…et ont conduit au report du projet de loi. En 2019, c'est cette fois le Sénat qui n'a pas voulu avancer sur cette réforme institutionnelle majeure. Le débat sur la proportionnelle n'a cependant pas été interrompu, puisqu'il a repris en commission des lois avec Jean-Louis Debré, dont l'audition a été l'occasion d'échanges riches et utiles qui ont permis d'éclairer encore notre jugement.
Le Gouvernement partage la volonté de renforcer le lien de confiance avec les Françaises et les Français dans les institutions démocratiques, de mieux lutter contre le phénomène de l'abstention et d'améliorer la représentativité de l'Assemblée nationale. Toutefois, il sera opposé à ce texte et à l'instauration de la proportionnelle intégrale au scrutin législatif. Nous estimons en effet que cette disposition ne permet pas de répondre aux défis actuels, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, si le Gouvernement est favorable à une dose de proportionnelle dans le scrutin, il estime que traiter le sujet de la crise de confiance des citoyens et de l'abstention uniquement par ce prisme, notamment lors des élections législatives, en ne traitant que le mode de scrutin, serait une erreur. C'est pourquoi nous avions proposé trois mesures fortes et complémentaires pour améliorer le fonctionnement de nos institutions. À notre sens, ce n'est que par une réflexion globale sur l'ensemble du fonctionnement de nos institutions que nous parviendrons à agir sur la confiance des Français et sur la représentativité de la vie démocratique.
Nous estimons par ailleurs qu'instaurer la proportionnelle intégrale serait contre-productif dans le contexte actuel, alors que nous connaissons une crise sanitaire majeure et que nous sommes à un an seulement du prochain scrutin législatif. L'ensemble des Français se battent contre le virus et nous ne sommes pas encore sortis de la crise. Les Français demandent avant tout à retrouver une stabilité durable et à sortir des restrictions sanitaires. Nous estimons qu'il n'y a pas lieu, dans ce contexte particulier, d'induire de tels bouleversements dans le fonctionnement de nos institutions. Il est de notre responsabilité de maintenir le cap pour sortir le pays de la crise et permettre à nos concitoyens de retrouver une vie normale, notamment grâce à la campagne de vaccination et au plan de déconfinement.
J'ajoute que le Parlement a consacré en 2019, dans la loi visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral, dite loi Richard, un usage républicain qui consiste à ne modifier ni le régime électoral, ni le périmètre des circonscriptions dans l'année qui précède un scrutin. Si une loi peut déroger à cette norme de niveau législatif, il nous semble toutefois malvenu d'y contrevenir si peu de temps après son adoption – par vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés !
Enfin, la proposition de loi nous semble lacunaire puisqu'elle ne prévoit pas le cas des territoires qui élisent un seul député, ni le remplacement des députés élus au scrutin proportionnel. Elle ne prévoit pas non plus les adaptations concernant les incompatibilités, ni les inéligibilités, et encore moins les règles de financement. La transformation de notre système électoral est un sujet sérieux, qui doit être examiné dans son entièreté.
Mais surtout, nous estimons que si notre mode de scrutin peut bien sûr être amélioré, nous devons aussi prendre en compte le fait que le scrutin majoritaire uninominal conserve un certain nombre d'avantages notables qu'on ne peut pas balayer d'un revers de main. Nous le savons, il permet de dégager des majorités stables aptes à gouverner. A contrario, la proportionnelle intégrale peut faire courir le risque d'un émiettement du champ politique conduisant à l'instabilité.