Je veux commencer par remercier celles et ceux qui ont proposé une discussion sur cette thématique, car je partage le constat de Dominique Potier sur le manque d'échanges à ce sujet et je soutiens ses demandes sur ce point.
Les enjeux de la PAC sont de taille, car celle-ci représente près de la moitié des revenus des agriculteurs. L'un des signaux envoyés par le ministère de l'agriculture semble indiquer que la priorité du plan national reviendrait au financement des assurances multirisques climatiques. Cela peut s'entendre dans un contexte marqué par des périodes de gel ou de sécheresse, mais l'enjeu majeur est plutôt la transition vers un modèle plus résilient face à ces aléas qui, dans le contexte du dérèglement climatique, vont se multiplier. Qui plus est, le modèle retenu tend à conforter avec de l'argent public les revenus et les bénéfices des assurances, qui sont des organismes privés. Or, d'autres voies sont possibles pour soutenir les agriculteurs.
Pour ce qui est du paiement redistributif, qui consiste à réattribuer une partie du budget du premier pilier sur les premiers hectares des fermes, la direction générale de la performance économique du ministère de l'agriculture propose de conserver l'enveloppe de 10 % des aides directes, et même de la porter à 20 %, comme le demandent plusieurs syndicats, dont la Confédération paysanne et Jeunes agriculteurs, afin de soutenir et de préserver notre modèle paysan. J'aurais voulu connaître votre avis, monsieur le ministre, sur le renforcement du paiement redistributif, notamment pour les 52 premiers hectares et, éventuellement, sur l'idée de scinder les valeurs selon trois paliers – elle serait maximale pour les 10 premiers hectares, intermédiaire de 10 à 25 hectares et minimale pour la tranche de 25 à 52 hectares.
D'autre part, se pose toujours la question du plafonnement des aides. Il est catastrophique de ne pas remettre en cause la priorité accordée aux aides à la surface, car c'est un signal très négatif envoyé à l'ensemble de la profession, et qui s'oppose à une plus juste répartition des aides. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous persistez dans ce refus de plafonner les aides ?
Un débat public a été organisé en France en janvier 2021 afin de définir les objectifs et la hiérarchisation souhaités par les citoyens. S'y est exprimé le souhait de partir désormais de la demande, et non plus de l'offre, ce qui nous semble très positif. Il est bon de fonder la réflexion sur ce que les Français souhaitent manger et la manière dont ils souhaitent que leur nourriture soit produite. De fait, c'est bien au consommateur qu'il revient d'en décider et il semble logique que le territoire national réponde à ses besoins de la façon le plus autonome possible. Le débat public national a ainsi révélé une demande claire d'accélération vers la transition agroécologique de la PAC. Les citoyens ne veulent plus avoir à choisir entre environnement et agriculture. C'était en ce sens que nous avions par exemple élaboré une proposition de loi visant à limiter les fermes intensives en fonction du classement de leur impact environnemental.
En ce qui concerne le deuxième pilier, l'objectif de transition écologique se voit attribuer une part de budget bien trop faible. Je note par ailleurs que l'inventivité est à l'œuvre pour ce qui est des écorégimes, puisque tout est possible ou presque. Cette disposition est neuve et nous semble pouvoir cadrer.
Vous proposez un dispositif largement accessible aux agriculteurs, mais qui ne viendra pas forcément récompenser les plus vertueux.
Il semble par ailleurs nécessaire de stopper ou, à tout le moins, de limiter les exportations de bœuf à l'engraissement au-delà nos frontières et, pour ce faire, d'étendre les aides couplées bovin allaitant à l'UGB, ou unité de gros bétail, avec, pourquoi pas, un seuil lié à l'âge et un plafond pour le chargement à l'hectare. Cette mesure permettrait de diversifier la production, par exemple de valoriser l'élevage du bœuf ou d'engraisser des génisses ou des vaches de réforme, ce qui me semble plutôt positif.
Enfin, il semble éminemment important que les aides couplées comportent un lien avec l'herbe. Il est, en outre, nécessaire de resanctuariser l'ICHN, l'indemnité compensatoire de handicaps naturels. Tous ces éléments permettront de mettre en œuvre un modèle agricole équilibré et cohérent.