La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
Nous voici donc à nouveau réunis pour l'examen d'un projet de loi relatif à la crise sanitaire. Depuis quinze mois, le Parlement est sollicité à intervalles réguliers pour trouver le juste équilibre entre le maintien de nos libertés et la nécessaire protection des plus vulnérables face à un virus qui a déjà tué plus de 100 000 de nos concitoyens.
En quinze mois, la vie des Français a changé, leur quotidien a été bouleversé ; je comprends la lassitude, la fatigue, parfois la colère. Beaucoup de sacrifices ont été consentis : ils sont la traduction en actes de nos valeurs. La solidarité n'est pas une valeur abstraite, désincarnée ; elle n'a de sens que si elle engage et mobilise chacune et chacun d'entre nous.
Je souhaite vous remercier, mesdames et messieurs les députés, et par votre intermédiaire remercier tous les Français de leur patience, de leur courage, de leur abnégation au cours de ces derniers mois. Je souhaite aussi vous remercier pour votre vigilance au quotidien et pour votre souci constant de trouver un juste équilibre entre nos libertés et la protection des Français.
Ce juste équilibre ne saurait être une décision unanime, à même de satisfaire chacun ; il n'est pas non plus un consensus mou ou un pis-aller. Ce juste équilibre, c'est celui de l'intérêt général – nous ne sommes pas ici pour en servir un autre.
L'état d'urgence sanitaire n'a pas été une fantaisie, ou comme je l'ai souvent entendu un excès de prudence. Non, il a permis de donner un cadre juridique et démocratique à des décisions sans précédent qui se sont toujours appuyées sur des données scientifiques, sur notre connaissance du virus et de nos moyens de lutte contre lui. Notre seul et unique objectif a été de protéger la santé des Français : c'est un choix que nous avons fait avec gravité, avec responsabilité. Ce n'est pas de gaieté de cœur que l'on prend des décisions comme celles qui ont été prises.
Aujourd'hui, c'est avec un optimisme et une confiance raisonnables que je soumets à votre examen ce projet de loi de sortie de la crise sanitaire.
Si les indicateurs ne sont pas au vert, loin de là, ils donnent à voir une amélioration sensible de la situation épidémique. La vaccination s'est accélérée : 18 millions de nos concitoyens ont reçu au moins une dose de vaccin. Le nombre de patients en réanimation pour cause de covid-19 a commencé à décroître : il avait dépassé les 6 000, et il est actuellement d'un peu moins de 5 000. La courbe laisse présager que nous atteindrons la barre des 4 000, puis celle des 3 000 ; nous pourrons alors reprendre dans nos hôpitaux des soins programmés dans les meilleures conditions. Le taux de positivité est également en baisse, puisqu'il est passé de 6,2 % à 5,8 %. Enfin, nous enregistrons une diminution du taux d'incidence depuis trois semaines consécutives, dans toutes les classes d'âge : nous diagnostiquons quelque 18 000 malades par jour ; c'est encore beaucoup, c'est encore trop, mais c'est deux fois moins que les 40 000 malades diagnostiqués par jour lorsque nous avons dû appliquer des mesures de freinage. Le taux d'incidence avoisine désormais les 200.
Ces signaux sont très encourageants. Ils montrent que les mesures ont été efficaces, une fois encore. Ils nous permettent d'envisager de façon plus sereine la poursuite de la lutte contre l'épidémie et rendent possible une adaptation des mesures de protection sanitaire. Nous pouvons maintenant nous projeter de manière progressive en dehors du régime de l'état d'urgence.
Cette amélioration de la situation ne peut nous exonérer d'une vigilance qui demeure absolument nécessaire pour éviter la propagation du virus. Appeler au maintien de la vigilance n'est en rien une posture, si l'on tient compte du fait que la mortalité liée au covid reste élevée, et que la tension hospitalière, bien qu'en baisse, demeure forte dans beaucoup de territoires métropolitains et ultramarins.
Au chapitre des indicateurs, je rappelle enfin que nous avons encore en réanimation plus de patients malades du covid qu'au pic de la deuxième vague.
Le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire ne marque donc pas une rupture nette entre les contraintes qu'impose l'épidémie et le retour à la vie d'avant ; il fixe un cap vers l'objectif d'un retour tant espéré à notre vie d'avant. Il dessine des perspectives et installe de manière progressive et pérenne les conditions d'un retour à la normale, mais de façon sûre, efficace et durable.
Ce retour à la normale, nous n'avons cessé de le chercher au sein de cette assemblée, par un débat qui n'a jamais été interrompu depuis le début de la crise sanitaire : le simple fait que ce projet de loi soit le huitième consacré à la crise sanitaire en atteste. Nos échanges ont parfois été vifs ; ils étaient nécessaires pour parvenir à des décisions équilibrées et pour construire ensemble des mesures de protection des populations. À chaque fois, l'esprit de responsabilité l'a emporté.
Ce projet de loi ne déroge pas à cette règle. En tenant compte d'une réalité épidémique encore sensible, il s'efforce de créer un régime de sortie de crise sanitaire à la fois sérieux et raisonnable.
Il consacre des évolutions majeures. C'est la fin de l'état d'urgence sanitaire, déclaré le 14 octobre dernier, et prolongé depuis lors. Les mesures de confinement prennent fin, et ce dès le 2 juin prochain.
Cependant, il reste nécessaire de conserver, à titre temporaire, l'outil qu'est le couvre-feu : cette demande pragmatique permet de ne pas solliciter une nouvelle reconduction d'un état d'urgence sanitaire, avec les larges possibilités de couvre-feu qu'il emporterait. Un amendement du Gouvernement adopté en commission permet ainsi de maintenir un couvre-feu spécifique, temporaire, et très encadré, du 2 au 30 juin 2021 inclus, c'est-à-dire pour un mois uniquement. Il autorise un horaire plus tardif que l'horaire actuel, puisque l'heure ne pourra être plus précoce que vingt et une heures.
Cette mesure se veut une dernière étape, progressive, vers un régime de sortie. Elle n'est pas destinée à rester figée dans le marbre, comme s'y est engagé le Président de la République en annonçant que cette heure serait susceptible d'être repoussée encore si la situation sanitaire venait à s'améliorer. Un calendrier a été annoncé.
Nous savons aussi que la circulation du virus n'est pas la même d'un territoire à l'autre, ce qui a d'ailleurs justifié à de nombreuses reprises des mesures territorialisées. Le Gouvernement souhaite que ce dispositif soit maintenu pour répondre à une éventuelle dégradation localisée de la situation sanitaire pendant la période estivale, sans maintenir un couvre-feu plus strict pour l'ensemble de la population. Nous souhaitons donc que le dispositif de renforcement des mesures sanitaires territorialisées adopté en commission soit maintenu.
Beaucoup de députés y tenaient : ce texte permet de verser les données pseudonymisées des systèmes d'information covid au sein du système national des données de santé (SNDS), afin de pouvoir les conserver après la fin de la crise sanitaire, uniquement à des fins de recherche. Aucune latitude n'est prise vis-à-vis du respect de la confidentialité des données.
La campagne vaccinale progresse ; avec elle, nos espoirs grandissent. Quelles libertés le vaccin nous offrira-t-il, quelle protection nous apportera-t-il ? Ces questions sont légitimes, mais elles sont également source de beaucoup de confusion, tout comme les questions sur le pass sanitaire.
Celui-ci n'est pas un pass vaccinal : pour le valider, un test PCR ou antigénique pourront suffire. Il est avant tout un outil de sécurisation du repli épidémique et d'accélération – c'est un point essentiel – de l'ouverture progressive des commerces, des restaurants et des grands événements.
Il prend deux formes au sein de ce projet de loi : un pass « frontières » et un pass « grands événements ». Le premier permet de soumettre les déplacements à longue distance à une attestation de vaccination ou de rétablissement, alternativement au résultat négatif d'un test virologique. Le second, introduit en commission par voie d'amendement, subordonne l'accès des personnes à certains lieux, établissements ou événements impliquant de grands rassemblements.
Le Conseil scientifique, consulté sur cette orientation, a rendu le lundi 3 mai un avis dans lequel il estime que le pass sanitaire, utilisé de manière temporaire, « peut permettre à la population une forme de retour à la vie normale en minimisant les risques de contamination ». Ce dispositif ne sera pas étendu aux activités du quotidien ; évidemment, les mesures sanitaires barrières demeurent maintenues, même avec le pass sanitaire.
Nous veillerons à ce que l'interdiction édictée en commission au sujet des activités du quotidien soit bien respectée ; le cas échéant, des sanctions seront prononcées, sur le modèle des contraventions relatives aux établissements recevant du public et aux lieux de réunion que nous connaissons dans le régime actuel.
Le pass reste le meilleur moyen de valoriser l'ensemble des efforts de vaccination que nous avons consentis pour rendre possibles davantage d'activités, davantage d'événements sportifs et culturels – nous prendrions, sinon, le risque de fermetures ou de restrictions encore plus prolongées.
Prévues explicitement pour le régime de sortie, ces facultés seront également mobilisables en état d'urgence sanitaire, s'il devait être déclaré à nouveau, ce que nul ne souhaite évidemment.
Afin de parer à toute éventualité, il sera proposé de rétablir cet été l'aménagement limité des règles de prorogation de l'état d'urgence sanitaire, mais uniquement s'il devait ne concerner que des territoires très limités et moins de 10 % de nos compatriotes. Nous éviterons ainsi l'organisation d'un nouveau rendez-vous législatif à une date à laquelle vos travaux seront suspendus, mais à laquelle des décisions urgentes seraient indispensables. Chacun se souvient, l'été dernier, alors que l'épidémie était sinon à un point mort, du moins à un niveau très bas, de la réémergence de cas en Mayenne : nous avons pu, en intervenant très vite, éviter une deuxième vague au cours de l'été.
Je vous demande de ne jamais oublier dans vos raisonnements les territoires ultramarins, car l'hémisphère Sud, l'été dernier, a été marqué par des vagues épidémiques très fortes, qui ont notamment touché la Guyane, où nous avons dû prendre en urgence des mesures de protection de la population.
Le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui tient évidemment compte de la situation économique de notre pays. Depuis plus d'un an, l'État a prouvé qu'il était capable d'accompagner quotidiennement et dans la durée nos entreprises et les salariés. Nous vous proposons d'adapter plusieurs mesures économiques et sociales prises lors des étapes précédentes de l'épidémie afin de favoriser la reprise d'activité, notamment en ce qui concerne l'activité partielle.
Chacune de ces mesures traduit l'engagement et la persistance du Gouvernement dans la lutte contre le coronavirus. Je sais que ce que le régime de l'état d'urgence sanitaire emporte dans la vie quotidienne des Français et de cette assemblée ; je sais aussi que sans vous, mesdames et messieurs les députés, sans la force de la démocratie, notre combat perd son sens et notre avenir est plus qu'incertain. Dans le projet que nous construisons de sortir de la crise sanitaire une bonne fois pour toutes – oui, une bonne fois pour toutes – nous devons poser des jalons et trouver ensemble les conditions par lesquelles la vie pourra redevenir ce qu'elle était auparavant. C'est ce que propose ce texte, et je sais que vous serez au rendez-vous.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
La parole est à M. Jean-Pierre Pont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Il nous est aujourd'hui permis d'entrevoir, avec toute la prudence que cette affirmation impose, la sortie d'une période qui a éprouvé notre pays depuis plus d'un an. En ce printemps 2021, si le virus de la covid-19 persiste, mute et continue de tuer malgré tous les efforts déployés, au premier rang desquels ceux de nos personnels soignants, la campagne de vaccination est désormais bien engagée et suscite légitimement l'espoir et la patience.
Nous devons néanmoins rester prudents. Les effets tant attendus du vaccin sont pour bientôt, et dans cette attente l'effort collectif consenti par les Français doit être maintenu, selon des modalités adaptées au contexte sanitaire actuel.
C'est un équilibre fragile, exigeant, que recherche le présent projet de loi : favoriser au maximum la reprise des activités, tout en maintenant des mesures nécessaires à la lutte contre l'épidémie. Je me félicite qu'il s'inscrive dans la continuité de la position exprimée par la commission des lois lors du dernier projet de loi de prorogation de l'état d'urgence sanitaire, discuté en début d'année : sortir de l'état d'exception dès que possible, et déterminer au moment opportun le régime transitoire qui lui succédera, afin de poursuivre de manière proportionnée la lutte contre le virus, tout en permettant la reprise des activités et la relance de la croissance.
Tel est l'objet de l'article 1
Les débats en commission ont été fructueux sur cet article, à la fois sur la disposition relative au passeport sanitaire pour certains déplacements et sur les deux amendements du Gouvernement. Le premier vise à instaurer un pass sanitaire pour les activités de loisirs impliquant de grands rassemblements et le second à permettre de maintenir le couvre-feu jusqu'au 30 juin prochain.
Réjouissons-nous des garanties et précisions d'ores et déjà apportées en commission à ces dispositifs. Un sous-amendement de notre présidente a ainsi permis d'acter qu'aucun professionnel ne pourrait exiger la présentation du pass en dehors des cas prévus par la loi. Il s'agit d'éviter la dérive que constituerait le recours à ce dispositif dans la vie quotidienne.
Nous aurons l'occasion de poursuivre ce travail en séance publique, notamment s'agissant du maintien provisoire du couvre-feu. Cette disposition constituant une entorse – certes justifiée – au principe selon lequel seul l'état d'urgence sanitaire permet de prendre des mesures d'interdiction de sortie du domicile, nous apporterons les garanties supplémentaires nécessaires à sa pleine acceptation.
Enfin, concernant le terme du régime transitoire, les débats ont été riches. Néanmoins, je maintiens que le choix du 31 octobre est judicieux, du point de vue non seulement sanitaire, mais aussi social et économique. Avancer cette date reviendrait à limiter l'application de mesures d'accompagnement indispensables pour notre pays.
J'en viens à l'article 2, dont le II prévoyait un délai dérogatoire de déclaration de l'état d'urgence sanitaire, applicable pendant la période estivale et dans des parties limitées du territoire. Cette mesure a pu susciter des interrogations et des critiques légitimes, renforcées par l'avis du Conseil d'État, ce qui a conduit à sa suppression. Le nouveau dispositif que présentera le Gouvernement prend en considération les propositions que j'ai émises et apportera une réponse aux craintes exprimées.
L'article 3 prévoit l'adaptation des deux premiers articles en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Dans la continuité des récentes et utiles décisions que le Gouvernement a prises pour intensifier le contrôle sanitaire aux frontières, l'article 4 tend à renforcer le régime de quarantaine et d'isolement ainsi que le contrôle des infractions aux règles de police sanitaire.
L'article 5 me semble essentiel en ce qu'il permet d'intégrer certaines des données recueillies par les systèmes d'information instaurés aux fins de lutter contre l'épidémie de la covid-19 au SNDS. Ce versement, qui se fera de manière sécurisée et respectueuse de la protection des données personnelles, vise à aligner les modalités de recueil des informations sanitaires relatives à la covid-19 sur le régime de droit commun – et lui seul. Cet outil indispensable permettra, à terme, d'améliorer les connaissances médicales et la prise en charge des patients et donc de mieux faire face à d'autres épidémies éventuelles.
J'espère vivement que nos discussions permettront de dissiper les malentendus qui ont pu apparaître en commission des lois à propos de cet article. Je précise d'ores et déjà que les données concernées ne seront pas des données identifiantes et personnelles – celles-ci seront détruites au bout de trois mois –, mais bien des données sanitaires sous pseudonyme.
J'ai évoqué les mesures d'accompagnement prises depuis le début de la crise. De façon tout à fait opportune, l'article 6 prévoit d'en proroger certaines jusqu'à la fin de la période transitoire, le 31 octobre. Sont ainsi concernés le fonctionnement des juridictions, celui des assemblées délibérantes locales – sur ce point, je salue la proposition du Gouvernement aménageant le quorum pour les élections en juin prochain des exécutifs locaux –, l'organisation des EHPAD ou encore les missions des services de santé au travail, plus que jamais indispensables.
D'autres mesures d'accompagnement nécessaires pourront être prolongées et adaptées par voie d'ordonnance, en vertu de l'article 7, s'agissant de l'activité partielle, de la trêve hivernale et de l'indemnisation chômage des intermittents. Le recours aux ordonnances est contesté, je le sais, mais il est ici opportun : cela permettra d'adapter des outils précieux à une évolution de la situation sanitaire que nous ne pouvons pas encore appréhender.
L'article 8 prévoit, pour les scrutins de juin, des aménagements de la campagne électorale et des opérations de vote : professions de foi numériques, vote en extérieur, affichage électoral étendu. Tout est conçu pour que les scrutins se déroulent dans les meilleures conditions pour les candidats et pour les électeurs. La commission a également clarifié les mesures prévues en matière de débats électoraux pour en maximiser l'efficacité. En outre, à mon initiative et à celle de M. Gouffier-Cha et des membres du groupe La République en marche, la commission a adopté un article 9 nouveau qui prévoit d'avancer la date limite de délivrance des récépissés définitifs de candidature afin d'étendre la durée de l'affichage électoral. C'est une mesure utile, dont le principe est d'ailleurs soutenu par le Gouvernement, comme en témoigne le décret publié samedi au Journal officiel.
Enfin, la commission a introduit trois autres nouveaux articles sur proposition du Gouvernement : l'article 6 bis prolonge jusqu'à la fin du régime transitoire la dérogation au jour de carence des agents publics et de certains salariés ; l'article 10 prévoit le remboursement des dépenses de propagande électorale exposées à l'occasion d'élections législatives partielles reportées ; enfin, l'article 11 consacre juridiquement l'annulation des opérations de recensement prévues cette année et qui n'ont pu se tenir du fait de la crise sanitaire.
L'espoir demeure qu'il s'agisse du dernier effort demandé aux Français. Pour se donner toutes les chances de tourner enfin la page de la crise sanitaire, il nous faut réussir, à partir du 2 juin, la sortie du second état d'urgence sanitaire et du troisième déconfinement, selon les modalités annoncées par le Président de la République le 29 avril 2021 et organisées par le présent projet de loi.
J'ai reçu de Mme Valérie Rabault et des membres du groupe Socialistes et apparentés une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
La France devrait sortir de l'état d'urgence sanitaire le 2 juin, mais le Gouvernement entend conserver des prérogatives importantes jusqu'en octobre. Tel est le but de ce nouveau texte.
Du 2 juin au 31 octobre inclus, c'est-à-dire pendant cinq mois, le Premier ministre aura la compétence de prendre par décret certaines mesures « dans l'intérêt de la santé publique et à la seule fin de lutter contre la propagation de l'épidémie du covid-19 ». Dans des parties du territoire où une circulation active du virus est constatée, il pourra interdire ou restreindre les déplacements des personnes et la circulation des véhicules, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé. Il pourra également réglementer l'accès aux locaux recevant du public, les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public.
Pour faire face à des dégradations localisées de la situation sanitaire, le texte précise par ailleurs que jusqu'au 31 octobre, l'état d'urgence sanitaire pourrait être déclaré dans une ou plusieurs circonscriptions territoriales déterminées, le délai au-delà duquel sa prorogation ne pourrait être autorisée que par la loi étant porté à deux mois.
Ainsi, pour en résumer la philosophie, le projet de loi organise, au profit de l'exécutif, une délégation permanente du pouvoir de limiter les libertés publiques et individuelles, délégation qui, dans le cadre d'une gestion territorialisée, peut descendre jusqu'au préfet.
Certes, le texte prévoit l'information du Parlement – du moins sur une partie des mesures prises. Mais le législateur a déjà accepté en mars, en mai, en juillet, en novembre 2020, puis en février 2021 d'accorder au Gouvernement des pouvoirs exceptionnels face à la crise, et tout au long de ces presque quinze mois, nous avons espéré des dispositions destinées à les encadrer. Aujourd'hui encore, le projet de loi tend à autoriser le Premier ministre à prendre toutes les mesures permises par l'état d'urgence, et encourt donc la même critique que celle formulée en juin 2020, lors de l'examen de la précédente loi de sortie de l'état d'urgence sanitaire.
Certaines restrictions aux libertés fondamentales pourraient donc être maintenues plusieurs mois sans aucune intervention de notre assemblée. Or des limitations aux libertés publiques et individuelles ne peuvent être acceptées que si elles sont temporaires, si le Parlement est appelé à voter régulièrement et si les juges peuvent apprécier leur caractère proportionné. Les amendements que notre groupe défend se nourrissent de ces principes.
Le rejet du texte se justifie, selon nous, pour quatre raisons : plutôt que de prévoir une « décélération » des mesures de police, il multiplie les possibilités d'en prendre et étend leur durée d'application ; il comprend de nombreuses imprécisions juridiques ; il serait significativement modifié par l'amendement du Gouvernement relatif à l'institution d'un pass sanitaire ; il permettrait, dans certaines parties du territoire représentant un certain pourcentage de la population, d'appliquer l'état d'urgence pendant une durée allant jusqu'à deux mois avant que sa prorogation soit autorisée.
Tout d'abord, le régime transitoire, par sa durée, revient à contourner la nécessité d'obtenir une autorisation expresse pour proroger l'état d'urgence sanitaire. Au moment même où l'on évoque la fin des mesures de restriction des déplacements, le cadre proposé maintient, s'agissant de l'accès aux établissements recevant du public et des rassemblements sur la voie publique, les mêmes contraintes que celles qui s'appliquaient lors de l'état d'urgence sanitaire. Il s'agit de ces fameux « freins » qui pourraient être actionnés selon une logique politique affichée mais pas sur le fondement d'arguments scientifiques.
Le texte offre la possibilité de maintenir le couvre-feu entre vingt et une heures et six heures du matin. En habilitant les préfets à prendre certaines mesures générales, il tend à déléguer le pouvoir exécutif à l'administration déconcentrée sans que la représentation nationale en assure le contrôle. Dans les faits, l'état d'urgence délégué et territorialisé pourrait durer jusqu'à cinq mois, soit une durée supérieure à tout ce que la loi a autorisé jusqu'à présent – et cela, sans intervention du Parlement.
Le contrôle parlementaire demeurera donc toujours aussi limité, et nous n'aurons toujours pas de visibilité sur les mesures générales prises par les préfets, dont beaucoup donnent pourtant lieu à des contentieux.
Nous nous interrogeons par ailleurs sur l'imprecision du cadre légal proposé, alors que toute restriction aux libertés se doit d'être limitée, précisément définie et proportionnée à l'objectif poursuivi.
Cette imprécision soulève la question de l'incompétence négative. Aux termes de l'article 1er , le Gouvernement pourrait réglementer, voire interdire la circulation des personnes ou l'ouverture de certains établissements – hors l'hypothèse d'un strict confinement – dans les parties du territoire dans lesquelles est constatée « une circulation active du virus ». Or ni le projet de loi, ni son exposé des motifs, ni l'étude d'impact ne définissent précisément cette condition à l'important renforcement du pouvoir réglementaire du Premier ministre. Nous avons proposé en commission de prendre pour référence le taux d'incidence constaté sur une semaine glissante, en prenant pour seuil soit celui évoqué par le Président de la République à propos du déconfinement – 400 cas positifs pour 100 000 habitants –, soit celui recommandé par la communauté scientifique et médicale et qui était l'ancien seuil d'alerte de référence de l'administration – 250 cas positifs pour 100 000 habitants.
En l'absence d'une telle précision, le Gouvernement aurait de fait toute latitude pour décider un basculement vers un régime d'interdiction. Il s'agit, nous semble-t-il, d'un cas d'incompétence négative, c'est-à-dire une des hypothèses dans lesquelles le législateur n'aurait pas épuisé sa compétence : loi trop imprécise ou ambiguë, renvoi au pouvoir réglementaire, renvoi aux autorités d'application de la loi, intervention insuffisante du législateur, privation de garanties légales… Autrement dit, il s'agirait d'une omission du Parlement.
Ce défaut d'incompétence négative, qui s'ajoute aux manquements à l'obligation de clarté et d'intelligibilité de la loi, est particulièrement évident s'agissant du mécanisme du pass sanitaire introduit par voie d'amendement. Celui-ci serait applicable à certains lieux, établissements ou événements, sans précision quant aux types d'établissements concernés ou quant à leur ouverture sur l'extérieur.
L'article évoque d'ailleurs de « grands rassemblements de personnes », mais sans donner de précisions s'agissant des jauges applicables, que ce soit en nombre ou en densité de personnes.
Enfin, certains types de rassemblement dans un grand espace fréquenté sont énumérés, comme les activités de loisir. Toutefois, on ne distingue pas les événements sportifs des activités culturelles ou des simples balades. De la même manière, parmi ces rassemblements, rien ne distingue la projection d'un film dans une salle de cinéma de quartier de quatre-vingts places, un concert à Bercy qui compte 18 000 places, une manifestation de quartier en extérieur réunissant cinquante personnes, ou un événement rassemblant plusieurs dizaines de milliers de spectateurs.
En outre, au-delà de l'incompétence négative et du manque de clarté de la loi, qui font courir un risque de non-conformité du texte avec la Constitution, la question de la protection des données personnelles n'est pas non plus traitée. Nous reviendrons sur le pass sanitaire dans un instant, mais qu'il nous soit déjà permis de dire que son application nécessitera la collecte de données personnelles de santé, ce qui constitue un précédent. Il conviendra donc de limiter la durée et l'ampleur de ce recueil de données.
Par nature, ce seront majoritairement des personnes morales ou physiques n'appartenant pas à une administration qui seront amenées à contrôler le pass sanitaire. Or aucune garantie n'est prévue, à l'instar d'un agrément à procéder à ces contrôles, quant à la conservation et à l'utilisation des données personnelles de santé qu'il contiendra.
Notons par ailleurs que le pass sanitaire a été introduit dans le texte par l'adoption d'un amendement du Gouvernement. Ce dernier n'a donc pas eu à appliquer l'article 39 de la Constitution et l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009, qui l'obligent à soumettre les projets de loi à l'avis du Conseil d'État et à les accompagner d'une étude d'impact. Transmis au Parlement, ces documents constituent pourtant des éléments essentiels à la bonne information des parlementaires en amont de l'examen des textes, afin de leur permettre de se prononcer en toute connaissance de cause.
Le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire a été déposé le 28 avril 2021 sur le bureau de l'Assemblée nationale, mais l'exécutif n'a déposé son amendement relatif au pass sanitaire que le 3 mai, soit cinq jours plus tard. Ce sujet étant discuté depuis plusieurs semaines aux niveaux français et européen, le Gouvernement ne saurait faire croire qu'il a été contraint d'intégrer cette disposition en urgence, après le dépôt du projet de loi. Compte tenu de la rédaction de l'amendement, il a manifestement fait le choix de contourner l'obligation de soumettre cette disposition à l'avis du Conseil État, afin de s'épargner un jugement potentiellement négatif, et de l'intégrer dans l'étude d'impact.
Si le Conseil constitutionnel n'a encore jamais retenu ce motif pour prononcer la censure d'un projet de loi, la procédure par laquelle la disposition a été adoptée n'en est pas moins contraire à l'esprit de la Constitution. Qu'il nous soit donc permis de dire combien il nous paraît étrange que nous ne sachions pas, à ce stade, si le pass sera lié au téléchargement de l'application TousAntiCovid et subordonné à son utilisation. Nous ne savons pas davantage si une démarche similaire est entreprise par l'Union européenne et, si oui, comment elle s'articulera avec la nôtre. Enfin, nous souhaiterions savoir si des garanties suffisantes l'entoureront, s'agissant notamment des données personnelles. De quelles données parlons-nous et qui pourra les consulter ? J'ajoute que le pass ne devra pas créer de discriminations ou d'inégalités, surtout alors que toute la population n'aura pu être vaccinée au moment où il entrera en vigueur.
En tout état de cause, j'insiste sur le fait que le contournement de l'avis du Conseil d'État est malvenu, ce qui est un euphémisme.
Dernier élément nous conduisant à défendre une motion de rejet préalable : la possibilité de prendre, en cas de reprise de la pandémie, des mesures dérogatoires pendant deux mois sans l'intervention du législateur. Un tel délai dérogatoire de deux mois avant l'obligation de procéder à la prorogation de l'état d'urgence sanitaire figurait à l'article 2 du projet de loi initial. Notre amendement visant à supprimer cette disposition a été adopté en commission, avec notamment le soutien de nos collègues des groupes Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés et Agir ensemble, mais le Gouvernement a déposé un amendement pour la rétablir en séance publique.
Je rappelle que ce dispositif permettrait, lorsque l'état d'urgence sanitaire est déclaré sur un territoire représentant moins de 10 % de la population française, de ne pas avoir à requérir sa prorogation avant deux mois, contre un mois actuellement.
La justification apportée par le ministre en commission a été pour le moins surprenante, celui-ci évoquant sa volonté de ne pas mobiliser les services des ministères concernés et les députés durant les congés d'été. De toute évidence, ces arguments ne tiennent pas étant donné que la gestion des ressources humaines des ministères prévoit une continuité de l'action de l'État et que les députés demeurent mobilisables à tout moment, à plus forte raison cette année, alors que les déplacements internationaux seront une nouvelle fois limités. Selon nous, la possible réintroduction de cette mesure disproportionnée et inutile justifie à elle seule le rejet préalable du texte.
Voilà, chers collègues, l'ensemble des raisons nous conduisant à soutenir le rejet préalable du projet de loi. Je le répète, en période de crise, les Françaises et les Français ont besoin de transparence et de savoir que rien ne leur est caché, y compris le fait que nous ne savons pas tout de cette maladie. C'est à cette condition qu'ils auront confiance en la politique et en nous, parlementaires et Gouvernement, qui dirigeons le pays.
Même si certains d'entre vous n'adhéreront pas à tous nos arguments, au moins vous auront-ils été exposés. Nous vous invitons à voter cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LT et GDR. – M. Philippe Gosselin applaudit également.
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha.
Le groupe La République en marche ne votera pas cette motion de rejet préalable, car il nous semble que le texte qui nous est proposé par le Gouvernement constitue un dispositif pertinent de sortie progressive de l'état d'urgence sanitaire, et qu'il nous faut adopter un tel dispositif. Faire ce choix n'était d'ailleurs pas une évidence : au vu de la réalité sanitaire qu'Olivier Véran a rappelée tout à l'heure, nous aurions pu faire celui d'une prorogation de l'état d'urgence sanitaire. En effet, le nombre de décès s'élève à ce jour à 106 421, le nombre de contaminations journalières dépasse toujours les 20 000, tandis que 8 067 personnes ont été hospitalisées au cours des sept derniers jours et que la tension dans nos hôpitaux demeure particulièrement forte, aussi bien en métropole qu'en outre-mer.
Ainsi, compte tenu de la durée de la crise, il nous a paru préférable non de proroger l'état d'urgence sanitaire, mais d'en sortir progressivement. C'est ce que propose ce texte, qui prévoit également des dispositifs qui nous permettront de continuer à freiner la propagation de l'épidémie tout en retournant à une vie normale le plus rapidement possible.
Ces dispositifs de freinage, vous les avez évoqués à plusieurs reprises dans votre propos, madame Karamanli. Il s'agit de la possibilité, prévue à l'article 2, de décréter un état d'urgence territorialisé sur une région ne représentant pas plus de 10 % de la population nationale, ou encore de la possibilité d'instaurer un nouveau couvre-feu. Bien entendu, il nous faut en discuter et encadrer ces mesures, mais nous pourrions en avoir besoin dans le cas où une flambée épidémique toucherait certains territoires au cours de l'été qui vient – nous tirons ici les enseignements de l'été dernier.
Voilà pourquoi nous nous opposerons à votre motion de rejet préalable.
Nous estimons qu'il convient de discuter des mesures contenues dans le projet de loi et de voir comment les encadrer davantage, plutôt que de rejeter tout simplement le texte. Par ailleurs, nous avons besoin de dispositifs tels que le pass sanitaire, qui doit nous permettre de reprendre une activité progressive,…
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Tout d'abord, je m'étonne que la motion de rejet préalable n'ait pas suscité de réponse de la part du Gouvernement. Un certain nombre de points ont été soulevés : il me semble qu'ils n'étaient pas à balayer d'un revers de main et qu'ils appelaient quelques éléments de réponse ou d'échange. Si nos débats d'aujourd'hui se résument à des monologues, je crains que nous ne soyons, une nouvelle fois, loin du compte.
Ce texte, nul ne conteste son utilité. Si nos concitoyens et nous-mêmes sommes impatients de recouvrer notre liberté de mouvement, chacun a bien compris que la maladie était encore bien présente et même de manière très prégnante dans certains territoires. Il est donc logique et normal que l'exécutif agisse, personne ne l'a jamais contesté.
Mais vos dispositions vont très loin ! Et je crois que les questions soulevées par notre collègue Karamanli montrent les limites de l'exercice réalisé par le Gouvernement. Il faut presque vous faire confiance les yeux fermés ! Le pass sanitaire, par exemple, nous a été présenté du jour au lendemain, deus ex machina, le 3 mai, quarante-huit heures avant l'examen du projet de loi en commission des lois et, bien sûr, sans que le Conseil d'État ou qu'aucune organisation ou autorité indépendante ne se soit prononcé. Or ce pass, ce n'est pas rien et la levée de boucliers qu'il suscite s'étend jusque dans la majorité : vous le savez et on ne peut le balayer d'un revers de main.
S'agissant de la territorialisation et de la possibilité de proclamer l'état d'urgence sur une partie du territoire, la belle affaire ! On nous dit qu'il faut éviter de réunir le Parlement parce que les collaborateurs ministériels sont fatigués. Certes, ils le sont, tout comme les députés et l'ensemble de nos concitoyens – je n'en doute pas. Mais – c'est son honneur –, le Parlement est là pour travailler, se réunir et veiller au respect des libertés publiques.
D'autres points encore ont été évoqués, relatifs notamment aux données personnelles de santé, sur lesquels nous n'avons pas de réponse de votre part.
Pour toutes ces raisons, j'estime qu'il y a urgence à rejeter le texte dès à présent. Nous soutiendrons donc la motion de rejet préalable défendue par le groupe socialiste et notre collègue Karamanli.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et SOC.
Voter cette motion de rejet préalable reviendrait à se prononcer pour une sortie sèche de l'état d'urgence sanitaire. Nous ne le voulons pas, car nous ne sommes pas irresponsables. Nous nous prononcerons donc contre cette motion.
En revanche, et je le dirai également lors de la discussion générale, nous serons vraiment très exigeants sur les modalités de ce texte. Il y a des points que nous souhaitons ajuster : nous nous sommes déjà exprimés en commission, nous les présenterons à nouveau lors de la discussion générale et nous avons déposé des amendements en ce sens. Nous souhaitons travailler sur ce texte afin de le rendre le plus clair possible. Les Français nous le demandent et nous leur devons cette clarté.
Nous ne voterons donc pas cette motion de rejet préalable de sorte que nous ayons un véritable dialogue et que nous obtenions des avancées. C'est en fonction de celles-ci que nous déciderons, en conscience, d'adopter ou non le projet de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.
L'essentiel ayant été rappelé, je ne ferai qu'une remarque, au nom du groupe Socialistes et apparentés. En effet, nous aurions souhaité, tout comme, je pense, les Français qui suivent ces débats, que le ministre réponde aux questions que nous avons soulevées.
Ce n'était pas des questions en l'air et nous attendions des réponses précises de votre part. À cet égard, l'intervention de notre collègue du groupe Dem a bien exprimé notre attente et notre exigence vis-à-vis de ce texte. Je ne puis donc que regretter votre silence : quelquefois, il faut avoir de la dignité pour deux.
Quoi qu'il en soit, nous avons expliqué les raisons pour lesquelles nous avons déposé cette motion de rejet préalable, que nous voterons évidemment. Nous continuerons à exiger des réponses précises de vous, monsieur le ministre, et du Gouvernement.
J'avoue que je suis assez stupéfait par cette motion de rejet préalable. Nous sommes ici pour écrire la loi et si cette motion était adoptée, cela signifierait qu'à compter du 1er juin nous ne disposerions plus d'aucun outil pour lutter contre le virus.
Si, concrètement, nous devrions mettre fin à toutes les mesures d'accompagnement des entreprises que nous avons dû prendre pour soutenir les activités touchées par la crise et qui reprendront progressivement.
De la même manière, nous ne pourrions plus appliquer une quarantaine aux personnes venant de pays où circulent des variants, dont certains pourraient d'ailleurs être résistants aux vaccins, ce qui signifie que nous mettrions le pays en danger.
J'estime donc qu'il y a urgence à rejeter la motion de rejet préalable. Certes, des points restent à discuter, mais encore faut-il que nous puissions continuer d'examiner le texte.
Or si nous votons la motion de rejet, il n'y aura pas de discussion, ce qui veut dire que le 1er juin, nous reviendrons à la situation normale, en faisant comme s'il ne continuait pas à y avoir près de 20 000 contaminations par jour et comme si les services de santé n'étaient plus sous tension.
Je trouve assez étonnante cette attitude de la part du groupe socialiste ; quarante ans jour pour jour après l'élection du président François Mitterrand, cela montre que beaucoup de temps s'est écoulé depuis qu'il pouvait incarner le sens des responsabilités et une certaine idée de la France.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous pouvons nous retrouver dans beaucoup des propos de Mme Karamanli, car ce qui est en débat, depuis un an maintenant, c'est le choix d'un lourd déséquilibre institutionnel pour gérer au mieux la crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales. Et, depuis un an, nous sommes nombreux, toutes oppositions confondues, à dire qu'il s'agit d'une solution de facilité, par laquelle le Parlement se trouve dessaisi aussi longtemps que cela est possible pour vous permettre de prendre des mesures restreignant les libertés individuelles et collectives.
Le message de notre collègue socialiste est qu'il existe une autre voie possible où le Parlement pourrait, à intervalles réguliers, établir en coconstruction avec le Gouvernement les mesures nécessaires pour gérer la crise sanitaire.
Nous ne voterons pas la motion de rejet, parce que nous entendons précisément vous démontrer au cours du débat que sur certains points, vous faites fausse route.
Le groupe Libertés et territoires soutient, dans sa grande majorité, cette motion de rejet, même si nous appelons en permanence au débat dans cet hémicycle. Malheureusement, depuis le 17 mars 2020, de débat, il n'y a point et nous subissons la morgue d'un exécutif qui écrase non seulement les parlementaires, sénateurs et députés, mais également les Français.
Il est donc urgent de dire stop, de sortir de l'état d'urgence sanitaire ou, à tout le moins, de permettre aux parlementaires de faire des propositions concrètes pour accompagner les Françaises et les Français dans la sortie de crise, au lieu qu'ils soient réduits, comme c'est le cas, à valider la mise en place insidieuse d'un état d'urgence permanent.
En outre, il aurait été judicieux que le ministre apporte des réponses à toutes les questions qui ont été posées, car les Français attendent ces réponses.
À entendre le ministre et le rapporteur, les députés ne comprendraient rien et les mesures prises seraient bien légères, uniquement destinées à faciliter la vie de nos concitoyens lors de la crise sanitaire.
Soulignons déjà que parler de sortie de la crise sanitaire me semble périlleux et que cela me paraît davantage correspondre à l'agenda politique de M. Macron qu'à l'état réel de la pandémie en France ou dans le monde. En outre, ma lecture de ce texte est qu'il s'agit plutôt d'un nouvel épisode de l'état d'exception dans lequel le pays est plongé depuis maintenant plus d'un an. D'ailleurs, la seule différence entre le régime d'état d'urgence sanitaire et le régime de sortie de crise sanitaire – puisqu'il s'agit d'un texte presque identique à la loi de juillet 2020 – c'est l'impossibilité, dans le régime de sortie de crise, de décréter un confinement strict, ce qui laisse toute latitude pour des mesures installant un régime d'exception permanent.
Sans compter que les débats en commission ont montré que par bien des aspects, ce projet de loi était mal ficelé – je pense à l'amendement du Gouvernement sur le pass sanitaire ou aux dérogations au code du travail, qui me paraissent une fois de plus découler d'impératifs économiques et sociaux qui pèsent sur le monde du travail.
Certains de nos collègues pensent que cette motion de rejet n'a pas lieu d'être. Ils pourraient avoir raison s'il était possible de débattre au fond. En ce qui concerne le groupe La France insoumise, je viens d'apprendre que sur les dix-sept amendements que nous avons déposés, huit avaient été déclarés irrecevables, ceux précisément qui proposaient des stratégies alternatives à celle proposée, laquelle aurait dû être au cœur de notre débat.
Nous voterons donc en faveur de la motion de rejet.
Nous aurons l'occasion d'en dire plus lors de la discussion générale, mais le groupe GDR votera cette motion de rejet pour au moins une raison : contrairement à ce qu'a dit M. Becht, avoir le sens des responsabilités, c'est rechercher l'efficacité. Or je ne pense pas que la mise entre parenthèses de la démocratie et la confiscation des pouvoirs du Parlement se soient révélées un gage d'efficacité dans la gestion de cette crise – nombre de nos voisins n'ont d'ailleurs pas opté pour l'état d'urgence, et les parlements, les assemblées élues ont délibéré et pris collectivement des décisions quand il le fallait.
Si l'on veut être responsable et efficace, il faut que les décisions soient acceptées et, pour qu'elles soient acceptées, il faut qu'elles soient débattues et fassent l'objet d'une délibération collective. Ce n'est pas un conseil de défense, dont personne ne connaît exactement les délibérations ni la nature des échanges qui peut suffire pour gérer cette crise.
On l'a vu, beaucoup d'erreurs ont été commises, qui auraient sans doute pu être évitées s'il y avait eu débat et délibération collective, même si, je le répète chaque fois, il n'est pas facile de gouverner en cette période.
D'autres sujets nous inquiètent dans ce projet de loi, notamment son volet social qu'a évoqué Éric Coquerel ou d'autres points soulevés par Marietta Karamanli. C'est pourquoi nous voterons en faveur de la motion de rejet.
La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha.
Voilà maintenant plus d'un an que le monde entier et notre pays sont plongés dans cette crise sanitaire particulièrement violente, plus d'un an qu'avec responsabilité nous prenons, dans le respect de la Constitution et du droit, les mesures adéquates et proportionnées pour agir, protéger des vies, enrayer la propagation de ce virus et permettre au personnel soignant d'accomplir son travail.
Bien entendu, nous savons les efforts que cela représente pour toutes et tous, mais ils sont nécessaires. Au moment même où nous nous parlons, l'épidémie est encore une réalité quotidienne dans notre pays, même si nous entrevoyons des perspectives positives, grâce aux mesures que nous avons prises ces derniers mois, grâce au civisme des Français et grâce à la montée en puissance de la campagne vaccinale. C'est cette situation qui nous amène aujourd'hui à discuter d'un projet de loi qui vient non pas proroger une nouvelle fois l'état d'urgence sanitaire, mais proposer un cadre de sortie progressif et proportionné.
Au regard de la situation sanitaire, économique et sociale, nous tenons à saluer la décision prise par le Gouvernement de ne pas prolonger l'état d'urgence sanitaire au-delà du 1er juin et d'entrer, à partir du 2 juin et jusqu'au 31 octobre, dans une période de transition et de sortie progressive de l'état d'urgence.
Cette décision était souhaitée par nombre d'entre nous. Nous sommes en effet convaincus que, face à la durée exceptionnelle de cette crise sanitaire, nous devons mettre en place un cadre d'action adapté, qui ne soit plus celui de l'état d'urgence et nous permette de retourner progressivement mais efficacement à la vie d'avant, tout en gardant des leviers d'action justes et proportionnés. C'est ce que propose ce projet de loi. Bien entendu, plusieurs points de débat existent, et nous les discuterons au cours des heures qui viennent. J'en retiendrai cinq, que nous avons déjà abordés en commission des lois.
Le premier concerne la date de fin de cette période de transition. Si j'entends certaines propositions, je suis convaincu que nous devons maintenir la date du 31 octobre, qui est une date pertinente et raisonnable eu égard aux prévisions de la campagne vaccinale. Cette date offre par ailleurs de la lisibilité aux Français et à l'ensemble des secteurs d'activité.
Le deuxième point concerne la mise en place du pass sanitaire. Nous savions depuis plusieurs mois que nous aurions à en débattre, et nous le souhaitons. Si nous avons besoin de ce dispositif pour redémarrer l'économie, nous devons définir très clairement le périmètre des activités susceptibles d'être concernées. En l'espèce, nous traçons une ligne rouge : le pass sanitaire ne pourra jamais concerner les activités de la vie quotidienne. À cet égard, je tiens à saluer l'amendement de la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, que nous avons adopté en commission et qui formalise cette exigence.
Le troisième point concerne le couvre-feu qui, actuellement, ne peut être déclenché qu'en période d'état d'urgence sanitaire. Si nous comprenons le maintien de ce dispositif compte tenu de la situation sanitaire actuelle plus dégradée qu'à la même époque l'an dernier, nous saluons le fait que le dispositif soit bien limité dans le temps, puisqu'il ne pourra être appliqué au-delà du 30 juin 2021. Nous apporterons cependant une précision quant à son application à partir du 9 juin, et nous attendons des réponses précises de la part du Gouvernement concernant les modalités de contrôle afférentes, ce dispositif demeurant un dispositif exorbitant de droit commun, ce qui est grave, même pour un mois.
Le quatrième point en débat concerne l'article 2 qui donne au Gouvernement la possibilité de déclencher, pour une durée de deux mois, une période d'état d'urgence sanitaire territorialisée. Au vu des enseignements que nous pouvons tirer de l'été 2020 et de la situation sanitaire actuelle, ce dispositif nous paraît nécessaire, à condition d'être parfaitement encadré et contrôlé par le Parlement. Le Gouvernement a souhaité le rétablir, les dispositions initialement proposées n'ayant pas été validées par la commission des lois : nous le comprenons, mais le groupe La République en marche proposera, avec le rapporteur Jean-Pierre Pont, dont je tiens à saluer le travail, un compromis sur lequel nous devrions nous entendre.
Le dernier point que je retiens concerne la conservation des données. J'insiste ici sur le fait que le texte dont nous discutons aujourd'hui n'a pas pour objet de prévoir les modalités de renforcement de notre souveraineté numérique, sujet auquel nous sommes toutes et tous attachés, ni même de revoir les modalités de fonctionnement du SNDS. Nous aurons le débat dans cet hémicycle, mais tâchons de ne pas perdre de vue deux impératifs : non seulement nous ne devons pas fragiliser nos dispositifs de conservation des données sanitaires, mais nous devons également garder à l'esprit que nos chercheurs auront besoin des données issues de cette crise pour leurs travaux, qui doivent nous permettre d'en tirer tous les enseignements propres à améliorer nos politiques de soins.
Mes chers collègues, la crise sanitaire que nous vivons est unique, elle aura marqué durablement chacune et chacun d'entre nous. Nous ne l'oublierons jamais. Dans les semaines qui viennent, nous aurons l'occasion d'amorcer un retour à la vie normale : cette étape ne nous exempte cependant pas de nos responsabilités. Aussi, soyons à la hauteur.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Il est important que nous nous retrouvions aujourd'hui pour mettre fin à l'état d'urgence sanitaire. Au début du mois de juin, nous serons enfin sortis de ce régime exorbitant du droit commun, de cet état d'exception que nous vivons depuis déjà trop de mois. La France et les Français sont impatients de retrouver leur liberté. La situation est encore grave, chacun le sait et le mesure – particulièrement un parti de gouvernement comme le nôtre –, et il est bien entendu que le Gouvernement a besoin de textes pour agir, pour continuer d'être présent, pour faire son devoir et le travail que l'on attend de lui.
Cela étant, le texte qui nous est présenté aujourd'hui n'est pas à la hauteur de ce que l'on pourrait attendre. En réalité, c'est un texte Canada Dry : un texte qui ressemble à la sortie, qui ressemble à la liberté recouvrée, mais qui ne l'est pas. Car, à l'exception du confinement général, il n'y a quasiment pas de changement par rapport à l'état d'urgence sanitaire. C'est une fois de plus la démonstration de la banalisation de l'utilisation de l'état d'urgence,…
…dont la sortie supposée, en sifflet, en ciseau, en biseau – chacun l'appellera comme il veut – n'est pas une sortie réelle de l'état d'exception. En effet, jusqu'au 31 octobre, ce qui est une échéance très éloignée, il sera encore possible pour le Gouvernement d'actionner un nombre important de leviers. Cela fera pratiquement vingt mois depuis le mois de mars 2020 ; c'est un délai long qui, de surcroît, ne prévoit pas de clauses de revoyure telles qu'elles ont été demandées à de nombreuses reprises par des parlementaires de plusieurs bancs, y compris sur les sièges de la majorité.
Il est vrai que c'est un peu casse-pieds, ce Parlement qui veut régulièrement se réunir ; qui veut empêcher les agents publics et les membres des cabinets de partir en vacances – pour reprendre l'argument que vous nous avez opposé il y a quelques jours, monsieur le ministre. Non ! Le Parlement est là pour agir, pour contrôler, pour évaluer ; il est là pour faire son travail. Il n'y a aucune difficulté à le réunir et il est bien dommage qu'une fois encore, malgré les événements, nous soyons, d'une certaine façon, soumis au diktat de l'exécutif qui ne veut pas écouter davantage le Parlement.
Vous demandez plus de démocratie, et vous n'êtes que deux députés LR à être présents !
Quid du pass sanitaire ? Quid de cet amendement, sorti du chapeau du Gouvernement, que la commission des lois a examiné le 3 mai sans que le Conseil d'État ni la Commission nationale de l'informatique et des libertés n'aient pu se prononcer ? Un avis sera rendu mercredi, c'est-à-dire après l'examen du projet de loi. C'est bien : c'est la démocratie version Macron et sa majorité. J'avoue que je la goûte peu.
Quid de la définition de « grand rassemblement » ? On ne sait même pas. Quid des textes qui gèrent le quotidien, ou le moins quotidien ? Cela va nous rappeler les bons souvenirs de l'essentiel et du non essentiel. En tout cas, c'est obscur, abscons, et il faut revenir là-dessus. Quid de ce couvre-feu qui ira jusqu'à la fin du mois de juin alors que le couvre-feu n'est possible, en principe, que pendant l'état d'urgence sanitaire ? Vous voyez bien qu'en réalité, on n'en sort pas vraiment. Quid de l'état d'urgence sanitaire qui pourra être décrété dans 10 % du territoire pour une période de deux mois ? Là aussi, on évince le Parlement : circulez, il n'y a rien à voir ! Deux mois, c'est un mois de plus que dans la situation actuelle, laquelle suscite déjà bien des questions. Et quid de la protection des données de santé ? Seront versées au système national des données de santé, pour une durée de vingt ans, des données qui sont seulement pseudonymisées, et non anonymisées – je rappelle que la pseudonymisation permet, sous certaines conditions, de revenir en arrière, et donc de retrouver les détenteurs de ces données de santé. Il y a là un vrai enjeu, qui mérite une attention particulière.
Si l'on résume, il y a cinq points litigieux sur huit articles ; et encore, je passe sous silence les éléments qui concernent l'organisation des prochaines élections départementales et régionales. Le texte pose donc de vraies difficultés. Une fois encore, il ne permet pas de concilier, comme nous le souhaitons et comme les citoyens l'attendent, les libertés individuelles et les libertés publiques avec la nécessaire protection de la santé publique. C'est cet équilibre qui fait défaut, et j'espère que nous arriverons à mieux nous entendre que sur les autres textes que nous avons examinés jusqu'à présent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
« Et dans la tempête et le bruit,
La clarté reparaît grandie… »
à travers ces vers, Victor Hugo exprime ce que nos concitoyens nous disent depuis des mois avec leurs mots. Ils demandent une parole publique cohérente et claire, et il n'est pas un jour sans qu'ils ne nous demandent de faire connaître cette exigence au Gouvernement.
Après des mois de sacrifices, d'abnégation, de souffrances et d'efforts, les Français souhaitent retrouver une vie normale. Oh, bien sûr, ils ont bien compris que la situation reste tendue, que le virus circule encore et qu'il continue à faire des victimes. Mais ils veulent pouvoir prévoir, construire, anticiper, et ce malgré les incertitudes relatives aux conséquences économiques et sociales de la crise. Nous devons les entendre et les accompagner en rendant le texte clair, cohérent et intelligible ; c'est d'ailleurs, dans la Constitution, une prérogative parlementaire et, quant à la rédaction de la loi, un principe à valeur constitutionnelle.
Le groupe du Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés identifie trois points incontournables, déjà longuement évoqués en commission des lois mais qui nécessitent encore un travail particulier en séance, et sur lesquels nous avons déposé des amendements dont nous attendons qu'ils soient examinés avec objectivité. Il s'agit de la date de sortie du régime transitoire, du délai accordé à l'exécutif pour décider d'éventuels confinement locaux et, enfin, du pass sanitaire.
La date prévue par le texte pour une sortie du régime transitoire, le 30 octobre, est trop lointaine, et ce choix est peu cohérent compte tenu des annonces faites par le Président de la République puis par le Gouvernement. Le fait que la vaccination progresse, l'objectif étant que tout Français vacciné le soit avant la fin de l'été, plaide pour retenir une date plus proche. Nos compatriotes veulent sortir vite de cet état exceptionnel ; nous, parlementaires, aussi.
Nous vous demandons d'avancer cette date au 30 septembre. Nous prenons l'engagement de revenir à n'importe quel moment, si le besoin s'en fait sentir, pour examiner un texte.
L'ensemble des oppositions a déposé des amendements sur ce point ; un compromis autour d'une date plus rapprochée représenterait un signe fort en faveur de la concorde et de l'union nationale, que les Français réclament depuis si longtemps.
Sur la possibilité donnée au Gouvernement de décréter des confinements locaux, nous nous réjouissons du travail effectué en commission, qui a conduit, par respect pour nos prérogatives constitutionnelles, à ramener à un mois le délai pendant lequel l'accord du Parlement ne serait pas requis. Là encore, par responsabilité, au cas où la situation sanitaire l'exigerait et où nous devrions être saisis en urgence d'un texte durant l'été, nous serions présents, comme nous l'avons toujours été. Plutôt que d'adopter l'amendement proposé par le Gouvernement, qui tend à rétablir in extenso les dispositions supprimées en commission, nous pourrions prévoir une exception pour les mois de juillet et d'août. Nous pensons sincèrement que nous pouvons avancer ensemble sur le sujet.
Dernier point : le pass sanitaire, lequel va encore, sans nul doute, occuper de longues minutes, voire des heures de notre débat.
Comme il l'a indiqué en commission, notre groupe soutien ce dispositif, contrairement au passeport vaccinal évoqué précédemment. Le pass est respectueux des libertés de chacun dès lors qu'il est réservé à des événements spécifiques et que son usage est clairement exclu pour les actes de la vie courante – fréquentation des restaurants, des cinémas, des magasins – et clairement défini par la loi. Nous ne souhaitons pas un texte au contenu vague et qui ne ferait que renvoyer à des décrets. Ceux-ci sont essentiels, certes, mais dans un cadre imposé par la loi, et donc défini par nous, les parlementaires, dont c'est le rôle.
Nous avons ainsi déposé des amendements pour définir le concept de « grand rassemblement » en fixant un seuil – ce qui aurait, pour les Français, la force de la clarté – et une densité maximale, tirant en cela les enseignements des procédures menées devant le Conseil d'État, notamment concernant les lieux de culte. De même, l'expression « certains lieux » est trop floue. Nous souhaitons définir plus précisément les lieux, établissements et événements concernés, comme nous souhaitons discuter du cas particulier des établissements de nuit grâce à l'amendement de notre collègue Christophe Blanchet, de façon à éviter un psychodrame comparable à celui que nous avons pu connaître à propos des commerces essentiels et non essentiels. Nous avons le droit d'apprendre des expériences passées et nous devons éviter de nous ridiculiser par des protocoles ou des directives trop floues et sujettes à interprétation permanente.
J'aborderai deux autres points d'importance moindre, mais non négligeable. Le premier concerne l'intégration dans le SNDS des informations collectées dans le cadre de la crise de la covid-19. Nous sommes favorables à leur stockage dans des entrepôts de données de santé sécurisés et souverains afin de faciliter les recherches sur la pandémie, sur d'éventuels traitements ou vaccins à venir, et sur les conséquences qu'elle aura pour nos concitoyens à travers un suivi longitudinal. Il n'y a pas de débat sur ce point, soyons clairs. Néanmoins, les données de traçage des cas contacts sur de potentiels risques de contamination ont été obtenues auprès de nos concitoyens en leur promettant qu'elles disparaîtraient, au plus tard, le 31 décembre 2021. Nous avons déposé un amendement pour garantir la date initialement prévue, car l'accès à la plupart de ces données reste possible par d'autres canaux dans le SNDS.
Le deuxième point a trait au respect du droit européen et à sa nécessaire intégration dans notre droit. Notre groupe, vous le savez, est profondément attaché à l'Europe et à ses institutions. Ne surtransposons pas les textes dans notre droit. La notion de « certificat de rétablissement » doit être préférée aux mots « un document attestant du rétablissement ». Un terme européen existe qui recouvre des délais et des tests précis : utilisons-le immédiatement.
Ainsi, mes chers collègues, le groupe du Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés sera très attentif aux débats de ce soir, et sans doute aussi de demain.
C'est à la lumière des avancées qui auront été obtenues durant nos débats que notre groupe se positionnera sur le texte. Si je ne partage pas l'intégralité de son œuvre, me reviennent ces mots de François Mitterrand : « La clarté est la forme la plus difficile du courage. » C'est ce courage-là que nous devons avoir ce soir.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Nous discutons de ce projet de loi au moment où nous avons entamé le troisième déconfinement et alors que notre pays compte déjà près de 5,7 millions de personnes contaminées par la covid-19. Ce nombre correspond à celui des personnes testées positivement, et il est probable que les personnes atteintes sont en réalité beaucoup plus nombreuses, notamment si l'on prend en compte les cas asymptomatiques. Nous déplorons plus de 106 000 morts ; c'est autant de familles endeuillées. Nous avons enfin connaissance de cas de « covid long », c'est-à-dire de symptômes persistants de la maladie.
Une série de mesures restrictives de liberté est en vigueur depuis bientôt un an – liberté de circulation, liberté du commerce, liberté de réunion et, pour certains, à une période donnée, liberté de culte – et un montant de dépenses astronomique a été engagé pour compenser les pertes d'activités. Il est tout à l'honneur du Gouvernement d'avoir ainsi su protéger la société, mais cela a représenté un coût important pour les finances publiques : entre les mesures d'indemnisation et les mesures de relance, nous aurons dépensé quasiment 400 milliards d'euros de plus que ce qui était prévu dans le budget.
La question qui se pose ce soir est de savoir si nous pouvons sortir de manière sereine de la crise sanitaire. Bien sûr, nous souhaiterions tous retrouver une vie normale le plus rapidement possible. Mais la réalité des chiffres est là : nous dénombrons encore à peu près 20 000 contaminations par jour ; nous constatons une tension importante du système de soins, particulièrement en réanimation ; nous comptons aussi, malheureusement, 200 à 300 morts par jour. Relâcher nos efforts de manière brutale serait évidemment irresponsable car cela risquerait de mener à une quatrième vague ; pour celles et ceux qui ont quelques plans de vacances pour l'été, ce serait le risque de se retrouver reconfiné le moment venu.
Il est donc particulièrement important, monsieur le ministre, de conserver pendant encore quelques semaines, voire quelques mois, les outils permettant de freiner l'épidémie, mais aussi de s'assurer que la vaccination continue à progresser. Nous aimerions qu'elle avance plus vite, mais cela dépend du rythme de production des vaccins et aussi de la volonté des Français de se faire vacciner ; il faudra que chacun joue le jeu si nous souhaitons parvenir à l'immunité collective.
Il y a donc dans le projet de loi des outils de freinage – quelques-uns ont été cités – et d'autres qui permettent de s'assurer que nous ne nous contaminions pas lors des grands rassemblements.
Parmi ces outils, deux sont particulièrement importants : le pass sanitaire et le couvre-feu.
Le groupe Agir ensemble est plutôt favorable au pass sanitaire tel qu'il est proposé aujourd'hui par le Gouvernement. Il s'agirait non pas d'une obligation de vaccination, mais de la capacité d'indiquer dans une application si l'on est vacciné ou, à défaut, si l'on a passé un test PCR négatif, afin de pouvoir soit franchir une frontière, soit participer à un grand événement rassemblant plus de 1 000 personnes – la jauge fixée nous paraît tout à fait raisonnable.
Quant au maintien du couvre-feu, il est évidemment peu sympathique, même s'il a désormais vocation à s'appliquer à des heures plus avancées de la nuit. En même temps, il fait partie des mesures qui fonctionnent pour limiter la propagation de l'épidémie. Nous considérons donc que c'est un mal nécessaire encore pendant quelques mois.
Nous estimons qu'il est nécessaire en l'état actuel.
