Intervention de Thomas Rudigoz

Séance en hémicycle du jeudi 6 mai 2021 à 21h00
Proportionnelle intégrale au scrutin législatif — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Rudigoz :

Le débat sur le mode de scrutin – majoritaire ou proportionnel – est ancien, et peut-être aussi vieux que notre République. Pour notre part, nous en parlons depuis le début de la législature. En 2017, rappelez-vous, le président Emmanuel Macron nous a réunis en Congrès à Versailles et a annoncé sa volonté de garantir une efficacité et une représentativité accrues du Parlement. Conformément à cet engagement, le premier ministre Édouard Philippe a présenté, au début de l'été 2018, un projet de réforme institutionnelle prévoyant trois mesures fortes, plébiscitées par nos concitoyens : la réduction du nombre de parlementaires ; la limitation du cumul des mandats dans le temps, tant pour les parlementaires que pour les élus locaux ; l'élection de 15 % des députés au scrutin proportionnel, sur des listes nationales.

L'élection d'environ soixante et un députés à la représentation proportionnelle devait assurer une meilleure représentation dans notre enceinte des différentes sensibilités politiques de notre pays. Nous estimons en effet que ce n'est pas en empêchant certains partis extrémistes de constituer un groupe à l'Assemblée que nous lutterons durablement contre la montée du populisme en France ; c'est plutôt en déconstruisant leur idéologie, notamment par la force du débat dans l'hémicycle.

Malheureusement, cette réforme ne put être débattue, et encore moins votée, car à la suite de ce qu'on a appelé « l'affaire Benalla », l'ensemble des oppositions parlementaires se sont livrées à une obstruction massive et quasiment sans précédent, obligeant le Gouvernement à retirer son projet de loi constitutionnelle.

Plus récemment, les membres de la commission des lois ont évoqué la question de la proportionnelle avec M. Jean-Louis Debré, ancien ministre de l'intérieur, ancien président de l'Assemblée nationale et ancien président du Conseil constitutionnel. Très défavorable à la proportionnelle, il a considéré que l'objet d'un mode de scrutin n'était pas de donner une photographie de l'opinion publique. Si tel était le cas, a-t-il précisé, la proportionnelle serait tout indiquée, mais il faudrait alors organiser des élections chaque année pour suivre la tendance de l'opinion publique. Il a au contraire estimé, dans l'esprit qui fut celui du général de Gaulle lorsqu'il rénova nos institutions en 1958, qu'il fallait un scrutin majoritaire pour dégager une majorité stable qui apporte son soutien à un gouvernement et permette à celui-ci de gouverner, tout particulièrement dans les périodes de crise.

De même, le politologue Maurice Duverger – cité ici même en 1985 lors des débats qui conduisirent à l'adoption du scrutin à la proportionnelle pour les élections de 1986 – jugeait qu'un bon système électoral était non pas un appareil photographique, mais plutôt un transformateur qui devait changer en décisions politiques des préférences énoncées par les bulletins de vote. L'objet d'un mode de scrutin est donc non pas d'assurer une stricte représentation des différentes tendances politiques, mais de permettre la constitution d'une majorité capable de s'entendre pour permettre à un gouvernement d'agir.

La proportionnelle intégrale, mes chers collègues, c'est la loi de la minorité et de l'instabilité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.