Intervention de M'jid El Guerrab

Séance en hémicycle du jeudi 6 mai 2021 à 21h00
Proportionnelle intégrale au scrutin législatif — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaM'jid El Guerrab :

Il ne faut en effet pas omettre les effets de bord du scrutin proportionnel. Tout d'abord, la proportionnelle intégrale peut faire courir un risque d'instabilité. Sous la IVe République, l'absence de majorité forte à l'Assemblée nationale a contribué à un défaut de stabilité du régime. Ensuite, ce mode de scrutin peut tendre à favoriser les alliances de circonstance, ce qui pourrait potentiellement renforcer encore le manque de confiance des citoyens envers leurs représentants. Le scrutin majoritaire a un mérite – et il faut saluer l'intelligence et le génie du général de Gaulle : légitimer pleinement le candidat au premier tour, là où la proportionnelle pourrait donner l'impression de déposséder les électeurs de leur vote. L'exemple italien, avec les départs de membres du parti de la L e ga, en est la parfaite illustration. Pour défendre les arguments des députés du groupe Agir ensemble qui n'y sont pas favorables, j'ajoute que la proportionnelle peut porter en elle un risque de confusion pour les électeurs, qui ne pourront pas voter pour un candidat en particulier, individuellement, puisqu'ils éliront une liste présentée par un parti politique.

À titre personnel, j'ai travaillé assez longuement sur le sujet dans le cadre de la réforme constitutionnelle que nous voulions mener à bien en 2018, qui a malheureusement été interrompue. L'année dernière, j'ai publié un livre dans lequel je propose une réflexion ; il m'est apparu que ce mode de scrutin pouvait offrir un souffle démocratique à nos concitoyens, sans prendre sa forme intégrale. L'idée est de proposer un scrutin uninominal majoritaire à deux tours, tout en introduisant, comme le Président de la République l'avait proposé, une dose de proportionnelle. Dans les rangs de la majorité, une telle solution est notamment soutenue par François Bayrou.

Les élections législatives n'étant bien souvent, dans le cadre du quinquennat, que le troisième tour de la présidentielle, nos concitoyens ont souvent l'impression d'un manque de représentativité à l'Assemblée. Il suffit de voir ce qui s'est passé il y a deux ans avec les gilets jaunes. Aujourd'hui, quand on demande aux Français quel est leur principal sujet de préoccupation, celui qu'ils aimeraient voir défendu à l'Assemblée nationale, ils répondent : l'écologie. Dans l'hémicycle, il n'y a pas de groupe qui défende pleinement l'écologie. Comment peut-on par ailleurs justifier qu'un parti ayant envoyé une candidate au second tour de la présidentielle et qu'un autre ayant fini troisième aux dernières élections européennes ne puissent disposer d'un groupe à l'Assemblée nationale faute d'un nombre suffisant de députés ?

Le scrutin proportionnel est un instrument intéressant. On peut imaginer qu'il améliorera la santé de la démocratie, en évitant que les électeurs aient la sensation que leur vote est perdu. Plus concrètement, nous pourrions élire 385 députés au suffrage uninominal majoritaire direct dans 385 circonscriptions, ce qui représenterait deux tiers du total. Les 192 autres, soit le tiers restant, pourraient être élus à la proportionnelle régionale. De cette façon, nous aurions une meilleure représentativité de la pluralité du pays et de la diversité des opinions de nos concitoyens. De plus, aucun parti ne serait laissé de côté et toutes les opinions seraient représentées. Certains députés de mon groupe, comme ma collègue Valérie Petit, y sont favorables. Le groupe Agir ensemble votera contre la proposition de loi. En revanche, j'y suis résolument favorable à titre personnel.

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