrai sujet, c'est la sortie de crise et les conditions d'extinction des dispositifs. Or l'effort public considérable n'est-il pas déjà sollicité pour être poursuivi, avec en toile de fond votre trajectoire politique qui est la baisse des impôts des entreprises et, dernière en date, la baisse des impôts de production bien sûr qui, elle, relève d'une logique politique « normale », à vos yeux du moins ? Dès lors, nous nous trouvons à nouveau face à une double exigence à laquelle votre ministère et votre gouvernement n'ont absolument pas répondu : d'une part, des contreparties sociales et environnementales aux aides octroyées aux entreprises et, d'autre part – cela a été dit bien au-delà de nos rangs –, une contribution enfin significative des groupes qui n'ont pas souffert de la crise car ils existent, et vous le savez. En effet, un certain nombre de grandes entreprises aidées par des fonds publics n'ont pas sauvegardé leurs effectifs ni, évidemment, ceux de leurs sous-traitants – à cet égard la situation dans les secteurs de l'aéronautique et de l'automobile est flagrante –, et alors que les groupes du CAC 40 ont dégagé 37 milliards d'euros de bénéfices, certes en baisse, – Sanofi : 4,8 milliards, LVMH : 3 milliards, Vivendi : 2,8 milliards – ils vont, et c'est tout de même assez remarquable, puiser dans leur trésorerie pour dégager au total 51 milliards de dividendes aux actionnaires – Saint-Gobain en triple le montant, Veolia le quintuple.
Vous comprenez bien que, dans ces conditions, il existe une forte revendication de blocage des licenciements dans les entreprises, notamment les grandes entreprises qui ont été aidées, et une exigence de contribution des grands groupes qui ont été épargnés et ont même sereinement poursuivi leur itinéraire de profitabilité durant cette crise. Pour les députés communistes, ces revendications sont toujours d'actualité, car les dépenses d'aides considérables ne peuvent continuer d'emprunter la même trajectoire, surtout si elles sont maintenues, parce qu'en fin de compte, cela se traduit par des sacrifices pour d'autres, en l'occurrence pour les salariés et les demandeurs d'emploi.
Vous pourriez me répondre que le salaire moyen a augmenté de cinq points pendant la période. Oui, mais en ont été écartés les travailleurs qui ont été licenciés et qui étaient faiblement rémunérés. Parallèlement, tout indique une pression renforcée sur les salaires. D'ailleurs, les négociations annuelles obligatoires s'annoncent dans un contexte très tendu. Le chômage est en hausse, l'inflation est au plus bas, et tout cela pèsera, dans les mois à venir, sur l'évolution des salaires. Signe des temps, la multiplication des accords de performance s'ajoute aux périodes de chômage partiel qui, de fait, se sont soldées par une baisse du pouvoir d'achat des salariés, le tout sur fond de refus gouvernemental d'intervenir sur les bas revenus salariaux, ce que nous avons dénoncé à plusieurs reprises.
Si vous parvenez encore à épargner le capital d'une année noire – ce dont il s'est chargé lui-même, au reste –, les salariés, eux, ne supporteront pas l'année noire qui leur est réservée au vu de la situation dans les entreprises. Rappelons-le une fois de plus : dans les entreprises, il y a le capital mais aussi le travail !
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite du débat sur le thème : « Soutien à l'activité économique face à la covid-19 : déploiement et efficacité des aides » ;
Débat sur la loi de programmation militaire et ses conséquences pour l'indépendance de la France.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra