Je doute que le projet de loi que nous examinons soit celui de la « sortie de crise sanitaire ». Par contre, il est assurément celui de la prolongation d'un état d'exception : ce texte vous permettra de proroger non seulement l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 31 août prochain, mais aussi un régime exceptionnel jusqu'en octobre.
Or on ne peut pas prendre cela à la légère. Un exécutif, quel qu'il soit, au nom de ce qu'il estime être l'efficacité de son action, a naturellement tendance à s'exonérer des freins mis à son pouvoir, et c'est encore plus vrai sous la V
Si je rappelle ici ces évidences, c'est qu'elles n'en sont plus pour le Gouvernement. Voilà pourquoi, chers collègues, il revient au pouvoir législatif, c'est-à-dire à nous, d'y veiller. Qui plus est, cette facilité, ce déséquilibre de la balance entre liberté et sécurité vous fait commettre des erreurs. Depuis un an, en effet, vous refusez toute proposition alternative au confinement, et vous vous contentez finalement de régler le bouton sur « plus » ou « moins » de restrictions de liberté : confinement plus ou moins drastique ; plus ou moins de contrôle des déplacements ; plus ou moins de couvre-feu.
Vous vous contentez de changer le degré des restrictions, selon l'humeur du moment, alors que sur le temps long, il y a de quoi douter sérieusement de l'efficacité de ces mesures. Il en est ainsi du couvre-feu, très liberticide, que vous maniez avec tant de facilité : contrairement à ce que vous dites, nous n'avons nulle preuve de son efficacité contre le virus, d'autant qu'il ne faut pas être grand clerc pour voir que les concentrations de population qu'il provoque dans les transports en commun ou les magasins constituent au contraire un facteur de risque supplémentaire, comme l'ont d'ailleurs constaté plusieurs études.
Au fond, vous ne comptez que sur le vaccin pour sortir le pays d'affaire. C'est risqué, parce que si le vaccin est absolument indispensable pour freiner la maladie, ou au moins en atténuer les effets, nul ne peut affirmer qu'il permet d'éviter sa transmission efficacement et de façon prolongée. Dans ce domaine également, vos volte-face ne nous rassurent pas. Sur la question essentielle de la licence libre, alors que la France a rejeté en février dernier, devant l'Organisation mondiale du commerce, la demande formulée par l'Inde et l'Afrique du Sud, nous avons finalement entendu, au sommet de Porto, le chef de l'État affirmer toute honte bue qu'il avait précédé Joe Biden dans cette voie, tout en expliquant que ce n'était pas la priorité du moment.
La seule nouveauté de ce texte, son cœur, c'est donc le pass sanitaire. Vous avez commencé par dire qu'il ne serait utilisé qu'aux frontières, histoire sûrement de nous rassurer. Vous proposez maintenant, à la dernière minute, d'étendre son utilisation à certains rassemblements ; exactement ce que nous craignions. C'est un amendement absurde : pourquoi viser les foires ou les rassemblements de loisirs, et pas d'autres rassemblements sur les lieux de travail ou de culte ? Surtout, c'est le type de société que vous proposez avec cet amendement qui nous inquiète, parce que nous le savons bien et nous le voyons avec le couvre-feu : une fois un principe admis, vous en étendez le champ et la durée d'application.
Non, nous ne sommes pas d'accord pour que les Français soient contrôlés, surveillés et discriminés en fonction d'un état de santé présumé. Vous dites que jamais le pass sanitaire ne sera exigé dans les activités quotidiennes, mais comment pouvez-vous l'affirmer ? Une fois qu'il sera instauré, comment éviterez-vous qu'un restaurateur, par exemple, ne l'exige à l'entrée de son restaurant, pour satisfaire telle ou telle clientèle ?
Je terminerai en revenant sur votre volonté d'imposer à votre aise des restrictions dans certains territoires en fonction du taux de contamination observé. Ce serait une double peine. Je le vois bien dans mon département de Seine-Saint-Denis : lorsque la situation épidémique est plus grave qu'ailleurs, cela s'explique par les inégalités subies en matière d'offre de soins et par la situation sociale difficile. Pour ces départements, comme pour tout le monde d'ailleurs, ce ne sont pas des punitions « territorialisées » qu'il faut, mais des solutions appropriées.
Au fond, je constate que votre stratégie consiste plus à construire une société dans laquelle on vivrait avec le virus qu'à chercher à l'éradiquer. Il y a pourtant des solutions alternatives ; nous en avons proposé, d'autres en ont proposé aussi. Vous pourriez organiser une société en roulement, le temps de la pandémie ; vous pourriez offrir de vraies conditions matérielles permettant un isolement des personnes contaminées ; vous pourriez élaborer un grand plan d'urgence pour les hôpitaux, permettant la création de lits et l'embauche de personnel ; vous pourriez équiper les écoles et les lieux d'activité fermés en purificateurs d'air et en capteurs de CO