Vous ne vouliez pas lever les brevets des vaccins, au prétexte que cela servirait à rien et qu'il était bien normal que les laboratoires les ayant déposés en tirent tout le mérite et s'enrichissent, mais, le président Biden ayant décrété que les brevets devaient être publics, patatras : cette idée est redevenue géniale ! Tant mieux : nous sommes pour lever les brevets afin que les vaccins puissent être produits massivement dans le monde entier, y compris à destination de pays qui n'ont pas les moyens d'en fabriquer et qui n'en obtiendront pas tant que cette décision ne sera pas prise – je pense notamment aux pays du Sud.
Pour votre information, monsieur le secrétaire d'État, le président Biden a annoncé d'autres mesures, que vous venez de qualifier d'inutiles et de contre-productives et qui ne correspondent pas à la trajectoire que vous empruntez. Je fais notamment référence à sa volonté de taxer les profits des entreprises, non seulement aux États-Unis, mais aussi à l'échelle internationale.
C'est avec une certaine gourmandise que j'ai appris que le président Biden appelait de ses vœux l'instauration d'une taxation internationale minimale sur les profits des entreprises en fixant ce taux à 21 % : je me suis dit que c'était déjà bien mais que nous pourrions peut-être faire mieux. Je me suis alors demandé à quel niveau était ce taux jusqu'à présent et quelle était la position défendue par la France. J'ai été catastrophé de découvrir qu'au moment où Biden proposait un taux de 21 %, notre pays, lui, se battait pour un taux maigrelet de 12,5 %.
Si, pour une fois, vous ne voulez pas que la France se retrouve à la remorque d'autres pays qui prennent de bonnes décisions pour relancer l'activité, alors il va falloir adopter ce texte. Je ne doute pas que vous le ferez lorsqu'il ne portera pas le vernis de La France insoumise et que vous le proposerez vous-mêmes. Cela vous conviendra sans doute mieux. Peu importe : si le résultat est là, nous serons satisfaits.
Vous avez dit : « quoi qu'il en coûte ». Très bien ! Vous avez mis 158 milliards sur la table. Et ce n'est pas fini. Mais qui va les payer ? Je vous rappelle qu'il y a une dette, qui fait l'objet de débats entre nous, qu'elle soit publique ou privée – de toute façon, même lorsqu'elle est privée, la dette est amenée à devenir publique puisque ce sont en général des prêts garantis par l'État. Certes on ne déplore aucune faillite pour le moment mais vous n'expliquez pas du tout de façon claire comment vous allez prendre en compte la dette privée. Des faillites se produiront donc forcément si vous n'agissez pas convenablement.
À travers la réforme de l'assurance chômage, vous dites aux chômeurs de ce pays que, les comptes n'étant pas très reluisants, il va falloir se serrer la ceinture et participer à l'effort collectif. Mais vous êtes infichus d'appliquer ce raisonnement à ceux dont la richesse a augmenté ! Je ne crois pas que les chômeurs de ce pays se soient enrichis entre l'année dernière et cette année : c'est plutôt le contraire ! Pourtant c'est leur argent que vous prenez pour équilibrer les comptes.
Il va donc falloir faire participer les uns et les autres. Notre dispositif, en taxant les superprofits, c'est-à-dire les profits réalisés en 2020 et qui excèdent ceux de l'année précédente, permettrait, d'après nos projections, de récupérer 10 milliards d'euros si l'on considère l'ensemble des entreprises concernées, celles qui enregistrent un chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros – ce montant s'élevant à un peu plus de 6 milliards pour les seules entreprises du CAC40.
Récupérer 10 milliards, ce serait déjà bien. Certes, ça ne fait pas la maille : on n'atteindrait pas les 158 milliards. Néanmoins cela permettrait de contribuer à l'effort collectif. On éviterait ainsi de demander, demain, aux fonctionnaires des administrations de faire un effort et de se serrer la ceinture en raison du service de la dette, en leur expliquant que le « quoi qu'il en coûte », c'est terminé, que c'était seulement valable au moment du covid-19, et que, maintenant que nous sommes vaccinés, il faut passer à la caisse.
Non ! Nous pensons que tout le monde doit contribuer. Mais vous avez le toupet d'affirmer, monsieur le secrétaire d'État, qu'il serait contre-productif de taxer les superprofits et que cela nuirait à l'économie en tant que telle. Je vais de nouveau donner l'exemple des États-Unis – je reconnais que cela peut prêter à sourire. Au passage, le fait que des insoumis citent autant le Fonds monétaire international et les États-Unis d'Amérique devrait tout de même vous faire réfléchir. Si le président Biden taxe les entreprises, c'est parce qu'il a compris qu'il fallait investir dans les infrastructures. À l'inverse, il est certain que les 100 milliards de votre plan de relance ne sont pas correctement orientés – et je pense par ailleurs aussi qu'ils sont insuffisants.
Revenons à mon exemple américain : les entreprises viennent s'installer quand les infrastructures sont de bonne qualité et non pas, comme vous le croyez, quand l'environnement fiscal est favorable puisque, au bout du compte, cela tire tout le monde vers le bas. D'ailleurs les entreprises déjà installées en France se portent plutôt bien. Les milliardaires français sont contents puisqu'ils s'enrichissent plus que les milliardaires allemands, belges, espagnols, que sais-je encore – je pourrais allonger la liste à l'envi étant donné que nous sommes les premiers en Europe de ce point de vue.
Oui, il faut taxer ceux qui ont profité de la situation, non pas pour les punir mais pour partager, parce que nous avons collectivement besoin de cet argent, pour tout le monde et donc aussi pour ces chefs d'entreprise et pour leur propre profit. Il ne s'agit donc même pas de discuter de la remise en cause du capitalisme – remarquez, cela m'aurait beaucoup plu. D'ailleurs, M. Biden dit lui-même qu'il est tout à fait acquis au système capitaliste et que c'est justement pour relancer l'activité et l'économie qu'il augmente les impôts.
Je note que cela ne vous a pas échappé non plus. Si vous êtes en mesure de prévoir que la croissance augmentera de 5 %, c'est bien parce que vous avez investi, mis de l'argent sur la table. Or, quand on génère des recettes fiscales et quand on redistribue, on enclenche un cercle vertueux sur le plan économique. Quand on mène une politique d'austérité, en revanche, on finit par tuer l'économie à petit feu ; certains s'enrichissent, certes, mais ce qui s'accroît finalement dans le pays, c'est la pauvreté. Et comme nous ne voulons pas de cette pauvreté, nous disons qu'il faut taxer les profiteurs de crise.