Je vous remercie, monsieur le ministre, d'être venu répondre aux questions qui nous permettront de préciser les nouvelles orientations de la réforme de la PAC à la suite de la communication du Conseil de l'Union européenne d'octobre 2020.
De nombreux agriculteurs nous ont fait part de leur inquiétude quant aux conséquences concrètes de la mise en place du programme stratégique national. En décembre 2020, la Commission européenne a transmis ses recommandations à la France et aux autres États membres en ce qui concerne le plan stratégique relevant de la PAC. Ces recommandations restent classiques, déclinant quatre objectifs : assurer la sécurité alimentaire, renforcer la protection de l'environnement, renforcer le tissu socio-économique des zones rurales, encourager le partage des connaissances, l'innovation et la numérisation dans l'agriculture et dans les zones rurales.
Derrière ces différents sujets qui paraissent très techniques, l'objectif de notre débat est bien d'éclairer les parlementaires, les citoyens, mais surtout les agriculteurs qui peuvent se sentir perdus face à un outil de plus en plus bureaucratique. Je voudrais aussi profiter de votre présence pour vous demander des précisions sur ce fameux programme stratégique national, symbole d'une PAC qui, pour la première fois depuis 70 ans, sera en quelque sorte nationalisée, ainsi que sur des conséquences qui pourraient déstabiliser les agriculteurs et le monde agricole.
Sur le plan européen tout d'abord : comment la France va-t-elle pouvoir s'assurer que le renforcement du passage d'une logique communautaire à une logique nationale par le PSN ne se fera pas à son détriment, notamment à cause d'États aux normes plus souples – je pense bien évidemment aux normes environnementales. Si la Commission européenne doit donner son approbation au PSN de chaque État membre, qu'en sera-t-il du contrôle de son application ? Disposerons-nous d'un outil de contrôle, par exemple en cas de concurrence déloyale manifeste, et les États qui ne rempliraient pas leurs obligations seront-ils sanctionnés ?
Sur le plan national, si je me réjouis de l'implication de la commission nationale du débat public et de la synthèse publiée par votre ministère le 3 avril dernier, plusieurs éléments de ce document m'interpellent. Plus précisément, je me demande si la gouvernance du plan stratégique national respectera le principe de subsidiarité défini à l'article 72 alinéa 2 de notre Constitution, si les collectivités territoriales, actrices à part entière de la PAC, pourront participer à l'élaboration du PSN et si des mesures sont envisagées pour les impliquer dans la conduite de certaines parties du programme.
Je m'étonne en outre des réponses obtenues des 7 409 agriculteurs à qui on demandait de hiérarchiser les objectifs spécifiques assignés à la PAC. Les deux éléments classés « très prioritaires » sont la défense de l'environnement et la lutte contre le changement climatique ; en revanche, des thèmes aussi majeurs que l'attractivité des métiers de l'agriculture, le revenu des acteurs du monde agricole ou la revitalisation des espaces ruraux ne seraient considérés que comme prioritaires.
J'ai eu l'occasion d'échanger avec de nombreux représentants du monde agricole de ma circonscription de la Somme : beaucoup attendent des précisions sur l'instauration de l'écorégime. En effet, la troisième voie, avec la diversité des assolements, s'avère elle aussi trop restrictive, étant donné que les premières propositions de la DGPE ne comptabilisent pas systématiquement comme des cultures différentes les cultures de printemps comme l'orge, la betterave ou encore la pomme de terre. Les agriculteurs de la Somme aux cultures diversifiées craignent que ces rotations ne soient pas reconnues dans le cadre de l'écorégime, ce qui leur semble incohérent, frustrant et décourageant. Si la nouvelle PAC entend consacrer la diversité des agricultures, notamment entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud, il est nécessaire que le plan stratégique français reconnaisse que les agricultures sont tout aussi diverses sur notre territoire et nous espérons, monsieur le ministre, que vous saurez en tenir compte.
Parallèlement, de nombreux agriculteurs appréhendent de nouvelles normes élaborées au niveau européen, alors que les nouvelles obligations, comme celle de ne pas traiter certaines zones, diminuent leur revenu et ne sont pas compensées par des aides supplémentaires. Beaucoup s'alarment donc de ce renforcement de normes alors que le montant de la PAC a encore été diminué. Ainsi, si la part précise des paiements récompensant les services environnementaux n'est pas connue, comment ces derniers pourront-ils permettre de rétablir une concurrence plus équitable entre le producteur français aux pratiques vertueuses – je pense à un producteur de fraises à Matigny, dans mon département de la Somme – et l'agriculteur espagnol qui produit des fraises sous une serre chauffée ? Plus globalement, monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer comment la France souhaite améliorer la compétitivité de ses exploitants au travers du PSN et en quoi celui-ci sera plus efficace pour les acteurs du monde agricole ?