Bien évidemment, nous nous interrogeons sur la stratégie. Si par extraordinaire – nous ne le souhaitons pas – il devait y avoir, en dépit des mesures prises, une nouvelle vague de covid, qui nous contraindrait à instaurer un nouvel état d'urgence sanitaire, alors le groupe Agir ensemble souhaiterait – vous le savez, monsieur le ministre, car nous l'avons dit clairement depuis sept mois – que l'on constate l'échec de la stratégie de freinage du virus et que l'on passe à une stratégie d'éradication du virus ou stratégie « zéro covid », afin de s'attaquer au cœur du problème. Elle consisterait à prendre des mesures un peu plus dures, mais qui permettraient d'obtenir, dans un délai plus bref, des résultats plus efficaces.
Nous avons un peu le sentiment, collectivement, d'être revenus un an en arrière. D'une part parce que, malheureusement, l'épidémie a connu deux nouvelles vagues, qui ont imposé le retour de l'état d'urgence sanitaire. D'autre part, parce que le débat de ce jour porte de nouveau sur les conditions dans lesquelles nous pouvons sortir de l'état d'urgence sanitaire et sur la voie parlementaire et gouvernementale à emprunter, non seulement dans le domaine sanitaire, mais aussi pour traiter les conséquences économiques et sociales de la crise pour un grand nombre de nos concitoyens.
Je le disais tout à l'heure, le reproche fondamental que l'on peut vous faire, c'est de choisir la facilité : la facilité qui consiste à envisager l'ensemble des mesures que l'exécutif peut prendre, quand bien même le Parlement se serait dessaisi de ses prérogatives ; la facilité, à cette fin, d'un recours systématique aux ordonnances ; la facilité dans la fixation des délais, puisque vous prévoyez les échéances les plus éloignées possible pour ces mesures – qui ne relèvent pas de l'état d'urgence, mais ne sont pas non plus des mesures de droit commun –, afin d'anticiper, heureusement ou malheureusement, le cas où la situation sanitaire ne redeviendrait pas satisfaisante et ne permettrait pas à nos concitoyens de retrouver une vie plus normale.
Le texte soulève en fait trois problématiques.
Il y a d'abord, je le répète, une problématique institutionnelle, relative à la place du Parlement. En l'espèce, le déséquilibre est trop important, à notre sens, entre les pouvoirs exécutif et législatif. Notre collègue Stéphane Peu l'a rappelé, dans d'autres grandes démocraties, y compris dans des démocraties européennes proches de la nôtre, on n'a pas fait ce choix : on a respecté l'équilibre habituel des pouvoirs, qui veut que la loi procède du Parlement, lieu de l'expression du débat démocratique.
Nous voyons ensuite, plus clairement encore avec ce texte, qu'il y a un problème juridique. L'état d'urgence est un régime totalement dérogatoire. Or, bien que son intitulé indique qu'il s'agit de sortir de l'état d'urgence sanitaire, ce texte tend en réalité à le proroger.
Si nous ajoutons les unes aux autres les mesures prévues par le texte, en particulier la prolongation du couvre-feu et la possibilité – qui risque d'être rétablie par voie d'amendement – d'instaurer un confinement partiel dans des circonscriptions territoriales représentant moins de 10 % de la population nationale, nous constatons que cela correspond à la plénitude des prérogatives relevant de l'état d'urgence sanitaire, ce qui nous pose un vrai problème.
Enfin, il y a la question de l'acceptabilité par nos concitoyens. Nous saluons bien évidemment le comportement responsable qu'ils ont adopté, collectivement et individuellement : ils ont su respecter toutes les interdictions, prendre toutes les précautions que l'État leur avait recommandées, afin de protéger au mieux l'ensemble de la population de la propagation du virus. Or, pour qu'ils acceptent ces mesures supplémentaires, encore faut-il qu'ils en comprennent le sens. À cette fin, il ne faut pas, en particulier, que le pass sanitaire concerne les actes de la vie quotidienne – les conditions de sa mise en œuvre devraient d'ailleurs être déterminées non pas par la loi, mais par le règlement ; nous présenterons des amendements en ce sens. En outre, il convient de préciser que les grands rassemblements en cause sont ceux dans lesquels la densité des participants présents au même instant en un même lieu induit des risques supplémentaires de propagation du virus, ce que justifie que l'on demande aux intéressés de faire état soit de la vaccination, soit d'un test PCR négatif.
À cet égard, je souhaiterais poser une question au ministre des solidarités et de la santé – comme il s'est absenté momentanément, je le ferai un peu plus tard : le fait d'avoir contracté le virus et développé des anticorps peut-il constituer une garantie ? Dès lors, un test sérologique positif pourrait-il être accepté dans le cadre du pass sanitaire ?
En définitive, ce que nous vous reprochons, c'est une vision par trop coercitive de la gestion de la crise sanitaire. C'est la raison pour laquelle le groupe UDI et indépendants votera majoritairement contre ce texte ou s'abstiendra.
Depuis novembre 2015 et l'instauration de l'état d'urgence pour lutter contre le terrorisme, les Français ont davantage vécu sous un régime d'exception que sous le régime ordinaire. Ce constat n'est pas forcément fait pour me réjouir.
Le nouveau régime de sortie de l'état d'urgence que vous proposez demeure un état d'urgence qui ne dit pas son nom : le projet de loi tend à prolonger de cinq mois supplémentaires la succession de régimes d'exception sous lesquels nous vivons depuis le début de la crise sanitaire. Eu égard aux possibilités offertes par le droit commun dans le code de la santé publique, que le groupe Libertés et territoires a rappelées de nombreuses fois, la prorogation sans limite de cet état d'exception nous inquiète. En outre, elle conduit à un dessaisissement des pouvoirs du Parlement. Or j'aurais tendance à penser que, si nous siégeons ici en qualité de représentants du peuple, ce n'est pas pour rien. Dès lors, la moindre des choses serait de coconstruire ces mesures avec le Parlement.
De nombreux Français supportent de moins en moins les restrictions, dont certaines sont difficiles à comprendre, admettez-le. Un couvre-feu à dix-neuf heures dans une région où le virus ne circule absolument pas est fondamentalement difficile à concevoir et, partant, à accepter.
Selon le calendrier de vaccination défini, 30 millions de Français, soit les deux tiers de la population adulte, seront vaccinés d'ici à l'été. Or la vaccination semble faire obstacle à la propagation du virus. Dans ce cas, pourquoi prolonger le régime de sortie jusqu'à une échéance aussi éloignée que le 30 octobre ?
Derrière ces régimes de restriction de liberté, il y a un véritable problème de confiance. La mesure de couvre-feu, que vous souhaitez proroger, ou le système d'attestation, qui a déjà valu à nos concitoyens plus de 2,2 millions de verbalisations, se fondent sur une suspicion permanente. Pourtant, la grande majorité de la population est vertueuse. La lutte contre la pandémie nécessite au contraire la responsabilisation et la coconstruction. D'autres démocraties européennes affrontent l'épidémie en faisant davantage confiance à leur population.
Par ailleurs, le Gouvernement ne semble toujours pas avoir pris la mesure de la nécessité de respecter le Parlement. Comme toujours, le Président de la République décide, le Gouvernement exécute, le Parlement et les élus locaux sont priés d'acquiescer. Pourtant, ce n'est pas le rôle du Parlement, pas plus que celui des élus locaux, qui sont eux aussi des élus du peuple. La volonté du Gouvernement de conserver pendant deux mois supplémentaires la possibilité de prononcer un état d'urgence territorialisé sans consulter le Parlement l'atteste. Nous nous réjouissons donc que cette mesure ait été supprimée en commission et espérons que suffisamment de voix s'élèveront pour qu'elle ne soit pas rétablie en séance.
Nous relevons néanmoins un point positif : il semblerait que le Gouvernement commence à prendre conscience de la nécessité d'adapter les mesures aux contextes locaux. Après plus d'un an de mesures décrétées presque exclusivement de manière uniforme sur l'ensemble du territoire, mieux vaut tard que jamais !
J'en viens, dans le détail, aux mesures présentées.
Nous nous opposons à l'instauration d'un pass sanitaire, quand bien même il s'appliquerait seulement pour des événements précis. En effet, cela créerait un dangereux précédent. Adoptant un amendement bienvenu de sa présidente, la commission des lois a précisé explicitement que le pass ne pourra pas être réclamé pour d'autres buts que ceux prévus. Ainsi, il ne pourra pas l'être dans la vie quotidienne, par exemple lorsque l'on va au restaurant ou au cinéma. Toutefois, qu'en sera-t-il si l'épidémie se prolonge ? Qu'en sera-t-il lors de la prochaine épidémie ? Le Parlement ne peut ouvrir une telle boîte de Pandore, car cela pourrait aboutir à la généralisation de ce type de pratiques discriminatoires à l'ensemble des aspects de la vie des citoyens.
Nous nous opposons à la prolongation du couvre-feu jusqu'au 30 juin. Il nous paraît invraisemblable de conserver cette mesure attentatoire à la plus fondamentale des libertés, celle de se déplacer, alors même que le déconfinement s'accélère et que les bars, restaurants et salles de sport vont rouvrir.
Vous proposez que l'État puisse s'opposer au choix du lieu retenu par une personne pour son placement en quarantaine. Cette mesure atteste elle aussi le manque de confiance que j'ai évoqué.
Nous ne pouvons accepter que le Gouvernement puisse continuer d'ordonner la fermeture de catégories entières d'établissements, alors que les commerces ont payé un lourd tribut lors de cette crise et prennent toutes les mesures sanitaires nécessaires pour accueillir le public en sécurité. Il faut laisser la possibilité d'ouvrir, moyennant la mise en place de mesures sanitaires strictes pour l'accueil des clients.
En matière de droit du travail, le texte tend à prolonger jusqu'au 31 octobre la possibilité pour un employeur d'imposer à ses salariés de prendre leurs congés à n'importe quel moment et à aggraver cette mesure en portant de six à huit le nombre de jours concernés, cela au moment même où se profile la première période de vacances véritables pour les travailleurs. Nous ne comprenons pas ce qui justifie cette mesure, combattue par la totalité des syndicats.
Enfin, si nous soutenons les mesures d'adaptation prévues pour l'organisation des élections régionales – ces mesures sont selon nous nécessaires –, pourquoi avoir supprimé en commission la disposition prévoyant que le service public a la charge d'organiser un débat entre les candidats, ce qui apporterait pourtant de sérieuses garanties ?
En définitive, la grande majorité des membres du groupe Libertés et territoires votera contre ce texte, encore bien trop restrictif et attentatoire aux libertés pour un présumé régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire.
Mme Martine Wonner applaudit.
Je doute que le projet de loi que nous examinons soit celui de la « sortie de crise sanitaire ». Par contre, il est assurément celui de la prolongation d'un état d'exception : ce texte vous permettra de proroger non seulement l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 31 août prochain, mais aussi un régime exceptionnel jusqu'en octobre.
Or on ne peut pas prendre cela à la légère. Un exécutif, quel qu'il soit, au nom de ce qu'il estime être l'efficacité de son action, a naturellement tendance à s'exonérer des freins mis à son pouvoir, et c'est encore plus vrai sous la V
Si je rappelle ici ces évidences, c'est qu'elles n'en sont plus pour le Gouvernement. Voilà pourquoi, chers collègues, il revient au pouvoir législatif, c'est-à-dire à nous, d'y veiller. Qui plus est, cette facilité, ce déséquilibre de la balance entre liberté et sécurité vous fait commettre des erreurs. Depuis un an, en effet, vous refusez toute proposition alternative au confinement, et vous vous contentez finalement de régler le bouton sur « plus » ou « moins » de restrictions de liberté : confinement plus ou moins drastique ; plus ou moins de contrôle des déplacements ; plus ou moins de couvre-feu.
Vous vous contentez de changer le degré des restrictions, selon l'humeur du moment, alors que sur le temps long, il y a de quoi douter sérieusement de l'efficacité de ces mesures. Il en est ainsi du couvre-feu, très liberticide, que vous maniez avec tant de facilité : contrairement à ce que vous dites, nous n'avons nulle preuve de son efficacité contre le virus, d'autant qu'il ne faut pas être grand clerc pour voir que les concentrations de population qu'il provoque dans les transports en commun ou les magasins constituent au contraire un facteur de risque supplémentaire, comme l'ont d'ailleurs constaté plusieurs études.
Au fond, vous ne comptez que sur le vaccin pour sortir le pays d'affaire. C'est risqué, parce que si le vaccin est absolument indispensable pour freiner la maladie, ou au moins en atténuer les effets, nul ne peut affirmer qu'il permet d'éviter sa transmission efficacement et de façon prolongée. Dans ce domaine également, vos volte-face ne nous rassurent pas. Sur la question essentielle de la licence libre, alors que la France a rejeté en février dernier, devant l'Organisation mondiale du commerce, la demande formulée par l'Inde et l'Afrique du Sud, nous avons finalement entendu, au sommet de Porto, le chef de l'État affirmer toute honte bue qu'il avait précédé Joe Biden dans cette voie, tout en expliquant que ce n'était pas la priorité du moment.
La seule nouveauté de ce texte, son cœur, c'est donc le pass sanitaire. Vous avez commencé par dire qu'il ne serait utilisé qu'aux frontières, histoire sûrement de nous rassurer. Vous proposez maintenant, à la dernière minute, d'étendre son utilisation à certains rassemblements ; exactement ce que nous craignions. C'est un amendement absurde : pourquoi viser les foires ou les rassemblements de loisirs, et pas d'autres rassemblements sur les lieux de travail ou de culte ? Surtout, c'est le type de société que vous proposez avec cet amendement qui nous inquiète, parce que nous le savons bien et nous le voyons avec le couvre-feu : une fois un principe admis, vous en étendez le champ et la durée d'application.
Non, nous ne sommes pas d'accord pour que les Français soient contrôlés, surveillés et discriminés en fonction d'un état de santé présumé. Vous dites que jamais le pass sanitaire ne sera exigé dans les activités quotidiennes, mais comment pouvez-vous l'affirmer ? Une fois qu'il sera instauré, comment éviterez-vous qu'un restaurateur, par exemple, ne l'exige à l'entrée de son restaurant, pour satisfaire telle ou telle clientèle ?
Je terminerai en revenant sur votre volonté d'imposer à votre aise des restrictions dans certains territoires en fonction du taux de contamination observé. Ce serait une double peine. Je le vois bien dans mon département de Seine-Saint-Denis : lorsque la situation épidémique est plus grave qu'ailleurs, cela s'explique par les inégalités subies en matière d'offre de soins et par la situation sociale difficile. Pour ces départements, comme pour tout le monde d'ailleurs, ce ne sont pas des punitions « territorialisées » qu'il faut, mais des solutions appropriées.
Au fond, je constate que votre stratégie consiste plus à construire une société dans laquelle on vivrait avec le virus qu'à chercher à l'éradiquer. Il y a pourtant des solutions alternatives ; nous en avons proposé, d'autres en ont proposé aussi. Vous pourriez organiser une société en roulement, le temps de la pandémie ; vous pourriez offrir de vraies conditions matérielles permettant un isolement des personnes contaminées ; vous pourriez élaborer un grand plan d'urgence pour les hôpitaux, permettant la création de lits et l'embauche de personnel ; vous pourriez équiper les écoles et les lieux d'activité fermés en purificateurs d'air et en capteurs de CO
Nous revoilà donc conduits à prolonger une fois de plus l'état d'urgence sanitaire. Même si le projet de loi prétend en organiser la sortie, c'est en réalité de la poursuite d'un fonctionnement dérogatoire à celui des institutions qu'il est question. Certes, la crise sanitaire est grave et loin d'être derrière nous. À chaque fois que les députés communistes ont eu l'occasion de le faire, nous avons souligné qu'en ces temps particuliers, gouverner la France est tout sauf aisé ; nous n'entendons pas donner des leçons à tout propos ni adopter un ton péremptoire. C'est pourquoi nous ne pouvons que regretter la méthode finalement adoptée par le Président de la République et l'exécutif. L'Élysée, confiné avec une poignée d'experts, a choisi de décider de tout, tout seul, sans s'appuyer sur le Parlement, sans prendre en considération le témoignage ou les propositions des élus, quel que soit le territoire ou la sensibilité qu'ils représentent, sans tenir compte des retours d'expérience, sans non plus écouter les corps intermédiaires que sont les syndicats et les organisations professionnelles.
Au-delà de l'agacement général que suscite ce mode de fonctionnement, c'est bien la question des résultats qui est posée. Non, la concentration des pouvoirs n'est pas synonyme d'efficacité. Les mesures efficaces sont celles qui sont éclairées, légitimes et donc consenties. Au cœur d'un processus agissant, c'est bien le Parlement que nous aurions dû retrouver ; il aurait constitué une aide précieuse pour piloter la crise, corriger les erreurs, proposer et discuter des scénarios alternatifs, fondés sur les risques identifiés sur le terrain, dans les quartiers, les villages ou les entreprises.
Nous avions déjà regretté cette pente tout à fait dangereuse. On peut s'inquiéter, alors que le pays se trouve confronté à une crise majeure, que vous ne jugiez pas les institutions aptes à en relever le défi. Depuis 2015, nous avons été plus souvent soumis à l'état d'urgence qu'à un fonctionnement normal des institutions. Alors que la confiance est déjà si faible dans la vie démocratique des institutions, nous faisons le choix de les contourner dès que le vent se lève. Sachant que les défis pourraient se multiplier – défi climatique, guerres, crises économiques graves –, un tel fonctionnement n'est pas raisonnable.
Nous nous sommes accoutumés à ce régime dérogatoire et cette accoutumance est dangereuse. Elle contribue à abîmer le lien de confiance réciproque entre les élus de la nation et les citoyennes et les citoyens, ainsi qu'à renforcer le crédit donné au discours des partisans d'un pouvoir fort et autoritaire. Ainsi, vous nous demandez de vous laisser instaurer, quand vous le jugerez utile, un pass vaccinal. Nous aurions pu accepter le principe d'une telle disposition, mais pas le blanc-seing que vous demandez.
Le projet de loi comporte par ailleurs plusieurs sujets d'inquiétude qui nous ont conduits à déposer des amendements. Je pense à l'alimentation du fichier de santé avec des données qui ne sont pas anonymisées, dans des conditions de recueil, de stockage et de traitement dont la sécurité n'est pas garantie. Par ailleurs, le fait de contraindre des salariés déjà durement éprouvés à ne profiter de leurs congés que lorsque leur employeur le voudra bien confirme l'impensé social qui vous caractérise. Je pense enfin à la trêve hivernale que vous refusez de prolonger alors que, pour nombre de familles, les difficultés ne se dissipent pas, bien au contraire.
Pour l'ensemble de ces motifs, qui concernent aussi bien des principes que des dispositions concrètes, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, vous n'en serez pas surpris, chers collègues, votera contre ce texte.
« Tenir encore quatre à six semaines » : le 1er mars dernier, Emmanuel Macron exhortait les Français à serrer les dents pendant une courte période et laissait ainsi entrevoir la sortie du tunnel. Onze semaines plus tard, le Gouvernement joue les prolongations avec un texte qui, pour la seconde fois en un an, est censé nous préparer à une sortie de crise sanitaire. Une sensation de déjà-vu, qui se voudrait cette fois-ci plus optimiste, puisque nous avons désormais dans notre jeu la carte des vaccins. Mais comme toujours depuis le début de la crise sanitaire, nos élans de liberté sont rapidement tempérés par des discours qui se veulent mesurés mais qui, in fine, inquiètent.
Car vous avez décidé de garder la main sur les libertés individuelles des Français jusqu'au 31 octobre, rien que ça ! Nous aurions pourtant pu choisir une autre date, comme certains vous l'ont proposé en commission ; pas pour le plaisir, pas non plus parce que nous nions la gravité de la situation, mais pour que le Parlement puisse jouer son rôle de contre-pouvoir, tout simplement. Mais de cela, vous n'en voulez pas.
Sans refaire la sempiternelle recension de tous vos loupés, des masques aux tests en passant par les autotests ou les vaccins, il faut bien avouer que le capital confiance des Français envers le Gouvernement est sérieusement entamé. À cet égard, l'évincement systématique du Parlement ne plaide pas en votre faveur. Un exemple qui me tient à cœur et pour lequel, malgré mes courriers et mes interpellations, je n'ai jamais obtenu de réponse : les vaccins et les centres de vaccination. Après avoir demandé aux communes d'être les relais légitimes de la campagne vaccinale, après avoir promis votre soutien indéfectible, un trimestre plus tard, vos promesses s'envolent, laissant des ardoises salées. À Béziers, nous sommes en mesure de vacciner 7 000 à 10 000 personnes par semaine. Rien que pour le premier trimestre de fonctionnement, la ville a dépensé 595 000 euros ; une coquette somme, surtout quand on sait que le Gouvernement s'est engagé à rembourser… 50 000 euros par trimestre et que déjà, CPAM (caisse primaire d'assurance maladie) et ARS (agence régionale de santé) se renvoient la balle pour ne pas payer l'addition. Avouez que nous sommes loin du « quoi qu'il en coûte » scandé par Emmanuel Macron il y a encore peu ! Un slogan de plus, une réalité de moins.
Je le concède, je m'éloigne du sujet qui nous occupe. Contrairement au rapporteur, je n'opposerai pas santé et liberté, car liberté et sécurité sanitaire sont les deux piliers d'une véritable sortie de crise.
Pour sortir de la crise, monsieur le ministre, vous nous avez proposé le pass sanitaire. Ce document, qui à l'origine devait être réservé aux déplacements vers ou depuis l'étranger, pourrait désormais être une condition de l'accès à de grands rassemblements ou à des lieux réunissant plus de 1 000 personnes durant tout l'été. Faute de meilleure précision, un tel seuil semble déconnecté du bon sens. Cette limite concernera-t-elle uniquement les lieux fermés ou également les lieux ouverts ? Sera-t-il tenu compte de la capacité totale d'accueil et donc la densité de population attendue ?
Vous nous avez expliqué que ce pass sanitaire ne concernerait en rien les activités du quotidien, même si – faut-il l'indiquer ? – cette précision n'est pas inscrite dans le projet de loi. Mais qu'est-ce au juste qu'une activité du quotidien ?
Le théâtre est-il une activité du quotidien ? Qu'en est-il d'un match de rugby, d'une messe ou d'une procession ? Autant de questions sans réponse.
Autre point litigieux de ce projet de loi : les données de santé. Contrairement à tous les engagements pris, main sur le cœur, par le Gouvernement, de ne pas les conserver au-delà du 31 décembre 2021, nous apprenons par le texte que ces données pourront finalement être conservées vingt ans – rien que ça ! – et qu'au lieu d'être anonymisées, elles ne seront que pseudonymisées, ce qui permettra le cas échéant de retrouver l'identité des personnes concernées ; voilà de quoi s'inquiéter.
Enfin, dernier point d'achoppement : le recours systématique aux ordonnances. Depuis le début de la crise sanitaire, ce sont déjà 120 ordonnances qui ont été prises, dont très peu ont été ratifiées par le Parlement. J'ai d'ailleurs le plus grand mal à obtenir le nombre exact des ordonnances ratifiées : avouez que ce n'est pas très rassurant. Alors, si l'on peut se réjouir de voir que le nombre de malades en réanimation est passé sous la barre des 5 000, gardons-nous de continuer dans la même direction, car bientôt c'est notre démocratie qu'il faudra peut-être mettre sous oxygène.
Je ferai trois observations, relatives à la prolongation continue de l'état d'urgence, au flou qui caractérise le projet de loi et aux problèmes juridiques qu'il pose.
Que de temps perdu, mes chers collègues ! Ce texte intervient dans un contexte particulier, après trois périodes de confinement en quinze mois. Nous aurions besoin d'avoir un débat éclairé sur les enjeux de la sortie de l'état d'urgence sanitaire, mais nous ne l'aurons pas. Je l'ai dit au printemps 2020 : face à la pandémie, rien ne s'opposait à l'application de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique ou des dispositions de la loi de 1955. Cela n'a pas été le choix du Gouvernement. Depuis, l'Assemblée, dans sa diversité, a fait son travail pour améliorer ce régime d'exception ; tous, sur ces bancs, y ont contribué. Des propositions visaient, entre autres, à ce que les différents régimes d'urgence soient assortis de garanties comparables, comprenant une information et une saisine constantes du Parlement, ou encore un avis du Conseil constitutionnel, en s'inspirant de celui prévu par l'article 16 de la Constitution ; à ce que soit consolidée l'organisation des travaux du Parlement et renforcées ses prérogatives en temps de crise ; à ce que soit fixée une durée maximale de prorogation de l'état d'urgence sanitaire ; à ce qu'un débat parlementaire soit organisé à chaque fois qu'une rupture est constatée dans la connaissance scientifique.
Le Gouvernement n'a pris aucune de ces propositions en considération, alors qu'elles auraient pu donner lieu à un consensus. Le temps n'a pas été mis à contribution pour mieux prévoir, discuter et contrôler, et ainsi susciter la confiance des Françaises et des Français – je le regrette.
Vous avez entretenu le flou. Ce nouveau texte vise à donner au Premier ministre, du 2 juin au 31 octobre inclus, c'est-à-dire pendant cinq mois, le pouvoir de prendre des mesures « par décret […], dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie ». Pour répondre à une dégradation localisée de la situation sanitaire, lorsqu'une circulation active du virus est constatée dans une partie du territoire, il pourra réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules, sauf déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé ; réglementer l'accès des locaux ouverts au public ; réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public. Le texte tend à préciser que l'état d'urgence sanitaire pourrait être déclaré, jusqu'au 31 octobre, dans une ou plusieurs circonscriptions territoriales déterminées, pour un délai porté à deux mois, soit un délai supérieur à celui en vigueur.
J'ai résumé tout à l'heure la philosophie du texte. Il est conçu pour prévoir une sortie de crise en l'état, en réaffirmant une délégation permanente de pouvoir à l'exécutif, autorisé à limiter les libertés publiques et individuelles. Dans le cadre d'une gestion territorialisée, le Gouvernement peut déléguer ce pouvoir au préfet. Cette disposition est critiquée depuis juin 2020, or certaines restrictions aux libertés fondamentales pourraient être maintenues plusieurs mois, sans aucune intervention de notre assemblée.
Troisièmement, je souligne l'absence de garanties, puisque l'article 1er vise à donner au Gouvernement une habilitation à réglementer, voire à interdire la circulation des personnes et l'ouverture de certains établissements. Dans le même ordre d'idées, le pass sanitaire, projet de dernière minute ajouté au texte par l'adoption en commission d'un amendement gouvernemental, nécessitera pour la première fois l'utilisation de données personnelles, comme nos collègues l'ont évoqué à plusieurs reprises.
Les amendements que nous défendrons viseront encore une fois à pallier les insuffisances du projet, qui constitue une relégation des représentants de la nation que nous sommes ; il reste flou et il comporte des risques pour les libertés individuelles et publiques. Pourtant, à ce stade, il n'y a pas d'assurance que tout a été bien pensé. Nous ne voterons donc pas ce texte. En effet, nous souhaitons exercer les responsabilités que la Constitution nous donne et que nos concitoyens trop souvent nous reprochent de ne pas assumer avec vigilance.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Depuis plus d'un an, le Gouvernement navigue à vue et les Français n'ont aucune visibilité – sur les traitements, par exemple, ou plutôt sur les vraies raisons de l'absence d'accès aux soins. Ils n'ont pas davantage de visibilité sur les vaccins et leur efficacité, puisqu'aucune transparence n'est faite s'agissant de l'expérimentation en cours des vaccins qui ont été choisis et autorisés en France, malgré toutes les mises en demeure que j'ai adressées au ministre des solidarités et de la santé et à l'ANSM, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Des filières entières de l'économie sont également privées de visibilité – et d'avenir. J'en profite pour vous transmettre les remerciements des stations de ski, qui sont tout à fait satisfaites : une fois de plus la réouverture est ridicule, comme est encore incohérente la réouverture des parcs d'attractions, bien sûr sans accès auxdites attractions.
Au fond, le Gouvernement a-t-il jamais voulu le bien des Français ?
Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Si tel avait été le cas, eu égard aux sommes colossales dépensées depuis plus d'un an, peut-être aurait-il augmenté le nombre de lits et renforcé l'accès aux soins. Ce qui est sûr, c'est que ce gouvernement devient, sans les parlementaires, spécialiste des restrictions, des privations, des punitions. On aurait pu se laisser séduire par le titre de ce projet de loi, mais je crains qu'une fois de plus nous ne soyons déçus, puisque l'état d'urgence sanitaire pourra être réactivé jusqu'au 31 décembre. Messieurs les membres du Gouvernement, s'il vous plaît, faites confiance aux parlementaires pour rétablir le débat et réinstaurer enfin la démocratie dans notre pays.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire État, monsieur le rapporteur, la démocratie commence par le respect.
Depuis près de deux heures que nous sommes réunis dans cet hémicycle, une motion de rejet, certes repoussée, a été débattue, et dix orateurs et représentants de groupes, dont un président, se sont succédé. Deux membres du Gouvernement sont présents, mais ils n'ont pas dit un mot : aucune intervention du ministre de la santé, qui a mieux à faire et qui pianote sur son téléphone – sans doute a-t-il des affaires plus urgentes à traiter.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Voilà deux heures que nous sommes assemblés, et nous n'avons obtenu aucune réponse ! Nous avons deux membres du Gouvernement pour le prix d'un : c'est tant mieux, mais si ce sont les muets du sérail, quel intérêt ? Le respect et la démocratie obligent au moins à essayer de répondre aux questions légitimes. Le groupe Les Républicains et le groupe Socialistes et apparentés ont posé cinq questions ; le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés lui-même en a posé trois. Trois d'entre elles sont communes : cela devrait vous interpeller ! Même dans la majorité, des interrogations apparaissent, qui concernent les grands rassemblements, les données personnelles, le couvre-feu et le pass sanitaire. Et il n'y a aucune réponse du Gouvernement ! Nous arrivons à l'examen de l'article 1er et nous n'avons pas entendu ses représentants, hormis lors de l'intervention du ministre de la santé pour présenter le texte. Trouvez-vous cela normal ? C'est ça, le respect du Parlement ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, UDI-I, LT et GDR.
Il est vrai, monsieur le ministre, que les parlementaires ont posé des questions. Ce fut mon cas pendant la discussion générale. Vous étiez sorti, donc je vais me répéter. J'aimerais vraiment obtenir une réponse, parce qu'il s'agit du pass sanitaire, sujet important, sur lequel nos concitoyens ont besoin de lisibilité. On nous dit qu'un certificat de vaccination sera évidemment accepté, comme un test PCR négatif de moins quarante-huit heures. Qu'en sera-t-il d'un certificat de contamination et de guérison, garantissant donc la présence d'anticorps à la covid-19 ?
En commission, vous nous disiez attendre confirmation de la part d'autorités sanitaires, européennes et françaises. Où en est-on ? Le certificat de présence d'anticorps fera-t-il partie des éléments acceptés pour l'établissement d'un pass sanitaire ? Comme beaucoup d'autres, cette question n'est pas polémique. Si elles n'obtiennent pas de réponses au cours de cette discussion, nous en conclurons que vous faites effectivement peu de cas du débat parlementaire. Vous avez beau dire que le Parlement a été maintes fois sollicité, on peut néanmoins être sollicité et parler dans le vide, sans jamais être entendu. L'absence de réponses à nos questions accrédite peut-être l'idée selon laquelle nous ne servons à rien. Quoi qu'il en soit, nos concitoyens ont absolument besoin de réponses à ces questions.
Je suis saisi de dix amendements de suppression, n° 12, 55, 64, 111, 142, 169, 181, 182, 193 et 228.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l'amendement n° 12 .
Cet amendement, que M. Molac défendra également au nom du groupe Libertés et territoires, vise en effet à supprimer l'article. Au départ, l'état d'urgence sanitaire ne devait durer que deux mois. Les Français en ont plus qu'assez de ce régime d'exception, qui ne fait que durer encore et encore. On a beau leur faire croire que le texte vise à gérer la sortie de crise, ce n'est absolument pas ce dont il est question ici. Le projet de loi tend à maintenir un couvre-feu après vingt-et-une heures : à quel moment les parlementaires ont-ils pu en discuter ? Sur quel fondement scientifique le confinement et le couvre-feu après vingt-et-une heures continuent-ils à paraître efficaces ?
En ce qui concerne l'introduction du pass sanitaire, le CESE – Conseil économique, social et environnemental – avait mené une enquête auprès de 110 000 citoyens : 72 % d'entre eux y étaient opposés. Il convient d'enfin écouter les citoyens français.
Enfin, j'exprime une inquiétude relative à la collecte des données. Il en est question après l'article 1er , nous y reviendrons, mais on ne peut que constater que des personnes qui se contentent de prendre un rendez-vous médical sur des plateformes, comme Doctolib, sont pourchassées et sollicitées en permanence pour effectuer d'autres consultations et éventuellement se faire vacciner. Cela suffit, il faut protéger les Français, de quelque manière que ce soit. Je propose donc de supprimer l'article 1er .
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 55 .
Nous nous retrouvons désormais régulièrement pour proroger l'état d'urgence sanitaire, mais à chaque fois vous écartez le Parlement de son contrôle. S'il est vrai que les mesures que vous nous proposez aujourd'hui sont de moindre portée que celles précédemment examinées, et qu'elles ont l'avantage d'être territorialisées, certaines décisions ont été très dures à accepter pour les Français : il est plus que temps de leur offrir un peu de clarté.
L'article 1er du projet de loi tend à instaurer un régime de demi-sortie de l'état d'urgence sanitaire. Une première étape consistera en un allégement du dispositif, mais celui-ci est immédiatement assorti du maintien d'un couvre-feu pendant un mois. Alors qu'il est censé définir le régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire, l'article 1er tend malheureusement à restreindre encore grandement les libertés pour cinq mois supplémentaires. Exactement comme le projet de loi qui nous a été soumis l'an dernier, ce texte reprend les restrictions de l'état d'urgence sanitaire et en ajoute de nouvelles. Il n'est pas acceptable que le Gouvernement dispose pour une durée aussi longue du pouvoir de suspendre nos libertés du jour au lendemain. Nous sommes plusieurs parlementaires à avoir fait des propositions pour diminuer cette durée, parce que la démocratie ne peut pas être mise entre parenthèses cinq mois de plus.
On ne peut pas non plus rester dans un entre-deux : soit la situation sanitaire permet de sortir de l'état d'urgence et il faut en sortir, soit elle ne le permet pas et il faut le maintenir. Je le répète : il est essentiel de trouver enfin un équilibre institutionnel entre le pouvoir exécutif, qui doit en effet avoir les moyens de gérer la crise au plus vite, et le Parlement, qui se trouve de fait dessaisi d'une partie de son pouvoir. Comme nous n'avons pas de réponses satisfaisantes à toutes ces questions, il convient de supprimer cet article, afin notamment de redonner ses pouvoirs au Parlement.
Je défends un amendement de suppression, soutenu par le groupe UDI et indépendants, pour exprimer notre désaccord de fond avec la méthode que le Gouvernement suit depuis un an. Elle consiste à systématiquement demander les « pleins pouvoirs » au Parlement, dans tous les domaines de la gestion de la crise sanitaire, à la fois pour prendre des mesures visant à protéger la santé de nos concitoyens et pour pallier les conséquences de la crise sanitaire sur la vie économique et sociale. Cependant, un débat concernant l'ensemble de ces mesures est indispensable pour que nos concitoyens y adhèrent.
Les études d'opinion successives montrent toutes que nos concitoyens ne vous font pas confiance pour gérer la crise sanitaire et ses conséquences, ce qui appelle de votre part une certaine responsabilité. Celle-ci devrait vous conduire à rechercher, monsieur le ministre, plutôt qu'un consensus mou et ainsi que vous l'avez évoqué dans votre intervention liminaire – d'ailleurs la seule que vous ayez faite jusqu'à présent –, un véritable débat : telle est en effet l'essence de la démocratie.
Cela permettrait en outre à nos concitoyens de reprendre confiance, non seulement sur l'issue de la crise sanitaire mais aussi sur notre capacité collective à organiser des débats permettant une confrontation des idées, accords et désaccords, qui font légitimement partie de la vie politique. Il nous revient de trouver des solutions autrement qu'en « donnant les clefs du camion » à l'exécutif, en laissant le Président de la République décider seul de tout, avec son conseil scientifique, pour ensuite faire appliquer ses décisions par le Gouvernement puis, de temps à autre, solliciter le Parlement en invitant la majorité – qui mesure mal sa part de responsabilité dans le décalage existant entre nos concitoyens et la vie politique – à adopter docilement les mesures de reconduction d'un état d'urgence devenu permanent.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 111 .
L'article 1er nous conduit directement au cœur du sujet. Que nous ayons des perspectives de sortie de l'état d'urgence, c'est le signe que malgré la situation, les choses s'améliorent ; nul ne le conteste et chacun peut s'en réjouir, sur tous les bancs.
Attention toutefois, car la sortie qui nous est proposée aujourd'hui est tout sauf une vraie sortie : elle a l'apparence de la liberté et du changement, mais le changement eut lieu le 10 mai 1981 plutôt qu'en ce 10 mai 2021, où nous sommes au contraire dans la continuité, avec les sempiternelles mêmes questions qui demeurent sans réponse. Un long tunnel nous conduira au 31 octobre 2021, avec la possibilité pour le Gouvernement d'activer presque tous les leviers, mais sans le contrôle du Parlement, prétendument trop complexe à réunir et dont on présume que les collaborateurs sont fatigués… Bref, il va falloir souffrir encore un peu ce fichu Parlement, qui décidément radote : vivement que ce texte soit adopté et que l'on n'y revienne pas ! Une telle attitude finit par agacer ; surtout, elle est incompréhensible car elle nuit gravement à l'acceptabilité de la parole publique.
Un couvre-feu pourra également intervenir au mois de juin, malgré la fin du confinement. Quant au pass sanitaire, ni le Conseil d'État, ni la CNIL n'ont pu se prononcer dessus. Beaucoup de questions méritent donc des réponses : on pourrait les approuver ou non, mais encore faudrait-il qu'elles nous soient fournies ! Mais non, rien : ce n'est guère engageant. Un tel débat ne saurait être qualifié de serein puisqu'il est à peine démocratique : ce jeu d'apparences, où il s'agit de jouer la montre pour adopter le texte au plus vite, ne saurait nous satisfaire. C'est pourquoi cet amendement vise à supprimer l'article.
Il vise également à supprimer l'article 1er car le texte qui nous est proposé n'est pas anodin : on nous propose rien moins qu'un copié-collé de l'article 1er de la loi du 9 juillet 2020, adoptée il y a déjà presque un an, organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire. Le présent projet de loi traite de restriction de libertés – libertés de circulation, de réunion, de manifestation – et des amendes afférentes dont le montant est loin d'être symbolique pour beaucoup de nos concitoyens. Il est également question d'interdire la circulation des personnes. En réalité, la seule chose dont nous soyons certains, depuis la décision du Conseil constitutionnel du 9 juillet 2020, c'est que le texte n'autorise pas un confinement généralisé, même s'il permet par ailleurs de réduire considérablement les libertés.
Afin de nous faire passer la pilule, monsieur le ministre, vous nous rassurez : c'est pour prévoir la sortie de l'état d'urgence, nous dites-vous. Comprenez nos doutes ! Le 1er mars dernier, arguant que le couvre-feu ne pouvait être contesté car il reposait sur des bases scientifiques, le Président de la République avait expliqué que nous en avions pour quatre semaines. Or quatre semaines plus tard, non seulement le couvre-feu était maintenu mais on fermait les écoles et on interdisait de se déplacer entre les régions. Vos estimations ne nous rassurent donc pas quant au nécessaire équilibre entre la restriction des libertés que de telles mesures impliquent et leur impact sanitaire. Voilà le sujet !
Organisons enfin un débat permettant de passer d'un régime d'exception et de coercition à une organisation et à une planification de la société, sachant qu'il faut essayer d'éradiquer le virus mais que cela prendra de nombreux mois. Sans un tel débat à l'Assemblée, nous ne pourrons que constater que l'épidémie continue et que nos libertés sont restreintes à un point insupportable pour beaucoup de nos concitoyens.
La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l'amendement n° 169 .
Le dispositif de sortie de l'état d'urgence sanitaire reste un état d'exception qui déroge au droit commun et qui maintient les mesures de police sanitaires restrictives de liberté. Identique à celui de la loi du 9 juillet 2020, il est un entre-deux qui avait déjà montré ses limites l'été dernier : soit la situation sanitaire justifie qu'on maintienne l'état d'urgence sanitaire et qu'on utilise l'ensemble des outils qu'il permet, soit elle est suffisamment sûre pour qu'on sorte enfin de cet état d'exception.
