Séance en hémicycle du mercredi 5 mai 2021 à 21h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • LPM
  • militaire

La séance

Source

La séance est ouverte à vingt et une heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle la suite du débat sur le déploiement et l'efficacité des aides octroyées dans le cadre du soutien à l'activité économique face au covid-19.

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs des groupes, s'arrêtant à l'intervention de Mme Stella Dupont.

Vous avez la parole, chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, chers collègues, la crise sanitaire qui frappe l'Europe et le monde depuis plus d'un an maintenant a été et continue d'être lourde de conséquences pour l'économie du fait des fermetures administratives et d'un ralentissement très net de l'activité. Afin de répondre aux difficultés des entreprises, le Gouvernement a déployé dix-sept dispositifs d'aide, parmi lesquels l'activité partielle, le fonds de solidarité, les PGE (prêts garantis par l'État), le report de cotisations sociales, plus récemment la prise en charge des coûts fixes, à quoi s'ajoutera une aide au secteur de l'habillement, annoncée aujourd'hui et dont le versement interviendra à partir du 25 mai.

À la fin du mois de mars, ces mesures de soutien représentaient 206 milliards d'euros, soit 9 % du PIB. Le Gouvernement a montré sa capacité à adapter rapidement les outils d'accompagnement aux besoins des entreprises. Dans l'urgence et face à l'incertitude, il a su être à l'écoute, comme en témoigne la mesure de soutien aux activités indoor par la prise en charge des coûts fixes, que j'ai portée avec vous, monsieur le ministre, à travers les remontées de cas concrets du Maine-et-Loire. L'historique des décrets et leur très grand nombre montrent combien la volonté, la réactivité sont fortes pour adapter les mesures aux difficultés des secteurs les plus touchés par la crise : hôtellerie, restauration, culture, salles de sport, tourisme, événementiel, etc.

Face à cette crise inédite, les mesures doivent être parfaitement adaptées aux besoins, et c'est la ligne que vous suivez depuis plus d'un an. Certaines difficultés appellent cependant des dispositifs plus adaptés encore que ce qui existe, faute de quoi on risque de constater la défaillance d'entreprises jusqu'alors prospères et tout à fait saines.

Les mesures de subvention ont été principalement ciblées sur les entreprises constatant une baisse de leur chiffre d'affaires via l'octroi d'une aide du fonds de solidarité. Le calcul de cette baisse s'appuie sur une comparaison du chiffre d'affaires actuel avec celui de 2019. De ce fait, les entreprises créées en 2019 ou bien celles qui ont investi pour développer leur activité passent souvent entre les mailles du filet ou bénéficient d'un soutien insuffisant au regard de leur manque à gagner.

Les transmissions et reprises d'entreprises peuvent également se trouver en dehors des dispositifs en vigueur, lorsqu'elles ont nécessité la création juridique d'une nouvelle société. J'ai rencontré plusieurs fois ce cas de figure sur ma circonscription – nous en avons déjà discuté, monsieur le ministre délégué. Vous avez évoqué ici même hier soir un décret à venir : pouvez-vous nous éclairer sur le cadre et les critères définis par ce décret ?

Par ailleurs, la situation du commerce de l'habillement appelle un meilleur calibrage de nos dispositifs d'aides. Là encore, vous avez récemment annoncé une mesure d'aide forfaitaire aux stocks qui va permettre d'apporter un soutien efficace et réactif aux petits commerces ainsi qu'aux très grands, qui réalisent plus d'un million de chiffre d'affaires par mois. Mais entre 30 000, 50 000, 100 000 euros et un million de chiffre d'affaires par mois, il y a une marge, qui compte des commerces indépendants, structurants pour nos centres-villes. Ces commerces sont en difficultés. Ils ont parfois des stocks d'invendus pour 100 000, 150 000, 200 000 euros qui se déprécient chaque jour. Ces stocks fragilisent fortement la rentabilité de ces commerces. Leur situation doit être analysée finement et une aide plus adaptée à leur spécificité doit être mise en œuvre, si l'on veut éviter des défaillances d'entreprises qui fragiliseront nos cœurs de villes, que nous nous attachons à renforcer.

C'est un esprit de soutien, d'accompagnement et d'écoute qui a présidé à la mise en place très réactive de ces aides, ce qui est très largement salué par les acteurs économiques sur le terrain. Je ne voudrais donc pas qu'on ne retienne de mes propos que ces quelques ajustements nécessaires. Je suis certaine que vous pourrez nous apporter des précisions sur ce point.

La reprise de l'activité économique se profile désormais, fort heureusement, posant la question de la fin du soutien exceptionnel aux entreprises, à laquelle il faut se préparer. La sortie de ces dispositifs doit faire l'objet d'une réflexion collective, avec les acteurs concernés, sur le modèle de ce que vous avez fait jusqu'alors et à l'image de ce que Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a déjà engagé pour l'activité partielle. Une réduction progressive du soutien exceptionnel aux entreprises doit être anticipée afin de permettre à l'ensemble de notre tissu économique de sortir suffisamment solide de cette pandémie pour assurer le développement de l'activité et de l'emploi sur l'ensemble du territoire national.

Je sais, monsieur le ministre délégué, que vous œuvrez en ce sens : vous pouvez compter sur les députés de la République en marche pour travailler à vos côtés.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre délégué, vous avez présenté en septembre dernier un plan de relance de 100 milliards d'euros visant à éviter que la crise sanitaire ne provoque un effondrement total de notre économie. L'ensemble des aides ont été appréciées par les forces économiques de notre pays et les nombreux programmes mis en place ont permis de maintenir à flot notre économie. Il reste cependant deux sujets majeurs : celui de l'industrie et celui des commerces de proximité et des restaurateurs.

Je commencerai par l'industrie. En consacrant 35 milliards d'euros à l'industrie, le plan de relance met l'accent sur un secteur qui peine à être compétitif en France. Dans le milliard d'euros supplémentaire débloqué en mars dernier, 600 millions d'euros de crédits d'impôt sont destinés à encourager les entreprises industrielles à investir dans les technologies numériques, 150 millions d'euros supplémentaires à leur permettre d'agrandir leurs usines et 250 millions d'euros à relocaliser leurs établissements en France. Ce regain d'aide au secteur industriel ne peut être que salué et encouragé, mais alors que l'un des objectifs du plan de relance est de préparer notre pays aux défis des prochaines décennies, force est de constater que les obstacles sont nombreux pour notre tissu industriel. À ce propos, monsieur le ministre délégué, pourquoi la création d'emplois est-elle le premier critère d'obtention de ces aides ? Quid des plus petites entreprises, souvent novatrices et situées dans nos territoires ruraux ? Quid de la pérennisation de l'emploi dans certains secteurs d'activités ou certains secteurs géographiques ?

Notre déficit commercial est colossal – nos exportations se sont réduites de 82 milliards d'euros ! –, notre endettement record, notre taux de chômage ne baisse pas et notre industrie est en déshérence. Celle-ci a tellement été montrée du doigt que nous n'avons plus de stratégie industrielle. Il aura fallu une pandémie mondiale et des confinements successifs pour que nous prenions conscience de notre immense dépendance aux importations. Nous ne maîtrisons plus nos chaînes d'approvisionnement, ce qui est catastrophique.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vouloir réindustrialiser la France c'est bien ; s'en donner les moyens, c'est mieux. Nous ne réindustrialiserons pas la France sans revaloriser les formations techniques et technologiques et sans réhabiliter les filières scientifiques. Nous ne réindustrialiserons pas la France sans ingénieurs de haut niveau technique, technologique et parfaitement bilingues.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S'il ne fallait retenir qu'un chiffre, ce serait celui-ci : il y a 34 % de docteurs en technologie industrielle en Allemagne contre 6 % en France. Oui, nous étions un pays d'ingénieurs, mais c'est du passé. Plan de relance, certes, mais au profit de qui ? C'est très bien de soutenir l'investissement des entreprises pour réindustrialiser la France, mais en réalité cet investissement part souvent en Allemagne, en Espagne et en Italie, parce que la France ne produit plus de machines industrielles.

Les aides relatives aux stocks de vêtements et de chaussures, dont ma collègue vient de parler, sont très appréciées, mais nous déplorons une différence de traitement entre les commerces : est-il juste par exemple de verser 10 000 euros par mois à un bar qui n'a que 3 000 euros de charges mensuelles ? De nombreuses entreprises de ma circonscription qui ne bénéficient pas de ces aides – alors qu'elles souffrent elles aussi de la crise, qui a entraîné une baisse de leur chiffre d'affaires pouvant aller jusqu'à 30 % – trouvent cette situation très injuste. Elles ne comprennent pas pourquoi l'ensemble des aides, tous secteurs confondus, ne sont pas indexées sur le résultat net plutôt que sur les charges fixes de l'entreprise. Cette injustice provoque des tensions dans le monde économique, fragilise la cohésion, la solidarité et les relations interprofessionnelles dans nos territoires. Cela aura forcément des conséquences et nous le déplorons tous.

Je tiens aussi à vous alerter, monsieur le ministre délégué, sur un grave dysfonctionnement affectant le versement des aides à l'apprentissage par l'agence de services et de paiement – ASP. De nombreux retards sont à déplorer, qui fragilisent, une fois encore, les entreprises les plus fragiles, les mettant en difficulté financièrement alors que pratiquement tous les secteurs connaissent déjà des baisses de chiffre d'affaires. Dernier couac en date – je pense que vous êtes au courant – : nos dirigeants d'entreprises ont très mal vécu la mise en ligne tardive ce lundi du document du CERFA (centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs) nécessaire à la constitution des dossiers. Vous comprendrez aisément qu'un chef d'entreprise, s'il veut être productif, n'a pas de temps à perdre avec des dysfonctionnements administratifs.

Si nous voulons réindustrialiser la France, commençons par alléger les formalités administratives et contentons-nous de mettre notre système normatif en adéquation avec les normes européennes. Faisons confiance à notre jeunesse, donnons-lui les clés d'une formation d'excellence. Faisons confiance à nos entrepreneurs, à nos commerçants, nos artisans, en privilégiant le conseil plutôt que le contrôle et la répression. La France est un très beau pays, un pays d'entrepreneurs.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ayons confiance en eux, en sachant avoir une vision novatrice et dynamique pour notre avenir.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Lorsque nous évaluons les effets des aides économiques mobilisées pour faire face à la crise du covid-19, force est de constater que les indépendants sont fortement exposés aux risques économiques engendrés par cette épidémie. Cela concerne un grand nombre de secteurs, allant de l'hôtellerie à la restauration et aux commerces de proximité, qui ont dû interrompre leurs activités pour endiguer la propagation du virus.

De très nombreux parlementaires ont été sollicités par des citoyens qui font face à des difficultés économiques. Je suis d'autant plus reconnaissante de l'occasion qui nous est donnée ce soir d'aborder la question des mesures de soutien économique face au covid-19. Nos échanges s'insèrent dans un travail de contrôle parlementaire. À ce titre, notre collègue Jean-Noël Barrot effectue depuis janvier une mission auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance sur le rebond économique dans nos territoires. Dans le cadre de cette mission, il se rendra vendredi dans le Pas-de-Calais afin de rencontrer les acteurs sur le terrain.

Dans ce contexte, je souhaite tout d'abord saluer à mon tour l'engagement historique de l'État. Celui-ci a su atténuer les effets économiques potentiellement néfastes de la crise. Le fonds de solidarité et les prêts garantis par l'État y contribuent grandement. Je salue également les mesures que le Gouvernement a annoncées ces derniers jours : maintien intégral du fonds de solidarité pour le mois de mai, assouplissement des conditions d'éligibilité dès le mois de juin ou encore versement, dès le 25 mai, d'une aide spécifique pour soutenir, comme ma collègue Stella Dupont vient de le rappeler, les commerçants affectés par la problématique des stocks saisonniers.

Afin que nous puissions bien gérer la sortie de crise, je souhaite néanmoins soulever quelques interrogations.

Les incertitudes relatives aux critères d'éligibilité au fonds de solidarité ont suscité des craintes profondes chez les indépendants quant à la pérennité de leur activité économique, craintes alimentées par des retards pris dans l'allocation des aides et par un manque d'adéquation de plusieurs dispositifs à leur situation.

Il s'agit premièrement des mécanismes d'indemnité chômage. Si le chômage partiel, le fonds de solidarité et les prêts garantis par l'État permettent de couvrir la plupart des frais courants pour les indépendants, ces derniers voient souvent leur revenu fortement réduit. La crise nous invite à réfléchir à des mécanismes qui pourraient nous permettre de compenser ces pertes de revenu. Se pose, deuxièmement, le problème de l'inadéquation du code NAF, ou nomenclature d'activité française, pour les établissements à activités mixtes, qui se voient souvent refuser l'accès au fonds de solidarité lorsqu'ils restent partiellement ouverts, comme c'est le cas, par exemple, pour les bars-tabacs.

Ces incertitudes ne représentent pas un terrain fertile pour la reprise de notre économie. La relance ne dépend pas seulement de l'investissement public, mais aussi de l'esprit d'initiative et d'innovation des entrepreneurs, qui a besoin de stabilité et de prévisibilité. La baisse des aides devra donc se faire de manière dégressive, en fonction de la vitesse de la reprise économique.

Afin d'optimiser les effets de cette prolongation des aides, il conviendrait de l'adapter à la situation dans les secteurs les plus concernés, par exemple le tourisme ou l'événementiel. Du fait de l'arrêt complet de leurs activités et du nécessaire maintien de certaines mesures sanitaires, ces secteurs mettront du temps avant de retrouver un niveau d'activité équivalent à celui d'avant la crise. Il faut donc mettre en place des mesures concrètes et spécifiques à chaque secteur, pour que la diminution progressive des aides se fasse en fonction des besoins des indépendants. Il s'agit là d'un point de vigilance à garder à l'esprit au moment de la réévaluation du fonds de solidarité, qui se fera dès le mois de juin pour les entreprises ouvertes ou partiellement ouvertes.

Pour ce qui est du remboursement des prêts garantis par l'État, nous devons éviter qu'il ne se fasse au détriment de la reprise. La dette contractée pendant la crise ne doit pas empêcher les indépendants et les PME de reprendre leurs activités pour participer pleinement à la vie économique de notre pays. Il est donc souhaitable de prolonger la durée des prêts garantis par l'État, en coordination avec la Commission européenne. Pour l'instant, les mesures qui ont été annoncées tendraient à différer d'un an le début du remboursement des prêts sans pour autant en allonger la durée. Face à ces incertitudes pesant sur le calendrier de remboursement, plusieurs indépendants réclament plus de temps pour choisir les modalités d'amortissement des prêts.

Le soutien économique apporté par l'État aux indépendants atteste, depuis plus d'un an, de la détermination des pouvoirs publics à protéger l'intégrité de notre tissu économique. À l'approche de la sortie de crise, nous devons prendre les bonnes mesures pour nous assurer que la relance soit une chance pour tous, y compris pour les secteurs les plus durement touchés par la crise, comme le secteur tertiaire.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le 16 mars 2020, la France faisait un saut dans l'inconnu et entrait dans une période d'incertitude profonde en raison de la crise sanitaire qui, près d'un an plus tard, frappe encore notre pays. Il a fallu soutenir en urgence tous les pans de notre économie. Ce soutien était et demeure indispensable. L'État a montré toute son importance en matière économique alors que, voilà encore peu de temps, beaucoup, y compris ceux qui se satisfont aujourd'hui de son action, souhaitaient le voir reculer. C'est le fameux « quoiqu'il en coûte » que nous sommes en quelque sorte appelés à évaluer aujourd'hui. Un choix a été fait : celui du soutien direct non aux ménages, mais aux entreprises, afin d'éviter leurs défaillances, lesquelles ont d'ailleurs été contenues en 2020, ce qui est à mettre au crédit des mesures de soutien.

Le chiffre de 284 000 destructions nettes d'emploi en 2020, selon l'INSEE, est cependant à examiner avec attention, car les personnes en situation de chômage partiel ou technique sont toujours considérées comme occupant un emploi. Plus encore, l'INSEE estime qu'il y a lieu de craindre 77 000 pertes d'emplois supplémentaires au premier trimestre 2021. En effet, les mesures d'urgence prenant un caractère permanent – rendu nécessaire par l'enlisement dans cette crise sanitaire –, on peut craindre que les secteurs touchés durablement diminuent leur main-d'œuvre en réduisant le recours au chômage partiel, particulièrement dans l'hébergement, la restauration et les services aux ménages.

Si les destructions d'emplois semblent pour l'instant avoir été relativement contenues, les autres indicateurs sont plus inquiétants. Ainsi, la diminution du taux de marge des entreprises est plus importante que chez nos voisins allemands, italiens et britanniques. Le taux d'endettement net des sociétés non financières a connu en 2020 une hausse plus élevée que chez nos voisins européens. Enfin, si les mesures d'aide ont permis au tissu économique de tenir le choc, le comité de suivi estime que la performance de la France est « médiocre » pour ce qui est de la balance courante. C'est un problème récurrent, auquel les prochaines mesures d'aide et de relance devront remédier. Je pense notamment au secteur touristique, fortement affecté par la crise sanitaire et tellement important pour la vitalité économique de notre pays – je le sais bien, pour être élue d'un territoire de montagne où le tourisme joue un rôle essentiel en matière économique et sociale.

L'effort a été important mais, malgré les dispositifs multiples, de nombreux entrepreneurs n'entrant pas dans la grille ne parviennent pas à remplir les conditions imposées pour bénéficier de ces dispositifs, qui ne collent pas toujours aux réalités de terrain.

Les dispositifs d'aide instaurés depuis plus d'un an ont beaucoup évolué au gré des difficultés rencontrées par les différents secteurs économiques. Il a fallu beaucoup de réactivité de la part de tous les acteurs. Chaque fois que nous avons constaté qu'il avait des trous dans la raquette, nous l'avons signalé et, si vous avez adapté certaines mesures, il reste aujourd'hui des manques, des oubliés du dispositif, pour lesquels il est impératif de trouver des solutions.

Dans ma circonscription, je suis alertée chaque semaine à propos de cas particuliers que je fais inlassablement remonter. Je pourrais vous donner le nom de chacun et chacune, et vous décrire précisément leur situation. Ce sont des commerçants courageux qui reprenaient plusieurs commerces en station à la saison 2019-2020 et qui doivent se battre pour que soit prise en compte la spécificité de leur situation en l'absence de bilan en 2019, année de référence ; des commerçants à qui des aides étaient accordées et qui, après publication du deuxième décret qui ramène le calcul au chiffre d'affaires 2019, ne sont plus éligibles ; des restaurateurs nouvellement installés, toujours en station, qui ont tenté de s'adapter tout l'hiver en proposant des solutions innovantes lesquelles ne leur ont cependant pas permis de s'assurer des revenus suffisants, et qui restent également sans aides ; des centres de vacances qui fonctionnent notamment en régie communale et qui n'ont pas pu bénéficier du chômage partiel ; d'autres dont l'absence de visibilité quant à une réouverture laisse craindre une fermeture ; des moniteurs de ski que les retards de paiement mettent en difficulté ; des professionnels libéraux de montagne qui n'ont toujours pas perçu les montants des aides auxquelles ils ont droit, car, blessés, femmes enceintes ou arrêtés pour cause de maladie courant 2019, année de référence, ils ne peuvent bénéficier de ces mêmes aides ; d'autres, qui avaient mis en pause leurs activités pour diverses raisons et la reprenaient en 2020, et qui, ne pouvant pas justifier d'un chiffre d'affaires en 2019, ne touchent donc pas d'aide.

Voilà, monsieur le ministre délégué, des exemples très précis, pour lesquels je vous demande des réponses précises, notamment à propos du décret balai relatif aux coûts fixes, qui devrait prendre en compte diverses situations. Je compte sur vous et ils comptent sur vous pour les sortir de leurs difficultés et leur éviter le dépôt de bilan.

Notre groupe Socialistes et apparentés restera vigilant pour que les aides instaurées permettent à chacun de survivre à cette crise et prépare la relance qui, nous l'espérons, sera vigoureuse et juste socialement comme fiscalement.

Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je veux à mon tour, et à la suite de des propos tenus tout à l'heure par mon collègue Benoit Potterie, saluer l'action du Gouvernement en matière économique depuis le début de la crise. Voilà plus d'un an que l'épidémie de covid-19 soumet l'économie mondiale à une épreuve sans précédent. Alors que certains secteurs ont été contraints de cesser leur activité plus ou moins longtemps, ou de la voir particulièrement affectée, le Gouvernement a su apporter des réponses pratiques avec une grande réactivité. Les dispositifs clés mis en place depuis un an ont été peu à peu enrichis, mieux adaptés aux réalités du terrain grâce à l'efficacité des services de l'État et à l'écoute du Gouvernement. Partenaires sociaux, représentants de différentes fédérations professionnelles, élus locaux et parlementaires : je crois pouvoir dire que le dialogue constamment maintenu par Bercy a porté ses fruits pour supprimer au mieux les trous dans la raquette.

Bien sûr, quelques améliorations sont toujours possibles, comme l'a rappelé tout à l'heure Benoît Potterie, mais je me réjouis comme lui de la robustesse du système mis en place. Nous sommes fiers d'avoir pu contribuer à la coconstruction de ces mécanismes de soutien à l'activité économique. Je pense par exemple à la meilleure prise en compte des entreprises nouvellement créées, pour laquelle notre groupe a beaucoup plaidé, ainsi qu'à la contribution importante des assureurs à l'effort national, que j'avais demandée dès le début de la crise, en mars 2020, et qui a été suivie d'effet au prix de nombreuses négociations menées par le Gouvernement.

Notre groupe Agir ensemble continuera, dans l'intérêt général, à apporter sa pleine contribution dans une logique constructive, afin d'accompagner au mieux les acteurs économiques.

