Intervention de Yannick Favennec-Bécot

Séance en hémicycle du mercredi 5 mai 2021 à 21h00
Loi de programmation militaire et ses conséquences pour l'indépendance de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec-Bécot :

Disons-le clairement : la loi relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 constitue, après des décennies de lacunes budgétaires, d'abandons capacitaires et de réductions en moyens humains, une loi satisfaisante permettant de réparer les erreurs du passé tout en préparant l'avenir. C'est bien là ce que nous devons à tous les militaires et à leurs familles. Les députés du groupe UDI et indépendants saluent donc le travail réalisé pour juguler l'hémorragie capacitaire, ainsi que l'énergie que vous avez déployée pour que la parole donnée ne soit pas bafouée. Alors que depuis 1985 aucune loi de programmation militaire n'a été respectée, l'exécution de la présente LPM constitue, pour l'heure, un signal fort envoyé aux armées et aux militaires, qui ont vu pendant trop longtemps les budgets et les moyens promis varier au gré des événements.

Si nous saluons ces différents points, nous regrettons – j'ai eu l'occasion de vous l'indiquer en commission – qu'aucune actualisation législative de la LPM ne soit prévue avant la fin de l'année 2021, contrairement à ce que prévoyait pourtant l'article 7 du texte. Cela est d'autant plus dommageable que les constats et les orientations figurant dans la revue stratégique de 2017, sur lesquels fut fondée la loi de programmation militaire, ont évolué depuis quatre ans : la situation géostratégique s'est profondément modifiée, le niveau de conflictualité dans le monde s'est accru et la compétition entre grandes puissances n'a cessé de s'intensifier. Les puissances militaires russe et chinoise, qui poursuivent leur montée en puissance, n'hésitent plus à imposer leurs vues et leurs intérêts par le rapport de force et la politique du fait accompli. D'autres pays, comme l'Iran et la Turquie, se saisissent de toutes les opportunités stratégiques se présentant à eux pour conforter leur statut de puissance régionale et pour avancer leurs intérêts, même si cela doit passer par le piétinement des normes internationales ou d'alliances nouées depuis des décennies.

De même, pour paraphraser les propos du général Thierry Burkhard, l'Europe est aujourd'hui « cernée » par « la militarisation sans complexe du monde » et a vu éclater à ses portes de véritables conflits armés engageant des moyens lourds. À ce titre, l'hypothèse selon laquelle la France sera prochainement engagée dans des conflits de haute intensité face à des adversaires disposant de moyens sophistiqués, loin des conflits asymétriques que nous connaissons, devient malheureusement de plus en plus probable. Si ces nouvelles menaces et ces risques ont été décrits au sein de l'Actualisation stratégique 2021, nous aurions souhaité que ce document serve de cadre à une actualisation législative de la LPM, tout comme nous aurions souhaité que le Parlement ne soit pas écarté de l'élaboration de cette politique publique majeure qu'est la défense de la nation.

Face aux dangers qui menacent notre pays, le format d'armée édicté par le Livre blanc de 2013 est-il encore pertinent ? Les trous capacitaires qui nous affectent seront-ils rapidement comblés ? Le moment venu, nos soldats seront-ils opérationnels et leurs équipements disponibles ? Enfin, serons-nous capables de contrôler et de défendre notre ZEE – zone économique exclusive – face à l'appétit grandissant des puissances étrangères ? Alors que la défense constitue l'assurance vie de notre nation et la garantie que nos concitoyens pourront continuer à vivre libres, le groupe UDI-I espère que la vision purement comptable animée par les exigences du moment, qui a fait tant de mal à nos armées par le passé, ne reprendra pas le dessus.

Si l'objectif de la France de porter ses efforts de défense à 2 % du PIB est d'ores et déjà atteint, comme nous l'a d'ailleurs rappelé le rapporteur général du budget lors de l'examen du plan de relance, il va sans dire que ces indicateurs ne signifient plus grand-chose aujourd'hui et qu'il serait particulièrement dangereux d'en faire l'alpha et l'oméga pour définir les crédits budgétaires à venir.

La seule question qui mérite d'être posée est la suivante : nos besoins en matière de défense sont-ils ou non couverts afin que nous soyons prêts à faire face à tous les scénarios qui pourraient se présenter, qu'ils soient de basse ou de haute intensité, sur le territoire national ou à l'extérieur de nos frontières ?

Ces regrets et ces craintes étant exprimés, notre groupe remercie les députés de la France insoumise d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour, ainsi que notre présidente de commission, Françoise Dumas, pour tous les travaux que cette commission continuera à mener sur tous les sujets qui se rattachent, de près ou de loin, à la LPM.

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