Vous vous arrogez ainsi la possibilité de réduire ou de suspendre plusieurs libertés fondamentales, du jour au lendemain, sans y associer le Parlement. Cet amendement vise donc à supprimer l'article 1er qui, de surcroît, a une durée d'application extrêmement longue, puisqu'elle court jusqu'au 31 octobre 2021.
Cela fera plus d'un an et demi que nous vivrons sous le régime de l'état d'urgence et ses ersatz, même si celui qui sera sans doute adopté tout à l'heure ne dit pas son nom. Se pose dès lors une question de fond, soulignée par plusieurs d'entre vous : celle de la démocratie et de la séparation des pouvoirs. De deux choses l'une : soit on croit à la démocratie et le Parlement doit alors être associé, soit on est bonapartiste et on pense que l'État et l'administration feront toujours mieux que les élus, ce que je ne crois pas du tout. Je n'ai pas été élu par le peuple pour me dessaisir du pouvoir qu'il m'a donné. Par conséquent, il est hors de question que je vote en faveur de cet état d'urgence.
Il vise également à supprimer l'article 1er . Le présent projet de loi nous est présenté comme une sortie d'un régime dérogatoire mais au fond, il s'agit surtout de le perpétuer, au moins jusqu'au 31 octobre. Je le répète, un tel dispositif est malsain pour nos institutions et dangereux pour la démocratie. En outre, il est inefficace car il ne permet pas d'appuyer les décisions sur des échanges suffisant à emporter le consentement du peuple.
L'amendement n° 228 de Mme Laurence Trastour-Isnart est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Ces amendements de suppression de l'article 1er feraient tomber dès le 2 juin l'ensemble des mesures destinées à lutter contre le virus. Or je vous assure que le 2 juin, le virus sera toujours présent.
Selon certains d'entre vous, les outils du droit commun sont suffisants ; je ne le crois pas. Selon d'autres, il suffirait de proroger l'état d'urgence sanitaire. Nous avons fait le choix d'assumer la sortie, avec la fin du confinement le 1er juin et celle du couvre-feu le 30 juin. J'émets donc un avis défavorable à ces amendements, dont l'adoption serait catastrophique pour la France et pour la protection de la santé des Français.
Les parlementaires sont invités à se prononcer pour déterminer de quels outils notre pays peut se doter afin de protéger les Français et de lutter avec efficacité contre l'épidémie.
Une fois de plus, ce débat oppose une majorité solide, qui a toujours su voter courageusement en faveur des mesures qui protègent, et, pour différentes raisons que je ne conteste pas car tel n'est pas mon rôle, l'ensemble des oppositions réunies, qui présentent des amendements destinés à nous empêcher de mettre en place ces mesures de protection pour les Français. Certains considèrent que le poids du Parlement n'est pas suffisant : monsieur Gosselin, il y a autant de ministres au banc que de députés du groupe LR présents dans l'hémicycle !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Je vous laisse donc les leçons de démocratie, monsieur Gosselin,…
Vous n'avez pas non plus répondu au groupe Dem, qui est mieux représenté.
…car j'ai toujours été présent, à chacune des minutes des débats.
D'autres parlementaires considèrent que les mesures sont disproportionnées et inefficaces : je vous renvoie une fois de plus aux données épidémiologiques et à la situation qui prévaut en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Angleterre et dans tous les pays qui ont su prendre des mesures courageuses pour protéger les populations. S'il n'y a pas 70 000 nouvelles contaminations par jour mais 18 000 seulement, ne croyez pas une seconde que ce n'est pas grâce aux mesures adoptées par la majorité : au contraire, elles ont été protectrices et nous permettent d'entrevoir le bout du tunnel.
J'émets bien entendu un avis défavorable à ces amendements. Si le Parlement votait la suppression de toute disposition nous permettant de prendre des mesures de freinage pour éviter la diffusion du virus dans les semaines qui viennent, alors que l'épidémie n'est pas terminée et que 5 000 personnes sont encore en réanimation, les Français ne le comprendraient pas.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Libre à vous, monsieur le ministre, d'attaquer les députés du groupe LR sur leur nombre dans l'hémicycle. Tout d'abord, le groupe LR n'est pas le seul représenté ici. Et même s'il n'était représenté que par un seul de ses membres, des députés d'autres groupes sont présents en nombre : or les interrogations proviennent aussi bien des bancs des oppositions que de ceux de la majorité.
Nous partageons au moins trois questions essentielles et y répondre ne revient pas à s'abaisser, à moins de considérer que le temps passé au Parlement est du temps perdu et qu'on a mieux à faire ! Je veux bien l'entendre mais souffrez – je comprends que cela vous soit difficile – que sous la V
Quoi qu'il en soit, notre position n'est pas binaire, même si vous cherchez à réduire le débat à deux clans : celui de la majorité, qui serait forcément vertueux, et celui des oppositions qui voudraient la mort de nos concitoyens et la propagation de la maladie : non !
Mmes Martine Wonner et Agnès Thill applaudissent.
Nous ne sommes pas en accord avec vous sur la sortie telle que vous nous la proposez. Cela ne signifie pas que nous refusons que le Gouvernement prenne certaines mesures ni que nous l'empêchons de travailler. Nous voulons simplement des explications sur le pass sanitaire, sur les délais, sur les données de santé et sur d'autres éléments encore. Ce ne sont pas des questions superflues ; il faut y répondre. Avançons ensemble et n'évacuez pas d'un revers de main, presque pédant, les remarques qui vous déplaisent.
Depuis un an, monsieur Véran, vous répétez systématiquement les mêmes arguments.
Dès que l'opposition tente de dire qu'il serait peut-être souhaitable de chercher d'autres solutions, vous la culpabilisez en lui répliquant que si elle n'adopte pas le texte en l'état, elle portera la responsabilité de renvoyer les Français face à l'épidémie.
Cher collègue, nous ne faisons qu'amender, à tel point que la moitié des amendements que nous avons proposés sur ce texte ont été déclarés irrecevables alors même qu'ils étaient au cœur du sujet !
Monsieur Véran, on ne peut pas dire que tout ce que vous avez imaginé depuis un an a été couronné de succès. Je ne vous jetterai pas la pierre : face à une épidémie, on peut se tromper. Vous savez très bien, néanmoins, que les prévisions que M. Macron a faites en janvier n'ont pas pris corps. Vous aviez fait le pari que le couvre-feu permettrait de ne pas dépasser le seuil de 20 000 nouveaux cas par jour, qu'il ne faudrait pas fermer les écoles et que l'économie continuerait de fonctionner ; vous savez comme moi que ça n'a pas été le cas !
On savait dès janvier que le variant était arrivé sur le territoire. Je me suis justement rendu avec M. Véran dans une agence régionale de santé où, alors que vous étiez quelques-uns à penser qu'il fallait de nouveau confiner, on nous a expliqué que le variant arrivait sur le territoire. Tous les chiffres étaient connus.
M. Macron a pris des mesures inefficaces. Souffrez donc que nous vous en proposions d'autres et que nous contestions, par exemple, le pass sanitaire.
M. Véran nous dit que la majorité vote ce que le Gouvernement propose ; en effet, c'est presque une règle chez vous. En commission, j'ai pourtant entendu certains membres de la majorité poser les mêmes questions que l'opposition.
Il y a donc manifestement un débat. Vous nous donnez des réponses sans même juger nécessaire d'argumenter. Le couvre-feu est efficace, dites-vous, mais sur quelles études vous appuyez-vous pour l'affirmer ? Ce n'est pas une façon de débattre.
Je citerai le président de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme : « En temps de paix, la République n'a jamais connu une telle restriction de libertés ».
À qui le Gouvernement fait-il la guerre, si ce n'est aux Français ?
M. Éric Bothorel proteste.
Pourquoi autant de restrictions de libertés, toujours et encore ? Quand on veut lutter contre une épidémie, on soigne, tout simplement.
On n'enferme pas, on ne confine pas, on ne se donne pas les moyens de prolonger ce couvre-feu. Oui, il faut supprimer cet article.
Je ne nie absolument pas la situation sanitaire.
Absolument pas. Mais les chiffres qui continuent d'être mis en avant ne servent qu'à entretenir la peur parmi les Français. On parle de plus de 100 000 morts sans avoir remis les compteurs à zéro. C'est négliger les 500 000 autres décès en dehors de la covid. Pourquoi ne parle-t-on pas des 600 000 personnes qui sont malheureusement mortes depuis plus d'un an ? On fait une fixation sur la covid, mais on aurait très bien pu limiter le nombre de décès. Pourquoi ne changez-vous pas enfin de stratégie pour proposer, en plus de la vaccination, l'accès à des traitements ?
Je suis saisi de dix amendements, n° 59 , 213 , 60 , 183 , 104 , 134 , 65 , 45 , 124 et 174 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 60 et 183 sont identiques, de même que les amendements n° 104 et 134 et les amendements n° 45 , 124 et 174 .
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 59 .
Je propose d'avancer de cinq mois la date de sortie de l'état d'urgence sanitaire en la fixant au 14 juillet 2021.
Il y a quelques jours, M. Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, expliquait que l'accélération des livraisons de vaccins devrait permettre à l'Europe d'atteindre l'immunité collective le 14 juillet. Il me semble donc que c'est une bonne date pour sortir de l'état d'urgence ; vous conviendrez de surcroît qu'elle est un symbole fort.
Je vous propose donc d'avancer cette date du 31 décembre au 14 juillet afin d'obéir aux principes de stricte nécessité et de proportionnalité, dont l'application est d'autant plus importante que l'article 1er permet de suspendre un grand nombre de libertés fondamentales. L'objectif de cet amendement est donc simple : quitter le régime d'exception que nous connaissons depuis un an le plus rapidement et permettre, si les circonstances l'exigent, que le Parlement soit de nouveau saisi au mois de juillet.
Cet amendement de repli propose de fixer la date de sortie de l'état d'urgence sanitaire au 31 juillet. Le ministre nous a expliqué en commission que la date était fixée au 31 octobre pour éviter l'écueil des vacances d'été et ne pas avoir, en cas de détérioration de la situation, à convoquer le Parlement en urgence.
Je vous propose la date du 31 juillet car le Parlement sera toujours en session extraordinaire et pourra donc parfaitement se réunir pour exercer ses prérogatives. Comme je l'ai indiqué en commission et répété lors la discussion générale, on ne propose pas de réduire cette période pour se faire plaisir ou nier l'importance de la crise sanitaire – personne ne peut la nier – mais pour fixer en quelque sorte clause de revoyure bien plus proche afin de permettre au Parlement d'exercer ses prérogatives et le libre exercice de la démocratie. Cela ne me semble pas anodin ; en période électorale, c'est même important pour les Français.
La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l'amendement identique n° 183 .
Je propose à mon tour de fixer la date de sortie de l'état d'urgence sanitaire au 31 juillet. Le Parlement siégera en juillet ; nous pourrons donc, si nécessaire, repousser le terme de ce régime d'état d'urgence qui ne dit pas son nom.
Monsieur le ministre, vous avez été très caricatural. Ce qu'on vous reproche, ce n'est pas de prendre des décisions mais de les prendre seul, de façon unilatérale. M. Becht a posé une question sur l'éradication du virus. Pourquoi n'a-t-on jamais eu dans l'hémicycle un débat sur les différentes façons de lutter contre le virus ? On ne peut pas accepter qu'un seul homme décide. Le Conseil scientifique est relativement critique sur certaines mesures qui ont été prises. Pour ma part, je pense qu'un certain nombre de choses ont été bien faites, mais je n'ai jamais pu le dire ici puisque nous n'avons jamais eu ce genre de discussion. Voilà ce qui pose problème dans une démocratie.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 104 .
J'entends bien qu'on puisse avoir des avis différents quant à la date de sortie du régime de l'état d'urgence – juillet, août ou octobre, les dates sont, comme les effets de seuil, toujours difficiles à manier. Néanmoins, nous l'avons rappelé pas moins d'une dizaine de fois au fil des textes relatifs à l'état d'urgence, nous voulons éviter un long tunnel – tout l'été, en l'occurrence – sans clause de revoyure. Alors que nous sommes régulièrement contraints et forcés de revenir sur ces textes, nous demandons une clause de revoyure précise, votée d'un commun accord. Il nous semble que la date du 31 août pourrait convenir.
Il n'est évidemment pas question de laisser l'épidémie prospérer pendant les grandes vacances, qui sont propices aux rassemblements familiaux et amicaux, ni d'ôter la moindre parcelle de compétence au Gouvernement. Néanmoins, la date du 31 août permet de réunir sans aucune difficulté le Parlement au mois de juillet, en présence des oppositions récalcitrantes qu'il vous faudra souffrir mais qui, rassurez-vous, seront là. Le débat pourra avoir lieu sans risque que la majorité soit mise en minorité, en disposant des derniers chiffres, à la lumière de ce qui se sera passé à la fin du mois de mai, au mois de juin et jusqu'à la mi-juillet. Nous savons faire cela ; encore faut-il vouloir le faire – mais c'est autre chose. On sent bien là une forme d'obstination.
Le débat sur la date de sortie des mesures transitoires est tout sauf cosmétique : c'est de lui que dépendra la capacité du Parlement à accepter qu'en se dessaisissant de ses pouvoirs et de ses prérogatives essentielles, y compris en matière de libertés publiques, il fait malgré tout œuvre utile, mais surtout l'acceptabilité des mesures par nos concitoyens. En effet, plus la date est lointaine, plus vous installez dans leur esprit l'idée que les mesures prises ne seront peut-être pas aussi efficaces qu'on veut bien le dire, que la vaccination massive ne garantit pas forcément que nous pourrons mettre fin à cette situation, et que nous devrons vivre avec le virus plutôt que l'éradiquer.
Par pitié, ne nous répondez pas, comme vous l'avez fait en commission, que si les dates que nous vous proposons s'échelonnent du 14 juillet au 30 septembre, c'est que celle du 31 octobre est sans doute la bonne ! Essayons au moins d'avoir un débat constructif et évitons de caricaturer à dessein dès que des parlementaires font des propositions qui ne sont pas les vôtres.
J'irai dans le même sens que les différents collègues qui viennent de s'exprimer. Je souhaite avancer la date de sortie de l'état d'urgence parce que les principales mesures qui sont proposées, comme la limitation de la circulation des personnes et les contraintes imposées selon la circulation du virus, soulèvent beaucoup de questions. Ce référentiel est trop flou : la mise en œuvre des mesures prévues à l'article 1er n'est pas limitée dans le temps. On a vu dans certains territoires, par exemple en Île-de-France, que les mêmes mesures découlant de l'état d'urgence sanitaire sont restées en vigueur pendant cinq mois sans que le Parlement ait pu donner son avis. Voilà pourquoi nous proposons une autre date.
Quant à notre demande de scrutin public, elle est symbolique : nous souhaitons soutenir la volonté exprimée par les différents collègues sur tous les bancs de demander au Gouvernement d'avancer la date de sortie de l'état d'urgence.
La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l'amendement n° 124 .
Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, l'ensemble du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés souhaite que la date de sortie de l'état d'urgence soit avancée en cohérence avec les annonces qui ont été faites par le Président de la République et le Gouvernement, notamment que tous les Français adultes qui le voudront auront la possibilité de se faire vacciner avant la fin de l'été. Par cohérence, on aurait pu fixer la date à ce moment-là, mais on peut comprendre, au vu de la livraison parfois erratique des vaccins et des déplacements de population pendant les vacances, qu'il faille se laisser un peu de marge. C'est pourquoi nous proposons la date du 30 septembre ; nous ne souhaitons pas aller au-delà, c'est-à-dire jusqu'au 31 octobre.
Vous remarquerez que l'ensemble des oppositions et notre groupe, parti de la majorité, ont déposé des amendements allant dans le même sens, considérant que la date du 31 octobre est trop lointaine. Vous nous avez plusieurs fois demandé la concorde, que nous souhaitons nous aussi – nous vous l'avons déjà dit lors de la discussion générale sur les autres textes concernant l'état d'urgence sanitaire. Or pour obtenir la concorde, il faut un geste fort. Écoutez donc les oppositions et une partie de votre majorité, le Mouvement démocrate – qui en est un pilier important.
Ce geste consisterait à fixer la date de sortie au 30 septembre. Il montrerait que vous avez entendu la volonté des Français de se donner un objectif réaliste qui soit aussi le plus proche possible.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Puisque nous sommes dans une discussion commune, il sera également question de date et c'est la cohérence de ma proposition comme de celle de Mme Karamanli et de M. Latombe que je veux défendre. Je propose un délai de trois mois, au cours desquels le Parlement siégera ; il faut donc avancer la date au 30 septembre.
Ce délai de trois mois ne sort pas de nulle part : Philippe Gosselin et moi-même avions estimé, dans un rapport évaluant l'état d'urgence sanitaire, que le Parlement devait pouvoir se prononcer tous les trois mois sur les mesures restrictives de liberté et sur les diverses habilitations par lesquelles nous autorisons le Gouvernement à prendre des ordonnances, parce que ces pouvoirs exorbitants du droit commun sont justifiés par la crise sanitaire. Ce délai de trois mois couvrirait toute la fin de la session ordinaire jusqu'au 30 juin, la session extraordinaire de juillet et la très probable session extraordinaire de septembre, puisque c'est ainsi que nous fonctionnons depuis le début du quinquennat. Ces trois mois, ouvrés pour le Parlement, nous permettront d'adapter les mesures autant que la situation le nécessitera. En outre, nous pourrons ainsi anticiper la navette parlementaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Je reste attaché à la date du 31 octobre qu'a retenue la commission, après sa validation par le Conseil d'État et par le Conseil scientifique. Elle me semble opportune pour plusieurs raisons.
La dernière prorogation de ce régime par la loi du 14 novembre avait elle aussi été décidée pour une durée de cinq mois. La loi du 11 juillet 2020 avait également fixé l'échéance du premier régime transitoire au 30 octobre. Retenir la date du 31 octobre nous permettra de nous réunir fin septembre, soit un mois après la période estivale et le gros des vaccinations, pour en évaluer les effets. Retenir la date de fin septembre signifierait se réunir au mois d'août, en pleine période estivale et en pleine vaccination, sans en connaître les conséquences. Or il est important de connaître toutes ces conséquences avant de prendre une décision. C'est pourquoi que je suis attaché à la date du 31 octobre, qui nous donnerait une chance que ce soit le dernier texte que nous ayons à voter en cette matière. Avis défavorable.
Mesdames et messieurs les députés, je vais vous dire une chose : j'espère pour ma part que la sortie de l'état d'urgence ne se fasse ni le 31 octobre ni le 30 septembre ; c'est ce que nous souhaitons tous. Nous souhaitons que le virus déguerpisse, qu'on en finisse avec cette vague, que la vaccination batte son plein, que les Français partent en vacances, qu'on rouvre les commerces, les théâtres, les restaurants, les bars, les discothèques, les festivals, qu'on retrouve le goût de vivre ensemble, qu'on relâche un peu la vigilance tout en restant attentifs, peut-être même qu'on assouplisse le port du masque au cœur de l'été, sous un soleil de plomb, si du moins il se décide à faire beau – on ne sait jamais…
C'est vrai que là-bas, au moins, on ne risque pas d'alerte canicule !
Tout est possible avec les Bretons, monsieur le ministre, vous le savez !
Bretons devant, Bretons derrière : je ferais mieux de retourner à mon propos !
Sourires.
En clair, nous partageons évidemment tous le souhait de ne plus avoir à se poser des questions de mesures de restriction, de jauges, de pass sanitaires, de mesures de freinage, bref que tout cela soit derrière nous une bonne fois pour toutes et qu'on n'y revienne plus. Voilà le scénario où les choses se passent bien, auquel cas ce texte n'aura pas d'utilité.
Mais il en aura une si nécessaire, car un autre scénario n'est pas impossible – du même ordre que celui de l'été dernier. Rappelez-vous la situation à l'époque pour évaluer les conséquences qu'aurait le choix du 30 septembre plutôt que du 31 octobre.