Alors que le confinement s'amorce, la sortie des aides est un enjeu crucial, qu'il faudra gérer avec beaucoup de précision, afin de permettre une transition en douceur. Notre groupe salue les annonces du ministre de l'économie relatives au fonds de solidarité. Celui-ci sera maintenu en mai, et les entreprises auront droit à l'intégralité du mécanisme ce mois-ci, avant une évolution du dispositif au mois de juin. Durant l'été, la dégressivité des aides sera accompagnée de la suppression du seuil plancher de perte de chiffre d'affaires. Combiné avec le calendrier clair des réouvertures énoncé par le Président de la République la semaine dernière, ce système permettra une sortie progressive des aides, qui donne de la visibilité aux acteurs économiques.

Nous entendons cependant les craintes de certains professionnels quant aux modalités pratiques de sortie des aides. Je pense particulièrement aux commerçants, hôteliers ou restaurateurs d'Île-de-France, qui anticipent un été bien difficile, alors que les touristes internationaux ne reviendront pas massivement. J'ai, à cet égard, proposé l'instauration d'une zone unique à Paris pour l'ouverture dominicale des commerces, qui pourrait se faire sur la base du volontariat des commerces et des salariés. Cela permettrait de relancer l'activité économique, de soutenir nos commerçants et d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés tout en permettant une meilleure gestion des flux dans les magasins.

En tout état de cause, la sortie des aides devra se faire autant que possible au cas par cas, en prenant en compte la spécificité de chaque secteur de chaque territoire. Nous savons le Gouvernement à pied d'œuvre, en lien permanent avec les acteurs économiques et les acteurs locaux.

L'un des grands enjeux pour lesquels nous devrons apporter des solutions concrètes aux entreprises est leur endettement. D'un côté, la crise a conduit les ménages à sur-épargner. Le surplus d'épargne atteindra ainsi près de 160 milliards d'euros à la fin de l'année et le décaissement d'une partie de cette épargne de précaution sera la clé d'une reprise vigoureuse. D'un autre côté, les entreprises ont accru leur endettement, notamment pour se constituer un matelas de secours en termes de trésorerie. Un excès d'endettement fragiliserait le système bancaire et grèverait l'investissement. Le Gouvernement a pris la mesure de cet enjeu, notamment avec le lancement ce mois-ci des prêts participatifs, que nous soutenons.

Conscient de tous ces enjeux et soutenant pleinement le Gouvernement dans sa politique d'appui aux acteurs économiques – saluée partout dans le monde, faut-il encore le rappeler ? –, notre groupe Agir ensemble est convaincu que l'économie française a de solides atouts pour rebondir et sortir plus forte de cette crise. Nous souhaitons le faire en assurant aussi la cohésion sociale dans notre pays, par un soutien aux salariés et aux personnes les plus précaires et les plus vulnérables : c'est l'économie et le social ensemble, et c'est ainsi que nous sortirons de cette crise.

Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et UDI-I.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Je tiens tout d'abord à remercier le groupe Agir ensemble et son président Olivier Becht pour l'organisation de ce débat. Depuis le premier jour de la crise, nous avons fait le choix de protéger les TPE et les PME. Nous continuerons de défendre ce choix aussi longtemps que la situation sanitaire nous conduira à prendre des mesures de restriction dans l'activité des entreprises.

La stratégie du « quoi qu'il en coûte » a permis à notre économie de résister. Elle permettra à notre économie de rebondir. Le premier trimestre 2021 l'a montré, avec une croissance de 0,4 %. Depuis le début de la crise, la rapidité et l'adaptabilité ont été les maîtres mots de notre action. Je remercie ici très sincèrement les parlementaires qui ont positivement appuyé l'action du Gouvernement.

L'objectif que nous nous sommes fixé avec Bruno Lemaire depuis plusieurs mois n'a pas changé : toute entreprise saine avant la crise doit, grâce au soutien de l'État, être prête au moment de la reprise. Nous ne sommes pas encore au bout du chemin, mais je peux vous assurer que le Gouvernement répondra présent pour accompagner les entreprises, y compris durant la période de reprise.

Depuis le mois d'octobre, face à la dégradation de la situation sanitaire en France, le Gouvernement s'est continuellement adapté pour répondre à la situation des entreprises. Grâce à une mobilisation de tous les instants, qu'a soulignée M. Potterie, nous avons pu identifier les manques – ces fameux « trous dans la raquette » – et en combler une grande partie. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, j'espère que la raquette de tennis ne sera plus, dans quelques jours, qu'une raquette de ping-pong, et que nous aurons donc répondu à l'ensemble des préoccupations des entrepreneurs.

Depuis le début de l'année, nous prenons en charge les coûts fixes non couverts des entreprises réalisant plus d'un million d'euros de chiffre d'affaires, ou ayant des charges fixes élevées, comme les salles de sport et de loisirs d'intérieur, les eaux et le thermalisme. J'ai reçu cet après-midi des représentants des discothèques, et leur ai indiqué qu'ils seraient désormais éligibles à ce dispositif.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et UDI-I.

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Les commerces du secteur de l'habillement, de la chaussure, de la maroquinerie et du sport bénéficieront d'une aide forfaitaire pour compenser une partie de la dépréciation de leurs stocks. Cette aide sera versée dès la fin mai, et correspondra à 80 % de l'aide perçue au titre du fonds de solidarité pour le mois de novembre. Aucune démarche complémentaire ne sera nécessaire de la part des entreprises. Je salue le travail de la députée Stella Dupont sur ce sujet et l'assure de mes échanges réguliers avec la Fédération nationale de l'habillement (FNH).

Les commerces multiservices, qui ne sont pas éligibles au fonds de solidarité parce qu'ils ne perdent pas 50 % de leur chiffre d'affaires, bénéficieront d'une aide à la prise en charge d'une partie de leurs coûts fixes. Le décret permettant l'application de cette mesure sortira dans les prochains jours.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Enfin, les entreprises ayant racheté un fonds de commerce et qui ont été administrativement fermées bénéficieront également d'une compensation de leurs coûts fixes – là encore, le décret sera publié prochainement.

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Mesdames et messieurs les députés, je pense que l'État a été au rendez-vous des besoins des entreprises, en instaurant des dispositifs simples d'accès qui, pour beaucoup, ont avant tout bénéficié aux plus petites entreprises. Par exemple, 93 % des 700 000 entreprises bénéficiaires des PGE sont des PME, et plus de 95 % des 2 millions de bénéficiaires du fonds de solidarité sont des TPE et des PME.

Autre exemple de notre réactivité : près de 400 000 entreprises ont perçu le fonds de solidarité pour le mois de mars depuis l'ouverture du guichet, le 20 avril. Cela correspond au versement de près de 2 milliards d'euros en moins de deux semaines. Je tiens d'ailleurs à saluer le travail des agents de l'administration centrale comme dans les territoires, les agents de la direction générale des finances publiques et de la direction générale des entreprises, pour le travail quotidien qu'ils assument.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Le rapport de Benoît Cœuré confirme d'ailleurs l'appréciation très favorable des entrepreneurs sur l'action économique du Gouvernement pendant cette crise.

Une conséquence, particulièrement visible, se mesure concrètement : nous avons constaté en 2020 une baisse significative du nombre de défaillances d'entreprises, qui se poursuit au cours du premier trimestre 2021. Néanmoins, lors de la reprise de l'activité, je resterai vigilant quant à la solvabilité des entreprises et au remboursement de leur emprunt, car nombre d'entre elles craignent de ne pouvoir assumer leurs dettes.

Alors que le Président de la République a indiqué un calendrier de réouverture, j'entends la préoccupation de certains secteurs, qui ne reprendront pas une activité normale dès la levée des restrictions sanitaires : je pense notamment au secteur de l'événementiel, aux discothèques ou encore aux restaurants et aux hôtels dépendant du tourisme international, en particulier à Paris.

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Je vous confirme que le Gouvernement sera aux côtés de chacun de ces secteurs : comme Bruno Le Maire l'a annoncé, nous prolongerons le fonds de solidarité dans sa forme actuelle pour le mois de mai. Puis nous l'adapterons pour accompagner la reprise d'activité : il indemnisera alors partiellement les pertes de chiffre d'affaires, même lorsque celles-ci seront inférieures à 50 %. Cela permettra à la fois d'inciter à rouvrir les entreprises qui ne pourront le faire qu'en respectant une jauge contraignante, et de les accompagner dans leur reprise.

Concernant les exonérations de cotisations, nous maintenons en mai le dispositif actuel. Ce mécanisme sera par ailleurs maintenu autant que nécessaire pour les entreprises soumises à une fermeture administrative. À compter du mois de juin, le dispositif évoluera également pour s'adapter davantage à un contexte de reprise d'activité.

Enfin, le dispositif de l'activité partielle, plus adapté à une période de crise qu'à une période de reprise, sera adapté pour tenir compte de la reprise progressive de l'activité.

Tout au long de cette semaine, avec mes collègues Bruno Le Maire, Élisabeth Borne et Jean-Baptiste Lemoyne, nous menons des concertations avec l'ensemble des professionnels touchés par la crise, notamment afin d'aborder les protocoles de réouverture par étapes et les aides qui en découleront. À l'issue des concertations, nous préciserons dans les prochains jours les paramètres envisagés pour l'évolution des différents dispositifs.

Mesdames et messieurs les députés, je rappelle qu'à ce jour, malgré des restrictions sanitaires, près de 90 % de l'économie fonctionne normalement.

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Notre objectif premier est désormais d'accompagner les 10 % d'entreprises restantes, comme nous l'avons fait depuis le début de la crise.

Enfin, au-delà de l'accompagnement de la reprise d'activité, nous devons accélérer le déploiement du plan de relance pour garantir une reprise solide et durable de notre économie. Notre objectif est de retrouver rapidement la situation économique d'avant la crise, moment où notre pays était redevenu l'un des plus attractifs de l'Europe et où nos entreprises connaissaient une belle dynamique de croissance et de création d'emplois.

Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement a annoncé, le 3 septembre dernier, un plan de relance de 100 milliards d'euros axé sur trois priorités : l'écologie par la relance verte, la compétitivité par la relance de notre souveraineté économique et de notre indépendance technologique, et la cohésion par une relance sociale et territoriale. Ce plan de relance se déploie vite : 30 milliards d'euros ont déjà été décaissés. Le Président de la République a également évoqué un deuxième temps dans la relance, un temps de simplification et d'accélération des investissements.

Le succès de la relance économique dépendra de la mobilisation de tous : Gouvernement, élus, entreprises. La mobilisation de chacun a été déterminante au moment de l'instauration des mesures d'urgence, elle le sera davantage pendant les mois à venir pour sécuriser la relance de notre pays.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens, UDI-I et LT.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en venons aux questions. Je rappelle que leur durée, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.

La parole est à M. Loïc Kervran.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le 9 février dernier, il y a presque trois mois, j'ai interrogé M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance lors de la séance de questions au Gouvernement au sujet de la multi-activité et de ce que d'aucuns appelleraient un trou dans la raquette du fonds de solidarité. J'avais alors évoqué dans l'hémicycle la situation de Maud et Benoît et leur ferme-auberge dans le Cher. Nombreux sont ceux qui se retrouvent ainsi, oubliés de la solidarité nationale et victimes d'une approche de la compensation fondée sur le chiffre d'affaires, et qui échoue donc jusqu'à présent à prendre en compte la situation de la multi-activité. Souvent, l'une des activités, ouverte, génère trop de chiffre d'affaires pour que les intéressés puissent prétendre à l'aide du fonds de solidarité, mais très peu de résultats, alors que l'activité qui générait la marge a été fermée administrativement, étranglant les entreprises et leurs gérants.

Fermes-auberges, bars-tabac, épiceries-bars, garages automobiles vendant également du carburant, autant d'entreprises qui présentent au moins deux points communs : être situées en zone rurale et être des TPE. Il y a urgence : depuis des mois, elles n'ont touché aucune aide, elles ont été laissées sur le bord du chemin.

Quels dispositifs pourraient être instaurés pour que ces activités qui le méritent, puissent bénéficier de la solidarité nationale, et sous quels délais ?

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Vous évoquez un sujet qui me tient à cœur et sur lequel je travaille avec mes équipes et celles de Bruno Le Maire depuis plusieurs semaines déjà. Les entreprises multiservices, en particulier dans le milieu rural, jouent un rôle économique et social de proximité particulièrement important. Or, vous avez raison, le fonds de solidarité a été construit en partant du principe que seule une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % d'une activité à code APE – activité principale exercée – pouvait rendre éligible au fonds : partant, les entreprises multiservices font partie des oubliés que j'évoquais tout à l'heure.

En réalité, les dispositifs instaurés ont été pensés pour traiter des dossiers en nombre, de façon quasi industrielle, et assurer rapidité et efficacité. Or nous n'avions pas les critères ni la possibilité de traiter directement et rapidement le cas des entreprises multiservices, qui bien souvent, ne déploraient pas une perte de chiffre d'affaires de plus de 50 % en raison de la multi-activité et ne répondaient donc pas au critère classique.

Nous avons beaucoup travaillé et examiné de nombreuses solutions possibles. Je conçois que cette période peut sembler longue, surtout pour ceux qui attendent, vous l'avez rappelé, mais nous avons désormais trouvé un dispositif qui permettra de les récompenser de leur patience et de répondre – du moins je l'espère – à leurs besoins et aux propositions des parlementaires. Ce dispositif sera géré non à l'échelle nationale, mais au niveau départemental. Des aides pouvant aller jusqu'à 5 000 euros permettront d'accompagner les entreprises en multi-activité, avec une rétroactivité au mois de janvier, afin de leur permettre de continuer à jouer un rôle essentiel dans nos territoires. Je remercie les parlementaires qui, à plusieurs reprises, ont insisté sur ce sujet, et les assurer que le Gouvernement a été sensible à leurs demandes.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Agir ens et UDI-I.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question porte sur la situation de certaines associations d'insertion – je ne crois pas qu'il soit nécessaire de rappeler la part qu'ont prise ces associations dans la crise sanitaire.

Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple d'une association de ma circonscription, l'association Pluri'Elles, qui fait un travail remarquable et permet à de nombreuses personnes – principalement des femmes – de se réinsérer en confectionnant des vêtements professionnels, notamment à destination des hôteliers et cafetiers. Cette association s'est trouvée touchée de plein fouet par la crise.

Or, au plus fort de cette crise, le préfet du territoire de Belfort l'a sollicitée pour fabriquer des blouses et autres éléments d'habillement sanitaire pouvant servir dans les EHPAD et maisons de retraite. L'association a bien volontiers accédé à sa demande, à des coûts très faibles. Les femmes et les hommes ont travaillé tous les jours, dans des conditions extraordinaires : nous étions au cœur de la crise, il n'y avait que très peu de protections, et ils étaient donc en première ligne.

Mais au moment de faire son bilan, à la fin de l'année, l'association est en déficit de 38 000 euros. Elle demande l'aide du fonds de solidarité, mais on lui explique qu'elle n'est pas éligible, puisqu'elle a maintenu plus de 50 % de son activité. La situation est donc la suivante : des personnes ont œuvré, comme elles le font toujours, au service de la collectivité ; elles ont œuvré, je le répète, au quotidien et en première ligne. Et alors qu'il leur manque seulement 38 000 euros, personne ne peut les leur donner !

Ma question est donc simple : alors que le Président de la République prône souvent le « quoi qu'il en coûte », le Gouvernement est-il prêt à faire concrètement un geste et à verser 38 000 euros – c'est le prix du « quoi qu'il en coûte » dans ce cas précis – pour permettre à une association qui œuvre pour l'insertion des femmes depuis des années de survivre, et reconnaître ainsi l'excellent travail qu'elle a fourni en plein cœur de la crise ?

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Je tiens tout d'abord à réaffirmer la volonté du Président de la République et du Premier ministre de prendre en considération le travail formidable mené sur le terrain par ces associations, comme le confirme la nomination d'Olivia Grégoire au poste de secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable, qui accompagne parfaitement ces entreprises.

Vous évoquez un cas particulier, permettez-moi de détailler précisément ce qui a été fait pour l'association Pluri'Elles.

Je commence par saluer l'engagement de cette association, reconnue à la fois pour la qualité du service public rendu aux personnes les plus éloignées de l'emploi, dont elle favorise la réinsertion professionnelle, et pour sa mobilisation durant la crise, que vous avez évoquée ; elle a en effet confectionné des masques et des surblouses pour les personnels de santé. La structure d'insertion par l'activité économique Pluri'Elles a dû recruter du personnel pour participer à cet effort, alors que nombre de structures fermaient ou mettaient leurs employés en chômage partiel. Ces embauches ont été financièrement accompagnées et conventionnées par l'État. Pour l'année 2020, celui-ci a ainsi débloqué une aide exceptionnelle à la consolidation financière à hauteur de plus de 19 000 euros.

Par ailleurs, l'association a répondu à un appel à projets régional pour assurer son développement, consistant à moderniser son atelier de couture afin de répondre aux commandes régionales et nationales privées. Le projet a été accepté par l'État, à hauteur de 18 000 euros, auxquels s'ajoutent 9 000 euros en fonds propres. Au-delà des 288 000 euros qu'elle a reçus au titre des aides au poste d'insertion, la structure a également perçu plus de 37 000 euros pour couvrir les pertes de l'année 2020, tout en se donnant les moyens de répondre aux appels d'offre. Elle recevra prochainement un financement complémentaire de plus de 11 000 euros au titre de 2020, lié à la qualité des efforts réalisés en termes de types de publics accompagnés, d'insertion et de sortie vers l'emploi et la formation.

Soyez assuré, monsieur le député, que les services de l'État sur le territoire de Belfort sont pleinement mobilisés pour aider l'association Pluri'Elles, déjà bien connue et reconnue localement. Je vous confirme ainsi qu'au titre de l'année 2021, l'association pourra bénéficier, à hauteur de plusieurs milliers d'euros, d'une aide exceptionnelle à la consolidation des structures. L'État tient ainsi sa part d'engagement dans l'accompagnement financier de cette structure qui le mérite bien.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vais moi aussi vous interroger, monsieur le ministre délégué, sur les commerces multiservices qui assurent les activités d'épicerie, de café, de restaurant, de boulangerie, de tabac, de réception de colis ou encore de vente de journaux. Nous avions évoqué ce sujet lors de notre rencontre le 26 janvier dernier à Bercy et étions alors convenus que le seuil de 50 % de perte de chiffre d'affaires n'était pas pertinent. Je ne citerai qu'un exemple, celui d'une entreprise que je connais bien, qui est à la fois un bar et une épicerie, et qui emploie des salariés. Le bar est fermé, alors que c'est cette activité qui apporte la plus grande part du bénéfice. Sans que le chiffre d'affaires ait baissé, la rentabilité de l'entreprise n'est plus du tout la même qu'auparavant.

Lorsque nous nous étions vus, monsieur le ministre délégué, nous avions longuement évoqué la spécificité de ces commerces dont certaines activités sont fermées tandis que d'autres restent ouvertes, et la question de leur rentabilité. Depuis, j'ai écrit quasiment tous les mois à votre conseillère parlementaire pour lui demander la date de publication du décret. Vous nous avez indiqué que cette date était proche ; pouvez-vous nous en dire plus et préciser la façon dont vous comptez aider ces commerces multiservices ? Je sais que ce sujet vous tient particulièrement à cœur et vous en remercie.

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Je voudrais tout d'abord, monsieur le député, vous associer aux remerciements que j'ai formulés tout à l'heure, car vous avez fait partie de ceux qui m'avaient interpelé sur le sujet. Conformément à la façon dont j'essaye d'exercer ma fonction, je vous avais très vite invité à Bercy avec quelques-uns de vos collègues, afin que nous puissions analyser la situation ensemble et construire le meilleur modèle possible. Je vous avais immédiatement fait part de ma détermination pour trouver une solution, ce qui s'est avéré plus complexe que je ne l'avais imaginé. Il nous a donc fallu un peu de temps pour trouver la solution adaptée, non seulement pour déterminer les entreprises éligibles au dispositif mais aussi pour mettre en œuvre sur le plan opérationnel le paiement des aides qui avaient été décidées.

L'ensemble du dispositif a désormais été calé, avec d'autres collègues ministres que j'associe à cette réussite : Jacqueline Gourault, ministre la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et Gérarld Darmanin, ministre de l'intérieur. J'espère que le décret sera publié la semaine prochaine et que, de façon quasi immédiate, les services de l'État pourront ensuite étudier les dossiers en partenariat avec des associations locales désignées à cet effet, afin que soit mis en place un dispositif d'aides dont le montant, limité à 5 000 euros, sera décidé au niveau local. Rétroactive à partir de janvier 2020, cette aide répondra – je l'espère – aux besoins des commerces multiservices. Ceux-ci sont essentiels pour les services qu'ils rendent à la population, sur le plan économique comme sur le plan social. Je renouvelle mes remerciements aux parlementaires qui nous ont sollicités sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avec mes collègues Sébastien Jumel et Jean-Paul Lecoq, que j'associe à ma question, nous profitons de ce débat pour vous interpeler de façon urgente sur un dossier brûlant : la situation du groupe Manoir Industries à Pîtres et de sa filiale ACPP près de Cherbourg. Si le groupe est aujourd'hui en redressement judiciaire, cela ne provient ni d'un manque de savoir-faire, puisque les donneurs d'ordre des secteurs de la pétrochimie, de l'énergie, du ferroviaire ou de l'industrie navale sont tout à fait satisfaits de la qualité des aciers produits, ni d'un manque de perspectives, puisque le carnet du commande est rempli. Il s'agit tout simplement d'un problème de trésorerie qui n'est pas insurmontable, pour peu que l'on considère l'enjeu que représentent les emplois industriels du groupe et de sa filière et la souveraineté industrielle de notre pays. Il s'agit en effet, vous l'avez compris, d'une filière stratégique.

Ce que nous vous demandons, c'est de guider l'engagement de fonds publics vers le soutien à cette entreprise et à sa filière. Nous demandons notamment l'organisation de deux tables rondes en urgence, à Pîtres et à Cherbourg, afin que l'ensemble des acteurs publics concernés et les grands donneurs d'ordres – dont l'État a souvent les clés – puissent aider à la mise en œuvre d'un investissement pour l'emploi, le savoir-faire et l'outil de travail. Nous souhaitons également que soient évitées des reprises partielles, souvent fragiles. Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous transmettre d'urgence à vos services notre demande d'organiser deux tables rondes ? Il y a là une question d'emploi à laquelle il est urgent de répondre, pour notre pays et pour la Normandie.

