Mais précisément, dans combien de cas les salariés de ces entreprises – vous évoquiez la grande distribution – luttent-ils pour réclamer la prime qui leur a été promise, à l'époque, au titre des profits supplémentaires générés par leur employeur ? Visiblement, on leur répond qu'ils peuvent toujours se gratter, puisque leur combat continue. Nous les soutenons d'ailleurs chaque fois qu'il est possible de le faire. Il est donc clair que ces gains supplémentaires disparaissent de la circulation. Vous suggérez que nous devrions laisser les entreprises garder ces superprofits afin qu'elles les réinjectent dans l'économie réelle, qu'elles créent de l'emploi, etc. Mais c'est tout le contraire qui se produit : non seulement elles ne les partagent pas avec leurs propres salariés, mais, au-delà, que fait une entreprise comme Sanofi, qui a tiré son épingle du jeu dans la période écoulée ? Cela a été dit et redit à de multiples reprises, dans cet hémicycle, dans les médias et partout dans le pays : elle supprime des emplois en France et elle ferme des laboratoires de recherche.
Pourtant, vous vous entêtez à ne pas taxer ces entreprises. Il est d'ailleurs assez savoureux – le terme n'est peut-être pas le bon, car je ris jaune, en réalité – de constater que vous avez chiffré les pertes de recettes et les dispositifs d'aides à 158 milliards d'euros. Il se trouve qu'un indicateur a atteint un niveau assez proche en 2020, à savoir la hausse de la fortune des milliardaires français : elle a atteint 175 milliards d'euros entre mars et décembre 2020. L'ordre de grandeur est le même. Je ne sais pas s'il existe une corrélation entre les deux chiffres, mais ceux-là se sont enrichis de 175 milliards d'euros tandis que les autres – toutes les petites et moyennes entreprises qui font tourner la France au quotidien et que nous sommes évidemment fiers de fréquenter pour consommer, échanger et nous sociabiliser – ont perdu 158 milliards.
On pourrait se demander pourquoi les très riches, qui se sont encore enrichis durant cette période si funeste pour tant d'autres, ne partageraient pas leur richesse, de sorte que chacun – entreprises comme particuliers – puisse vivre correctement. Je dis bien « partager » : il ne s'agit pas, ici, de s'accaparer leurs profits, car en contribuant au pot commun – vous avez vous-mêmes employé cette expression, monsieur le secrétaire d'État –, on aide tout le monde, y compris les grandes entreprises.