Intervention de Cédric O

Séance en hémicycle du jeudi 6 mai 2021 à 21h00
Instauration d'une taxe sur les profiteurs de crise — Présentation

Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques :

…soit douze points de plus que dans les pays de l'OCDE et cinq points de plus que dans la zone euro, où il s'élève en moyenne à 40,5 %.

Au-delà de ces deux différences d'approche, il existe au moins trois raisons pour lesquelles l'avis du Gouvernement ne peut qu'être défavorable à votre proposition de loi. La première, c'est qu'on ne relance pas l'économie en surtaxant les entreprises qui parviennent, en pleine crise économique, à maintenir une activité rentable, donc des emplois. Nous avons proposé un plan de relance massif de 100 milliards d'euros, parce que c'est le meilleur moyen de favoriser la reprise, en préservant des pans entiers de notre économie, des milliers d'entreprises et par conséquent, des milliers d'emplois. Nous avons déjà engagé 30 milliards d'euros au titre du plan de relance. Nous voulons mobiliser les 70 milliards restants d'ici à la fin de l'année.

Le déploiement du plan France Relance est une réalité. J'en veux pour preuve quelques exemples : dans le domaine de la rénovation énergétique, ce sont déjà 235 000 dossiers MaPrimeRénov' qui ont été soumis ; dans le domaine de la compétitivité, plus de 1 500 entreprises industrielles ont bénéficié d'une subvention pour le développement ou la modernisation d'une ligne de production ; dans le domaine de la cohésion et de la solidarité nationale, 500 000 nouveaux apprentis ont été formés en 2020, ce qui constitue un record historique. Il s'agit, bien sûr, d'un enjeu important pour les finances publiques, mais nous sommes déterminés à ce que la réponse que nous apportons à la crise économique et sanitaire ne remette pas en cause la trajectoire de baisse continue des prélèvements obligatoires engagée par la majorité depuis 2017. On ne peut pas, en effet, reprendre d'une main ce qu'on donne de l'autre, sous peine d'abandonner le principe même d'une relance de l'économie.

La deuxième raison, c'est que l'instauration d'une nouvelle contribution exceptionnelle compromettrait la cohérence de notre politique fiscale et les effets bénéfiques de la trajectoire de baisse du taux de l'impôt sur les sociétés – laquelle permettra seulement de nous repositionner à un niveau un peu plus comparable à celui de nos partenaires européens. Cette baisse est une priorité pour les entreprises. Elle est aussi une condition de l'attractivité de la France. Nous nous y tiendrons. Vous proposez d'instaurer une contribution exceptionnelle de 50 % sur les bénéfices des grandes entreprises, assise sur la différence, lorsqu'elle est positive, entre les bénéfices dégagés en 2020 et ceux dégagés en 2019. Une fraction non négligeable des bénéfices dégagés en 2020 serait ainsi imposée à hauteur de 78 %, un taux totalement inédit qui pourrait même, légalement, être jugé confiscatoire.

La troisième raison, peut-être la plus importante, c'est que nous ne pensons pas que les « profiteurs » soient ceux que vous désignez. Ceux qui sortent gagnants de la crise, Bruno Le Maire l'a dit, ce sont notamment les grandes entreprises internationales du numérique. Alors, travaillons collectivement à une plus grande équité dans les règles de la fiscalité internationale. Les moyens que vous proposez pour appréhender les bénéfices réalisés par les grandes entreprises hors de notre territoire ne sont pas les bons. Vous mettez fortement en avant le cas des acteurs du commerce électronique parmi les prétendus profiteurs de crise. Sur cette question, nous avons apporté une réponse graduée au défi de l'équité du traitement fiscal entre commerce physique et commerce en ligne, à travers la création de la taxe sur les services numériques, qui vise spécifiquement les grands acteurs transnationaux du numérique. Je rappelle que la France a été le premier État à s'engager politiquement en faveur d'une fiscalité plus juste de ces acteurs. Nous n'avons pas attendu que les enceintes multilatérales le fassent, mais avons ouvert un débat international pour refonder en profondeur la fiscalité des entreprises multinationales et faire en sorte qu'elle reflète mieux la création de valeur sans créer de distorsions de concurrence. Enfin, le cadre multilatéral de l'OCDE reste selon nous l'échelon privilégié pour apporter une réponse fiscale adaptée aux nouveaux enjeux économiques.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n'est évidemment pas favorable à l'adoption de cette proposition de loi.

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