Intervention de Stéphane Travert

Séance en hémicycle du mercredi 5 mai 2021 à 15h00
Stratégie nationale pour la prochaine politique agricole commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Travert :

Nous sommes dans la dernière ligne droite de la négociation de la future politique agricole commune et je sais, monsieur le ministre, que vous y mettez toute votre énergie pour créer et renforcer les meilleurs outils possibles afin de construire une PAC à la hauteur de nos ambitions françaises et européennes. Cette négociation est un tournant pour notre agriculture, car c'est l'un des lieux de transformation profonde, non seulement d'une filière économique, mais aussi d'une forme d'organisation de notre société, d'organisation de nombreux territoires et de choix d'alimentation – parfois de choix de crise, voire d'après-crise. Il nous faut construire pour aujourd'hui et demain ce changement profond, construire ensemble les transitions, en évitant les débats manichéens, en remettant du sens de la nuance dans nos réflexions, et du temps. Le green deal, qui constitue la priorité politique de la Commission européenne, est une démarche transversale pour favoriser la neutralité carbone.

La grande transition agricole européenne que nous souhaitons tous vers une agriculture plus durable, plus résiliente et servant notre souveraineté alimentaire française, doit être accompagnée par une politique agricole commune qui dispose d'objectifs communs et ambitieux.

Je veux saluer, monsieur le ministre, votre action énergique et celle du Président de la République, qui a permis, après une négociation difficile, de disposer d'un budget global lui aussi ambitieux, alors que la proposition initiale de budget accusait une baisse significative et inacceptable pour la France. Ce budget revu, corrigé et stabilisé en juillet 2020 a permis de définir des orientations, des priorités solides pour accompagner nos agriculteurs, nos filières et nos territoires.

Je veux rappeler quelques grands principes et les enjeux qui sont devant nous. Comme vous le savez, il faudra définir des soutiens économiques pertinents, qui permettront d'accompagner la structuration des filières vers une valorisation adéquate des productions sur les différents marchés. Je retiens également que l'agriculture apporte de multiples solutions indispensables à notre réponse aux grands enjeux climatiques auxquels nous sommes confrontés. La PAC doit évoluer pour mieux valoriser les services que nous rendent les agriculteurs avec des outils simples et incitatifs. Je retiens encore l'accompagnement et la transformation des filières de production en tenant compte de leur diversité et de leurs spécificités.

Je veux souligner, si cela était encore nécessaire, l'enjeu majeur que constitue la gestion des risques et la résilience des systèmes à intégrer dans nos réflexions pour conserver les femmes et les hommes engagés dans l'agriculture sur tous nos territoires. L'un de nos objectifs est, comme nous le reconnaissons tous, la simplification de la PAC, qui ne doit pas être une politique de suradministration, mais qui doit être lisible et comprise de tous – de ses bénéficiaires comme de l'ensemble des citoyens européens.

La PAC, c'est un véritable outil économique pour permettre la création de valeur ajoutée. Un autre objectif est celui de la réduction des risques, avec des moyens de prévention, tout en améliorant notre impact environnemental et en luttant contre le changement climatique. Les attentes sont fortes dans ce domaine après les aléas climatiques que nous avons connus dernièrement – le gel et, actuellement, la sécheresse qui revient sévir sur bon nombre de nos territoires. Nous avons identifié les défis économiques, environnementaux et climatiques qui appellent des réponses globales.

Je sais, monsieur le ministre, que vous souhaitez vous inscrire dans ce cercle vertueux qui pousse chaque État membre à progresser. C'est la difficulté à laquelle nous sommes confrontés en ce moment : comment trouver, avec nos agriculteurs et leurs représentants, le juste équilibre entre objectifs communs, objectifs spécifiques, modèles globaux, modèles locaux, dispositifs généralisés et mesures territorialisées ? Nous devons également valoriser nos différentes formes d'agriculture, leurs atouts respectifs et leurs spécificités, et préserver une cohérence d'ensemble au regard de nos objectifs communs, tant économiques qu'environnementaux.

Vous avez lancé, monsieur le ministre, un exercice de concertation inédit avec les parties prenantes sur la partie « objectifs » et les mesures du plan stratégique national, en les appelant les uns et les autres, dans une logique responsable, à donner leurs priorités. Nous saluons cette méthode de travail, qui s'appuie sur la concertation et qui permet en toute transparence de partager les impacts des différentes solutions envisageables qui vous permettront de procéder à vos arbitrages dans une vision politique claire : c'est ce que vous appelez le principe du livre ouvert.

Vous avez d'ores et déjà souligné qu'il n'y aurait pas de transferts massifs entre les territoires, comme cela avait été le cas dans les réformes précédentes. S'agissant du premier pilier, la question de l'e co-scheme est essentielle : il faudra mettre en place un dispositif d'écorégime qui, tout en soutenant la transition agroécologique, demeure inclusif et accessible. En effet, la porte de ce dispositif doit être ouverte au plus grand nombre, qu'il s'agisse d'accéder à l'écorégime de base ou de progresser vers un niveau supérieur du dispositif.

L'écorégime doit aussi reconnaître les exploitations déjà engagées dans la transition agroécologique. Peut-être faudra-t-il entraîner l'intégration de pratiques nouvelles comme l'agriculture de précision et l'agriculture de conservation des sols, mais aussi le soutien aux investissements collectifs ? Nous pouvons engager aujourd'hui la réflexion.

Je terminerai en rappelant, monsieur le ministre, que le chantier est vaste pour faire évoluer la politique agricole commune. Pour être efficace, la France doit parler d'une seule voix. La PAC représente un instrument puissant au service d'une croissance inclusive, et nous devons donc, collectivement, tenir le cap jusqu'à l'obtention d'une proposition ambitieuse, quelles que soient les difficultés à surmonter : monsieur le ministre, nous serons avec vous et derrière vous pour relever le défi, au nom du succès de l'agriculture française et de nos territoires.

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