Nous sommes depuis près de trois heures ensemble, monsieur le ministre, et ma question est simple : votre recherche de l'équilibre n'aboutit-elle pas, en réalité, à une forme d'immobilisme et de conservatisme pour notre agriculture ? Rien ne serait moins opportun étant donné l'exigence de justice qui doit aujourd'hui être la nôtre pour rééquilibrer les revenus des agriculteurs. Vous le savez, certains sont plus égaux que d'autres en matière de revenus et de travail. Il est facile, mais peu courageux, d'évacuer cette question.
Deuxième point : nous devons engager l'agriculture dans une profonde transformation afin de répondre à l'urgence climatique et à la mutation des marchés tels qu'elle se dessine. Or toute hésitation à banaliser les écorégimes et à en faire profiter le plus grand nombre, ainsi qu'à procéder à des transferts du premier vers le deuxième pilier de la PAC, nous conduirait à une impasse.
Vous le savez, nous ne disposons en vérité que de deux marges de manœuvre : le plafonnement des aides à l'actif et l'effet redistributif. Nous n'avons d'autre choix que de poursuivre ce mouvement-là.
Le risque serait finalement d'aboutir à une PAC peu imaginative alors que les propositions des coopératives d'utilisation de matériel agricole, les CUMA, et d'autres collectifs, notamment en faveur des fromages AOP, pourraient permettre de générer des économies vertueuses, sources de plus-value. Je pense notamment aux propositions qui concernent l'agroforesterie. En 1950, la France comptait 2,5 millions de kilomètres de haies, contre 750 000 aujourd'hui. Projeter de faire passer ce chiffre à 1,5 million en 2050 serait loin d'être prohibitif. Il s'agit d'un choix politique : celui de favoriser des écosystèmes plus résilients, notamment pour dépendre moins de la phytopharmacie. Un tel choix est à notre portée.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à nous communiquer les tableaux des revenus des agriculteurs, à nous dire quels budgets ils peuvent prévoir et comment ils peuvent se préparer aux marchés du futur ? Comment pouvons-nous réorienter les crédits dans le sens d'une plus grande justice et d'une meilleure préparation pour l'avenir ? Il ne suffit pas de viser l'équilibre, surtout lorsqu'il confine à l'immobilisme : ce ne serait ni judicieux pour l'équité que nous souhaitons pour le monde agricole, ni favorable à la politique d'installation et de relève sans laquelle tout le reste sera vain.