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Comme vous l'avez bien noté, cette entreprise ne fait pas partie de celles que je suis au sein du ministère dont j'ai la charge aujourd'hui. Au nom de Bruno Le Maire et de Agnès Pannier-Runacher, qui suit ces entreprises, je vais néanmoins vous répondre. Cette filiale du groupe Manoir Industries emploie aujourd'hui, à ma connaissance, 223 salariés. Elle dispose d'un savoir-faire reconnu dans le domaine de la chaudronnerie nucléaire au service de clients stratégiques tels qu'Orano, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives – CEA – ou encore Naval Group. Comme le groupe Manoir Industries, cette filiale est victime d'un manque d'investissements qui fait suite aux difficultés rencontrées par différents actionnaires du groupe, aujourd'hui défaillants.

Dès les premières difficultés, en août 2020, Bruno Le Maire a décidé d'intervenir en finançant la recherche de repreneurs crédibles, entité par entité, par l'intermédiaire d'un prêt direct de l'État au groupe à hauteur de 15 millions d'euros. Grâce à cette intervention, une liquidation judiciaire de l'ensemble du groupe, incluant le pôle chaudronnerie avec ACPP et CTI-ACDN dans la Manche, le pôle forge de Bouzonville – dossier suivi par la députée Hélène Zannier – et le site de Pîtres, a pu être évitée de justesse.

Les services du ministère ont également mobilisé différents clients du groupe, en particulier Orano, qui a très vite soutenu l'entreprise ACPP en confirmant plusieurs contrats dans le carnet de commande et en sollicitant plusieurs de ses partenaires pour chercher une solution de reprise. De nombreuses marques d'intérêt ont été exprimées et trois projets d'industriels français sont aujourd'hui en compétition. Le tribunal pourra examiner le 11 mai prochain au moins deux offres pérennes permettant de maintenir l'activité et le savoir-faire de l'entreprise ACPP sur le territoire.

Nous mesurons bien entendu les craintes et les attentes légitimes des salariés des différents sites, dont la situation est suspendue à l'espoir que de futurs repreneurs industriels redonnent un avenir pérenne à leur site. L'État a actionné tous les leviers afin d'offrir les meilleures chances à des projets pérennes de reprise industrielle et afin de définir les meilleurs accompagnements possibles pour les salariés qui ne seraient pas repris. Le Gouvernement consacre par ailleurs un demi-milliard d'euros à la filière nucléaire dans le cadre du plan France Relance, preuve que la France entend affirmer sa place de leader dans le monde et que cette énergie occupera une place stratégique dans notre mix énergétique. Le ministre tient à redire à Sébastien Jumel et à vous-même, monsieur le député, sa mobilisation totale sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avant la crise, l'activité économique vendéenne se portait bien. Évidemment, la covid-19 a mis un coup de frein brutal à une situation enviée dans beaucoup d'autres départements. Heureusement, les aides instaurées par le Gouvernement ont été nombreuses et efficaces ! Plus de 17 000 entreprises ont pu en bénéficier, pour un montant total de 118 millions d'euros. L'activité partielle a quant à elle concerné plus de 80 000 salariés. Ces mesures de soutien et d'accompagnement ont joué un rôle déterminant dans le maintien de l'activité économique du département et de ma circonscription, quel que soit le secteur d'activité concerné. J'ai visité – et continue de visiter – de nombreuses entreprises de toutes tailles dans lesquelles les carnets de commande sont pleins et les perspectives de développement, soutenues par le plan France Relance, sont prometteuses, mais où malheureusement les problèmes de recrutement sont toujours une réalité.

Je souhaite néanmoins – c'est l'objet de mon intervention – évoquer plus particulièrement le secteur du tourisme, capital dans ma circonscription littorale qui s'étend de l'Île de Noirmoutier jusqu'aux Sables-d'Olonne. L'an dernier, les entreprises du secteur ont limité la casse, la baisse globale de leur chiffre d'affaires oscillant entre 15 % et 20 % par rapport à celui de l'année précédente. Cette année, malgré les annonces de réouverture, la reprise s'annonce plus compliquée. Deux problèmes majeurs sont identifiés.

Le premier est celui du recrutement des saisonniers. Malgré les dernières annonces d'Élisabeth Borne et de Jean-Baptiste Lemoyne, les entreprises ont toujours beaucoup de mal à trouver de la main-d'œuvre. Jusqu'à maintenant, celle-ci a en effet préféré s'orienter vers des secteurs d'activité comme la grande distribution dans lesquels, même si la situation sanitaire se dégradait, l'emploi serait très vraisemblablement maintenu, pour ne pas dire garanti.

Le second problème concerne les règles futures de réouverture avec jauges du secteur des cafés, hôtels et restaurants, dont chacun comprend qu'elles sont évidemment corrélées à la situation sanitaire. De telles conditions ne permettront pas d'atteindre les seuils de rentabilité minimaux : le maintien des aides sera donc nécessaire pour permettre de passer le cap et pour accompagner le retour à une vie normale.

C'est pourquoi j'appelle votre attention, monsieur le ministre délégué, sur ces points extrêmement importants, en prise directe avec le terrain, afin que nous puissions agir le plus efficacement possible en faveur de ces commerces qui sont le cœur battant de nos territoires.

Enfin, je ne peux pas conclure mon propos sans évoquer une situation que vous avez citée tout à l'heure : celle des discothèques, qui resteront fermées au moins jusqu'au 30 juin et qui, pour l'instant, n'ont aucune perspective au-delà de cette date.

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Vous m'interrogez sur des sujets qui me préoccupent grandement. Le département dans lequel se situe votre circonscription, la Vendée, connaît traditionnellement un taux de chômage relativement faible par rapport à d'autres départements – un taux que ma région d'origine lui envie. Depuis quelques semaines, alors que l'on parle de reprise, des secteurs qui ont été touchés depuis quelques mois – l'événementiel, le tourisme, les cafés, hôtels et restaurants – nous alertent sur leurs craintes profondes de ne pas pouvoir reprendre une activité le moment venu, faute de trouver le personnel compétent et nécessaire. C'est une préoccupation réelle dont je me souviens qu'elle était déjà exprimée en février 2020 par de nombreuses organisations patronales.

L'inadéquation entre les besoins de recrutement des entreprises et la qualification des demandeurs d'emploi, qui restent très nombreux, est une particularité de notre pays. Élisabeth Borne a demandé à Pôle Emploi de mener une action résolue à destination des personnes qui recherchent un emploi pour les orienter vers les entreprises que vous évoquiez et pour les former, grâce à des outils très puissants. J'espère très sincèrement que cette action aura des résultats.

Quant aux discothèques, j'ai indiqué à leurs représentants que j'ai rencontrés cet après-midi que nous nous engagions à leur donner le 15 juin prochain une date possible de réouverture, sous réserve bien sûr de l'évolution de la situation sanitaire. Nous allons continuer à travailler avec eux et à les accompagner car nous savons combien cette fermeture de quatorze mois pèse sur ces 1600 entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le soutien aux entreprises dans notre pays est sans précédent. En tant qu'élu parisien, j'ai pu constater combien le plan de relance avait permis d'aider de manière significative les chefs d'entreprise à faire face à la crise sanitaire. À Paris, plus de 55 000 PGE ont été signés pour un encours de 18,6 milliards d'euros ; 3,1 milliards d'euros ont été engagés par l'État pour le chômage partiel depuis mars 2020 ;1,4 milliard d'euros d'aides ont été versés au titre du fonds de solidarité à 142 516 entreprises. Ces chiffres, je veux qu'on les entende.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cependant, malgré ces aides massives, des milliers d'entreprises de ma circonscription restent fragilisées.

Citons d'abord les hôtels qui, comme le Westin dans le 1er arrondissement, dont j'ai rencontré la direction et les salariés, ont connu une année blanche. Ils vont multiplier les plans sociaux, ce qui menacera plusieurs milliers de postes malgré les aides financières reçues car le retour à la normale n'est pas espéré avant 2024.

Autre exemple : les parcs de stationnement, dont l'activité est en partie liée à ces hôtels. Les dirigeants du parking Blanche-Pigalle, dans le 9e arrondissement, entreprise familiale qui emploie quatre agents de stationnement, m'ont également fait part de leurs difficultés. Leur parking est situé au cœur de la vie nocturne parisienne et leurs principaux partenaires sont les restaurants, les théâtres, les hôtels, tous fermés depuis plusieurs mois. Pourtant, malgré une baisse significative de leur chiffre d'affaires, de 48 % en moyenne, les parcs de stationnement ne figurent pas sur les listes S1, S1 bis et S2.

Monsieur le ministre délégué, je salue les évolutions du fonds de solidarité pour les discothèques. Est-il possible de poursuivre l'adaptation des critères d'éligibilité, voire de les rendre applicables rétroactivement, sous conditions, afin de permettre aux qui ont investi à Paris de poursuivre leurs activités au sortir de la crise ?

Par ailleurs, serait-il possible d'avoir des précisions sur les aides de l'État versées aux hôteliers, aux restaurateurs et autres gérants de bar à partir du mois de juin ?

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Merci, monsieur le député, d'avoir souligné que nous avons été au rendez-vous pour soutenir les entreprises de la capitale, dont on connaît l'importance économique. Nous savons qu'à Paris et peut-être dans quelques autres grandes villes de France, il est quasiment certain que les hôtels et certains restaurants ne pourront pas bénéficier tout de suite d'une reprise économique très forte, en l'absence de la clientèle liée au tourisme, notamment au tourisme d'affaires. Il sera nécessaire de les accompagner : c'est l'engagement que nous avons pris cette semaine auprès de leurs représentants. De très nombreux restaurants vont connaître une forte reprise, d'autres moins, et nous travaillerons dans le détail pour prendre en compte ceux qui seront en difficulté. Il y aura peu de touristes étrangers cette année en France et il sera nécessaire d'accompagner les hôtels à partir du mois de mai. Pour ce mois, le fonds de solidarité sera reconduit dans les mêmes conditions qu'en avril, mais à partir de juin, ses aides seront dégressives et nous avons prévu une clause de revoyure le 31 août pour décider d'adaptations éventuelles, en fonction de la situation.

Vous avez évoqué les parkings et appelé le Gouvernement à prendre en compte leur cas. Sachez que le Gouvernement continuera d'adapter les différents dispositifs en fonction de l'évolution de la situation, pour tenir compte de tous les secteurs d'activité parce que notre économie a besoin de l'ensemble des secteurs économiques. N'oublions pas que la France fait partie des pays qui ont le mieux accompagné, sur le plan social, les salariés et les demandeurs d'emploi. Je me tiens à votre disposition, avec mes équipes, pour examiner la situation des secteurs qui seraient encore insuffisamment accompagnés ou les cas particuliers qui appellent une action spécifique.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La saison de sports d'hiver 2021 aura été une saison de misère, veillons à ce qu'elle ne devienne pas mortifère. Oui, l'État a été présent auprès des acteurs économiques à travers différents dispositifs d'aide massifs mais ce soir, je voudrais parler des oubliés. Il y a des professions qui n'ont pas encore été prises en compte : coiffeurs exerçant dans les stations de sports d'hiver, cabinets d'esthétique, travailleurs indépendants ne pouvant mettre en avant une année de référence en 2019 parce qu'ils étaient blessés, en congé maladie ou en congé maternité, repreneurs ou créateurs d'entreprise de l'année 2020. Il faut absolument trouver une solution pour tous ceux qui sont passés à côté des dispositifs.

En outre, nous avons pu constater que le dispositif de prise en charge des coûts fixes n'était pas approprié pour nos professionnels de montagne. L'Union sport & cycle, les résidences de tourisme, les centres de vacances vous ont à plusieurs reprises saisi de ce problème. Une évolution est nécessaire.

J'ajouterai que la Savoie a été fortement affectée par la non-ouverture des remontées mécaniques. Beaucoup de dossiers sont en attente auprès des services fiscaux. Leurs agents font un travail remarquable, mais je crois qu'il faudrait encore renforcer les moyens humains car les listes d'attente sont extrêmement longues.

La prochaine saison n'aura lieu qu'en décembre 2021 et pour permettre aux différents acteurs d'atteindre cette rive, il importe, de l'avis commun, de prolonger les dispositifs d'accompagnement au-delà du mois de juin prochain pour les appliquer jusqu'au mois de novembre ou de décembre. Sinon, cette saison risque fort pour beaucoup d'être mortifère : la France pourrait ne pas retrouver la première place pour les destinations de sports d'hiver qu'elle a souvent occupée.

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Monsieur le député, les sujets sur lesquels vous appelez l'attention du Gouvernement ne sont pas tous spécifiques à la montagne – je pense aux périodes de référence 2019 ou 2020, ou à la situation des créateurs ou des repreneurs d'entreprise – mais dans le temps réduit qui nous est imparti, je me concentrerai sur ceux qui le sont.

En Savoie, où je me suis rendu il y a quelques semaines, j'ai pu directement discuter avec les acteurs de la montagne et leur rendre hommage. Avec le Premier ministre, au cours de plusieurs réunions, nous avons eu des échanges constructifs avec ces hommes et ces femmes animés de la volonté de conserver tout son dynamisme à ce secteur économique qui fait partie des fiertés de notre pays.

Nous avons répondu massivement sur le plan financier pour accompagner les structures fermées, en particulier les remontées mécaniques, et je pense avoir entendu que ces dispositifs correspondaient aux attentes. Nous avons préservé les infrastructures de la montagne.

Vous évoquez la nécessité d'adapter les dispositifs à quelques situations en particulier. Nous avons décidé que la période de référence serait les six premiers mois de 2021 pour permettre une comparaison de chiffre d'affaires avec les six premiers mois de 2019. Cette globalisation, qui évitera toute difficulté liée à un mois en particulier, simplifiera les choses.

S'agissant des coiffeurs, j'ai travaillé avec des responsables de l'Union nationale des entreprises de coiffure. Il est évident que les coiffeurs travaillant dans des salons situés dans les vallées ne sont pas touchés comme ceux qui œuvrent dans les stations, qui sont peut-être en Savoie 40 ou 50 sur un total de 2 000. Nous avons demandé des dossiers pour essayer de voir si nous pouvons trouver des accompagnements spécifiques. De manière générale, nous allons prendre en compte les cas un peu particuliers, périphériques, pour répondre à la situation de l'ensemble des entreprises de la montagne.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis le début de la crise sanitaire, l'État a mobilisé d'importants moyens pour soutenir les entreprises, et je connais votre détermination en ce domaine, monsieur le ministre délégué. Pourtant, il reste certains trous dans la raquette. Je vais évoquer devant vous une entreprise qui n'a eu accès ni au fonds de solidarité ni au dispositif de prise en charge des coûts fixes. « Le quoi qu'il en coûte, c'est zéro pour nous », me disait, il y a quelques jours, son dirigeant.

Fabricant français de prêt-à-porter, l'entreprise Avona, qui se situe dans l'agglomération de Villefranche-sur-Saône, est fortement affectée par la crise sanitaire, plus particulièrement par les fermetures imposées des dix magasins de vente au détail de ses vêtements, mais aussi par la fermeture de ceux de ses clients indépendants. Alors que l'année dernière, cette entreprise s'était mobilisée rapidement pour fabriquer des masques, après avoir été contactée par vos services, elle ne bénéficie aujourd'hui d'aucune aide de l'État. Elle se sent seule : pourra-t-elle survivre ? Même si elle a de multiples activités, dont la vente au détail, elle est considérée par l'administration uniquement comme fabricant de vêtements. De ce fait, elle ne peut prétendre à aucune aide, alors qu'elle aurait pu toucher 10 000 euros par mois pour chacun des magasins fermés s'ils avaient constitué autant de sociétés différentes.

La perte de chiffre d'affaires se monte déjà à plusieurs centaines de milliers d'euros et les reports, annulations, voire l'absence de commandes accentuent cette diminution. Les pertes de chiffre d'affaires accumulées depuis mars 2020 ne pourront plus être récupérées après la réouverture des magasins d'habillement. Près de quatre-vingts à quatre-vingt-dix emplois de stylistes, de modélistes, de patronneuses, de couturières et de vendeurs sont directement menacés, sans compter les emplois indirects des prestataires. Le patron de cette entreprise n'a d'ailleurs pas pu renouveler les CDD – de cinquante salariés l'année passée. Le plus grave est sans doute de voir que deux entreprises de grossistes, qui importent leurs vêtements de l'autre bout du monde, sont pour leur part éligibles aux aides et préservent ainsi leurs emplois. N'y-a-t-il pas ici une forme d'injustice ?

Que pouvez-vous faire pour cette entreprise qui n'a jamais été soutenue depuis le premier confinement et qui risque de ne pas survivre après ce troisième confinement ? Il est temps de prendre en considération ce secteur d'activité. Soutenir nos créateurs, les fabricants français et leur donner enfin accès au fonds de solidarité, les intégrer dans la liste S1 bis et prendre en charge leurs coûts fixes de manière rétroactive. Tel est l'appel que je vous lance, monsieur le ministre délégué. Ce soir, le dirigeant et les salariés de cette entreprise attendent de vous un signe d'espoir.

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Vous savez bien que je ne vais pas vous dire ici que tout est déjà réglé. J'ai eu l'occasion de rencontrer les responsables d'un nombre considérable de secteurs et de trouver pour eux, je crois, des solutions avec Bruno Le Maire, mais je dois dire que si nous nous étions déjà penchés sur la situation des grossistes et des commerces de vêtements, personne n'avait jusqu'à maintenant appelé notre attention sur les particularités des fabricants.

Vous avez raison, on peut être surpris que les grossistes aient été soutenus alors que la production vient de l'étranger, et que la fabrication française, elle, ne l'aurait pas été.

Je m'engage auprès de vous, monsieur le député, à prendre contact dès demain avec le dirigeant d'Avona pour voir comment nous pourrions accompagner cette entreprise qui fabrique sur notre territoire, qui a joué un rôle dans le contexte de la crise sanitaire et qui, de mon point de vue, mérite d'être aidée. Je vous tiendrai informé très rapidement de la solution que nous aurons trouvée.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le Gouvernement a su répondre rapidement et massivement à l'urgence économique, dès le début de la crise du covid-19, avec toujours le même objectif : améliorer et ajuster le dispositif en fonction des remontées de terrain et en restant à l'écoute de l'ensemble des acteurs.

C'est ainsi que 470 milliards d'euros ont été mis sur la table pour soutenir les entreprises, en particulier les TPE et les PME : 1,7 million d'entreprises ont bénéficié du fonds de solidarité ; 600 000 se sont vu accorder un prêt garanti par l'État, soit une enveloppe de plus de 120 milliards ; enfin, l'exonération de cotisations sociales représente plus de 3 milliards pour les TPE et les PME qui ont été fermées administrativement.

Dans mon département de la Vendée, dont vous avez rappelé le dynamisme, le total des aides s'est élevé à plus de 435 millions d'euros, répartis de la façon suivante : 307 millions affectés à la cohésion et destinés à soutenir directement l'emploi – dont 231 millions versés au titre de l'activité partielle et, ce qui me semble très important, au plan « 1 jeune, 1 solution » qui a concerné plus de 5 000 jeunes – ; 112 millions consacrés à la compétitivité ; 15,2 millions dédiés à l'écologie et notamment MaPrimeRénov'.

Nous entrons désormais non seulement dans une phase de reconstruction, avec un plan de relance historique qui permettra de sauver de nombreuses entreprises, mais aussi dans une phase de transformation. En effet, il n'est plus possible de déverser des milliards d'euros de subventions, y compris dans des secteurs dont on sait qu'ils ne peuvent plus opérer comme avant. Il faut investir prioritairement dans les domaines les plus porteurs.

Monsieur le ministre délégué, comment peut-on continuer à adapter les aides à chaque cas individuel ? Quand des PGE ont été accordés, prévoyez-vous des modalités de remboursement ciblées pour certaines entreprises, qui pourraient se trouver encore en grande difficulté – elles sont nombreuses – et peu en mesure de rembourser les sommes prêtées ?

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Près de 700 000 entreprises ont bénéficié des PGE pour un montant de 134 milliards d'euros et l'État garantit ces prêts à hauteur de 90 %. Dès l'origine, nous avons prévu un an de différé et cinq ans pour effectuer le remboursement, puisqu'il s'agit d'un dispositif encadré au niveau européen qui prévoit une durée totale de prêt de six ans. Au regard de la durée de la crise, nous avons, avec les banques, décidé d'allonger le délai de différé à deux ans, laissant ainsi quatre années pour rembourser. De nombreuses entreprises s'interrogent sur leur capacité à le faire en quatre ans et j'ai souligné à plusieurs reprises notre volonté de négocier un allongement de ce délai. Pour rassurer les entreprises concernées, je rappelle que, pour l'instant, la première échéance n'est prévue qu'en mars-avril 2022. Je comprends néanmoins leur inquiétude.

Deuxième élément très important : au-delà des aides massives consenties, vous l'avez évoqué, il faut désormais accompagner les secteurs qui ont besoin de se transformer et mieux cibler les dispositifs. Dans un premier temps, nous viserons en priorité les secteurs qui auront du mal à reprendre leur activité : l'événementiel, les cafés, hôtels et restaurants, le secteur de la culture, les salles de sport.

Enfin, Bruno Le Maire a annoncé la mise en place d'un dispositif de prêts participatifs pour un total de 12 milliards d'euros, qui ont pour objectif d'accompagner la transformation et l'investissement des entreprises. Ces prêts participatifs, qui présentent l'avantage de ne pas être considérés comme des dettes dans les bilans des entreprises, seront naturellement affectés aux entreprises porteuses de projets d'investissement et de transformation. J'ai la certitude que ce sera un outil efficace pour accompagner la reprise souhaitée, favoriser la transformation et soutenir positivement l'investissement.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis le début de l'épidémie il y a maintenant plus d'un an, l'État a mis en place un vaste système d'aides et a globalement été au rendez-vous, la plupart des entreprises, des commerces, des indépendants ayant été soutenus grâce à des dispositifs qui se sont adaptés au fur et à mesure de la prolongation de la crise. Je le reconnais bien volontiers.

Cependant, pour certains professionnels, ces aides n'ont pas été suffisantes. C'est notamment le cas des commerçants installés dans les galeries marchandes des centres commerciaux de plus de 20 000 mètres carrés. Depuis le début de la pandémie, ces commerces ont été contraints de fermer leurs portes à trois reprises : de mars à mai 2020, en novembre 2020 et, enfin, depuis le 1er février 2021. Ils devraient normalement rouvrir le 19 mai prochain, si la situation le permet, mais ils seront alors soumis à des jauges.

Pendant les mois de fermeture, ces commerçants ont pu bénéficier du fonds de solidarité. Néanmoins, les aides n'ont pas permis de couvrir les charges fixes dont ils ont eu à s'acquitter, les obligeant ainsi à puiser dans leur trésorerie, notamment lors du premier confinement où l'indemnisation était plafonnée à 1 500 euros par mois. Ils ont en outre été exclus du dispositif d'indemnisation des coûts fixes institué en mars dernier, dans la mesure où le plancher de chiffre d'affaires pour y accéder – 1 million d'euros mensuels –, privilégie les plus grosses entreprises. Pourtant, leurs frais fixes dépassent souvent les 10 000 euros versés par le fonds de solidarité. Afin de respecter le principe d'égalité, un dispositif intermédiaire aurait dû être instauré ; il aurait fallu abaisser, voire supprimer, ce plancher de chiffre d'affaires.

La reprise de l'activité ne fera pas disparaître comme par magie les difficultés accumulées par ces commerçants tout au long de l'année 2020, bien au contraire ! Leurs trésoreries sont largement entamées, voire totalement épuisées et ils devront, dans les mois à venir, rembourser le PGE.

C'est donc aujourd'hui et demain que l'État doit être présent à leurs côtés afin que la levée des restrictions sanitaires et de l'état d'urgence ne soit pas synonyme pour eux de fermeture définitive. Comment envisagez-vous d'accompagner ces commerçants dans les mois à venir ?

Debut de section - Permalien
Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

Vous avez raison, le fonds de solidarité a considérablement évolué depuis les mois de mars-avril 2020. À l'origine, l'aide était plafonnée à un montant de 1 500 euros et limitée aux entreprises de moins de onze salariés ayant un chiffre d'affaires inférieur à 1 million d'euros. Nous l'avons fortement augmentée au mois de novembre, la portant à 10 000 euros. Enfin, depuis le mois de décembre, un double dispositif s'applique avec une aide égale soit à 10 000 euros, soit à 20 % du chiffre d'affaires. Pour les groupes les plus importants, il existe un dispositif frais fixes.

Vous évoquez le cas particulier des commerces dans les galeries marchandes des centres commerciaux. Je peux vous apporter deux éléments de réponse très précis. Nous avons décidé de prendre en charge les loyers et les charges locatives de ces commerçants qui, d'ailleurs, supportent des frais dus en grande partie à leur loyer, généralement très élevé dans ce type d'endroits. Nous devons mener – c'est en cours – une négociation spécifique sur ce sujet avec la Commission européenne. Cela prendra encore quelques semaines, mais nous comptons bien aboutir et prendre en charge les loyers et les charges locatives des commerçants concernés. Tel est notre objectif.

Je rappelle en outre que ces commerçants bénéficient de l'activité partielle, de l'exonération des cotisations sociales et du fonds de solidarité qui, aujourd'hui, leur est accessible pour un montant soit de 10 000 euros soit égal à 20 % de leur chiffre d'affaires. Avec la prise en charge des loyers, nous répondrons à leurs attentes et les accompagnerons au niveau nécessaire pour leur permettre de reprendre une activité correcte.

Quant aux jauges qui s'appliqueront, ce sont celles, classiques, dans les centres commerciaux, qui prennent en compte non le nombre de clients mais la superficie des magasins. J'ai confiance dans le fait que ces entreprises pourront, dès la reprise, exercer une activité normale.

La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle le débat sur la loi de programmation militaire et ses conséquences pour l'indépendance de la France.

La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement, et nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.

La parole est à M. Bastien Lachaud.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans son article 7, la loi de programmation militaire (LPM) de 2018 disposait que plusieurs actualisations de celle-ci seraient possibles au cours de la période 2019-2024 et qu'un ajustement devrait avoir lieu, en tout état de cause, avant la fin de l'année 2021.

La loi précise : « Ces actualisations permettront de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi, les réalisations et les moyens consacrés. » La lettre est donc on ne peut plus claire.

Pourtant, le Gouvernement a décidé qu'aucun texte spécifique ne serait voté au Parlement au titre de l'actualisation. Il a même préféré ne pas organiser de débat et c'est à l'initiative du groupe La France insoumise que nous discutons aujourd'hui de l'avenir de la défense nationale. Nous reconnaissons bien là le sens de la démocratie qui caractérise la présidence Macron !

Il y a pourtant matière à débattre. Hier, en commission, vous avez observé vous-même, madame la ministre des armées, que des ajustements devraient être apportés. Cela ne justifierait-il pas de mener une discussion large et ouverte sur les besoins et les priorités de la défense nationale ? Cela ne nécessite-t-il pas de vérifier la bonne adéquation des moyens aux fins ?

Les documents qui ont finalement été transmis à la représentation nationale délivrent un seul message : tout est sous contrôle. On nous a fourni une liste des achats, sans véritable justification. Aucune réflexion de fond, argumentée, n'est proposée sur le format des armées. Tout au plus quelques notations éparses indiquent-elles que les effectifs devraient augmenter. Mais on se garde bien de justifier les cibles d'embauche ou d'identifier le moyen de pourvoir des postes bien souvent restés vacants ces dernières années : je pense en particulier à certains dans le domaine du cyber.

On répète le mantra du modèle d'armée complet, et l'on fait mine d'ignorer que c'est une fable. Nous savons, par exemple, que nous sommes en défaut dans le domaine du transport aérien tactique. Nous répétons aussi sans cesse que l'opération Barkhane est tributaire des appareils danois et britanniques. On sait également que la LPM, telle qu'elle est conçue, n'empêchera pas certains trous capacitaires après 2023. C'est notamment le cas dans le domaine du ravitaillement en mer, et ce le sera pour les capacités amphibies – concernant ce dernier point, nous marchons vers des déconvenues, dans la mesure où le matériel en question est particulièrement utile pour aider les populations frappées par des catastrophes naturelles.

On trouve des généralités concernant le besoin de redondance ou l'épaisseur des armées, qui constituent tout de même une nouveauté en comparaison avec le rapport annexé à la LPM. Ces notions sont en nette contradiction avec la logique d'efficience qui prévalait encore il y a trois ans. Malgré tout, on nous demande d'admettre que la trajectoire budgétaire de la LPM est conforme à cette nouvelle logique.

Il est vrai que la justification de cette trajectoire était largement artificielle : il s'agissait à toute force de hisser les dépenses militaires à 2 % du PIB – quitte à placer le plus gros de la hausse des crédits après l'élection présidentielle de 2022 –, pour obéir aux desiderata otaniens de Washington. D'ailleurs, madame la ministre, vous l'avez concédé hier en commission : la crise actuelle nous a fait atteindre ces 2 % plus tôt que prévu. Vous en avez tiré, curieusement, un argument pour qu'aucun texte ne sanctionne l'actualisation de la LPM. Peut-être est-ce par crainte de voir Bercy refuser de continuer à engager des dépenses ? Je constate, pour ma part, que la réflexion avait été biaisée. En 2018, on aurait mieux fait de réfléchir aux besoins, plutôt qu'aux plafonds de dépenses !

Parmi les grands absents de la réflexion relative à l'actualisation figurent, bien sûr, les opérations extérieures (OPEX) : encore une fois, aucun bilan n'en est fait. Il a été considéré, en 2018, que le niveau de dépenses des OPEX serait fixé à 1,1 milliard d'euros et n'en bougerait plus. Nous ne sommes toujours pas d'accord : d'une part, c'est une remise en cause du principe de financement interministériel des OPEX – vous espérez peut-être, au fil du temps, qu'on oublie qu'il a existé – ; d'autre part, nous refusons de tenir pour acquis que nos armées doivent maintenir un tel niveau d'engagement à l'extérieur, d'autant que les résultats ne sont pas concluants. Ce point détermine évidemment une très grande partie du fonctionnement de nos armées ; il affecte aussi bien la préparation opérationnelle que la régénération des matériels, soumis à une usure particulière dans le théâtre sahélien.

Pour soutenir ces missions aux effets incertains, le Gouvernement vante sa capacité à mobiliser des partenaires européens. De manière générale, l'actualisation stratégique tire un bilan positif et exagérément flatteur de la coopération avec nos partenaires. Il est pourtant alarmant que les démarches de l'Allemagne pour imposer ses vues n'appellent aucune mise au point du Gouvernement. Au prétexte d'un « partage du fardeau », objectif mesquin et de courte vue, la France laisse l'Allemagne devenir, petit à petit, une nation cadre dans le domaine militaire.

Pourtant, je rappelle souvent que celle-ci a déchiré les accords de Schwerin sur le partage des compétences dans le domaine spatial, et je dois aujourd'hui vous signaler qu'elle se positionne résolument pour être leader dans ce domaine. Elle est devenue le premier financeur de l'Agence spatiale européenne, et sa contribution lui permet d'avancer dans le segment des mini-lanceurs. Or, on apprend aujourd'hui même qu'un accord aurait été trouvé afin de notifier la commande d'un démonstrateur pour l'avion de combat du futur ! Pour mémoire, le Bundestag sera appelé à voter sur un tel projet, mais pas l'Assemblée nationale. On peine à croire que cela n'ait pas d'incidence sur l'exécution de la LPM.

De façon générale, les projets les plus structurants n'ont jamais fait l'objet d'un vote au Parlement. La création d'un commandement de l'espace ? Pas de vote ! Le fait que ce commandement soit en étroite relation avec le centre de l'OTAN – Organisation du traité de l'Atlantique nord – dédié à l'espace ? Pas de vote ! Le lancement du projet de porte-avions de nouvelle génération ? Pas de vote ! Ce projet affectera-t-il la trajectoire budgétaire de la LPM ? De quelle façon ? Est-on seulement capable de le dire précisément ? On n'en saura rien.

Il en est de même des contrats d'armements. On annonce la vente de trente Rafale à l'Égypte ; on crie « hourra ! », et on passe à autre chose. Hier, je demandais si la garantie d'emprunt que la France assurait à ce contrat, passé avec un État notoirement surendetté, pouvait avoir un impact sur l'exécution de la LPM. Vous m'avez seulement répondu que l'Égypte, jusqu'à présent, n'avait jamais fait défaut. Vous n'avez pas répondu à la deuxième partie de la question : combien ces mécanismes de garantie ont-ils coûté à l'État durant ces quinze dernières années ? Peuvent-ils affecter l'exécution de la LPM ?

Au-delà de ces considérations financières, certaines questions ne peuvent être éludées. Armer la dictature du maréchal al-Sissi, est-ce une bonne chose ? Ne pas avoir obtenu de garanties en matière de droits de l'homme ; ne pas avoir obtenu la libération de prisonniers politiques, comme Ramy Shaath, est-ce une bonne chose ? Non. Le partenariat étroit que la France, sous Emmanuel Macron, entretient avec les dictatures, n'est pas de nature à garantir durablement la sécurité des Français. Il suffit de voir la montée du sentiment anti-Français dans bien des régions. Quoi que vous en disiez, madame la ministre, tout ne peut pas être imputé à la manipulation de l'information par des puissances rivales.

Pour conclure, je rappellerai que ces dernières années, les modalités de confrontation se sont multipliées, et que leur intensité s'est accrue. Nos hôpitaux ont, par exemple, fait l'objet de nombreuses attaques informatiques. Chacun voit que la compétition pour les matières premières prend un tour critique. L'emprise que certains acteurs privés – notamment les géants de l'internet, les GAFAM – conquièrent petit à petit sur nos vies est sans précédent dans l'histoire. Elle appelle une réponse extrêmement ferme des États, notamment de la France, pour garantir nos câbles sous-marins par exemple.

La situation est très dégradée, et la pandémie de covid-19 a montré l'étendue de notre dépendance aux approvisionnements extérieurs. Les conclusions que tire l'actualisation stratégique ne sont pas à la hauteur. Comme la revue stratégique, cette actualisation sert de justification à une politique de saupoudrage et de mutualisation des moyens au niveau européen, plutôt qu'à une véritable mobilisation des ressources de notre peuple – mobilisation que permettrait notamment la conscription citoyenne défendue par La France insoumise, dans laquelle environ un quart des participantes et participants, sur la base du volontariat, seraient affectés à la défense nationale. Ce serait le meilleur garant de notre résilience et de notre indépendance face aux menaces émergentes. Observez un détail sémantique qui traduit les ambitions du Gouvernement : aux notions de souveraineté nationale ou d'indépendance, les auteurs de l'actualisation stratégique ont subrepticement substitué l'expression « d'autonomie nationale ». Quel aveu !

Je vous le dis, madame la ministre : la France n'est pas un petit État pourvu d'une certaine autonomie au sein d'une fédération européenne. C'est un État souverain, et sa souveraineté réside dans son peuple – peuple qui n'existe pas au niveau européen. Sa défense doit être indépendante, et au service de son indépendance. Elle doit non s'aligner sur aucune autre puissance, mais assumer une politique de grandeur pacifique au service de l'intérêt général humain. Tel devrait être le cap ambitieux de la LPM ; tel n'est pas le cas, et l'absence de débat et de clause de revoyure nous empêche de répondre aux enjeux de notre temps. Vous portez, avec M. le Président Macron, une grande responsabilité dans ce domaine. Aussi nous interrogeons-nous sur notre capacité à défendre les intérêts de la patrie et de ses citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au-delà de la loi de programmation militaire, qui propose les budgets militaires de 2019 à 2025, c'est la question de l'armée et des militaires qui se pose. Pourquoi œuvrent-ils ? Quelle mission la nation leur confie-t-elle ?

L'indépendance française commence par des militaires qui disposent d'un équipement de base et d'une solde dûment payée – rien que cela, ce fut très compliqué à obtenir ces dernières années ! Concernant l'équipement de base, notre dépendance vis-à-vis d'autres États en matière de munitions et de fusils d'assaut est choquante. Comment ferons-nous si une crise éclate, et que nos militaires connaissent une pénurie de munitions ?

Depuis 2020, les crises qui créent des ruptures d'approvisionnement ne sont pas seulement militaires ; elles peuvent aussi être sanitaires, mixtes ou numériques. Comment pouvons-nous assurer notre souveraineté militaire, si nous ne sommes pas souverains dans notre capacité à gérer nos données numériques ? Comment faire, si nous n'avons pas d'industrie souveraine dans ces domaines fondamentaux ? Comment faire, à terme, si nos programmes capacitaires sont pris en charge par l'Union européenne, et que notre souveraineté industrielle est éparpillée au sein d'une Union incapable de parler d'une seule voix pour définir ses priorités stratégiques et diplomatiques ?

Somme toute, la seule industrie militaire qui soit quasiment à 100 % française est celle de la dissuasion nucléaire. À l'heure où l'arme atomique est remise en question au niveau mondial, où le traité sur l'interdiction des armes nucléaires est entré en vigueur, et où le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires a du mal à avancer, la France n'a-t-elle pas un train de retard ? N'est-il pas temps d'en finir avec un armement qui utilise près de 15 % du budget total de la loi de programmation militaire, et qui est sans effet ?

Il faut s'interroger sur l'utilité de l'armement nucléaire, pour lequel la France aura dépensé pas moins de 14,5 millions d'euros par jour entre 2019 et 2025. De quel droit quelques puissances s'arrogent-elles la possibilité de détruire et de dominer le monde ? Ne devrions-nous pas investir pour maintenir une industrie de défense crédible dans des armements qui serviraient à défendre le territoire français ? Les compétences techniques dans le domaine du nucléaire, et les moyens financiers qui lui sont consacrés, pourraient plutôt être mis à la disposition de la recherche, par exemple, pour développer la fusion nucléaire civile.

Pour les députés communistes, l'armée ne doit pas être déployée de manière systématique pour protéger nos intérêts géostratégiques et économiques, comme au Sahel, ou pour protéger nos secrets d'État, comme en Libye. Elle doit servir à protéger les Français : c'est ce qu'attendent les militaires. Les gouvernements lancent l'armée dans des guerres depuis les décolonisations ; ce n'est plus acceptable, ni pour les autres peuples, ni pour le peuple français, ni pour les militaires qui perdent trop de camarades sans comprendre les véritables objectifs de leur action. Or, comment protège-t-on les Français ? En surveillant nos frontières maritimes et terrestres. Que dire, également, des moyens du renseignement, autre gage de souveraineté ?

Notre appartenance à l'OTAN est également problématique pour notre souveraineté. Elle nous oblige à déployer nos militaires sur des théâtres d'opérations, qui ne sont pas forcément ceux que souhaite le peuple français. En sortant de l'OTAN, nous aurions davantage de moyens pour protéger notre territoire. Nous possédons le deuxième plus grand espace maritime du monde – nous avons de quoi faire ! Pourtant, en comparaison avec ce que nous dépensons pour l'arme nucléaire, nous n'avons rien pour protéger les eaux françaises contre la piraterie, la pêche illégale ou les dégradations environnementales. Il en est de même pour nos frontières terrestres : les militaires qui défendent la frontière en Guyane, par exemple, et qui luttent contre l'orpaillage illégal, pourraient bénéficier d'importants moyens supplémentaires.

Les députés communistes ont dénoncé votre loi de programmation, parce qu'elle ne répondait pas assez bien aux véritables besoins des soldats, et qu'elle collait trop aux exigences de l'OTAN. Il est grand temps de remettre les choses en place, et de se poser les véritables questions de souveraineté, qu'elle soit militaire ou civile. C'est à ce prix que nous pourrions nous définir comme une grande puissance.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. David Habib applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À quoi sert une loi de programmation militaire ? L'article 34 de la Constitution apporte une première réponse, en disposant que les lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État. La pratique de ces lois témoigne de l'intérêt de cet outil. Depuis 1960 et la première loi de programme militaire, qui, en cinq articles seulement, définissait la force de dissuasion, les lois de programme et de programmation se succèdent. Elles fixent, sur des périodes de cinq à sept ans, des objectifs suffisamment proches pour engager l'action, et suffisamment éloignés pour les inscrire dans le temps long. Elles sont devenues le creuset d'où émerge la politique de défense, cette adaptation choisie de nos moyens aux ambitions stratégiques de la nation. C'est aussi dans ces lois que se forge le consensus transpartisan qui fait de nos armées un outil démocratique, au service de la protection de nos concitoyens et de la défense de nos intérêts dans le monde. C'est une chance pour notre république.

Qu'a fait la majorité depuis 2017 ? La revue stratégique, publiée à l'automne 2017, a précisé le contexte sécuritaire et les objectifs stratégiques à atteindre. Le Gouvernement en a tiré les conséquences dans une LPM 2019-2025, promulguée le 13 juillet 2018. En déclinant les moyens nécessaires, dont la France devait se doter d'ici à 2025, nous avons assumé une rupture historique, celle de la remontée en puissance de nos forces armées.

Au cours de ces travaux, le Parlement a veillé à ce que son rôle de contrôle des engagements pris soit reconnu en votant un exercice d'actualisation dont l'un des rendez-vous est prévu avant la fin de l'année 2021 – nous y sommes.

Or, que constatons-nous ? D'abord que, pour respecter le rendez-vous fixé, le Gouvernement a lancé en 2020 une actualisation de sa revue stratégique. Quelles sont ses conclusions ? Les tendances identifiées en 2017 restent d'actualité : l'horizon de certains risques se rapproche et certaines menaces s'intensifient. Cette actualisation entérine tous les fondements de la LPM que nous exécutons depuis 2019. Les travaux de la commission que je préside le confirment. Nous constatons ensuite que la volonté politique n'a pas varié depuis le début de l'exécution de la LPM : les deux premières années ont été exécutées à l'euro près et nous avons voté un budget pour 2021 conforme à la programmation. L'effort de défense se poursuit à la hauteur des enjeux que nous avons à affronter. L'exécution de la LPM nous permet de réparer nos forces armées, d'accélérer les programmes d'équipements, d'investir dans leur maintien en condition et d'améliorer la vie des militaires, comme nous le souhaitions tous.

Le constat est donc simple : aucun élément de contexte, aucune défaillance d'exécution ne remet en cause ce que nous avons voté.

Madame la ministre des armées, vous avez annoncé, le 19 février dernier, que le Gouvernement n'identifiait aucun besoin législatif nouveau à l'issue de ces travaux prospectifs et budgétaires. Vous nous l'avez rappelé avec conviction, hier, en détaillant les raisons qui justifient ce choix. Nous en prenons acte. L'actualisation de la loi relative au renseignement et le projet de loi de finances pour 2022 suffisent aux besoins législatifs immédiats identifiés par le Gouvernement. J'en suis pour ma part convaincue. Le rendez-vous prévu en 2021 est donc satisfait, le cap confirmé, vous l'avez dit, et la barre tenue. La majorité a prouvé sa détermination à réparer nos armées et à répondre aux défis militaires de notre temps. Notre bilan, depuis 2017, est, en la matière, remarquable et remarqué – et, avec le recul, il sera historique.

Que nous reste-t-il à faire ? Nous devons aller plus loin, c'est tout le sens du travail que nous entamons avec les auditions des principaux responsables civils et militaires concernés, en y associant les experts, les industriels et les partenaires étrangers. Ce cycle a pour but d'élargir notre prise en considération collective des enjeux de défense, d'éclairer nos concitoyens sur la pertinence des choix effectués. Lorsqu'il sera terminé, il y aura du sens à ce que le Gouvernement fasse devant nous une déclaration suivie d'un débat, de manière à conforter le consensus dont la politique de défense a besoin.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mais ne nous y trompons pas : de graves défis restent à affronter. Ainsi, la fin de la crise sanitaire se profile, tout comme ses conséquences économiques et budgétaires, bien qu'il soit encore trop tôt pour les évaluer précisément. Lorsque nous commencerons à y voir plus clair, la question du maintien de notre effort de défense se posera et cela, sans doute, avant 2025. L'enjeu d'actualisation sera alors tout autre.

Ma conviction est faite : sans une exécution scrupuleuse de la LPM 2019-2025 et sans la poursuite voire l'amplification de cet effort au-delà de 2025 pour réaliser l'Ambition 2030, nous risquons le déclassement stratégique. Nous ne pouvons nous y résoudre.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ces perspectives fixent donc une finalité au débat : sensibiliser dès à présent nos concitoyens aux efforts qu'il nous faudra consentir demain.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite rappeler en préambule les termes de la lettre des députés du groupe Les Républicains de la commission de la défense nationale et des forces armées, adressée à la présidente de ladite commission, sur le refus de se conforter aux dispositions de la loi de programmation militaire, notamment à son article 7, en ne programmant pas l'actualisation de cette dernière avant la fin de cette année 2021 : une position rappelée hier par le vice-président de la commission Charles de la Verpillière, membre du groupe LR, lors de votre audition par la commission, madame la ministre. Il est en effet paradoxal que vous déclariez que l'actualisation stratégique, d'une part, et le retour d'expérience du terrain, d'autre part, nécessitent des ajustements capacitaires dans trois grands domaines pour renforcer notre capacité à agir dans les conflits à venir, notamment les conflits hybrides, sans pour autant examiner l'actualisation nécessaire de la LPM.

Il est ainsi plus que jamais nécessaire que la commission de la défense – mais aussi l'ensemble du Parlement – soit parfaitement informée des options envisagées par le Gouvernement. En d'autres termes, la position de ce dernier n'engage que lui et n'empêche pas qu'un débat ait lieu en commission mais aussi dans l'hémicycle. Vous avez d'ailleurs vous-même rappelé que cet exercice devait être un sujet important de débat public.

J'ajoute que les très nombreux communiqués de presse de votre ministère, mentionnant vos déplacements à travers le pays et dans les sites industriels, contiennent des annonces diverses et variées qui jettent le trouble quant à leur adéquation avec la LPM. Si la LPM est un cadre prospectif indispensable qui permet de fixer un cap, de mobiliser nos forces armées et nos forces économiques suivant un schéma au temps long, le monde est quant à lui en perpétuel mouvement avec des crises sanitaires, économiques, des théâtres de conflits en constante évolution.

Or l'ambition de maintenir notre indépendance repose sur une réponse appropriée à ce mouvement permanent, à travers, d'une part, notre capacité à anticiper les crises et à y faire face dans l'urgence et, d'autre part, à travers notre capacité à accompagner les acteurs de la défense, parmi lesquels les acteurs économiques, pour qui la recherche, le développement et la mise en production nécessitent des solutions appropriées et dans un temps court. Je prendrai deux exemples.

Le premier est un rendez-vous manqué dont les effets ont été cruellement mis en exergue lors de la crise sanitaire. En effet, en 2016, la pharmacie centrale des armées tirait la sonnette d'alarme concernant la pénurie de principes actifs nécessaires à la fabrication de vaccins pour nos militaires – ces mêmes principes actifs étant utilisés pour la population. Il y a donc cinq ans, j'ai alerté les ministères de la défense et de l'économie sur les risques majeurs d'une délocalisation historique de la production de 80 % des substances pharmaceutiques actives utilisées en Europe et fabriquées hors UE, principalement en Chine et en Inde, alors que 80 % du marché pharmaceutique se concentraient sur la zone USA, UE et Japon. Les risques étaient alors déjà bien identifiés : pénurie, situation géopolitique, recours à la préférence nationale en temps de crise, risques naturels, contraintes réglementaires, environnementales et pharmaceutiques, aléas économiques, risques de sécurité du fait d'un déficit de qualité, défaut d'inspection ou falsification intentionnelle… Malgré cette alerte, aucune réponse ! Et, aujourd'hui, le Gouvernement semble découvrir ce problème et injecte des dizaines de millions d'euros pour tenter de restaurer notre souveraineté sanitaire.

Le second exemple colle à l'actualité et concerne l'arme du futur : le laser. Nous avons dans ce domaine un fleuron national avec une entreprise loirétaine qui vient de démontrer devant la direction générale de l'armement et l'Agence de l'innovation de défense, au centre d'essais de Biscarrosse, l'opérabilité de son système anti-drones. Les besoins de cette technologie et ses applications pour nos armées et pour la sécurité intérieure sont évidents. Nous sommes en ce moment à la pointe en la matière, mais qu'en sera-t-il dès demain si l'investissement nécessaire pour passer à l'étape de la production n'est pas engagé ? La décision est à prendre aujourd'hui si nous voulons rester dans la course, être présents sur un marché très prometteur et, surtout, si nous ne voulons pas dépendre demain d'une technologie étrangère.

Voilà deux exemples des limites de la LPM et surtout de la volonté des gouvernements successifs à se projeter et à anticiper, à travers des investissements, avec les conséquences qu'une telle attitude entraîne quant à notre indépendance.

Enfin, les parlementaires maillent le territoire et ont une connaissance fine du tissu économique. Ils alertent et épaulent le Gouvernement, mais encore faut-il qu'ils soient suffisamment entendus, et encore faut-il disposer des moyens d'une actualisation des débats. Un monde en mouvement nécessite des institutions organisées pour être très réactives. C'est en particulier à ces conditions que l'indépendance de la France pourra être sauvegardée.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il y a trois ans, en 2018, nous adoptions ici la loi de programmation militaire la plus ambitieuse depuis vingt ans. Pour la première fois depuis que ceux qui nous ont précédés ont voulu récolter les dividendes de la paix, un effort significatif était fait en faveur de nos armées. C'est simple : la précédente LPM proposait pour 2017 un budget de la défense de 31,4 milliards d'euros. Or même après l'actualisation de 2015, à cause des attentats, l'augmentation du budget était poussive, puisque de moins de 1 % par an, soit un budget de 32,5 milliards d'euros.

Après la revue stratégique de 2017, le choix a été fait d'un réinvestissement sérieux pour conserver un modèle d'armée complet afin de répondre à tout le spectre des menaces. Il a donc été prévu une augmentation de presque 5 % par an afin d'atteindre en 2021 un budget de 39,2 milliards d'euros. Cette augmentation considérable se voulait à hauteur d'homme, sincère et réaliste, apportant un intérêt accru aux militaires et à leurs familles, ainsi qu'à l'amélioration du quotidien du soldat. Ainsi, les petits équipements ont été améliorés, des programmes de grands équipements ont été confirmés ou annoncés comme le successeur du Charles de Gaulle.

Cette annonce, qui nous oblige jusqu'à la fin du siècle, doit nous rappeler l'excellence de notre industrie nationale et notre capacité à construire n'importe quel programme de manière autonome. Cette autonomie est le gage de notre indépendance nationale, ce que la pandémie nous a bien rappelé. Certains secteurs industriels stratégiques nous sont vitaux. À ce titre, si la coopération européenne peut être bonne, elle ne doit pas se faire à n'importe quel prix ni faire oublier que l'industrie de défense est rentable et non délocalisable. Il faut donc se réjouir qu'elle se porte bien, alors que le contexte économique et géostratégique a rarement été aussi sombre.

En effet, depuis 2018, les oppositions entre grandes puissances se sont faites plus nettes et les moyens de puissance s'enhardissent. Il suffit d'observer la Turquie et l'Iran. Même chez nos voisins : les Britanniques se dirigent vers un nouveau modèle d'armée complètement futuriste et augmentent leurs stocks d'armes nucléaires, une première depuis la fin de la guerre froide. Or, si le Royaume-Uni n'est pas une menace pour nous, sa démarche reste intéressante.

Je ne vous referai pas ici l'Actualisation stratégique 2021 dont vous avez déjà eu l'occasion de prendre connaissance. Mais, au regard des constats qu'elle fait concernant la persistance et l'hybridation des menaces ou le durcissement des logiques de puissance, il faut saluer la pertinence de ce qui avait été prévu et la remontée en puissance que nous avons votée. Où en serions-nous aujourd'hui sans cela ? Pourtant, ces jours-ci, on peut lire des tribunes préconisant ce que l'armée devrait faire ou pas ; des tribunes foisonnant de « y a qu'à, faut qu'on » prospèrent dans le marasme et alors qu'on alimente la peur et le doute. Et il y a cette tribune, celle de l'Assemblée nationale, là où nous, représentants du peuple, sommes à même de retranscrire la vérité des chiffres et des choses et de ce qui va dans le bon sens. Mais combien de médias, combien de concitoyens relayeront ce message ? Il est plus vendeur de rechercher éternellement des coupables que de rechercher des solutions, plus rentable de vendre des peurs du lendemain que de travailler aux lendemains sans peur.

Avant de conclure, qu'il me soit permis de signaler, puisque nous sommes en semaine de contrôle, un regret quant à l'énergie dépensée, lors de l'examen de la LPM, sur le rapport annexé. Nous avons été nombreux sur ces bancs à avoir amendé cette partie du texte avec passion, mais force est de constater que ces amendements ont été suivis de bien peu d'effet. Vous me pardonnerez de prendre pour exemple l'un de mes propres amendements, mais il concernait les réservistes qui font précisément l'objet d'une mission d'information de la commission de la défense, que je mène avec notre collègue Jean-François Parigi. Il s'agissait de mettre en œuvre la numérisation de l'information et de la gestion de l'activité des réservistes des armées par le biais d'un portail internet. Or, depuis trois ans, presque rien n'a changé.

Voici, chers collègues, madame la ministre, ce que les députés du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés ont souhaité dire pour poser les termes du débat. Je soulignerai pour conclure l'immense effort national qui est fait et qui reste à faire, au bénéfice de nos armées en ces temps difficiles, car il est indispensable que nos soldats ressentent la très grande confiance que les Français leur accordent ainsi que le soutien sans faille de leurs représentants, sans qu'ils soient mêlés ou assimilés à quelque polémique que ce soit.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Face aux enjeux de l'accroissement des tensions internationales et de la montée des puissances régionales, il est devenu indispensable de faire évoluer notre conception stricte de l'intérêt national en matière de défense, en faisant en sorte que des coopérations bien pensées – tant au niveau opérationnel et capacitaire qu'en matière industrielle – deviennent un élément structurant pour assurer notre indépendance à long terme. La loi de programmation militaire apporte plusieurs avancées sur ces deux points, même si cette tendance reste à confirmer d'ici à 2025.

En matière opérationnelle, face à la présence parfois persistante de trous capacitaires au sein de nos appareils militaires, le recours aux coopérations avec les États européens et étrangers partenaires a permis, jusqu'à présent, aux missions et opérations extérieures de la France de se poursuivre et d'être menées à leur terme : ces coopérations entre alliés ont permis d'assurer la continuité des missions de nos forces armées. Il est devenu impérieux de remédier aux trous capacitaires, notamment concernant la flotte de défense aérienne. Je songe en particulier à l'Airbus A400M Atlas ou aux appareils MRTT – multi role tanker transport –, pour lesquels la France est obligée de recourir à des ressources externes, pour les transports stratégiques comme tactiques. Le rapport de François Cornut-Gentille sur le projet de loi de finances pour 2018 reconnaissait « l'appui déterminant des moyens de surveillance et de ravitaillement en vol apportés notamment par les États-Unis, sans lesquels un grand nombre de nos opérations ne seraient pas possibles ». Des investissements et un budget conséquents sont plus que jamais nécessaires pour remédier aux trous capacitaires. Dans quelle mesure la LMP le permet-elle ?

Il convient également d'intégrer pleinement la coopération industrielle avec nos partenaires européens en tant qu'élément structurant de défense de nos intérêts nationaux, qui passent désormais nécessairement par le développement d'une véritable autonomie stratégique et d'une base industrielle et technologique de défense européennes. Cela implique le développement de matériel militaire en commun : la loi de programmation militaire y contribue.

S'agissant des coopérations industrielles, on observe l'amorce d'une dynamique nouvelle : la coopération européenne est devenue partie intégrante de la politique française et doit désormais être pleinement associée à la stratégie de défense nationale. La France doit jouer un rôle central en faveur d'une convergence européenne. Pour cela, nous devons être irréprochables dans notre effort d'investissement et de recherche. La loi de programmation dispose que l'avènement d'une véritable base industrielle et technologique de défense européenne constitue un enjeu essentiel pour l'industrie française de défense, car elle permettra de mutualiser tous les développements de nouveaux systèmes sur la base des besoins convergents entre les États membres. Le défi à relever est immense du fait des divergences existantes, y compris entre la France et l'Allemagne. Comment le Gouvernement entend-il préserver son autonomie stratégique tout en favorisant l'émergence d'une défense commune, adossée à une base industrielle et de défense européenne en formation ?

La France, avec le soutien de ses partenaires européens, doit créer une nouvelle dynamique pour moderniser l'armée et s'engager dans les domaines d'avenir, comme la transition écologique. Les actions de recherche et de développement en la matière doivent être envisagées et mises en œuvre à l'échelle européenne : un réel changement ne peut être envisagé sans nos partenaires et il est plus qu'urgent que l'Union européenne se positionne sur cette question, afin d'affirmer sa place et de maintenir son indépendance. La coopération avec nos partenaires européens et la définition d'une véritable autonomie stratégique européenne devraient donc s'imposer comme horizon de la modernisation et de la réforme des armées à venir.

La mission d'information sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des armées a rendu ce matin le premier rapport de l'Assemblée nationale sur cette question. J'espère que vous en prendrez connaissance, madame la ministre : la loi de programmation militaire devrait traiter de ce thème, qui me semble soulever de grands enjeux stratégiques, à l'échelle européenne comme mondiale. Il importe, bien évidemment, que la France puisse être en pointe dans ce domaine, y compris sur les plans géopolitique et géostratégique. J'invite tous nos collègues à prendre connaissance de ce rapport, qui est le fruit d'un travail de six mois et me semble répondre à plusieurs des questions qui s'expriment actuellement.

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous sommes réunis ce soir pour débattre de l'un des engagements les plus importants du quinquennat : l'effort de défense et sa contribution à notre souveraineté nationale. L'indépendance de la France repose sur bien des aspects : la performance de sa recherche, la solidité de son économie, la soutenabilité de sa dette, la force de son agriculture, la finesse de sa diplomatie, et tant d'autres. L'outil de défense n'en est qu'un aspect, mais il demeure majeur, car il donne force et crédibilité à la voix de notre pays, en lui donnant une capacité d'appréciation et d'action indépendante.

Avant de commencer, je veux bien entendu rendre hommage à la force de l'engagement de nos militaires. Leur dévouement nous honore autant qu'il nous oblige. Il nous impose, en particulier, de sortir des postures et des certitudes, d'oser l'audace, bref : de débattre. J'ai également une pensée pour Olivier Dubois, journaliste français dont nous avons appris ce jour la prise en otage par le GSIM – Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans – au Mali.

Pour en revenir à la loi de programmation militaire, la crise sanitaire a montré qu'au XXIe siècle, la surprise stratégique existe toujours et que lorsqu'elle frappe, seules deux solutions existent : être prêt et encaisser le choc, ou ne pas l'être et le subir en tentant de limiter au maximum ses effets, ce qui se révèle long et coûteux pour la nation. Cette crise est un accélérateur des tendances bien identifiées dans la revue stratégique de 2017. Ces derniers mois, les logiques de confrontations indirectes se multiplient – exercices miliaires hostiles, guerre informationnelle, compétition technologique, diplomatie agressive –, laissant craindre que le monde post-covid soit encore plus instable et dangereux que celui d'avant. En toile de fond, la confrontation sino-américaine, la lutte contre les fondamentalismes, la nécessité de renforcer des États faibles ou faillis, les ruptures technologiques d'ampleur et le dérèglement climatique perdurent.

Cette crise a également révélé certaines des fragilités structurelles de la France et, plus globalement, celles qui sont parfois associées aux démocraties. Elle nous a fait redécouvrir le besoin de protéger l'intégralité du territoire national. Elle pourrait n'être qu'un avant-goût d'autres crises d'ampleur, encore plus graves, et pas nécessairement couvertes par notre capacité de dissuasion, qu'il s'agisse d'un conflit majeur ou d'un incident cyber, climatique, technologique, ou énergétique. Elle offre l'occasion d'une prise de conscience que nous devons saisir : nous devons d'urgence nous interroger sur les moyens de renforcer notre résilience nationale.

Nous voilà donc engagés dans une course contre la montre : d'un côté, le monde s'affole et s'ensauvage ; de l'autre, nous devons mener tambour battant une remontée en puissance de notre appareil militaire, mais également repenser nos moyens de résilience, y compris au plus près des territoires. Quatre ans après avoir lancé une politique volontariste décidée par le Président de la République, déclinée par vous, madame la ministre, et validée par le Parlement, la France a engagé le renouveau de ses forces : en quatre ans, ce sont 140 milliards d'euros, soit 2 000 euros par Français, qui ont été consacrés à la défense nationale et aux forces armées, dont 18 milliards de ressources nouvelles depuis 2017. Cet effort sans précédent, consenti dans un contexte de crise sociale et sanitaire, mérite d'être reconnu et salué, tout autant que son exécution à l'euro près.

Ces investissements étaient nécessaires, mais ils ne nous dispensent bien sûr pas d'une réflexion stratégique plus profonde au plan politique – bien au contraire. Regardons ce que font nos voisins proches. Prenons l'exemple de l'integrated review, qui répond certes aux préoccupations britanniques, mais demeure riche d'enseignements, tant elle a su dépasser des postulats solidement ancrés : outre-Manche, nos alliés s'affranchissent des logiques expéditionnaires conventionnelles et font le choix de réinvestir les global commands, lieux privilégiés des actions grises, où règne la puissance désinhibée permise par une interaction forte entre les secteurs privé et militaire. Nos points communs avec les Britanniques, mais aussi notre géographie différente, à la fois insulaire et continentale, nous imposent de challenger cette vision.

Je conclurai donc en énumérant quelques axes d'effort, en complément de ceux que vous avez annoncés hier devant la commission de la défense nationale et des forces armées, madame la ministre. Premièrement, il faut réinterroger la capacité de notre pays à faire face à un choc dans le temps long. La création d'une fonction stratégique résiliente, que nous appelons de nos vœux, est une excellente nouvelle. Nous souhaitons obtenir des précisions à son sujet et être éventuellement associés à sa définition.

Deuxièmement, nous devons en permanence nous interroger sur la masse des moyens disponibles. S'agissant des moyens humains, une réflexion plus poussée sur la réserve pourrait être utilement menée, en complément de la mission d'information portant sur ce sujet. Pour ce qui est des moyens matériels, nous devons veiller à la quantité des moyens de base, notamment en matière de mobilité, afin de réparer les effets négatifs de la PEGP, la politique d'emploi et de gestion des parcs.

Enfin, l'effort consenti dans le cadre de la LPM ne doit pas seulement être l'occasion de gagner en tonnage et en blindage, mais bien de chercher de nouvelles priorités à même de décupler l'effet de nos capacités. La donnée, voilà ce qui changera la donne : le command and control doit focaliser notre attention. Voici quelques éléments de réflexion dont nous souhaitions vous faire part.

M. Philippe Michel-Kleisbauer applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Disons-le clairement : la loi relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 constitue, après des décennies de lacunes budgétaires, d'abandons capacitaires et de réductions en moyens humains, une loi satisfaisante permettant de réparer les erreurs du passé tout en préparant l'avenir. C'est bien là ce que nous devons à tous les militaires et à leurs familles. Les députés du groupe UDI et indépendants saluent donc le travail réalisé pour juguler l'hémorragie capacitaire, ainsi que l'énergie que vous avez déployée pour que la parole donnée ne soit pas bafouée. Alors que depuis 1985 aucune loi de programmation militaire n'a été respectée, l'exécution de la présente LPM constitue, pour l'heure, un signal fort envoyé aux armées et aux militaires, qui ont vu pendant trop longtemps les budgets et les moyens promis varier au gré des événements.

Si nous saluons ces différents points, nous regrettons – j'ai eu l'occasion de vous l'indiquer en commission – qu'aucune actualisation législative de la LPM ne soit prévue avant la fin de l'année 2021, contrairement à ce que prévoyait pourtant l'article 7 du texte. Cela est d'autant plus dommageable que les constats et les orientations figurant dans la revue stratégique de 2017, sur lesquels fut fondée la loi de programmation militaire, ont évolué depuis quatre ans : la situation géostratégique s'est profondément modifiée, le niveau de conflictualité dans le monde s'est accru et la compétition entre grandes puissances n'a cessé de s'intensifier. Les puissances militaires russe et chinoise, qui poursuivent leur montée en puissance, n'hésitent plus à imposer leurs vues et leurs intérêts par le rapport de force et la politique du fait accompli. D'autres pays, comme l'Iran et la Turquie, se saisissent de toutes les opportunités stratégiques se présentant à eux pour conforter leur statut de puissance régionale et pour avancer leurs intérêts, même si cela doit passer par le piétinement des normes internationales ou d'alliances nouées depuis des décennies.

De même, pour paraphraser les propos du général Thierry Burkhard, l'Europe est aujourd'hui « cernée » par « la militarisation sans complexe du monde » et a vu éclater à ses portes de véritables conflits armés engageant des moyens lourds. À ce titre, l'hypothèse selon laquelle la France sera prochainement engagée dans des conflits de haute intensité face à des adversaires disposant de moyens sophistiqués, loin des conflits asymétriques que nous connaissons, devient malheureusement de plus en plus probable. Si ces nouvelles menaces et ces risques ont été décrits au sein de l'Actualisation stratégique 2021, nous aurions souhaité que ce document serve de cadre à une actualisation législative de la LPM, tout comme nous aurions souhaité que le Parlement ne soit pas écarté de l'élaboration de cette politique publique majeure qu'est la défense de la nation.

Face aux dangers qui menacent notre pays, le format d'armée édicté par le Livre blanc de 2013 est-il encore pertinent ? Les trous capacitaires qui nous affectent seront-ils rapidement comblés ? Le moment venu, nos soldats seront-ils opérationnels et leurs équipements disponibles ? Enfin, serons-nous capables de contrôler et de défendre notre ZEE – zone économique exclusive – face à l'appétit grandissant des puissances étrangères ? Alors que la défense constitue l'assurance vie de notre nation et la garantie que nos concitoyens pourront continuer à vivre libres, le groupe UDI-I espère que la vision purement comptable animée par les exigences du moment, qui a fait tant de mal à nos armées par le passé, ne reprendra pas le dessus.

Si l'objectif de la France de porter ses efforts de défense à 2 % du PIB est d'ores et déjà atteint, comme nous l'a d'ailleurs rappelé le rapporteur général du budget lors de l'examen du plan de relance, il va sans dire que ces indicateurs ne signifient plus grand-chose aujourd'hui et qu'il serait particulièrement dangereux d'en faire l'alpha et l'oméga pour définir les crédits budgétaires à venir.

La seule question qui mérite d'être posée est la suivante : nos besoins en matière de défense sont-ils ou non couverts afin que nous soyons prêts à faire face à tous les scénarios qui pourraient se présenter, qu'ils soient de basse ou de haute intensité, sur le territoire national ou à l'extérieur de nos frontières ?

Ces regrets et ces craintes étant exprimés, notre groupe remercie les députés de la France insoumise d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour, ainsi que notre présidente de commission, Françoise Dumas, pour tous les travaux que cette commission continuera à mener sur tous les sujets qui se rattachent, de près ou de loin, à la LPM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je veux moi aussi rendre hommage à nos collègues de La France insoumise pour avoir inscrit, dans le cadre de leur niche parlementaire, ce débat qui me semble indispensable – tout le monde s'accorde à le reconnaître.

Permettez-moi de saluer également l'excellent climat qui règne au sein de la commission de la défense nationale et des forces armées ainsi que la qualité des travaux qui s'y déroulent. L'action de la présidente Françoise Dumas n'y est pas étrangère, mais je pense que vos venues régulières, madame la ministre, ne le sont pas non plus.

Je me réjouis comme vous tous de voir revenir dans l'hémicycle ce sujet tellement crucial qu'est la défense nationale. N'oublions pas que nous parlons sous le regard de la nation tout entière, de la France et des militaires qui attendent beaucoup de nous.

Les sources d'instabilité à l'échelle du monde se sont dramatiquement accrues ces dernières années. Face à ces risques parfois inédits, presque inimaginables il y a quelques années seulement, nous devons penser dès aujourd'hui les conditions de notre indépendance – encore et toujours l'indépendance ! Elle repose sur deux bras armés : d'une part, l'autonomie stratégique, c'est-à-dire la maîtrise absolue de nos choix d'action ; d'autre part, notre souveraineté budgétaire.

Je dois commencer par saluer, en cette troisième année, le respect de la trajectoire prévue pour l'exécution de la loi de programmation. L'engagement budgétaire du ministère pour les militaires est sur la bonne voie, même si l'essentiel des hausses du budget des armées repose sur les années 2023 à 2025. Je me demande si cette trajectoire sera conservée, surtout compte tenu de la crise.

Contrairement à ce qui était prévu, vous avez renoncé à la clause de revoyure législative, pourtant prévue dans la LPM. Mais ce soir, d'une certaine manière, nous sommes en train de revoir la copie. Ce rendez-vous, non pas manqué mais annulé par le Gouvernement, ne doit pas nous empêcher de débattre de l'armée française de demain. Elle seule nous permettra d'assurer notre indépendance pleine et entière.

Ne nous y trompons pas : être indépendant ne signifie pas être solitaire. Pourtant, un constat net s'impose à nous : la France est souvent bien seule, l'actualité le montre encore. Notre lutte au Sahel est marquée par la détermination de nos troupes et par l'absence de nos voisins. Les morts se comptent surtout au sein de nos rangs : deux soldats français sont déjà morts au combat depuis le début de cette année.

Madame la ministre, à la veille de la présidence française de l'Union européenne, comment inciter nos voisins européens à se mobiliser réellement – sur le plan humain, financier et diplomatique ? N'oublions pas que notre pays se trouve dans une situation particulière. Il n'est pas le bouclier d'un seul peuple mais de tous les peuples européens. À cet égard, depuis le Brexit, nous sommes les seuls à défendre la dissuasion nucléaire pour l'Union européenne. Cette dissuasion, garante de notre indépendance, constitue un avantage dont jouit toute l'Union.

Il nous faut donc nous doter des moyens permettant de jouer pleinement ce rôle et d'être à la hauteur de ces défis. J'en arrive à un enjeu essentiel : l'indépendance à l'ère du numérique. Lors de chaque débat, la cyberdéfense est affichée comme une priorité. Cependant, si les annonces sont nombreuses, on note pour l'instant relativement peu de résultats. Nous sommes en retard là où il serait crucial d'être en avance.

Alors que nous sommes à la recherche de notre influence perdue, la loi de programmation militaire, en l'état actuel, ne nous mènera pas au temps retrouvé d'une indépendance complète. La France se tient à l'ombre des autres membres du Conseil de sécurité qui se dote de capacités offensives et défensives en la matière.

Cependant, on a souvent dit que la France avait toujours eu une querelle d'avance et une guerre de retard. Madame la ministre, la cyberdéfense risque de devenir l'étrange défaite du XXIe siècle pour notre pays. Je la qualifie d'étrange car elle pourrait se manifester sans que la France déploie ses moyens pour lutter.

Je salue l'action de votre ministère concernant le recrutement de 27 000 personnes en 2021, notamment dans le domaine de la cyberdéfense. Mais nous devrions porter en priorité nos efforts sur l'industrie de pointe. Comment comptez-vous rectifier le tir pour permettre de protéger nos intérêts et nos systèmes d'information dans le cyberespace ? N'y aurait-il pas quelques précieux subsides à glaner et à récupérer auprès de l'OTAN ? Je me demande d'ailleurs toujours ce que nous pouvons bien y faire, étant donné que nous y comptons des ennemis déclarés et déterminés.

Un constat analogue pourrait être fait s'agissant de la cybersécurité. Notre retard en matière de drone militaire est saisissant, à l'heure où la Turquie en a déjà déployé des centaines depuis les années 2000 et où la Chine et Israël ont réussi à en devenir les premiers exportateurs.

Comment redonner un nouveau souffle à nos objectifs numériques ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En la matière, nous avons besoin d'oser. Je n'hésiterai donc pas à rappeler cette célèbre phrase lancée à l'Assemblée par Danton en soutien à l'armée lors de la bataille de Valmy : « De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et la France est sauvée. »

Sourires.

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Avant d'aborder le sujet qui est au cœur de notre débat, je voudrais rendre hommage à la mémoire d'un de nos policiers dont nous avons appris ce soir qu'il avait été mortellement blessé en intervention à Avignon. J'adresse mes pensées à sa famille, à ses proches et à ses collègues de la police nationale, à nouveau endeuillée.

Il y a près de trois ans, ici-même, vous avez approuvé à une très large majorité la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025. Ensemble, nous avions choisi l'ambition de la remontée en puissance de nos armées, conscients qu'il s'agissait de la seule voie pour garantir la défense des Français demain. Nous construisons les armées des cinquante prochaines années.

Vous le savez aussi bien que moi, bâtir et entretenir un outil militaire est un travail de long terme. C'est aussi un acte éminemment politique vis-à-vis de nos concitoyens comme de nos partenaires ou de nos adversaires. Le Président de la République a posé en 2017 les fondements de cet acte politique, qui s'est traduit et incarné dans le budget de la défense voulu par le Gouvernement et que, chaque année, vous avez confirmé.

Depuis trois ans, ressources et objectifs de la programmation sont respectés. C'est suffisamment rare pour être souligné. Depuis trois ans, vous avez adopté des budgets conformes à la loi de programmation militaire à la lettre. C'est inédit. Depuis quatre ans, nous avons exécuté chaque budget conforme à la loi de finances initiale à l'euro près. C'est historique. Aujourd'hui nos armées disposent de 18 milliards d'euros de plus qu'en 2017. Cela n'était jamais arrivé au XXIe siècle, pour ne pas dire depuis plus de cinquante ans.

Respect de la LPM et de ses objectifs : c'est cette volonté que je veux réaffirmer ce soir et que j'ai déjà eu l'occasion d'exprimer hier devant vos collègues de la commission de la défense nationale et des forces armées.

En investissant comme nous l'avons fait et comme nous continuerons à le faire, nous faisons le choix, souhaité par beaucoup de nos concitoyens, de la souveraineté industrielle, de la recherche et de l'innovation. Nous faisons aussi le choix de l'emploi et de la cohésion sociale car nos armées sont un formidable générateur de compétences pour notre pays, capable d'ouvrir des chemins à des dizaines de milliers de jeunes. Nous faisons enfin le choix de la sécurité des Français et de la sécurité collective.

Pour atteindre ces objectifs jusqu'au bout, la loi de programmation militaire doit pouvoir s'adapter à l'évolution des menaces et se nourrir des enseignements que nous tirons des conflits les plus récents. C'est pourquoi, à la suite de l'actualisation de la revue stratégique ou, pour le dire plus simplement, après avoir mis à jour notre appréciation des menaces, nous avons entamé un travail de réflexion sur les pistes d'ajustement de la LPM.

Mais, avant de vous en dire davantage, je veux réaffirmer devant vous que l'ambition de la LPM est intacte. Les ajustements auxquels nous travaillons s'inscrivent pleinement dans les priorités que nous avions identifiées ensemble en 2018 : poursuivre la remontée en puissance de nos armées, approfondir la construction de l'autonomie stratégique et de la souveraineté européenne, consolider notre base industrielle et technologique de défense, bâtir un modèle d'armée complet et, enfin, poursuivre les réformes à hauteur d'homme pour améliorer les conditions de vie et d'engagement des femmes et des hommes de ce ministère. Le capital humain de nos armées est inestimable et mérite une attention soutenue. Le cap sera fermement conservé, soyez-en assurés.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Je veux aussi réaffirmer devant vous que les ressources sont et seront préservées. Ce sont celles qui ont été déterminées par la LPM, soit 198 milliards d'euros sur la période 2019-2023, avec, en 2023, une hausse prévue de 3 milliards par rapport à 2022. Comme le Président de la République l'a affirmé à Brest le 19 janvier lors de ses vœux aux armées, cet effort de remontée en puissance sera donc maintenu dans les conditions prévues jusqu'en 2023 par la loi de programmation militaire, avec pour objectif l'ambition opérationnelle fixée pour nos armées à l'horizon 2030.

D'aucuns pourraient regretter – certains d'entre vous l'ont fait, d'ailleurs – l'absence d'actualisation de la LPM elle-même, qui devait prévoir la consolidation des ressources après 2023 pour les porter à 2 % du PIB en 2025. Mais que se serait-il alors passé ?

Nous aurions fait ensemble deux constats : le premier, c'est qu'arithmétiquement, du fait des conséquences économiques de la crise sanitaire, nous en sommes déjà à 2 % du PIB, et le second, c'est qu'étant donné les incertitudes actuelles, on peut se demander qui pourrait déterminer précisément aujourd'hui quelle sera notre croissance à l'horizon 2024-2025. Faudrait-il considérer pour autant que l'objectif est atteint alors que, on le sait bien, beaucoup reste à faire ? Évidemment non ! Dès lors, concentrons-nous d'abord sur la relance de notre économie avant de réévaluer nos perspectives de croissance à l'horizon 2025.

Pour surmonter les conséquences économiques de la crise sanitaire, le Président de la République a décidé de mobiliser 470 milliards d'euros afin de soutenir certains secteurs parmi ceux qui ont le plus souffert comme, par exemple, l'aéronautique, l'automobile, le tourisme ou la culture, et le Gouvernement a mis en œuvre un fonds de solidarité pour prévenir les cessations d'activité. Cette réponse française a été l'une des plus puissantes parmi les pays développés, et elle fut exemplaire. En complément, le Gouvernement met en œuvre un plan de relance qui permettra d'injecter 100 milliards d'euros supplémentaires dans notre économie au cours des mois à venir ; rapporté à notre richesse nationale, c'est l'un des plans de relance les plus ambitieux de l'Union européenne. Et il se fait avec l'Europe, avec la solidarité des États membres, puisque l'Union européenne y contribue à hauteur de 40 %.

Pour notre défense, je rappelle que la LPM est un plan de relance à elle seule. Nous menons en effet un effort volontariste dans ce domaine. Dès le mois de juin de l'année dernière, le ministère s'est engagé pour soutenir la filière aéronautique, avec des conséquences concrètes : le 15 avril dernier, j'étais avec quelques-uns d'entre vous à Marignane, et j'ai notifié à Airbus Helicopters la commande de huit hélicoptères Caracal qui permettront de soutenir l'activité et les emplois non seulement sur ce site, mais également chez les sous-traitants qui ont, eux aussi, souffert de la crise. Parallèlement, le ministère bénéficie du plan de relance de l'économie pour accélérer sa transition énergétique à travers la rénovation thermique de nos bâtiments et ainsi contribuer aux économies des territoires. Au total, fin avril, le ministère était en mesure d'engager plus de 370 millions d'euros au-delà des crédits prévus par la LPM.

C'est seulement quand nous aurons relancé l'économie, au terme de cette crise, qu'il sera pertinent de reposer la question de la consolidation des ressources pour nos armées en 2024 et en 2025. Pour le moment, nous avons identifié de premiers ajustements capacitaires dans trois grands domaines qui renforceront notre aptitude à agir dans les conflits à venir : la détection, la protection et la préparation.

Le premier axe, intitulé « Mieux détecter et contrer », vise à renforcer la priorité que nous donnons aux renseignements en développant notamment nos capacités défensives et offensives dans le champ du cyber et du numérique. Nous allons, pour renforcer notre cyberdéfense, doubler les moyens de calcul et les capacités de stockage de données en masse, nous appuyant largement sur l'intelligence artificielle pour le traitement des données, et investirons pleinement le champ de la lutte d'influence à grande échelle en multipliant par trois notre effort en ce domaine. Le mot d'ordre est : plus vite et plus fort. Nous allons donc accélérer l'ensemble de ces commandes en prenant deux ans d'avance sur la programmation. Nous allons également, pour renforcer les moyens de surveillance, accélérer la montée en puissance de nos capacités de renseignement d'origine électromagnétique. Ce qu'il faut en retenir c'est que, demain, notre pays pourra ainsi déceler et surveiller un ennemi potentiel, et agir partout, sur terre, sur les mers, sous les mers jusqu'aux grands fonds marins, dans l'air, dans l'espace exo-atmosphérique et dans l'univers numérique.

J'en viens maintenant au deuxième axe d'ajustement, intitulé « Mieux se protéger ». Il consiste à accélérer l'effort porté sur la résilience et sur la protection de nos forces et des Français sur le territoire national, et concerne trois domaines en particulier : les risques dits NRBC – nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques –, la santé et la lutte anti-drones. La crise sanitaire que nous traversons a mis en lumière des secteurs qui nécessitent davantage d'investissements, notamment face aux risques NRBC. À titre d'exemple, dès 2022, nous commanderons plus de 20 000 masques supplémentaires de protection pour nos forces contre les menaces de type NRBC et plus de 60 000 cartouches filtrantes, sachant que des attaques chimiques ont été menées ces dernières années, en Syrie notamment. Ces équipements seront délivrés à nos armées dès 2023, soit avec quatre ans d'avance par rapport à la cible initiale de 2027.

Dans le domaine de la santé, nous améliorerons les capacités d'évacuation sanitaire des armées en commandant notamment vingt kits supplémentaires MEDEVAC – évacuation médicale par voie aérienne – pour les hélicoptères et en améliorant la prise en charge des évacuations médicales par les avions de transport tactique tels que les A400M ou bien les CASA CN-235.

Pour ce qui est de la lutte anti-drones qui, je le rappelle, fait partie de la stratégie d'innovation du ministère des armées et qui s'est affirmée comme un domaine opérationnel clef dans le conflit du Haut-Karabagh, nous travaillons sur deux fronts : d'une part, dans la recherche et développement, afin de préparer les futurs systèmes d'identification et de neutralisation des drones, et, d'autre part, sur le court terme, par l'acquisition à très brève échéance de moyens existants pour sécuriser davantage nos installations sensibles, les événements nationaux majeurs ainsi que nos forces déployées. Les moyens qui ont déjà fait leurs preuves pour protéger le G7 et le 14 juillet vont être étendus, ce qui permettra de renforcer la sécurité, notamment lors de la coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

J'en viens enfin au troisième axe, intitulé « Mieux se préparer ». Il concerne l'entraînement et la préparation opérationnelle. Les conflits d'aujourd'hui montrent que nos armées doivent être prêtes à pouvoir riposter dans tous les champs de conflictualité, qu'ils soient matériels ou immatériels. Cela demande un entraînement plus conséquent et plus sophistiqué, notamment dans ces nouveaux espaces de conflictualité. L'effort en cours sur la disponibilité des matériels sera poursuivi pour permettre de multiplier les entraînements au quotidien et de perfectionner les scénarios de préparation. Il faudra aussi renforcer notre recours à la simulation et la rendre aussi réaliste et ambitieuse que possible.

Le travail de déclinaison des ajustements selon les trois axes que je viens de décrire n'est pas encore achevé, les exemples que je viens de vous donner n'en sont que les premières illustrations. Il s'agit maintenant de préciser exactement les besoins et d'identifier les compensations tout en assurant la cohérence de notre modèle et l'atteinte de nos objectifs.

Aujourd'hui, dans tous les domaines, la LPM se poursuit. Le Président de la République, je le rappelle, a confirmé sa trajectoire budgétaire jusqu'en 2023. Malgré la crise, les commandes ne s'arrêtent pas, les livraisons continuent et les réformes portent leurs fruits. Rien que depuis le début de cette année, pour soutenir notre base industrielle et technologique de défense dans un contexte que l'on sait difficile, nous avons accéléré la commande de deux frégates de défense et d'intervention, ce qui se traduit concrètement par la pérennité de 1 200 emplois chez Naval Group et ses sous-traitants, et aussi anticipé la commande des huit hélicoptères Caracal que je mentionnais tout à l'heure ainsi que d'un système de drones aériens pour la marine, préservant ainsi 1 000 emplois pendant trois ans à travers tout le pays. Enfin, l'export de Rafale pour la Grèce se traduira par la commande de dix-huit avions neufs à Dassault – y compris de la part de nos forces –, à laquelle s'ajouteront bientôt les trente Rafale destinés à l'Égypte.

Ayons bien en tête qu'une cadence d'un Rafale par mois, cela représente 7 000 emplois chez Dassault bien sûr, mais aussi au sein de près de 500 PME implantées partout en France. Avec les commandes grecque et égyptienne, il s'agit de la pérennité de milliers d'emplois français jusqu'à la fin de l'année 2025. Au total et en ne comptabilisant que les seules commandes de Rafale passées en 2021, le ministère des armées assure près de 10 000 emplois et fait vivre autant de familles pour les cinq années à venir.

Évidemment, l'ensemble du tissu industriel, dans toutes les régions de France, continue de bénéficier des commandes au titre de la loi de programmation militaire passées ces trois dernières années. Je voudrais appeler votre attention sur quelques exemples : les commandes liées à la loi de programmation militaire engendrent dans des secteurs de pointe 12 000 emplois industriels directs en Centre-Val de Loire, 27 000 en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, 18 000 en Bretagne et jusqu'à 62 000 en Île-de-France : ce sont autant de personnes talentueuses impliquées, avec beaucoup d'engagement, pour livrer le meilleur de la technologie et du savoir-faire d'aujourd'hui à nos forces. Et j'en viens maintenant à celles-ci : quels sont les effets concrets de la LPM sur leur quotidien ?

Le premier contact d'un jeune militaire avec son institution s'accomplissant d'abord au travers de son équipement personnel, je commencerai par vous parler des livraisons d'équipements à hauteur d'homme. Le ministère a considérablement progressé en la matière. Le dernier objectif atteint à ce jour touche à une activité indissociable de la condition d'un militaire : le sport. Désormais, 100 % des militaires de l'armée de terre sont équipés d'une nouvelle tenue de sport. C'est un atout important pour leur préparation opérationnelle. De même, 100 % des militaires déployés en OPEX disposent du treillis nouvelle génération dit F3, qui résiste au feu et, en métropole, 26 500 soldats des unités FELIN – fantassin à équipements et liaisons intégrés – de l'armée de terre sont, eux aussi, équipés de ce treillis performant, soit 20 % de la cible fixée pour 2025.

Les trois quarts des forces terrestres et plus du tiers de l'armée de l'air et de l'espace sont aujourd'hui équipés de nouveaux gilets pare-balles. Nous avons aussi déjà atteint 54 % de la cible sur la livraison des jumelles de vision nocturne O-NYX et, d'ici à la fin de cette année, nous aurons livré la totalité des 6 500 paires de ces jumelles qui font la différence sur le terrain. Enfin, pour ce qui est des fusils HK416, qui remplacent les FAMAS, plus de 48 000 ont déjà été livrés sur la cible de 117 000 que nous devons atteindre d'ici à 2028, ce qui signifie que le tiers de l'armée de terre et 38 % de l'armée de l'air et de l'espace en sont actuellement équipés.

Je vous parlais du premier contact d'un jeune militaire avec son équipement : cela se fait pour la première fois au magasin du corps, au comptoir de son régiment ou bien à l'antenne locale des services de soutien. Et, comme vous le savez, nous avons décidé de révolutionner le soutien des militaires mais aussi de faciliter leurs démarches quotidiennes, qu'il s'agisse de l'habillement, des demandes administratives – comme le renouvellement d'une carte SNCF – ou encore de l'accès au courrier.

