Il y a trois mois, ici même, le groupe La France insoumise a réclamé la levée des brevets sur les vaccins. Nous avons été hués, on s'est moqué de nous, nous expliquant que cela ne servait à rien. Et maintenant, le Président de la République est en train de réclamer la levée des brevets sur les vaccins… J'espère que la même chose va se produire pour ce RSA. Mais, pour le moment, le Président de la République dit qu'il ne faut pas l'étendre aux jeunes et donc vous vous mettez au garde-à-vous et vous n'en voulez pas. Dans ces conditions, tout ce que j'ai décrit va continuer demain, je le crains : Sébastien, qui ne prend qu'un repas par jour, va continuer ainsi ; Amanda, qui ne se soigne pas, va continuer ; Ludmila, qui angoisse pour son loyer, va continuer ; Rachid, qui ne quitte pas son quartier, va continuer…
Et encore, il ne s'agit que des besoins essentiels. Mais je tiens à vous dire ce que j'ai constaté et ressenti pendant la construction de ce rapport : à quel point ce temps qui devrait être un temps d'envol, d'ouverture au monde, d'ouverture aux pays, d'ouverture aux autres, d'ouverture à la culture, n'existe pas pour une jeunesse condamnée, par l'effet de la pauvreté, à se rétrécir, à se rétracter, cette jeunesse à qui on interdit toute sortie, toute émancipation. Je crois que vous vous trompez – à supposer que vous soyez de bonne foi – sur les effets de la pauvreté : être pauvre au quotidien ne stimule pas pour aller vers l'emploi, cela vous érode, c'est la confiance en soi qui se brise, jour après jour. Quand vous faites une tournée des missions d'intérim avec un jeune et qu'à chaque fois qu'il tend son CV, celui-ci est immédiatement refusé, vous comprenez son sentiment tous les jours de ne rien valoir. Et si en plus il ne peut même pas pendant ce temps-là accéder au permis, s'acheter quelques vêtements, aller à la mer, respirer…
Il ne faut pas tout rendre dépendant de l'emploi, c'est-à-dire de l'entrée dans l'âge adulte par la face la plus abrupte parce que, décrocher un emploi, cela ne se fait pas en traversant la rue ! En le faisant, vous érodez la confiance des jeunes en eux-mêmes, et ma conviction reste la même : s'il s'agissait de vos enfants, vous penseriez autrement. Comme vous, je pourrai accompagner mes enfants dans leurs études, les aider à s'épanouir. Je pense que vous ne toléreriez pas une semaine que votre enfant ait des soucis pour se nourrir, pour se loger ou pour se soigner. Si c'étaient les vôtres, le problème serait résolu avec la même rapidité que celle dont vous avez fait preuve pour dresser un filet de sécurité pour les entreprises pendant la crise sanitaire : en quarante-huit heures !