Intervention de Julien Dive

Séance en hémicycle du mercredi 5 mai 2021 à 15h00
Stratégie nationale pour la prochaine politique agricole commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Dive :

Avant chaque nouvelle négociation de la politique agricole commune, les discours prennent toujours la même tonalité : ces négociations sont essentielles, il s'agit de sauver notre agriculture, nous sommes face à l'opération de la dernière chance pour notre agriculture. Aujourd'hui, plus que jamais, cette tonalité a du sens ; aujourd'hui, plus que jamais, la déclinaison de la prochaine PAC sera décisive, puisqu'elle s'inscrira dans un contexte historique marqué par une crise sanitaire mondiale dont les conséquences économiques et sociales ne sont plus à démontrer.

La crise écologique, environnementale et climatique ne nous laisse désormais aucune autre option : nous devons accompagner et accélérer la transition agricole, mais aussi mieux prévenir les aléas climatiques qui peuvent toucher les agriculteurs, comme l'épisode de gel en 2021, la jaunisse de la betterave en 2020, ou encore la sécheresse en 2017. La crise sanitaire a mis en évidence un enjeu essentiel : la nécessité absolue de notre souveraineté alimentaire. Notre pays a la chance d'avoir des femmes et des hommes agriculteurs, qui ont fait preuve d'un courage et d'une détermination infaillibles pour nourrir les Français tout au long des différents confinements, alors même que, quelques mois avant le début de la crise, l'agribashing était devenu le sport favori chez certains commentateurs – rappelez-vous.

Les crises aux multiples visages qui menacent l'agriculture française doivent pousser les pouvoirs publics à accompagner et protéger davantage cette chance qu'elle représente. Tel doit être l'objectif de notre stratégie nationale pour la PAC 2023, telle doit être la voix de la France dans ces négociations.

Lorsque les pères fondateurs de la PAC la rédigent, en 1957, ils inscrivent notamment parmi les objectifs la nécessité « [d']assurer un niveau de vie équitable à la population agricole » ou encore de « garantir la sécurité des approvisionnements ». Soixante ans après, nous en sommes toujours là : revenus des agriculteurs, souveraineté alimentaire. Comment pouvons-nous garantir cette souveraineté si les règles s'appliquent différemment dans les États membres, créant, par ricochet, des distorsions de concurrence au sein de l'Union ? Comment pouvons-nous garantir un revenu si les critères d'éligibilité aux aides de la PAC se durcissent ? Je viens de la région des Hauts-de-France, monsieur le ministre, une région où, au cours des quinze dernières années, les agriculteurs de l'Aisne, de la Somme et du Pas-de-Calais, ont déjà largement contribué, à mesure que les aides de la PAC étaient rognées au gré des transferts du premier vers le deuxième pilier : ils ont désormais besoin de stabilité – simplement de stabilité : ils ne demandent même pas un retour en arrière !

Les agriculteurs en grandes cultures, dont dépend fortement notre industrie agroalimentaire, parfois en zone intermédiaire, s'inquiètent des aides couplées, du dispositif d'écorégime et du nouveau dispositif PSN-PAC.

Les aides couplées doivent évoluer, qu'il s'agisse de leur montant ou de leurs modalités. Mais cette évolution doit prendre en compte la structuration économique des filières et leurs apports à notre objectif de souveraineté alimentaire.

Concernant les écorégimes, nous avons compris qu'il s'agissait d'un outil devant nous permettre de mener à bien la transition agroécologique. Mais ils doivent aussi être l'occasion d'accompagner tous les acteurs, et non de diviser les agriculteurs entre eux, comme certains le font parfois en opposant la certification bio ou le label HVE.

Ils doivent aussi tenir compte des labels nationaux ou des productions sous SIQO – signes d'identification de qualité et d'origine –, dont les cahiers des charges sont déjà très stricts. Les critères d'éligibilité à l'écorégime qui seront retenus doivent prendre en compte la diversité des agricultures, mais aussi de nos territoires : ne créons pas un plan stratégique national de la PAC à deux vitesses qui, d'un côté, récompenserait ceux qui ont déjà engagé la transition et, de l'autre, sanctionnerait ceux qui, pour diverses raisons, ne l'ont pas encore fait, en diminuant les aides de la PAC.

Enfin, il y a quelques jours, la France entière, du nord au sud, a été frappée par une vague de froid qui a touché toutes les cultures – vignes, vergers, betteraves, colza : pour certains, la saison complète est fichue. Couvert majoritairement par la PAC, le contrat socle d'assurance récolte offre une couverture minimaliste et reste inopérant. La part des agriculteurs qui souscrivent ce type d'assurance reste d'ailleurs largement minoritaire, pour plusieurs raisons que je n'ai pas le temps d'approfondir. En tout cas, la nouvelle PAC ne peut pas passer à côté du dossier de la gestion des risques : pouvez-vous nous indiquer vos pistes de travail sur les outils actuels de la PAC en matière d'épargne de précaution ou d'ISR – instrument de stabilisation du revenu ?

L'agriculture française est hétérogène : elle touche des territoires différents, des sols différents, des espaces différents, des femmes et des hommes différents, ancrés dans ces territoires. Les parlementaires sont les représentants, les porte-parole de la diversité agricole : il est donc fort dommage que nous ne soyons pas systématiquement associés à la préparation et aux arbitrages du plan stratégique national de la PAC au titre de partie prenante, et qu'il ait fallu des initiatives comme celle-ci pour en débattre.

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