L'été dernier, ça va bien en France, à l'exception de la Guyane. Il se produit une alerte en Mayenne mais les Français sont en vacances et commencent à se dire qu'on aperçoit peut-être le bout du tunnel. Pourtant, au cœur du mois d'août, alerte : l'incidence du virus augmente chez les jeunes dans les Bouches-du-Rhône. Bon nombre d'experts minimisaient alors la gravité de cet épisode puisqu'il s'agissait de jeunes – certains allaient jusqu'à se réjouir que les jeunes se contaminent les uns les autres. Mais semaine après semaine, jour après jour, l'incidence a continué d'augmenter et quand l'impact sanitaire est devenu significatif sur quelques points du territoire national, il a fallu prendre des mesures. Souvenez-vous des difficultés que nous avons alors rencontrées !
Je me suis rendu à trois reprises dans les Bouches-du-Rhône, notamment pour visiter les services de réanimation. Avec les élus et les équipes médicales, j'y ai alerté sur la gravité de la situation – nous étions aux alentours du 26 août. Nous demandions la mise en place d'un couvre-feu local dans les Bouches-du-Rhône pour freiner la diffusion du virus mais il n'a pas suffi. Puis la deuxième vague est survenue au début de l'automne, nous contraignant à prendre des mesures d'ampleur.
La donne sera différente cet été, grâce à la vaccination. Nous avons déjà vacciné beaucoup de Français – plus de 500 000 aujourd'hui, un record absolu pour un lundi. La campagne continue de s'amplifier et vous connaissez la mobilisation de tous sur le terrain. La population sera donc mieux protégée contre les risques de contamination et de symptômes graves. Voilà qui pourrait – nous l'espérons – nous éviter un nouveau départ épidémique à la fin de l'été ou au tout début de l'automne, tel que nous l'avons connu l'an dernier, mais ça ne nous évitera pas – le Conseil scientifique a été très clair sur la question – le risque d'assister çà et là à des départs épidémiques susceptibles de mettre en péril toute la stratégie sanitaire et contre lesquels il faudrait intervenir en urgence par des mesures de freinage proportionnées pour éviter l'extension à tout le pays d'une nouvelle vague.
Si j'ai cité le cas des Bouches-du-Rhône, c'est parce que la situation s'y est aggravée à la mi-août et que les mesures de freinage ont été appliquées en septembre. Or nous vous proposons la date du 31 octobre non pas pour que ces mesures restent en vigueur jusqu'à cette date mais pour éviter, face à de nouveaux foyers épidémiques, de devoir déposer en septembre un nouveau projet de loi relatif à l'état d'urgence, peut-être pour quelques jours ou pour quelques semaines seulement, comportant des mesures qui risqueraient, elles, d'être beaucoup plus restrictives que celles dont nous disposerions en fixant la date de sortie de l'état d'urgence un mois plus tard. De deux choses l'une : soit vous votez ces mesures « light » qui nous permettront de faire face à toute situation, y compris au mois de septembre, soit nous nous exposons à la nécessité de convoquer le Parlement en septembre – même si je comprends bien que cela ne présente pas de difficulté – pour vous soumettre un projet de loi ad hoc, étant entendu que nous ne pourrions pas anticiper l'évolution de la situation et que nous serions peut-être contraints de présenter un projet instaurant un état d'urgence à proprement parler, même sans savoir s'il devrait ou non s'appliquer.
Ce mois supplémentaire par rapport à ce que vous demandez – je ne reviens pas sur les amendements qui proposent de tout arrêter à la mi-juillet –, c'est donc un filet de sécurité.
Il présente un autre avantage important : il donnera aux acteurs économiques de la visibilité, en leur garantissant que si la situation l'exige, ils bénéficieront des mesures d'accompagnement économiques, du chômage partiel pour les salariés et du fonds de solidarité pour les commerçants.
Non : des commerçants vont reprendre leur activité début septembre, avec une perspective de trois semaines si la situation n'est pas complètement stabilisée. Cela crée de l'anxiété dans les milieux économiques ; or l'anxiété, ce n'est pas bon pour la confiance et ce qui n'est pas bon pour la confiance n'est pas bon pour la croissance.
Il ne s'agit pas de dépouiller le Parlement de ses prérogatives. Je veux bien prendre devant vous l'engagement suivant : si la situation sanitaire l'exigeait et si, malgré tous les efforts consentis, un nouveau départ épidémique justifiait hélas qu'on prenne des mesures d'exception au-delà du mois d'octobre, je reviendrai devant vous en septembre pour vous présenter un projet de prorogation. Je n'ai aucune difficulté à le faire, nous l'avons d'ailleurs déjà fait puisque c'est le huitième projet de loi que nous présentons en la matière. Mais ne nous privez pas de la possibilité de prolonger de quelques jours ou de quelques semaines des mesures – même très localisées et transitoires – pour éviter de nouvelles flambées épidémiques à la rentrée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Pardonnez-moi de le dire ainsi, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mais vous nous avez déjà présenté ces arguments en commission et nous vous avons déjà répondu que nous ne comprenons pas votre position. Reprenons : dès la mi-août, vous disposiez d'informations indiquant une reprise de l'épidémie dans le Sud, qui vous faisait craindre pour la suite. Fin septembre, nous disposions déjà de chiffres indiquant que l'épidémie repartait sur tout le territoire.
Exact. Et voilà que vous ajoutez un argument : la date du 31 octobre permettrait de maintenir les mesures d'accompagnement social et économique. Mais cela n'a pas de rapport ! Le Parlement peut à tout moment se réunir pour voter de telles mesures. Depuis plus d'un an et demi, nous avons fait la preuve de notre entière disponibilité sur tous les sujets. Examiner un nouveau projet de loi à l'automne, lors d'une session extraordinaire, ne nous pose aucun problème.
Donner une perspective aux Français, c'est aussi leur dire que la vaccination et tous les efforts qu'ils ont consentis depuis un an et demi leur permettront de sortir du tunnel au plus vite. Par esprit de responsabilité, nous ne proposons pas d'avancer la date au 30 août car on peut comprendre qu'il faille mesurer les effets obtenus, mais la plupart des Français reprendront le travail aux alentours du 20 août ; les parlementaires peuvent eux aussi se réunir début septembre sans aucun problème, s'il en était besoin.
Encore une fois, les oppositions ont toutes plaidé en faveur d'une modification de la date et à chaque fois, vous nous avez demandé la concorde nationale sur ce sujet de l'état d'urgence. Soit ! La concorde suppose aussi que vous fassiez un pas en direction des parlementaires exerçant leurs prérogatives sans vous contenter de rester campé sur vos décisions initiales.
En tant que pilier de la majorité, le groupe Dem vous demande d'écouter sa proposition, c'est-à-dire de retenir la date du 30 septembre 2021.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur ceux des groupes LR, UDI-I et LT.
Monsieur le ministre, je ne comprends pas votre argumentation. Vous nous dites que ne pas proroger cette loi jusqu'au 31 octobre, c'est prendre le risque de ne pas pouvoir prendre assez vite les mesures nécessaires pour contrôler une éventuelle reprise épidémique. Dès lors, il faut absolument, selon vous, que le Gouvernement dispose de toutes les possibilités en matière de freinage et de restriction. Pourtant, vous disposiez déjà, que je sache, de toutes ces possibilités l'année dernière, lors de la reprise épidémique, et ce n'est pas pour autant que nous avons évité cette deuxième vague, au point qu'on a fini par rétablir l'état d'urgence pour permettre un nouveau confinement – même allégé par rapport à celui de mars 2020. En clair, nous étions exactement dans la même situation qu'aujourd'hui. Ce n'est pas le fait que les députés débattent qui va provoquer une reprise épidémique ! Ce sont simplement le relâchement inévitable en été et la présence de variants qui ont fait que les mesures n'ont pas été aussi efficaces que nous aurions tous pu l'espérer.
Quant à l'argument économique et social, pardonnez-moi de vous rappeler qu'il faudra de toute façon adapter la loi de finances ; le Parlement sera forcément amené à se prononcer aussi sur les questions budgétaires. Le sujet n'est donc pas là. Comme notre collègue Latombe vient de le dire, il faut que vous fassiez preuve d'un peu de souplesse et d'ouverture d'esprit pour que la concorde nationale puisse exister.
Je reprends moi aussi à mon compte les propos de notre collègue Latombe, propos que je trouve courageux de la part d'un membre bien connu, actif et travailleur de la majorité, qui n'est pas suspect de servir la soupe aux oppositions mais qui est droit dans ses bottes, et c'est tout à son honneur. Quand un pilier important de la majorité comme le groupe Dem, quand certains des membres du groupe majoritaire, comme Sacha Houlié et d'autres, posent les mêmes questions que l'opposition, sans doute faut-il s'interroger. On n'a pas raison tout seul, monsieur le ministre.
Donner des gages en faveur de la concorde nationale, c'est aussi accepter la contradiction, voire accepter de faire quelques pas. Personne ici ne vous demande autre chose – les amendements de suppression que nous avons défendus tout à l'heure ne visaient qu'à vous alerter, en vain. À moins d'être complètement idiot ou de refuser d'être un parti de gouvernement, qui peut prétendre qu'il entend empêcher le Gouvernement de travailler ? Personne !
Faites confiance au Parlement. Donnez de la visibilité à nos concitoyens.
Aucun de ceux qui s'opposent à ce texte ne souhaite que les aides s'arrêtent, vous le savez très bien. Nous sommes d'accord pour donner de la visibilité aux entreprises, aux acteurs du tourisme, à nos concitoyens, mais il faut aussi donner de la visibilité au Parlement pour qu'il fasse son travail.
Monsieur le ministre, si j'ai bien compris votre argumentation, que j'ai écoutée avec attention, il faut, pour garantir de la prévisibilité aux acteurs économiques et pour empêcher une éventuelle récidive de l'épidémie, suspendre éternellement les droits du Parlement. C'est sans fin !
Exclam ations sur les bancs du groupe LaREM .
Dans deux ou trois mois, vous pourrez invoquer un nouveau risque pour que des mesures soient prises dans tel ou tel département. Cela ne s'arrêtera jamais : vous nous servez toujours le même discours.
Votre propre majorité commence à douter – c'est bien la preuve que vous utilisez la crise sanitaire pour faire disparaître le Parlement
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem
Sourires.
Il n'est pas d'autre démocratie dans laquelle les choses se passent ainsi.
Ce n'est pas une caricature, c'est la réalité : vous suspendez les droits du Parlement et la majorité s'en accommode !
Une chose est sûre : ceux d'entre nous, dans l'opposition de gauche comme dans celle de droite, qui ont fait de l'équilibre des pouvoirs la question centrale de la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, ne s'y sont pas trompés. Cessez, monsieur le ministre, de considérer qu'en démocratie, le Parlement est facultatif. Le Parlement n'est pas une gêne ; il peut même vous rendre plus intelligent et vous aider à prendre de meilleures décisions au fil des débats.
Je ne comprends pas l'argument selon lequel le 30 septembre, vous ne pourriez pas prendre les mesures d'urgence nécessaires – a fortiori des mesures que vous auriez anticipées quelques semaines plus tôt, comme vous l'avez dit vous-même – parce que le Parlement devrait se réunir. Avez-vous conscience du message terrible que vous adressez aux Français lorsque vous avancez un tel argument ? Vous accréditez l'idée selon laquelle, pour se prononcer sur la politique du Gouvernement, les urnes et le suffrage universel ne servent à rien ; l'élection des députés est inutile. Voilà le message que vous envoyez !
Nous vous demandons – nous sommes manifestement nombreux, sur des bancs très divers, à le faire – d'accepter l'amendement fixant la date de sortie au 30 septembre. À mes yeux, c'est un minimum. Je n'ai toujours pas compris, dans votre longue explication, la raison qui justifierait l'opposition du Gouvernement.
La France est l'une des rares démocraties à avoir transféré autant de pouvoirs à l'exécutif pour la gestion de la crise sanitaire – ayons l'objectivité de le reconnaître. Nous ne remettons évidemment pas en cause les décisions prises par le pouvoir exécutif : à un moment, il faut bien en prendre. En revanche, nous contestons le choix de ne pas les soumettre systématiquement au Parlement.
Nous souffrons déjà de l'insuffisante décentralisation du pouvoir, notamment sur le plan sanitaire : le Gouvernement s'assoit constamment sur l'avis des collectivités territoriales. Il ne me semble donc pas absurde d'exiger un retour très rapide devant le Parlement pour discuter à nouveau du sujet.
Je remercie le groupe Dem d'ouvrir le débat, dans ces termes de surcroît. Plus la concertation avec le Parlement sera complète, meilleures seront les décisions prises. Pourquoi hésiter à raccourcir les délais ? J'appelle l'attention de nos collègues sur la nécessité de renforcer systématiquement le rôle du Parlement, rôle que nous jouerions en imposant un calendrier resserré dans un projet de loi qui n'est finalement que la prorogation de la loi sur l'état d'urgence sanitaire.
Je reviens au sujet des amendements : la date d'extinction du régime – 31 octobre ou 30 septembre. Philippe Gosselin le rappelait à l'instant, le choix d'une date suscite toujours le débat.
Le 31 octobre est la bonne date. Nous ferions une erreur en lui préférant le 30 septembre. Il faut entendre les propos du ministre sur les raisons qui ont conduit à un tel choix. La date a été définie en prenant en considération les retours d'expérience de l'été dernier – si un texte devait être présenté à l'automne, il serait utile de disposer de données sur la rentrée –, l'importance de donner de la visibilité aux Français ainsi qu'aux secteurs d'activité économiques, mais aussi la montée en puissance de la campagne vaccinale. La date du 31 octobre nous paraît donc pertinente et proportionnée.
À les entendre, certains semblent souhaiter un nouveau projet de loi à l'automne. Pour ma part, j'espère que le présent texte est le dernier que nous aurons à examiner eu égard à la situation sanitaire. Nous ferons tout pour y parvenir.
Quant à la question démocratique, monsieur Dupont-Aignan, monsieur Coquerel, monsieur Pancher, c'est la huitième fois que nous débattons de ce sujet.
Certes, il y a une majorité, des oppositions, et des points de vue différents, mais nous sommes bien dans un État démocratique. À preuve, le débat a lieu aujourd'hui et se poursuivra tant que la crise l'exigera.
A pplaudissements sur p lusieurs bancs du groupe LaREM .
Monsieur le ministre, vous avez ici affaire à des parlementaires qui travaillent depuis longtemps sur le sujet. Nous avons fait des propositions raisonnables et responsables. Le refus de faire confiance au Parlement, pour une fois, crée une insécurité plus grande et accroît la défiance à son égard alors que, les citoyens le disent, celui-ci vit des moments difficiles.
Notre collègue Philippe Latombe et d'autres, qui ont participé à des travaux au sein de la commission des lois, ont fait part, de manière posée, de leurs interrogations. Ce serait un pas en avant de laisser le Parlement se prononcer en faveur de l'amendement…
…qui retient la date du 30 septembre, laquelle donne suffisamment de garanties pour travailler. Nous pourrons examiner la suite à la rentrée. Nous ne sommes pas l'oracle de Delphes mais la situation risque de demeurer difficile dans les mois à venir. Je ne suis pas certaine que nous ne serons pas amenés à discuter d'un nouveau projet de loi.
Il importe que le Parlement soit de nouveau saisi dans les trois prochains mois.
La parole est à M. Olivier Becht. Ainsi, tous les groupes auront pu s'exprimer.
Je comprends que nous fassions de la politique – c'est un peu le lieu pour en faire – et qu'il soit de tradition que les oppositions tapent sur le Gouvernement, mais il est des choses qu'on ne peut pas laisser dire. Prétendre que le Parlement n'est pas associé aux mesures sur la crise sanitaire est faux en droit comme dans les faits.
A pplaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM .
Cela a été dit, c'est le huitième texte que nous examinons depuis quatorze mois. Autrement dit, depuis le début de la crise, nous sommes saisis à intervalles de 1,7 mois en moyenne de textes comportant les mesures qui sont prises.
S'y ajoutent les commissions d'enquête, les missions d'information et les questions au Gouvernement. Aucune mesure restrictive de liberté n'a été prise sans avoir été autorisée dans cet hémicycle.
A pplaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM .
La question qui se pose ce soir consiste à fixer la date de sortie de l'état d'urgence. Nous proposons le 31 octobre. Cela me semble tout à fait raisonnable : si nous étions confrontés à une nouvelle vague de l'épidémie, nous savons bien que les mesures contenues dans la loi ne seraient pas suffisantes pour y faire face. Il faudrait nécessairement revenir devant le Parlement pour adopter de nouvelles mesures restrictives de liberté.
L'amendement n° 65 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 106
Nombre de suffrages exprimés 106
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 34
Contre 72
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 46 .
L'amendement vise à soumettre à l'avis préalable du Conseil d'État les décrets pris par le Premier ministre dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire allégé.
On l'a rappelé : en l'absence d'intervention du Parlement, ainsi que vous l'avez décidé, tout au long de la période de validité d'un tel régime juridique dérogatoire, et faute d'une définition précise de la notion de circulation active du virus que nous n'avons de cesse de réclamer, il paraît nécessaire que le Conseil d'État puisse se prononcer sur la proportionnalité des mesures prises aux circonstances sanitaires.
Le décret du 29 octobre 2020, sur lequel se fonde l'ensemble des mesures prises par le Gouvernement pour faire face à l'épidémie de covid-19, a été modifié à quarante-cinq reprises en six mois. La réactivité réglementaire qu'exige l'évolution constante de la situation sanitaire ne permet pas d'émettre un avis favorable à votre amendement.
Le Conseil d'État continue néanmoins de jouer un rôle essentiel en tant que conseil au Gouvernement, notamment sur les projets de loi relatifs à la crise sanitaire, mais aussi en tant que juge des décrets pris en application des dispositions législatives que nous adoptons.
L'amendement n° 46 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 172 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement concerne la limitation de la circulation de nos concitoyens. Réglementer, oui, mais interdire me semble aller bien au-delà du raisonnable.
Dans une période où l'état d'urgence sanitaire est censé avoir pris fin, s'il est possible d'interdire aujourd'hui et demain comme hier, les mesures restrictives ne disparaissent pas et nous restons dans un régime exorbitant du droit commun.
La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l'amendement n° 125 .
En effet, c'est le mot « interdire » qui pose problème. De facto, il signifie confiner. Vous sollicitez la possibilité de recourir à des mesures de freinage mais celles-ci ne sont pas forcément des mesures d'interdiction.
Nous parlons aux Français de la sortie de l'état d'urgence, de la possibilité de retrouver peu à peu une vie normale, mais vous vous réservez la faculté d'interdire toute circulation des personnes et des véhicules. Ce n'est pas cohérent.
Les mesures de freinage, oui ; les mesures d'interdiction stricte, non !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LR.
Soyons clairs : cette disposition relative à l'interdiction de la circulation n'a pas vocation à permettre de rétablir ni le confinement ni le couvre-feu – nous aurons d'ailleurs ce débat juridique un peu plus tard. L'intention du législateur avait été explicitement précisée lors de l'examen de la loi du 9 juillet 2020, comme l'avait relevé le Conseil constitutionnel. Votre amendement me donne cependant l'occasion de la préciser à nouveau pour ce nouveau régime transitoire.
Le dispositif que ces amendements tendent à supprimer ne constitue ni une nouvelle disposition par rapport au précédent régime transitoire ni une mesure plus restrictive que ce qui est prévu par l'état d'urgence sanitaire, bien au contraire. La proportionnalité du dispositif de cet alinéa a été validée par le Conseil constitutionnel l'année dernière. Vous conviendrez, enfin, que ce n'est pas parce que cette disposition pouvait être activée dès l'été 2020 en cas de forte dégradation localisée de la situation sanitaire que les Français sont pour autant restés enfermés chez eux tout le mois d'août. C'est même l'inverse qui s'est produit. Avis défavorable, donc.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, pour donner l'avis du Gouvernement.
Défavorable.
Ces amendements sont de bon sens. Certains membres de la majorité nous expliquaient tout à l'heure que c'est la huitième fois que nous reprenons le dispositif, et que ce n'est pas si grave. Or c'est précisément parce que c'est la huitième fois et que cela dure depuis mars 2020 que c'est grave. À force de signer des chèques en blanc en permanence, vous perdez l'habitude d'exercer vos responsabilités de parlementaires.
Sourires.
On ne peut pas dire que ce n'est pas grave, puisque figure dans le texte l'interdiction de déplacement que ces amendements visent à lever. Il paraît une nouvelle fois assez surréaliste qu'une assemblée nationale, dans un pays démocratique comme le nôtre, accepte pour la huitième fois de donner les pleins pouvoirs, un chèque en blanc, à un gouvernement…
…qui, de surcroît – et je n'aborde même pas ce point – a échoué sur bien des plans depuis qu'on lui a confié ces pleins pouvoirs. Non seulement nous abandonnons nos pouvoirs pour la huitième fois mais, en plus, on ne peut pas dire que le résultat fut à la hauteur de l'espérance.
