Intervention de Marianne Dubois

Séance en hémicycle du mercredi 5 mai 2021 à 21h00
Loi de programmation militaire et ses conséquences pour l'indépendance de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarianne Dubois :

Je souhaite rappeler en préambule les termes de la lettre des députés du groupe Les Républicains de la commission de la défense nationale et des forces armées, adressée à la présidente de ladite commission, sur le refus de se conforter aux dispositions de la loi de programmation militaire, notamment à son article 7, en ne programmant pas l'actualisation de cette dernière avant la fin de cette année 2021 : une position rappelée hier par le vice-président de la commission Charles de la Verpillière, membre du groupe LR, lors de votre audition par la commission, madame la ministre. Il est en effet paradoxal que vous déclariez que l'actualisation stratégique, d'une part, et le retour d'expérience du terrain, d'autre part, nécessitent des ajustements capacitaires dans trois grands domaines pour renforcer notre capacité à agir dans les conflits à venir, notamment les conflits hybrides, sans pour autant examiner l'actualisation nécessaire de la LPM.

Il est ainsi plus que jamais nécessaire que la commission de la défense – mais aussi l'ensemble du Parlement – soit parfaitement informée des options envisagées par le Gouvernement. En d'autres termes, la position de ce dernier n'engage que lui et n'empêche pas qu'un débat ait lieu en commission mais aussi dans l'hémicycle. Vous avez d'ailleurs vous-même rappelé que cet exercice devait être un sujet important de débat public.

J'ajoute que les très nombreux communiqués de presse de votre ministère, mentionnant vos déplacements à travers le pays et dans les sites industriels, contiennent des annonces diverses et variées qui jettent le trouble quant à leur adéquation avec la LPM. Si la LPM est un cadre prospectif indispensable qui permet de fixer un cap, de mobiliser nos forces armées et nos forces économiques suivant un schéma au temps long, le monde est quant à lui en perpétuel mouvement avec des crises sanitaires, économiques, des théâtres de conflits en constante évolution.

Or l'ambition de maintenir notre indépendance repose sur une réponse appropriée à ce mouvement permanent, à travers, d'une part, notre capacité à anticiper les crises et à y faire face dans l'urgence et, d'autre part, à travers notre capacité à accompagner les acteurs de la défense, parmi lesquels les acteurs économiques, pour qui la recherche, le développement et la mise en production nécessitent des solutions appropriées et dans un temps court. Je prendrai deux exemples.

Le premier est un rendez-vous manqué dont les effets ont été cruellement mis en exergue lors de la crise sanitaire. En effet, en 2016, la pharmacie centrale des armées tirait la sonnette d'alarme concernant la pénurie de principes actifs nécessaires à la fabrication de vaccins pour nos militaires – ces mêmes principes actifs étant utilisés pour la population. Il y a donc cinq ans, j'ai alerté les ministères de la défense et de l'économie sur les risques majeurs d'une délocalisation historique de la production de 80 % des substances pharmaceutiques actives utilisées en Europe et fabriquées hors UE, principalement en Chine et en Inde, alors que 80 % du marché pharmaceutique se concentraient sur la zone USA, UE et Japon. Les risques étaient alors déjà bien identifiés : pénurie, situation géopolitique, recours à la préférence nationale en temps de crise, risques naturels, contraintes réglementaires, environnementales et pharmaceutiques, aléas économiques, risques de sécurité du fait d'un déficit de qualité, défaut d'inspection ou falsification intentionnelle… Malgré cette alerte, aucune réponse ! Et, aujourd'hui, le Gouvernement semble découvrir ce problème et injecte des dizaines de millions d'euros pour tenter de restaurer notre souveraineté sanitaire.

Le second exemple colle à l'actualité et concerne l'arme du futur : le laser. Nous avons dans ce domaine un fleuron national avec une entreprise loirétaine qui vient de démontrer devant la direction générale de l'armement et l'Agence de l'innovation de défense, au centre d'essais de Biscarrosse, l'opérabilité de son système anti-drones. Les besoins de cette technologie et ses applications pour nos armées et pour la sécurité intérieure sont évidents. Nous sommes en ce moment à la pointe en la matière, mais qu'en sera-t-il dès demain si l'investissement nécessaire pour passer à l'étape de la production n'est pas engagé ? La décision est à prendre aujourd'hui si nous voulons rester dans la course, être présents sur un marché très prometteur et, surtout, si nous ne voulons pas dépendre demain d'une technologie étrangère.

Voilà deux exemples des limites de la LPM et surtout de la volonté des gouvernements successifs à se projeter et à anticiper, à travers des investissements, avec les conséquences qu'une telle attitude entraîne quant à notre indépendance.

Enfin, les parlementaires maillent le territoire et ont une connaissance fine du tissu économique. Ils alertent et épaulent le Gouvernement, mais encore faut-il qu'ils soient suffisamment entendus, et encore faut-il disposer des moyens d'une actualisation des débats. Un monde en mouvement nécessite des institutions organisées pour être très réactives. C'est en particulier à ces conditions que l'indépendance de la France pourra être sauvegardée.

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