Lorsque nous évaluons les effets des aides économiques mobilisées pour faire face à la crise du covid-19, force est de constater que les indépendants sont fortement exposés aux risques économiques engendrés par cette épidémie. Cela concerne un grand nombre de secteurs, allant de l'hôtellerie à la restauration et aux commerces de proximité, qui ont dû interrompre leurs activités pour endiguer la propagation du virus.
De très nombreux parlementaires ont été sollicités par des citoyens qui font face à des difficultés économiques. Je suis d'autant plus reconnaissante de l'occasion qui nous est donnée ce soir d'aborder la question des mesures de soutien économique face au covid-19. Nos échanges s'insèrent dans un travail de contrôle parlementaire. À ce titre, notre collègue Jean-Noël Barrot effectue depuis janvier une mission auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance sur le rebond économique dans nos territoires. Dans le cadre de cette mission, il se rendra vendredi dans le Pas-de-Calais afin de rencontrer les acteurs sur le terrain.
Dans ce contexte, je souhaite tout d'abord saluer à mon tour l'engagement historique de l'État. Celui-ci a su atténuer les effets économiques potentiellement néfastes de la crise. Le fonds de solidarité et les prêts garantis par l'État y contribuent grandement. Je salue également les mesures que le Gouvernement a annoncées ces derniers jours : maintien intégral du fonds de solidarité pour le mois de mai, assouplissement des conditions d'éligibilité dès le mois de juin ou encore versement, dès le 25 mai, d'une aide spécifique pour soutenir, comme ma collègue Stella Dupont vient de le rappeler, les commerçants affectés par la problématique des stocks saisonniers.
Afin que nous puissions bien gérer la sortie de crise, je souhaite néanmoins soulever quelques interrogations.
Les incertitudes relatives aux critères d'éligibilité au fonds de solidarité ont suscité des craintes profondes chez les indépendants quant à la pérennité de leur activité économique, craintes alimentées par des retards pris dans l'allocation des aides et par un manque d'adéquation de plusieurs dispositifs à leur situation.
Il s'agit premièrement des mécanismes d'indemnité chômage. Si le chômage partiel, le fonds de solidarité et les prêts garantis par l'État permettent de couvrir la plupart des frais courants pour les indépendants, ces derniers voient souvent leur revenu fortement réduit. La crise nous invite à réfléchir à des mécanismes qui pourraient nous permettre de compenser ces pertes de revenu. Se pose, deuxièmement, le problème de l'inadéquation du code NAF, ou nomenclature d'activité française, pour les établissements à activités mixtes, qui se voient souvent refuser l'accès au fonds de solidarité lorsqu'ils restent partiellement ouverts, comme c'est le cas, par exemple, pour les bars-tabacs.
Ces incertitudes ne représentent pas un terrain fertile pour la reprise de notre économie. La relance ne dépend pas seulement de l'investissement public, mais aussi de l'esprit d'initiative et d'innovation des entrepreneurs, qui a besoin de stabilité et de prévisibilité. La baisse des aides devra donc se faire de manière dégressive, en fonction de la vitesse de la reprise économique.
Afin d'optimiser les effets de cette prolongation des aides, il conviendrait de l'adapter à la situation dans les secteurs les plus concernés, par exemple le tourisme ou l'événementiel. Du fait de l'arrêt complet de leurs activités et du nécessaire maintien de certaines mesures sanitaires, ces secteurs mettront du temps avant de retrouver un niveau d'activité équivalent à celui d'avant la crise. Il faut donc mettre en place des mesures concrètes et spécifiques à chaque secteur, pour que la diminution progressive des aides se fasse en fonction des besoins des indépendants. Il s'agit là d'un point de vigilance à garder à l'esprit au moment de la réévaluation du fonds de solidarité, qui se fera dès le mois de juin pour les entreprises ouvertes ou partiellement ouvertes.
Pour ce qui est du remboursement des prêts garantis par l'État, nous devons éviter qu'il ne se fasse au détriment de la reprise. La dette contractée pendant la crise ne doit pas empêcher les indépendants et les PME de reprendre leurs activités pour participer pleinement à la vie économique de notre pays. Il est donc souhaitable de prolonger la durée des prêts garantis par l'État, en coordination avec la Commission européenne. Pour l'instant, les mesures qui ont été annoncées tendraient à différer d'un an le début du remboursement des prêts sans pour autant en allonger la durée. Face à ces incertitudes pesant sur le calendrier de remboursement, plusieurs indépendants réclament plus de temps pour choisir les modalités d'amortissement des prêts.
Le soutien économique apporté par l'État aux indépendants atteste, depuis plus d'un an, de la détermination des pouvoirs publics à protéger l'intégrité de notre tissu économique. À l'approche de la sortie de crise, nous devons prendre les bonnes mesures pour nous assurer que la relance soit une chance pour tous, y compris pour les secteurs les plus durement touchés par la crise, comme le secteur tertiaire.