Pour les députés de la majorité, c'est encore pire, car ce sont eux qui se privent encore plus du contrôle qu'ils devraient exercer sur leur gouvernement. Quoi qu'il en soit, c'est un moment très grave pour le Parlement ; au moins cet amendement permettrait-il d'éviter des interdictions fatales.
Je ne comprends pas comment le Gouvernement peut ne pas accepter cet amendement. Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous nous avez présenté aimablement cette loi comme une loi de transition, une sortie progressive de la situation dans laquelle nous sommes. Si c'est bien le cas, pourquoi aurions-nous besoin de prendre des mesures que vous estimiez nécessaires voilà un an ? Sinon, c'est qu'il ne s'agit pas d'une loi de sortie de la crise que nous subissons, mais d'une prolongation ou d'une adaptation.
Soit, donc, vos paroles sont vraies – pourquoi, alors, ne suffit-il pas de réglementer, et pourquoi faudrait-il arriver à des mesures de coercition telles que ces interdictions ? Soit ce que vous dites est faux, et nous sommes en réalité dans un moment transitoire entre un état d'urgence ou d'exception et un futur état d'urgence.
L'amendement n° 123 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement de notre collègue Philippe Dunoyer tend à inclure, pour constituer le pass sanitaire, la possibilité d'un test sérologique permettant la détection d'anticorps.
Cela me conduit à poser à nouveau la question que j'ai déjà posée à deux reprises et à laquelle j'aimerais beaucoup obtenir des éléments de réponse de la part du ministre. Il est prévu que puisse être intégré à l'arsenal des options du pass sanitaire un certificat attestant que la personne concernée a été contaminée, et que c'est donc naturellement, et pas à cause du vaccin, qu'elle a développé des anticorps permettant la lutte contre la maladie. Pourriez-vous nous éclairer sur l'état d'avancement des recherches des autorités sanitaires européennes et nationales dans ce domaine ?
Mais je n'ai pas de chance : à chaque fois que je pose cette question, le ministre sort de l'hémicycle ! J'imagine que je serai donc obligé de poser la question une quatrième fois tout à l'heure.
Je demande le retrait de cet amendement car il est satisfait. Il est bien prévu, en effet, qu'il soit possible de présenter un document attestant du rétablissement à la suite d'une contamination par le covid-19. Pour ce qui est de la question que vous soulevez, la Haute Autorité de santé recommande que, dans le cas de personnes pour lesquelles le prélèvement nasopharyngé est difficile ou impossible pour des raisons médicales ou du fait de leur situation personnelle, les professionnels de santé adaptent le test PCR et le pratiquent par prélèvement oropharyngé ou salivaire. Avis défavorable, donc.
Monsieur le député, votre amendement est satisfait car le texte prévoit déjà la possibilité de présenter un document certifiant le rétablissement de la personne concernée : soit un test positif – c'est la formule qui, à ce stade, a été retenue au niveau européen et que nous retenons au niveau français –, soit, le cas échéant si cela devait être confirmé par les autorités sanitaires, un test sérologique.
Le Conseil scientifique a rendu un avis très clair sur la question : à ce jour, il ne recommande pas le recours aux tests sérologiques pour valider le rétablissement d'une personne, et c'est également la direction qu'est en train de prendre la discussion au niveau européen. Cela pourrait évidemment changer en fonction de l'avis des autorités scientifiques mais, pour l'heure, nous opterons pour un test positif, en estimant qu'il suffit, au bout d'un délai de deux semaines, à confirmer l'immunité de la personne concernée.
La question de savoir si cette immunité est acquise pour la période courant de deux semaines à deux mois ou de deux semaines à six mois est en débat et nous sommes en train de la creuser avec le Conseil scientifique mais, pour le moment, les autorités scientifiques demandent de ne pas utiliser les tests sérologiques. Si le recours à ces tests devait être validé à l'avenir, la formulation prévue nous permettra de les ajouter au dispositif. L'objectif que nous recherchons est donc de ne pas fermer la porte aux tests sérologiques, mais de ne les utiliser que lorsque les autorités scientifiques françaises et européennes les valideront.
Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer, à défaut de quoi l'avis du Gouvernement sera défavorable.
Je suis assez surprise de cette réponse car, lorsque vous évoquez tout document qui permettrait de justifier un rétablissement, on entend que cela pourrait s'appliquer à un simple certificat médical : peut-être êtes-vous en train de nous dire, monsieur le secrétaire État, qu'on va enfin pouvoir faire confiance aux médecins ! Qui dit rétablissement dit retour à un examen clinique tout à fait normal. Un simple certificat médical d'un médecin généraliste certifiant que la personne est rétablie serait donc suffisant pour satisfaire à ces obligations – c'est du moins le sens de votre réponse, et nous pouvons nous en satisfaire.
Pour en revenir aux questions de délais, il aurait été tout à fait satisfaisant que l'état d'urgence puisse prendre fin le 30 septembre si vous aviez vous-même confiance en votre propre stratégie vaccinale. Or on se rend bien compte que non seulement on vaccine aujourd'hui à l'aveugle, sans vérifier le statut sérologique des personnes concernées, ce qui est tout de même une première mondiale, et qu'on continue à vacciner pendant une épidémie, ce qui est aussi tout à fait surprenant, mais vous laissez en outre entendre aux Français que vous n'avez pas confiance en votre propre stratégie, sans quoi vous pourriez proposer de fixer le terme au 30 septembre.
Si j'ai bien compris la réponse du secrétaire d'État, le Gouvernement n'a pas vraiment choisi et est toujours dépendant de négociations européennes. Dans cette affaire, donc, on voit que, depuis le début, le Gouvernement est à la remorque de l'Union européenne et que ses positions changent au gré des négociations.
Je souhaiterais que le Gouvernement nous donne exactement la position de la France et nous indique quelle position il défend à Bruxelles, au lieu de nous dire qu'on verra selon les négociations. Un pays comme la France devrait savoir ce qu'il veut.
Monsieur le secrétaire État, j'avoue que j'ai eu du mal à suivre votre explication car, si j'ai bien compris, vous dites qu'un test positif, attestant du rétablissement de la personne concernée et de la présence d'anticorps contre la covid-19, pourra être pris en compte dans le cadre du pass sanitaire, mais que pour le test sérologique, en revanche, on ne sait pas et on attend confirmation des résultats du débat scientifique pour savoir si les anticorps produits à la suite de la maladie protègent plus de deux mois, éventuellement jusqu'à six mois, et que, de ce fait, les tests sérologiques ne sont pas intégrés à ce jour dans le dispositif.
Je rappelle cependant que pour les personnes subissant aujourd'hui des tests sérologiques qui se révèlent positifs, c'est-à-dire qui font apparaître la présence d'anticorps destinés à la lutte contre la covid-19, le résultat de ces tests ne fait plus apparaître la distinction entre les anticorps provenant de la vaccination ou de la maladie.
Si, c'est vrai, cher collègue. Je peux l'attester. Je vous apporterai le certificat d'une personne qui a obtenu un résultat positif parce qu'elle avait contracté la maladie, et non pas parce qu'elle avait été vaccinée. Or, il y est bien indiqué sans précision que la cause est la contraction de la maladie ou la vaccination. Il y a donc bien là un problème.
Nonobstant la volonté d'anonymat de notre collègue Brindeau, je vous montrerai le résultat de mes tests sérologiques post-vaccinaux : en fonction du test, on sait parfaitement si les anticorps visent le virus sauvage ou la protéine vaccinale. C'est l'un ou l'autre. Il s'agit d'un outil très performant et très utile pour suivre l'efficacité de la vaccination. Je vous passerai tout à l'heure la photo, et vous verrez.
Le test fait peut-être la différence mais le certificat, lui, ne la fait pas !
L'amendement n° 85 n'est pas adopté.
Nous ne sommes pas opposés au pass sanitaire, notamment pour entrer sur le territoire national et pour en sortir, mais par ces amendements, nous voulons faire savoir qu'il ne nous semble pas raisonnable, à cette heure, d'inclure dans ce dispositif la notion de vaccin. En effet, la couverture vaccinale est encore assez faible dans notre pays et nous ne disposons pas d'une visibilité suffisante quant à son extension. Il nous semble nécessaire de retirer ce critère du pass sanitaire.
Dans un esprit proche de celui de l'amendement de M. Peu, il tend à souligner que, si la vaccination figure parmi plusieurs possibilités retenues dans le cadre du pass sanitaire, il faut que l'ensemble de la population puisse avoir accès au vaccin. Nous voulons que tous nos concitoyens si c'est possible, et en tout cas la plus grande partie d'entre eux, se fassent vacciner pour pouvoir bénéficier des mesures d'ouverture des restaurants et autres lieux accueillant du public.
Autrement dit, il faut dès maintenant permettre à tous d'être vaccinés, sans plus aucune condition d'âge ni de comorbidité. Notre stratégie vaccinale doit évoluer en ce sens, c'est une évidence.
Par ailleurs, sans entrer dans un débat avec M. Eliaou, je maintiens mes propos : si le test permet évidemment de faire la différence entre une immunité virale et une immunité vaccinale, le certificat délivré, lui, ne la mentionne pas. Il est d'ailleurs précisé que l'immunité détectée a été acquise suite à une vaccination ou de manière naturelle par contraction de la maladie, sans plus de précision. Cela posera donc bien un problème si l'on décide d'intégrer la vaccination au pass sanitaire.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 105 .
Le pass sanitaire pose des questions importantes qu'on ne peut pas évacuer d'un revers de main, mais ce n'est pas le sujet de l'amendement. On peut tout de même s'inquiéter des modalités de son arrivée dans les débats : il résulte de l'adoption d'un amendement du Gouvernement qui n'a donc pas été soumis à l'avis du Conseil d'État ni à celui de la CNIL – Commission nationale de l'informatique et des libertés –, dont l'avis ne sera rendu que mercredi, donc au lendemain du vote sur le texte, qui interviendra probablement ce soir ou demain. Il est tout de même un peu fâcheux que ces deux grandes autorités n'aient pu émettre d'avis sur un tel sujet.
Par comparaison, je voudrais vous éclairer sur ce qu'il se passe dans d'autres pays : l'autorité de contrôle italienne a émis un avis négatif avec conditions à l'instauration d'un pass sanitaire, et l'autorité de contrôle néerlandaise, équivalent de la CNIL, a pour sa part émis un avis très circonstancié. Cela montre bien – et il faut le rappeler avec force – que le sujet n'est pas aussi simple qu'on cherche à nous le vendre.
Par ailleurs, à ce stade, inclure la vaccination pose des questions importantes. On nous répondra qu'il sera toujours possible de fournir le résultat d'un test, que cela sera suffisant. Sauf que l'on n'est pas sûr que les centres de test situés à proximité des grands rassemblements, foires, salons, ne seront pas saturés.
On nous dit également que le pass sanitaire ne sera pas nécessaire pour les activités essentielles, mais quelles activités sont essentielles ? Ce qui est essentiel pour l'un ne l'est pas forcément pour l'autre ! Par exemple, on nous empêchera de visiter certains parcs ou de participer à des animations qui seront considérées comme non essentielles, mais où il y aura peut-être moins de monde que dans des supermarchés qui réuniront plus de 1 000 personnes. C'est une logique pour le moins compliquée !
En outre, tant que la vaccination n'est pas généralisée, il nous paraît difficile, sinon impossible, de l'inclure dans les critères permettant d'obtenir le certificat.
Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 105 de mon collègue Gosselin. Les arguments le justifiant sont les mêmes.
Il est vrai que nous cherchons à ce que le plus de monde possible soit vacciné,…
…mais il restera toujours des personnes qui ne le sont pas, parce qu'elles n'ont pas eu le temps d'aller se faire vacciner, qu'elles ne le peuvent pas pour des raisons médicales, ou qu'elles ne le souhaitent tout simplement pas. C'est pourquoi il sera toujours possible de présenter le résultat négatif d'un test PCR, et pas uniquement une preuve de vaccination. Il n'est donc pas juste de conditionner l'entrée en vigueur du dispositif à l'accès de toute la population au vaccin. Avis défavorable.
Même avis.
J'aurais bien aimé avoir quelques éclairages car vous ne semblez pas gênés par le fait que ni la CNIL, ni le Conseil d'État n'aient pu se prononcer, ce que je trouve, je le répète, assez fâcheux. Nous avons depuis 1978 une autorité de contrôle chargée de l'informatique et des libertés, la CNIL, dont les pouvoirs ont été renforcés en 2004, et on la passe sous silence ! Nous avons un Conseil d'État, créé par Napoléon, et on le passe sous silence, en plein bicentenaire napoléonien ! Ce n'est pas grave, circulez, il n'y a rien à voir !
Par ailleurs, vous dites, monsieur le rapporteur, qu'il restera toujours des personnes qui ne seront pas vaccinées : bien sûr, mais aujourd'hui, certains de ceux qui veulent être vaccinés ne le peuvent pas encore. Je ne porte pas de jugement négatif sur une éventuelle impréparation de la campagne mais le fait est qu'aujourd'hui, celles et ceux qui veulent se faire vacciner ne le peuvent pas encore, et cela risque de durer un certain temps.
Nous souhaitons donc que celles et ceux qui n'ont pas pu se faire vacciner ne soient pas obligés de présenter un certificat de vaccination si les autotests ou les tests PCR venaient à manquer, du fait de l'encombrement à l'entrée de certains festivals, par exemple, ou si leur date de validité posait problème.
Encore une fois, c'est une question de cohérence : on va permettre aux gens d'aller faire des courses – et c'est très bien –, d'aller dans des supermarchés et des magasins de bricolage, où ils seront plus de 1 000, et en empêcher d'autres d'assister à des concerts, de se rendre dans des parcs zoologiques ou encore dans des centres d'activités. L'objectif de nos amendements est donc de mettre en lumière une incohérence qui n'est toujours pas résolue.
Ces amendements sont les bienvenus. En vérité, monsieur le secrétaire d'État, voici le fond du problème : le pass sanitaire a été introduit dans nos débats alors même que la CNIL, qui est quand même l'autorité censée défendre nos libertés, n'a pas été consultée sur le sujet – pas plus que le Conseil d'État, d'ailleurs. C'est un précédent très grave.
L'instauration d'un pass sanitaire signifie que l'accès à certaines manifestations sera soumis à un traçage numérique : telle est la réalité. Vous mettez le doigt dans un engrenage terrible, car le dispositif sera une usine à gaz complexe à l'excès : quels délais estimez-vous pertinents en matière de vaccination ? Combien de temps est-on couvert par les vaccins ? Quel vaccin pour quel variant ? Comment allez-vous gérer cette affaire ? Et, pour ceux qui auront eu la covid, comment les tests sérologiques seront-ils assurés et mis à disposition ?
Lorsqu'on voit la décision de la commission italienne et les réserves émises par les Pays-Bas, on se dit que cette affaire est un grand bricolage dans lequel vous vous précipitez, sans même que la CNIL ait délibéré sur les modalités pratiques du pass sanitaire – alors que c'eût été bien utile.
Monsieur Gosselin, vous dites soulever des incohérences mais je trouve qu'il y a dans votre argumentation elle-même une forme d'incohérence. On risque de manquer de tests à proximité des festivals, dites-vous, mais je rappelle que le pass sanitaire pourra être constitué par le résultat d'un test PCR ou par celui d'un test antigénique. Autrement dit, même si vous n'avez pas prévu à l'avance de vous faire tester, vous pourrez toujours aller dans une pharmacie et acheter un test antigénique. C'est bien pour cela qu'exclure la vaccination n'a aucun sens – a fortiori si vous pensez que l'on va manquer de tests pour permettre l'accès aux festivals, puisque ceux qui seront vaccinés n'auront justement pas besoin de réaliser un test PCR.
Inclure la vaccination dans le pass sanitaire était d'ailleurs une demande assez pressante de nos compatriotes ultramarins, car nombre d'entre eux sont déjà vaccinés, mais ils doivent encore présenter un test PCR négatif pour venir dans l'Hexagone. Ils nous disent que cela n'a pas de sens, puisqu'ils ont été vaccinés. Même si le risque zéro n'existe pas, leur contagiosité a diminué, et ils demandent donc qu'on leur évite un petit plaisir nasal – si vous me permettez l'expression – rendu superfétatoire par la vaccination.
J'en viens à la question de savoir si le pass sanitaire vise à permettre aux personnes d'entrer dans tel ou tel lieu grâce à un test sérologique positif ou sur le fondement d'une autre donnée sanitaire : vos bases juridiques, monsieur Dupont-Aignan, semblent instables et vous semblez mal comprendre la loi. C'est le Conseil d'État qui est concerné, non la CNIL qui n'a rien à voir là-dedans puisqu'elle s'occupe du traitement des données informatiques et des libertés. Elle pourrait se prononcer sur la présence d'un lecteur, par exemple, mais le fait de présenter un QR code n'entraîne aucun nouveau traitement des données informatiques – le traitement, qui se poursuit, est réalisé par les bases SI-DEP – système d'information de dépistage populationnel – et SI-Vaccination.
S'agissant du Conseil d'État, je rappelle qu'un débat politique a eu lieu sur le projet de loi présenté par le Gouvernement en décembre, qui donnait à l'État la possibilité de limiter l'accès à des rassemblements. Or, le Conseil État n'avait rien trouvé à y redire, bien que les dispositions aient été bien plus contraignantes alors. On peut donc considérer qu'il avait donné son avis sur l'accès à certains lieux dès le texte de décembre.
Quant à la CNIL, elle doit se prononcer non pas sur les conditions d'accès – il s'agit là d'une prérogative du Conseil d'État – mais sur le traitement informatique des données réalisé par le lecteur. Or, celui-ci doit simplement afficher une lumière verte ou rouge, ce qui me semble une option assez limitée pour que le Parlement se prononce directement.
En tout état de cause, il ne faut pas se tromper sur la base juridique, monsieur Dupont-Aignan.
La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l'amendement n° 126 .
Il propose que le texte fasse référence à un « certificat de rétablissement », puisque c'est le libellé qui figure dans le projet de règlement européen. En effet, nous pensons qu'il faut éviter de surtransposer les dispositions de l'Union européenne et s'en tenir à la définition qu'elle propose, celle du certificat de rétablissement. Cela permet aussi – et c'est logique – de suivre l'ensemble des préconisations de l'Union quant aux tests pouvant être utilisés, aux délais, etc.
Cela montrerait qu'aujourd'hui, la France s'en tient à la réglementation européenne telle qu'elle est prévue et ne cherche pas à en faire plus en la matière, de sorte que l'ensemble de l'Union puisse avancer de la même façon, ce qui est très important, notamment dans le cadre des mouvements de personnes qui pourront avoir lieu cet été. En effet, nous comptons bien sur les étrangers pour relancer le tourisme en France, et l'adoption d'une définition différente des autres pays, qui auraient adopté celle de l'Union européenne, pourrait clairement poser problème pour les touristes qui viendraient dans notre pays.
Si la commission a rejeté l'amendement, à titre personnel, je suis favorable à cette disposition, qui me semble opportune et de nature à renforcer le texte.
Sagesse.
L'amendement n° 126 est adopté.
La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour soutenir l'amendement n° 132 .
Cet amendement, que je présente avec mes collègues Cyrille Isaac-Sibille et Philippe Berta, vise à préciser la notion de « rétablissement ». En effet, comme le Conseil État, qui le soulignait dans son avis, nous nous interrogeons sur cette notion.
L'amendement vise à s'aligner sur la rédaction du projet de règlement européen visant à créer un certificat vert numérique, en précisant que la production d'un résultat à un test sérologique ne s'oppose pas au secret médical, la production d'anticorps pouvant être secondaire à une contamination ou à une vaccination.
Si la notion de « rétablissement » doit en effet faire l'objet de nécessaires approfondissements scientifiques et d'une utile harmonisation au niveau européen, le Conseil d'État a validé la formulation proposée dans le projet de loi – vous l'avez rappelé.
Néanmoins, la proposition que vous formulez fait référence au résultat d'un test virologique positif, ce qui aurait pour conséquence de permettre à une personne malade et contagieuse de voyager. Avis défavorable.
L'amendement n° 132 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra