Face aux enjeux de l'accroissement des tensions internationales et de la montée des puissances régionales, il est devenu indispensable de faire évoluer notre conception stricte de l'intérêt national en matière de défense, en faisant en sorte que des coopérations bien pensées – tant au niveau opérationnel et capacitaire qu'en matière industrielle – deviennent un élément structurant pour assurer notre indépendance à long terme. La loi de programmation militaire apporte plusieurs avancées sur ces deux points, même si cette tendance reste à confirmer d'ici à 2025.
En matière opérationnelle, face à la présence parfois persistante de trous capacitaires au sein de nos appareils militaires, le recours aux coopérations avec les États européens et étrangers partenaires a permis, jusqu'à présent, aux missions et opérations extérieures de la France de se poursuivre et d'être menées à leur terme : ces coopérations entre alliés ont permis d'assurer la continuité des missions de nos forces armées. Il est devenu impérieux de remédier aux trous capacitaires, notamment concernant la flotte de défense aérienne. Je songe en particulier à l'Airbus A400M Atlas ou aux appareils MRTT – multi role tanker transport –, pour lesquels la France est obligée de recourir à des ressources externes, pour les transports stratégiques comme tactiques. Le rapport de François Cornut-Gentille sur le projet de loi de finances pour 2018 reconnaissait « l'appui déterminant des moyens de surveillance et de ravitaillement en vol apportés notamment par les États-Unis, sans lesquels un grand nombre de nos opérations ne seraient pas possibles ». Des investissements et un budget conséquents sont plus que jamais nécessaires pour remédier aux trous capacitaires. Dans quelle mesure la LMP le permet-elle ?
Il convient également d'intégrer pleinement la coopération industrielle avec nos partenaires européens en tant qu'élément structurant de défense de nos intérêts nationaux, qui passent désormais nécessairement par le développement d'une véritable autonomie stratégique et d'une base industrielle et technologique de défense européennes. Cela implique le développement de matériel militaire en commun : la loi de programmation militaire y contribue.
S'agissant des coopérations industrielles, on observe l'amorce d'une dynamique nouvelle : la coopération européenne est devenue partie intégrante de la politique française et doit désormais être pleinement associée à la stratégie de défense nationale. La France doit jouer un rôle central en faveur d'une convergence européenne. Pour cela, nous devons être irréprochables dans notre effort d'investissement et de recherche. La loi de programmation dispose que l'avènement d'une véritable base industrielle et technologique de défense européenne constitue un enjeu essentiel pour l'industrie française de défense, car elle permettra de mutualiser tous les développements de nouveaux systèmes sur la base des besoins convergents entre les États membres. Le défi à relever est immense du fait des divergences existantes, y compris entre la France et l'Allemagne. Comment le Gouvernement entend-il préserver son autonomie stratégique tout en favorisant l'émergence d'une défense commune, adossée à une base industrielle et de défense européenne en formation ?
La France, avec le soutien de ses partenaires européens, doit créer une nouvelle dynamique pour moderniser l'armée et s'engager dans les domaines d'avenir, comme la transition écologique. Les actions de recherche et de développement en la matière doivent être envisagées et mises en œuvre à l'échelle européenne : un réel changement ne peut être envisagé sans nos partenaires et il est plus qu'urgent que l'Union européenne se positionne sur cette question, afin d'affirmer sa place et de maintenir son indépendance. La coopération avec nos partenaires européens et la définition d'une véritable autonomie stratégique européenne devraient donc s'imposer comme horizon de la modernisation et de la réforme des armées à venir.
La mission d'information sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des armées a rendu ce matin le premier rapport de l'Assemblée nationale sur cette question. J'espère que vous en prendrez connaissance, madame la ministre : la loi de programmation militaire devrait traiter de ce thème, qui me semble soulever de grands enjeux stratégiques, à l'échelle européenne comme mondiale. Il importe, bien évidemment, que la France puisse être en pointe dans ce domaine, y compris sur les plans géopolitique et géostratégique. J'invite tous nos collègues à prendre connaissance de ce rapport, qui est le fruit d'un travail de six mois et me semble répondre à plusieurs des questions qui s'expriment actuellement.