Aujourd'hui, l'ensemble de ces services est accessible au sein des espaces ATLAS – accès en tout temps, en tout lieu au soutien. Depuis 2017, ce sont 146 espaces ATLAS qui ont ouvert pour servir près de 170 000 militaires et agents du ministère, sur une population totale de 268 000 personnes. Cela signifie donc que près des deux tiers des militaires et des agents du ministère ont un espace ATLAS sur leur lieu de travail ou à proximité. Et 2021 sera l'année de l'accélération car nous allons ouvrir une quarantaine d'espaces ATLAS supplémentaires. Ces espaces sont une véritable réussite ; certains envisagent d'ailleurs d'y ouvrir l'accès à d'autres services administratifs de l'État comme les démarches liées aux caisses d'allocations familiales, à la manière de ce qui se fait dans les maisons France services.

L'espace ATLAS est le fruit du plan famille. J'avais pris un engagement simple vis-à-vis des femmes et des hommes de notre défense, celui de changer leur quotidien. Cet engagement est tenu. Le plan famille continue de se déployer et de s'adapter aux spécificités de chaque régiment et de chaque base. L'un des enjeux essentiels pour les familles de ce ministère, c'est la faculté à se déplacer facilement, que ce soit pour les célibataires géographiques ou pour leurs familles qui construisent leur vie aux quatre coins de la France, au gré des mutations. En mars 2021, nous avons remis la cent cinquante millième carte famille SNCF. Nous avons aussi négocié, auprès de la compagnie Transavia, l'ouverture, en avril 2021, d'une ligne aérienne directe à prix bas entre Toulon et Brest. Pour les familles de marins, c'est une révolution : c'était un trajet qui, jusqu'alors, était très long à réaliser en train et même en avion, faute de liaison directe.

En matière de solutions de garde d'enfants, sujet de préoccupation essentiel pour les familles où l'un des conjoints est souvent amené à être déployé quatre mois par an, nous avons aussi beaucoup progressé. Depuis le début de l'année, nous avons ouvert deux crèches, à Calvi et à Mérignac, et nous en ouvrirons prochainement deux nouvelles, à Cayenne et à Mont-de-Marsan. L'objectif d'augmenter de 20 % le nombre de places en crèche d'ici à 2022 a été atteint dès la fin 2020. Fin 2022, nous l'aurons largement dépassé puisqu'un peu plus de 1 800 places dans des crèches ministérielles seront proposées grâce à l'ouverture de nouveaux établissements à Évreux, à Creil, à Cherbourg, à Varces, à Solenzara et à Suippes. Enfin, nous avons innové : dès le mois de juin prochain, l'ensemble des personnels du ministère auront accès à une plateforme de services de garde d'enfants à domicile.

À chacun de mes déplacements auprès de nos forces, y compris en opération, je mesure à quel point l'attention portée aux familles de militaires est un facteur de performance opérationnelle. C'est, à mes yeux, aussi important que les équipements capacitaires.

J'en viens à un rapide – je vous rassure – tour d'horizon du matériel de nouvelle génération, qui se déploie au sein de nos trois armées.

L'armée de terre dispose déjà de 240 Griffon et doit en recevoir encore 137 supplémentaires cette année. Le premier déploiement au Sahel de ce nouveau véhicule du programme SCORPION – synergie du contact renforcée par la polyvalence et l'infovalorisation – aura lieu cet été, pour un emploi opérationnel dès l'automne, conformément aux objectifs fixés.

De son côté, la marine nationale continue de se doter de nouveaux bâtiments de combat, notamment de frégates, comme la FREMM – frégate multi-missions – Alsace, et d'avions de patrouille maritime Atlantique 2 rénovés. Vous le savez également, la marine a reçu le Suffren, premier sous-marin nucléaire d'attaque de nouvelle génération, qui sera admis au service actif cette année.

Enfin, l'armée de l'air et de l'espace continue de réceptionner des Mirage 2000 rénovés, des MRTT Phénix, au nombre de trois pour l'année 2021, ainsi qu'un avion A400M de plus. Nous avons aussi commandé, en janvier, de nouvelles stations utilisateurs pour les satellites de communication nouvelle génération Syracuse 4.

Il y a le matériel, bien sûr, mais il y a aussi sa disponibilité : un Griffon qui ne roule pas ou un avion qui ne décolle pas, c'est comme une coquille vide. J'ai donc placé cet enjeu au cœur de mon action en engageant d'importantes réformes du maintien en condition opérationnelle (MCO) dans les trois milieux, le plus grand chantier étant celui du MCO aéronautique. Dans ce domaine aussi, les progrès sont sensibles. Par exemple, en 2017, seuls trois avions A400M étaient en moyenne disponibles. Aujourd'hui, la moyenne se situe à six, soit deux fois plus, et nous avons même constaté des pics journaliers de disponibilité à onze avions prêts pour voler, ce qui était absolument inédit. Un autre exemple : en 2017, la disponibilité moyenne des Caracal – un des hélicoptères qui interviennent dans les missions les plus sensibles des forces spéciales, mais aussi pour sauver des personnes lors de tempêtes ou de catastrophes naturelles, ou encore pour transporter des patients en réanimation, comme ce fut le cas dans le cadre de la crise sanitaire – ne dépassait pas cinq appareils. Aujourd'hui, plus de huit sont prêts à décoller chaque jour.

Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, mais j'ai parfaitement confiance en nous pour avancer plus vite et plus fort car, chaque jour, je vois, comme vous, des équipes passionnées, des agents engagés et des militaires déterminés à travailler avec acharnement pour offrir aux Français le plus haut niveau de protection. Nous écrivons ensemble une page importante de l'histoire de nos armées. Les objectifs qui ont été fixés par la loi de programmation militaire sont tenus et continueront de l'être. Je sais que je peux compter sur vous pour y veiller de très près.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en venons aux questions. Je rappelle que leur durée, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes sans droit de réplique.

La parole est à M. Bastien Lachaud.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je regrette, madame la ministre, que vous n'ayez pas traité la question de l'indépendance de la France, qui faisait également partie du thème de cette séance de contrôle.

La pandémie de covid-19 a suscité une crise économique sans précédent depuis celle de 1929. Cette crise affecte les entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD). Vous nous avez déjà dit, et vous venez de répéter, qu'une cellule de veille et d'aide aux entreprises a été constituée au sein du ministère des armées ; en revanche, vous soutenez avec constance, depuis plusieurs mois – vous venez de le refaire à la tribune –, qu'aucun plan de relance n'est nécessaire dans le domaine de la défense parce que, selon vous, les dépenses planifiées lors du vote de la LPM valent comme un plan de relance.

Ce raisonnement est astucieux, mais il est faux. Les dépenses prévues pour être effectuées dans une conjoncture ordinaire ne constituent pas un plan de relance. Par définition, elles n'ont pas été pensées pour contrer les effets de la crise économique, c'est pourquoi s'en tenir à la LPM dans le contexte actuel est manifestement une erreur, et vous le savez. Vous ne manquez pas une occasion de dire combien l'investissement dans la BITD est utile pour l'emploi ni de rappeler que le coefficient multiplicateur dans ce secteur est le plus élevé. Nous sommes également d'accord pour dire que les industries de ce secteur sont susceptibles de développer des biens utiles dans le domaine civil. Elles pourraient participer, d'une façon ou d'une autre, à la relocalisation et à la réindustrialisation du pays ; bref, à son indépendance.

Alors pourquoi ne pas agir en ce sens avec un vrai plan de relance ? Pourquoi ces atermoiements ? Ainsi, l'usine de Tarbes Industry est à l'arrêt, alors qu'une nationalisation temporaire permettrait de relancer l'activité et d'organiser la reprise. Au lieu de laisser quelques très grands verser des dividendes aux actionnaires grâce à l'aide dont ils bénéficient, il est temps d'aider ceux qui en ont vraiment besoin. Toute la société en bénéficiera.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le premier aspect est la dépendance de plus en plus forte vis-à-vis des entreprises privées, notamment pour le maintien en condition opérationnelle de notre matériel, avec des objectifs artificiels – par exemple, 40 % de la maintenance industrielle à l'échéance 2025 pour l'armée de terre. Non seulement cela revient-il à dépendre des entreprises privées, mais en plus les ne se révèlent pas à la hauteur : main-d'œuvre moins formée et moins performante que nos ouvriers d'État et agents techniciens fonctionnaires ; pièces de rechange de piètre qualité ; contrôles alourdis ; malfaçon récurrente ; risque accru de panne en opération. Les délais sont peut-être plus courts et la disponibilité améliorée, mais à quel prix ? On parle de performance, mais de quelle performance s'agit-il ?

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Pardonnez-moi de ne pas partager votre point de vue. Si, la LPM est un plan de relance à elle seule. En effet, en tenant les objectifs qui ont été fixés dans la loi de programmation militaire, nous avons non seulement garanti un potentiel de commandes mais, comme j'ai eu l'occasion de le détailler hier en commission, nous avons aussi, tout au long de l'année 2020, géré de manière agile l'ensemble des crédits. Du fait de la crise sanitaire, certains programmes ont pris du retard : comme vous le constaterez dans les travaux de commission, il peut y avoir des décalages ici ou là. Si nous n'avions pas agi, à la fin de l'année 2020, vous auriez constaté avec désespoir, et moi avec vous, que nous n'avons pas exécuté la totalité des crédits prévus dans la loi de finances initiale.

Nous avons donc procédé à des redéploiements massifs de crédits qui n'auraient pas été consommés d'ici la fin de l'année, pour les réaffecter à des programmes qui étaient capables non seulement d'avancer mais d'accélérer. Ces redéploiements de crédits entre différents programmes ont porté sur plusieurs centaines de millions d'euros. En anticipant des commandes, nous avons également contribué à soutenir des entreprises et toute leur chaîne de sous-traitance : nous avons permis le versement d'acomptes, nous avons assuré la trésorerie de ces entreprises, mais, surtout, nous avons assuré de la visibilité sur les carnets de commandes, décisive pour les employés et les salariés de ces entreprises. Enfin, je l'ai dit, nous avons, comme les autres ministères, soumissionné à des appels à projets pour obtenir, par exemple dans le cadre du volet transition écologique du plan de relance, des crédits pour notre ministère.

Enfin, un mot sur Tarbes Industry. Nous avons récemment procédé à une commande qui assure le carnet de commandes de l'entreprise pour dix ans.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S'interroger sur l'indépendance de notre défense, objet du débat, ne doit pas conduite à occulter ce que j'appellerais l'effet ciseaux.

Second aspect : la dépendance vis-à-vis des États-Unis à travers l'OTAN, une domination des États-Unis arc-boutés sur leurs intérêts industriels et commerciaux et mettant tout en œuvre pour que leur marché captif de l'armement ne leur échappe pas. Vous l'avez d'ailleurs dit vous-même, madame la ministre : « Il ne faut pas être naïf : si les États-Unis demandent que les alliés dépensent plus, ils aimeraient aussi beaucoup que ceux-ci dépensent plus encore pour acheter des équipements américains. » J'ajouterai qu'ils nous accusent de protectionnisme car nous osons parler de politique européenne de défense, alors qu'une loi fédérale en vigueur depuis 1933 impose à leur gouvernement de n'acheter en direct que des biens produits sur le sol américain. Dans le même temps, ils imposent une intégration de la défense transatlantique en édictant des normes, comme la réglementation ITAR – i nternational t raffic in a rms r egulations –, qui conduisent à privilégier leur propre production.

Entreprises privées, OTAN et États-Unis : n'est-il pas temps, madame la ministre, de desserrer ce double étau qui affaiblit notre indépendance, objet du débat d'aujourd'hui ?

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Tout d'abord, concernant la réforme du maintien en condition opérationnelle, vous connaissez l'état de départ, qui était profondément insatisfaisant – j'en ai pris tout à l'heure quelques exemples.

Ce que nous avons voulu, c'est responsabiliser les différentes parties prenantes, déresponsabilisées par une grande multiplicité des contrats qui faisait que personne ne se sentait finalement responsable des problèmes que nous rencontrions. En verticalisant ces contrats, nous avons identifié un maître d'œuvre, et c'est celui qui a conçu le système. C'est donc la garantie d'une meilleure efficacité et nous le faisons main dans la main avec ceux qui, dans nos armées, sont chargés de l'entretien des matériels.

J'ai eu l'occasion comme vous de me rendre à l'AIA – atelier industriel de l'aéronautique – de Clermont-Ferrand ; je ne partage pas tout à fait le point de vue que vous avez défendu, mais je suis prête à y retourner…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne parle pas de l'AIA ! J'ai à ce sujet une question orale sans débat mardi.

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Alors je me suis trompée. Nous en reparlerons, très bien.

Vis-à-vis des États-Unis, je partage vos propos et vous m'avez même citée. J'avais dit qu'il ne fallait pas transformer l'article 5 du traité de l'Atlantique nord, celui qui fonde la solidarité entre alliés, en « article F-35 » qui ferait de l'achat américain une sorte d'obligation. Je l'ai dit souvent sous la présidence de M. Trump, et je ne peux que me réjouir que le président Biden ait énoncé très clairement dès sa prise de fonction qu'il voyait les Européens comme des alliés et des partenaires.

Cela dit, je continue de penser qu'il faut renforcer la sécurité des Européens et que les Européens doivent compter de plus en plus sur eux-mêmes, et cela doit passer par une plus grande indépendance sur le plan industriel et technologique. Je n'ai pas le moindre débat avec vous à ce sujet, je partage tout à fait ce point de vue.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je considère qu'avec le vote en 2018 de la loi de programmation militaire, nous avons sauvé notre modèle d'armée, ni plus, ni moins.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sans cette loi, ce modèle complet d'armée, qui implique une capacité de projection de puissance, se serait écroulé : c'est la stricte vérité. Il y a donc bien un lien entre loi de programmation militaire et indépendance nationale : c'est là une réponse à la question posée tout à l'heure.

Cette loi, c'est aussi le signal politique que nos armées ont besoin de femmes et d'hommes pour la faire vivre. C'est mettre fin à la trajectoire de déflation des effectifs au sein du ministère. C'est fondamentalement donner de la visibilité à nos armées, donc des perspectives.

Pourriez-vous, madame la ministre, rappeler à la représentation nationale en quoi la LPM a contribué à résorber la dépendance capacitaire de la France à l'égard des matériels militaires étrangers, donc à renforcer l'indépendance de notre nation ? En quoi la réalisation future de la LPM, dans les années à venir, accentuera-t-elle encore ce phénomène d'autonomisation et de plus grande liberté d'action ?

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

C'est une question extrêmement pertinente et sensible. Je commencerai par les éléments les moins positifs pour expliquer ensuite en quoi la LPM nous permet d'avancer.

Il reste un certain nombre de capacités sur lesquelles la dépendance européenne est forte. Prenons l'exemple tout simplement des drones, ou celui des capacités de transport stratégique. Bref, il existe un certain nombre de capacités pour lesquelles nous restons dépendants, notamment des États-Unis, mais, si j'ose dire, nous nous soignons.

Il y a des domaines dans lesquels notre souveraineté est nationale. Elle le demeure et nous y travaillons. Je veux parler tout d'abord de la dissuasion. Nous avons engagé la réalisation du sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) de troisième génération, nous poursuivons la livraison des sous-marins nucléaires d'attaque de nouvelle génération, nous lançons le standard 4 du Rafale, qui contribue lui aussi à la dissuasion, et nous avons acquis, et continuons de le faire à un rythme accéléré, des avions ravitailleurs, qui sont l'une des conditions de la réalisation des missions nucléaires. Il y a enfin le porte-avions de nouvelle génération.

Nous avons également travaillé dans le domaine du renseignement, qui est un domaine de souveraineté nationale par essence, et j'ai indiqué tout à l'heure que nous avions l'intention de renforcer encore ce qui était déjà une priorité de la LPM.

Au-delà, on le sait, certains sujets relèvent d'un travail entre Européens. C'est le cas des grands programmes de coopération sur lesquels nous sommes investis en ce moment : le nouvel avion de combat, le char de combat du futur, le programme MALE – moyenne altitude et longue endurance –, c'est-à-dire l'Eurodrone… Tout cela doit nous permettre de réduire notre dépendance vis-à-vis de sociétés comme General Atomics, qui nous fournit aujourd'hui les drones qui survolent le théâtre sahélien par exemple. Nous n'avons pas terminé ce travail, et ce n'est pas une LPM à elle seule qui pourra le faire, mais nous sommes en bonne voie.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans un monde de plus en plus bouleversé et dans lequel les boucles technologiques sont de plus en plus courtes, il est nécessaire que notre pays soit à la pointe de l'innovation, pour plusieurs raisons majeures : d'une part, pour renforcer l'autonomie stratégique et la souveraineté de la France, d'autre part, pour doter nos armées d'équipements à la hauteur des exigences de leurs missions et leur permettre de conserver l'avantage sur nos adversaires. Il est donc indispensable de capter l'innovation rapidement et efficacement si nous ne voulons pas que d'autres le fassent à notre place pour in fine nous revendre ces innovations, voire les utiliser contre nous.

C'est pourquoi la loi de programmation militaire que nous avons adoptée en 2018 a fait de l'innovation une priorité absolue. En seulement trois ans, le ministère des armées a créé l'Agence de l'innovation de défense (AID), mis en place des fonds dédiés à l'innovation ou encore développé de nombreux laboratoires d'innovation au sein des forces armées. D'ailleurs, en 2021, l'innovation de défense ne sera pas en reste puisque près de 900 millions d'euros lui sont consacrés.

Nous le savons, l'innovation est aussi une question d'audace. Et d'audace, nos PME n'en manquent pas.

Aussi, madame la ministre, pourriez-vous nous préciser comment s'articule le maillage territorial du ministère des armées afin de soutenir, accompagner et capter les projets innovants portés par les PME pépites de notre pays ? D'autre part, quels sont les dispositifs d'aide financière déployés par le ministère pour soutenir nos PME, PMI et start-up innovantes ?

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

L'innovation est la clef du succès, la clef de la supériorité opérationnelle de nos armées dans le futur. Le risque que nous courons est justement de passer à côté d'innovations essentielles. Comme vous le savez, l'innovation se déploie de manière différente aujourd'hui qu'il y a vingt ou trente ans, elle est très fortement centrée sur le numérique, donc sur des cycles extrêmement courts, et il faut être capable de faire travailler ensemble des innovateurs issus de mondes différents. Nous avons l'habitude de travailler sur des programmes d'armement s'étalant sur des décennies, et il nous faut intégrer des innovations qui parfois se renouvellent à l'échelle de quelques semaines ou de quelques mois.

C'est pour cela que nous avons créé l'Agence de l'innovation de défense : pour assurer la rencontre entre cette innovation qui est celle des grands industriels de l'armement et de la DGA – direction générale de l'armement – et ces nouveaux innovateurs.

Pour cela, il faut un maillage territorial, et c'est la raison pour laquelle l'AID a créé des pôles territoriaux. Nous avons ainsi sept pôles territorialisés qui nous permettent de travailler, par exemple, en lien avec les associations professionnelles ou les pôles de compétitivité, parce que c'est cet ensemble-là qui constitue notre BITD au plan territorial.

S'agissant du financement des PME, qui est lui aussi essentiel, le ministère des armées a accordé une forte priorité à ces entreprises par des politiques en matière d'achats publics qui permettent de les payer, comme les plus grandes d'ailleurs, en dix-huit jours, ce qui est un record quand on pense aux délais qui sont en général ceux de l'État : cela a été particulièrement précieux pendant cette crise sanitaire. Nous avons aussi des dispositifs de financement de type ASTRID – accompagnement de recherches et d'innovations défense – ou encore des programmes rapides très appréciés par les PME.

Enfin, vous l'avez rappelé, 900 millions d'euros de crédits de recherche amont sont consacrés en 2021 à l'innovation. Et l'année prochaine – il n'y a pas de raison que nous ne tenions pas nos objectifs puisque nous le faisons depuis quatre ans maintenant –, nous atteindrons le milliard.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La pandémie liée à la covid-19 a mis en lumière le fait que, très vite, la France pouvait manquer de médicaments comme les anesthésiants, les sédatifs, les curares ou encore certains antibiotiques. Cela a mis en lumière un problème d'indépendance et de souveraineté de la France en la matière. D'une part, votre ministère dispose de stocks stratégiques de médicaments gérés par les forces armées et, d'autre part, la division pharmacie des armées doit pouvoir produire des médicaments dont les chaînes d'approvisionnement classiques peuvent être rompues.

À l'aune de l'année qui vient de s'écouler, quelles conséquences le ministère des armées tire-t-il pour faire évoluer ses investissements humains et financiers en termes de sécurisation et de production de médicaments stratégiques en vue de faire face à des situations de crise ? Ne me dites pas que cela ne relève que du ministère de la santé car, il y a quelques mois, c'est bien le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale qui était à la recherche d'opiacés sur les marchés étrangers pour combler la pénurie française.

D'ailleurs, que pensez-vous, madame la ministre, d'un possible élargissement de la liste des produits stratégiques du code de la défense, car les médicaments, voire les équipements de santé, sont au moins aussi importants, du point de vue de notre souveraineté, que les produits pétroliers, lesquels figurent sur la liste actuelle ? Je pense par exemple au manque de masques sur le porte-avion Charles de Gaulle : cela vous a conduit à devoir rapatrier l'ensemble de l'équipage, dont une partie avait contracté la covid. Que comptez-vous donc faire sur ce sujet ?

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Il faut être humble, nous avons tous beaucoup appris de la crise sanitaire que nous avons traversée. Nous avons beaucoup appris, en particulier, s'agissant de nos dépendances, lesquelles se sont révélées dans de très nombreux secteurs. Celui des médicaments en est un parmi d'autres.

Nous avons aussi éprouvé ce que signifiait la dépendance par rapport aux masques. Vous faites allusion au retour anticipé du porte-avions Charles de Gaulle au mois d'avril de l'année dernière ; il n'y avait pas plus de masques sur le porte-avions qu'il n'y en avait ailleurs : tout le monde était à la recherche de masques. C'est pour cela que j'ai demandé le retour anticipé du porte-avions, afin de limiter la propagation de l'épidémie qui avait lieu à bord.

Nous avons beaucoup appris, disais-je, si bien que le Charles de Gaulle, qui est parti en mission, est désormais dans une situation sanitaire tout autre qu'il y a un an. Il n'y a pas de cas de covid à son bord.

Les exemples de cette nature sont nombreux. Je ne dis pas qu'il est de la responsabilité du ministère de la santé d'assurer les approvisionnements du ministère des armées en produits sanitaires ; c'est la responsabilité du service de santé des armées que de commander en quantité suffisante les produits qui paraissent nécessaires. Et, en effet, cette pandémie nous a appris que ce qui n'était pas envisageable doit aussi pouvoir être envisagé, car cela peut arriver.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre pays traverse une crise sanitaire sans précédent. Lors de cette crise, nombre d'élus locaux et d'observateurs ont réclamé une plus grande mobilisation du service de santé des armées pour aider notre pays à faire face. Nos armées ont d'ailleurs répondu immédiatement présent dès qu'elles ont reçu l'ordre du Gouvernement de se mobiliser. Nous avons tous en tête le montage en quelques jours de l'hôpital de campagne de Mulhouse, qui a permis d'accueillir une cinquantaine de patients alors que le centre hospitalier de la ville était complètement saturé.

On connaît la mobilisation et l'efficacité de nos militaires pour aider les transferts de patients lorsque la solidarité nationale a dû se mettre en place et que les régions les moins touchées par la covid-19 accueillaient des patients de régions en saturation. Depuis le début du mois d'avril, les hôpitaux militaires sont pleinement mobilisés dans la campagne de vaccination et permettent à 50 000 Français d'être vaccinés chaque semaine. Ces éléments nous démontrent qu'une fois encore, chaque fois que notre pays, chaque fois que les Français ont eu besoin d'elles, nos forces armées ont répondu immédiatement présent et ont su se mobiliser pour aider nos soignants à sauver des vies.

Pourtant, cette crise a également mis en avant de manière criante le manque de moyens dont dispose le service de santé des armées, le SSA, du fait de coupes budgétaires importantes et de réductions d'effectifs. Ainsi, l'ancienne loi de programmation militaire a vu la suppression, entre 2014 et 2019, de 1 600 effectifs sur les 16 000 que comptait le SSA au début du mandat du président Hollande. La loi de programmation militaire que nous avons adoptée au début de la législature a mis fin à ces baisses de budget, ce dont je me félicite, mais la crise sanitaire et surtout les nombreuses OPEX auxquelles notre pays participe nécessitent un SSA renforcé.

Ainsi, alors que des élus locaux et nationaux demandaient le concours de l'armée pour coordonner la campagne de vaccination, notamment sa partie logistique, on s'est rendu compte que les moyens du SSA ne le permettaient pas. Au vu du déroulement du début de la campagne de vaccination, il est pourtant certain que nos armées, grâce à leur organisation et à leur sens de la logistique, auraient permis d'aller beaucoup plus vite et d'éviter nombre de problèmes que nous avons rencontrés.

Aussi, au vu des menaces que nous connaissons sur la scène internationale et dont nous savons tous qu'elles sont multiples et particulièrement dangereuses, au vu aussi du risque du déclenchement de plus en plus fréquent de nouvelles épidémies, je souhaite savoir, madame la ministre, si vous avez prévu de renforcer notablement les moyens alloués au SSA, au-delà de la rallonge budgétaire prévue cette année, pour permettre de reconstituer les stocks, notamment de masques et de respirateurs.

M. Patrick Hetzel applaudit.

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Je vous remercie d'avoir rappelé la contribution de nos armées pendant la crise sanitaire pour venir au secours des Français. Rappelons que le service de santé des armées a été conçu et dimensionné pour répondre à une mission première et essentielle : répondre aux besoins de nos soldats, veiller à leur santé de façon préventive, en organisant toutes les visites médicales nécessaires, mais aussi assurer la médecine de l'avant et le suivi des blessés. Telle est la mission de ce service, qui n'exclut cependant pas, lorsque des besoins surgissent en cas de crise, de venir à la rescousse des Français, ce que le SSA a donc fait pendant la crise sanitaire.

Le SSA représente seulement 1 % du système de santé public. Dans le cadre de la campagne de vaccination, qui constitue une grande cause nationale, le choix a donc été fait de s'appuyer sur la colonne vertébrale du système de santé public, c'est-à-dire les médecins libéraux, les pharmacies et désormais les grands centres de vaccination constitués grâce à la mobilisation de divers médecins, infirmiers et secouristes. Aussi, lorsqu'on nous a demandé de contribuer à la campagne de vaccination, soit par la mobilisation de nos hôpitaux d'instruction militaires, soit en aidant à l'organisation des centres de vaccination, nous avons répondu présent. Nous n'aurions évidemment pas pu nous substituer aux 1 700 centres de vaccination ouverts dans toute la métropole.

Vous avez rappelé que le SSA avait subi de graves déflations d'effectifs et la diminution de ses moyens. C'est ensemble que nous avons arrêté l'hémorragie dans le cadre de la dernière loi de programmation militaire. Depuis, les moyens du SSA ont recommencé à croître progressivement, mais l'année dernière, afin de tirer les leçons de la crise sanitaire, j'ai souhaité que l'on change de braquet et que l'on redonne de l'oxygène au SSA en renforçant ses effectifs et en prévoyant un nouveau plan d'investissement, rehaussé de 160 millions d'euros.

Je veux souligner, enfin, que nous marchons main dans la main avec le système de santé public. En effet, l'hôpital d'instruction des armées Laveran bénéficiera d'investissements en provenance du plan de relance, qui permettront d'améliorer le cadre dans lequel nos équipes travaillent et accueillent la population des quartiers nord de Marseille.

M. Hervé Berville applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Hier soir, au sein de la commission de la défense nationale et des forces armées, nous avons déjà longuement évoqué la loi de programmation militaire 2019-2025, qui continuera d'être rigoureusement respectée, comme elle l'est depuis plus de deux ans – je salue ce soir cet engagement renouvelé, madame la ministre.

Toutefois, vous nous avez aussi annoncé que, en raison des événements survenus pendant la crise sanitaire et surtout des évolutions stratégiques constatées dans le cadre des conflits actuels, la loi de programmation militaire devait être ajustée. Or, jeudi dernier, le comité d'éthique de la défense, dont je salue par ailleurs l'existence depuis 2020, à votre initiative, s'est prononcé sur la potentielle adaptation de nos armes dans les conflits futurs et a rendu un avis sur l'intégration de l'autonomie dans les systèmes d'armes létaux. Dans cet avis, le comité d'éthique de la défense rejoint le Gouvernement sur la nécessité de renoncer à l'emploi des systèmes d'armes létaux totalement autonomes, dits SALA, mais reconnaît les avantages opérationnels que présentent les systèmes d'armes létaux intégrant de l'autonomie, dits SALIA, comme les drones, et considère que « la recherche dans les domaines de l'intelligence artificielle de défense et des automatismes dans les systèmes d'armes doit se poursuivre ».

Hier soir, en commission, vous avez précisé que des investissements seraient consacrés à la recherche et développement. J'en viens donc à ma première question : ces investissements concerneront-ils la recherche sur l'intelligence artificielle de défense et l'intégration d'automatismes dans les systèmes d'armes tels que les drones ? Notre souveraineté scientifique et technique et notre capacité à nous défendre contre les drones autonomes sont ici en jeu.

Ensuite, au-delà des enjeux financiers, pensez-vous que le ministère des armées, en s'appropriant ce nouvel avis, doit faire évoluer sa doctrine sur l'intégration de l'autonomie dans les SALIA ? D'ailleurs, le Parlement serait-il consulté sur l'évolution de cette doctrine si elle avait lieu ?

Enfin, savez-vous, madame la ministre, si un débat éthique sur l'intégration de l'autonomie dans les systèmes d'armes s'est tenu avec nos homologues européens dans le cadre du programme Eurodrone ?

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Je vous remercie d'avoir soulevé la question très importante de l'éthique dans l'utilisation des systèmes d'armes, monsieur Baudu. À la faveur du développement de l'intelligence artificielle, que le ministère des armées n'a pas voulu brider, nous avons ressenti le besoin de nous appuyer sur les réflexions de personnalités indépendantes, réunies au sein du comité d'éthique de la défense. À ma connaissance, un tel organe n'existe pas dans les ministères de la défense des autres pays européens.

De manière évidente, les premières réflexions du comité d'éthique de la défense se sont portées sur les systèmes d'armes létaux et le niveau d'automatisme qu'ils doivent intégrer. Sur ce sujet, je veux redire, devant la représentation nationale, que nous nous interdisons de nous en remettre à des systèmes totalement autonomes pour engager le feu. Néanmoins, un certain niveau d'autonomie doit pouvoir être ménagé, ce que permettent les SALIA, sur lesquelles le comité d'éthique de la défense s'est prononcé favorablement dans son avis. Dès lors, je souhaite que le ministère des armées précise maintenant la doctrine d'emploi de ces systèmes d'armes.

Sur de tels sujets, si nous refusons par principe d'explorer des champs de recherche technologique, nous risquons de mettre en péril la supériorité opérationnelle et technologique de nos armées. Or notre mission est de la garantir aux Français. Encore faut-il disposer d'un cadre adéquat pour conduire ces recherches avec la sérénité qui s'impose, sans franchir les limites éthiques que nous nous sommes fixées du fait d'une découverte technologique non maîtrisée.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cet après-midi, un collaborateur de la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées m'a demandé sur quel thème je souhaitais vous interroger, madame la ministre. Comme il ne s'agissait pas d'un exercice piégeux et que je n'avais pas la volonté politicienne de vous mettre en cause – puisque, par ailleurs, je vous respecte –, je lui ai transmis ma question. Cependant, il est minuit vingt-cinq. Et je ne peux pas m'empêcher de m'interroger : alors que nous sommes cette semaine dans une semaine de contrôle, que contrôlons-nous réellement ce soir ?

De toute évidence, nous atteignons ici les limites de l'exercice. Mme la ministre des armées est intervenue pendant quarante-cinq minutes, ce qui est son droit, mais les parlementaires n'ont que deux minutes pour s'exprimer, sur des questions aussi essentielles que l'indépendance de la France et la loi de programmation militaire, pour lesquelles ils reçoivent des réponses de deux minutes seulement… Nous n'avons apparemment pas trouvé le juste équilibre entre l'exécutif et le législatif.

Dans ma question, je souhaitais évoquer la souveraineté nationale au sortir de la crise sanitaire et vous interroger, madame la ministre, sur les cyberattaques et sur les différents budgets de la défense des pays européens. J'y renonce : comment pourriez-vous me répondre en deux minutes sur des sujets aussi importants ?

Je veux en revanche utiliser mon temps de parole pour appeler à un sursaut démocratique et institutionnel. Nous ne pouvons pas continuer à avoir un exécutif qui, matin, midi et soir oublie – c'est bien le terme – le Parlement. À quelques mois d'une échéance électorale, nous avons besoin de repenser tous ensemble – parce que nous sommes tous républicains – notre ordre institutionnel, faute de quoi la politique se fera ailleurs que dans cet hémicycle.

Une remarque pour conclure. Tachons de ne pas mettre M. Le Drian en difficulté : de nombreux députés du groupe La République en marche ont dénoncé l'obscurité qui existait avant 2017 ; n'oubliez pas, chers collègues, qui était alors ministre de la défense !

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Non, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je rappelle à notre collègue David Habib que l'Assemblée nationale décide de sa propre organisation et que Mme la ministre des armées n'est en rien responsable. Je vous accorde que les semaines de contrôle ne sont pas entièrement satisfaisantes, mais essayons de faire au mieux avec les outils dont nous disposons.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Lors de la guerre du Golfe, la France a subi un certain choc au plan stratégique, son armée ayant été pensée pour contrer les forces soviétiques et ne répondant plus réellement aux enjeux de l'époque. Depuis, nos forces se sont professionnalisées et organisées, passant progressivement d'une logique de stock à une logique de flux.

Le retour d'un conflit majeur est désormais une hypothèse crédible. Je me pose donc la question de la capacité de nos armées à faire face à des pics d'engagement opérationnel. Les récentes tensions à l'est de l'Ukraine ont montré que la Russie était capable de déployer 100 000 hommes en quelques semaines. La Turquie, pour sa part, a déployé 80 000 soldats en Syrie. Or, dans notre contrat opérationnel, l'hypothèse d'engagements majeurs s'accompagne du déploiement de seulement 24 000 soldats en six mois. Nous le savons tous, la dissuasion ne couvre pas tous les scénarios possibles.

La loi de programmation militaire est certes un outil extraordinaire de remontée en puissance, mais les moyens qu'elle prévoit sont bien souvent captés par des programmes coûteux. Malgré toute son ambition, nous aurons en 2030 moins de blindés, moins d'avions et moins de bateaux. Ainsi, la marine nationale sera passée de 24 à 15 frégates entre 2008 et 2030. De même, pour l'armée de l'air, qui verra le nombre d'avions baisser de 420 à 185 sur la même période. Quant aux régiments de l'armée de terre, ils comptent cinq compagnies de combat, mais seulement une compagnie sur cinq pourrait partir en opération si cela s'avérait nécessaire étant donné le nombre de véhicules disponibles.

Il est donc de mon devoir, madame la ministre, de vous demander de fournir un effort particulier sur les équipements de base de notre armée, notamment en matière de mobilité terrestre. Quelles actions pouvez-vous engager pour revenir sur les efforts initiaux prévus par la PEGP ?

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Lorsqu'il y a trois ans, dans cet hémicycle, nous avons posé les fondements de la loi de programmation militaire, nous avons tous été très clairs sur les choix qui nous guidaient et sur les raisons de ces choix. Un important travail de réparation était alors nécessaire dans nos armées après de nombreuses années au cours desquelles la France et tous les autres pays avaient souhaité « tirer les dividendes de la paix », comme on disait après la chute du mur de Berlin.

Avant de pouvoir évoquer un quelconque nouveau format, encore fallait-il, à l'intérieur du format existant, disposer d'équipements en état de marche et modernisés. Tel était précisément l'objectif de la présente loi de programmation militaire. Alors que nous entrevoyons aujourd'hui la possibilité d'un retour d'un conflit de haute intensité, nous devons intégrer cette dimension dans les scénarios de préparation et d'entraînement.

C'est ce à quoi nos trois armées s'emploient. L'armée de terre a récemment réalisé un exercice d'état-major de haute intensité aux États-Unis avec les armées américaine et britannique ; l'armée de l'air et de l'espace pratique de la même façon des entraînements de haute intensité avec d'autres partenaires ; la marine nationale s'y emploie également dans le cadre de très nombreuses interactions avec des marines de haut niveau.

Vous le voyez, deux aspects sont au cœur de notre action : il s'agit d'une part d'assurer sur le plan capacitaire la réparation et la modernisation de ce dont nous disposons, et d'autre part d'intégrer dans nos scénarios de planification la possibilité d'un conflit de haute intensité, donc de réaliser des exercices qui nous amèneront à tirer de nombreuses leçons.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, le 16 avril dernier, Naval Group a livré à la marine nationale la frégate multi-missions à capacité de défense aérienne (FREMM DA) Alsace, qui remplacera la frégate anti-aérienne T70 Cassard, retirée du service en mars 2019. La Lorraine, seconde FREMM DA, doit quant à elle être livrée l'année prochaine.

De fait, l'Alsace, qui est notre septième frégate multi-missions, sera en mesure d'opposer une bulle d'interdiction de vol de plus de 100 kilomètres de rayon à l'aide de ses trente-deux missiles Aster. Si je me réjouis bien sûr de ce nouveau pas significatif dans le renforcement des capacités opérationnelles de la marine nationale, je m'interroge, eu égard au développement effréné d'autres puissances militaires et aux tensions se développant en Méditerranée, en Europe, au Moyen-Orient et dans la zone indo-pacifique, sur le format qui sera celui de la marine en 2030, tel qu'il est actuellement défini.

La France sera-t-elle en mesure de maîtriser la mer, d'avoir la main sur les flux qui irriguent le monde, de protéger sa ZEE, dont nous connaissons le potentiel incroyable, tout en s'engageant dans des conflits de haute intensité ?

Face à ces interrogations, le groupe UDI-I croit qu'il est important d'augmenter le nombre de frégates qui soient réellement de premier rang, de même que leur armement. Si je sais que ce vœu est très certainement partagé sur plusieurs bancs de cet hémicycle, il n'en demeure pas moins que sa réalisation représente un coût important, mais il s'agit d'une assurance-vie dont nous ne pouvons nous passer.

Aussi, pourriez-vous nous donner, madame la ministre, votre avis sur cette réflexion stratégique et nous indiquer les coûts que représenterait par exemple l'achat de trois frégates supplémentaires de type FDI – frégate de défense et d'intervention – et une augmentation des capacités offensives et défensives des bâtiments dont nous disposons déjà ?

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Vous avez rappelé l'arrivée des bâtiments de très haute technicité que sont ces frégates multi-missions de défense anti-aérienne, qui vont donc compléter nos FREMM et les porter au nombre de huit. Si l'on ajoute les cinq frégates de défense et d'intervention qui ont vocation à entrer dans notre flotte dans les prochaines années, ainsi que nos deux autres frégates de défense anti-aérienne, cela porte à quinze le nombre de nos frégates de premier rang.

Si l'on devait faire plus, cela aurait forcément un coût ; ce serait le fruit d'arbitrages politiques et stratégiques qui ne relèvent pas de cette loi de programmation militaire. Celle-ci intègre les commandes de plusieurs frégates, les FREMM qui sont en cours de livraison, bien sûr, mais aussi des FDI. Vous l'avez sans doute noté : j'ai annoncé il y a quelques semaines que nous allions anticiper nos commandes de FDI et j'ai ainsi anticipé la commande des deuxième et troisième frégates de défense et d'intervention.

Il faut aussi avoir en tête qu'étant numériques, ces frégates ont une capacité nouvelle, celle de pouvoir bénéficier au fur et à mesure de technologies nouvelles sans que la structure du navire lui-même nécessite d'être modifiée. Nous avons donc là aussi des capacités d'évolution technologique, mais il est vrai que si le contexte d'il y a quelques années pouvait souffrir que nous utilisions des bateaux relativement légers, le durcissement auquel nous faisons face en ce moment nous incite plutôt à employer désormais des navires plus fortement armés et plus lourds.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je me réjouis de voir notre pays, pourtant si déchiré, se rassurer et se rassembler autour des enjeux de défense. C'est en effet un élément très important.

Parmi les paramètres qui pèseront dans les dispositifs de dissuasion à venir, je crois que la cohésion des peuples deviendra un élément essentiel. De ce point de vue, le service national et civique pourrait être le ciment de cette cohésion retrouvée. Lorsque vous aviez présenté votre projet de service universel, madame la ministre, j'avais salué cette initiative, et j'ai déjà proposé à plusieurs reprises le rétablissement de la conscription. Le service universel est piloté par le ministère de l'éducation nationale ; quant à vous, madame la ministre, vous avez rapidement quitté le front sur ce sujet.

Le Gouvernement propose désormais un séjour de deux semaines suivi d'une mission d'intérêt général de quatre-vingt-quatre heures. Comment une période aussi courte pourrait-elle conduire à une plus grande cohésion et à un plus grand sens de l'engagement civique chez nos jeunes ? Je pense que nous devons réfléchir ensemble – c'est un immense chantier – à trouver les moyens nécessaires au retour du service civique et militaire. Le service pour tous, filles et garçons, long d'une année scolaire, permettrait à nos jeunes de se retrouver, à nos banlieues de se réunir avec nos villes et nos campagnes. Comment voulez-vous redresser une situation aussi difficile si nous ne mettons pas l'ensemble de nos jeunes au travail ensemble ?

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Le service national universel, vous l'avez fort bien dit, est un facteur d'unité et de cohésion de notre nation. Il s'adresse à nos jeunes qui ont besoin d'engagement, qui sont à la recherche de sens et qui ont souvent, plus que d'autres, envie d'exprimer leur solidarité. C'est un projet très fédérateur.

Nous avons été un peu brisés dans notre élan par la crise sanitaire puisque c'est à l'été 2019 que nous avons déployé de façon très expérimentale le tout premier embryon de service national universel. Un peu moins de 3 000 jeunes ont bénéficié pendant quinze jours d'une vie en collectivité, ce qui n'est pas fréquent par les temps qui courent ; ils ont appris à se connaître, à s'apprécier et à cohabiter.

D'autres développements avaient été prévus mais, du fait de la crise sanitaire, nous n'avons malheureusement pas pu multiplier le nombre de jeunes participant au service national universel en 2020. Nous reprenons le processus et, cette année, à l'été, le dispositif sera ouvert à un nombre de jeunes plus important. Si le ministère des armées n'en est pas le maître d'œuvre, il y contribue fortement ; ce service national n'est pas militaire – cela n'a jamais été sa vocation –, mais mon ministère participe à sa structuration par l'animation de nombreuses sessions, et je crois pouvoir dire que son module figure parmi ceux qui ont été les plus appréciés par la première génération ayant expérimenté le programme. Nous allons donc poursuivre en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, il me reste à vous remercier. Le débat est clos.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Prochaine séance, à neuf heures :

Proposition de loi organique instaurant une procédure de parrainages citoyens pour la candidature à l'élection présidentielle ;

Proposition de loi visant à étendre le revenu de solidarité active pour les jeunes de 18 à 25 ans ;

Proposition de loi relative à la limitation des impacts négatifs de la publicité ;

Proposition de loi établissant la garantie d'emploi par l'État employeur en dernier ressort ;

Proposition de loi visant à l'instauration d'une taxe sur les profiteurs de crise ;

Proposition de loi visant à instaurer la proportionnelle intégrale au scrutin législatif ;

Proposition de loi instaurant un domaine public commun afin de lutter contre la précarité des professionnels des arts et de la culture ;

Proposition de loi relative à l'interdiction des « fermes-usines ».

La séance est levée.

La séance est levée , le jeudi 6 mai 2021 , à z éro heure quarante.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra