Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du lundi 10 mai 2021 à 16h00
Gestion de la sortie de crise sanitaire — Présentation

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Nous voici donc à nouveau réunis pour l'examen d'un projet de loi relatif à la crise sanitaire. Depuis quinze mois, le Parlement est sollicité à intervalles réguliers pour trouver le juste équilibre entre le maintien de nos libertés et la nécessaire protection des plus vulnérables face à un virus qui a déjà tué plus de 100 000 de nos concitoyens.

En quinze mois, la vie des Français a changé, leur quotidien a été bouleversé ; je comprends la lassitude, la fatigue, parfois la colère. Beaucoup de sacrifices ont été consentis : ils sont la traduction en actes de nos valeurs. La solidarité n'est pas une valeur abstraite, désincarnée ; elle n'a de sens que si elle engage et mobilise chacune et chacun d'entre nous.

Je souhaite vous remercier, mesdames et messieurs les députés, et par votre intermédiaire remercier tous les Français de leur patience, de leur courage, de leur abnégation au cours de ces derniers mois. Je souhaite aussi vous remercier pour votre vigilance au quotidien et pour votre souci constant de trouver un juste équilibre entre nos libertés et la protection des Français.

Ce juste équilibre ne saurait être une décision unanime, à même de satisfaire chacun ; il n'est pas non plus un consensus mou ou un pis-aller. Ce juste équilibre, c'est celui de l'intérêt général – nous ne sommes pas ici pour en servir un autre.

L'état d'urgence sanitaire n'a pas été une fantaisie, ou comme je l'ai souvent entendu un excès de prudence. Non, il a permis de donner un cadre juridique et démocratique à des décisions sans précédent qui se sont toujours appuyées sur des données scientifiques, sur notre connaissance du virus et de nos moyens de lutte contre lui. Notre seul et unique objectif a été de protéger la santé des Français : c'est un choix que nous avons fait avec gravité, avec responsabilité. Ce n'est pas de gaieté de cœur que l'on prend des décisions comme celles qui ont été prises.

Aujourd'hui, c'est avec un optimisme et une confiance raisonnables que je soumets à votre examen ce projet de loi de sortie de la crise sanitaire.

Si les indicateurs ne sont pas au vert, loin de là, ils donnent à voir une amélioration sensible de la situation épidémique. La vaccination s'est accélérée : 18 millions de nos concitoyens ont reçu au moins une dose de vaccin. Le nombre de patients en réanimation pour cause de covid-19 a commencé à décroître : il avait dépassé les 6 000, et il est actuellement d'un peu moins de 5 000. La courbe laisse présager que nous atteindrons la barre des 4 000, puis celle des 3 000 ; nous pourrons alors reprendre dans nos hôpitaux des soins programmés dans les meilleures conditions. Le taux de positivité est également en baisse, puisqu'il est passé de 6,2 % à 5,8 %. Enfin, nous enregistrons une diminution du taux d'incidence depuis trois semaines consécutives, dans toutes les classes d'âge : nous diagnostiquons quelque 18 000 malades par jour ; c'est encore beaucoup, c'est encore trop, mais c'est deux fois moins que les 40 000 malades diagnostiqués par jour lorsque nous avons dû appliquer des mesures de freinage. Le taux d'incidence avoisine désormais les 200.

Ces signaux sont très encourageants. Ils montrent que les mesures ont été efficaces, une fois encore. Ils nous permettent d'envisager de façon plus sereine la poursuite de la lutte contre l'épidémie et rendent possible une adaptation des mesures de protection sanitaire. Nous pouvons maintenant nous projeter de manière progressive en dehors du régime de l'état d'urgence.

Cette amélioration de la situation ne peut nous exonérer d'une vigilance qui demeure absolument nécessaire pour éviter la propagation du virus. Appeler au maintien de la vigilance n'est en rien une posture, si l'on tient compte du fait que la mortalité liée au covid reste élevée, et que la tension hospitalière, bien qu'en baisse, demeure forte dans beaucoup de territoires métropolitains et ultramarins.

Au chapitre des indicateurs, je rappelle enfin que nous avons encore en réanimation plus de patients malades du covid qu'au pic de la deuxième vague.

Le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire ne marque donc pas une rupture nette entre les contraintes qu'impose l'épidémie et le retour à la vie d'avant ; il fixe un cap vers l'objectif d'un retour tant espéré à notre vie d'avant. Il dessine des perspectives et installe de manière progressive et pérenne les conditions d'un retour à la normale, mais de façon sûre, efficace et durable.

Ce retour à la normale, nous n'avons cessé de le chercher au sein de cette assemblée, par un débat qui n'a jamais été interrompu depuis le début de la crise sanitaire : le simple fait que ce projet de loi soit le huitième consacré à la crise sanitaire en atteste. Nos échanges ont parfois été vifs ; ils étaient nécessaires pour parvenir à des décisions équilibrées et pour construire ensemble des mesures de protection des populations. À chaque fois, l'esprit de responsabilité l'a emporté.

Ce projet de loi ne déroge pas à cette règle. En tenant compte d'une réalité épidémique encore sensible, il s'efforce de créer un régime de sortie de crise sanitaire à la fois sérieux et raisonnable.

Il consacre des évolutions majeures. C'est la fin de l'état d'urgence sanitaire, déclaré le 14 octobre dernier, et prolongé depuis lors. Les mesures de confinement prennent fin, et ce dès le 2 juin prochain.

Cependant, il reste nécessaire de conserver, à titre temporaire, l'outil qu'est le couvre-feu : cette demande pragmatique permet de ne pas solliciter une nouvelle reconduction d'un état d'urgence sanitaire, avec les larges possibilités de couvre-feu qu'il emporterait. Un amendement du Gouvernement adopté en commission permet ainsi de maintenir un couvre-feu spécifique, temporaire, et très encadré, du 2 au 30 juin 2021 inclus, c'est-à-dire pour un mois uniquement. Il autorise un horaire plus tardif que l'horaire actuel, puisque l'heure ne pourra être plus précoce que vingt et une heures.

Cette mesure se veut une dernière étape, progressive, vers un régime de sortie. Elle n'est pas destinée à rester figée dans le marbre, comme s'y est engagé le Président de la République en annonçant que cette heure serait susceptible d'être repoussée encore si la situation sanitaire venait à s'améliorer. Un calendrier a été annoncé.

Nous savons aussi que la circulation du virus n'est pas la même d'un territoire à l'autre, ce qui a d'ailleurs justifié à de nombreuses reprises des mesures territorialisées. Le Gouvernement souhaite que ce dispositif soit maintenu pour répondre à une éventuelle dégradation localisée de la situation sanitaire pendant la période estivale, sans maintenir un couvre-feu plus strict pour l'ensemble de la population. Nous souhaitons donc que le dispositif de renforcement des mesures sanitaires territorialisées adopté en commission soit maintenu.

Beaucoup de députés y tenaient : ce texte permet de verser les données pseudonymisées des systèmes d'information covid au sein du système national des données de santé (SNDS), afin de pouvoir les conserver après la fin de la crise sanitaire, uniquement à des fins de recherche. Aucune latitude n'est prise vis-à-vis du respect de la confidentialité des données.

La campagne vaccinale progresse ; avec elle, nos espoirs grandissent. Quelles libertés le vaccin nous offrira-t-il, quelle protection nous apportera-t-il ? Ces questions sont légitimes, mais elles sont également source de beaucoup de confusion, tout comme les questions sur le pass sanitaire.

Celui-ci n'est pas un pass vaccinal : pour le valider, un test PCR ou antigénique pourront suffire. Il est avant tout un outil de sécurisation du repli épidémique et d'accélération – c'est un point essentiel – de l'ouverture progressive des commerces, des restaurants et des grands événements.

Il prend deux formes au sein de ce projet de loi : un pass « frontières » et un pass « grands événements ». Le premier permet de soumettre les déplacements à longue distance à une attestation de vaccination ou de rétablissement, alternativement au résultat négatif d'un test virologique. Le second, introduit en commission par voie d'amendement, subordonne l'accès des personnes à certains lieux, établissements ou événements impliquant de grands rassemblements.

Le Conseil scientifique, consulté sur cette orientation, a rendu le lundi 3 mai un avis dans lequel il estime que le pass sanitaire, utilisé de manière temporaire, « peut permettre à la population une forme de retour à la vie normale en minimisant les risques de contamination ». Ce dispositif ne sera pas étendu aux activités du quotidien ; évidemment, les mesures sanitaires barrières demeurent maintenues, même avec le pass sanitaire.

Nous veillerons à ce que l'interdiction édictée en commission au sujet des activités du quotidien soit bien respectée ; le cas échéant, des sanctions seront prononcées, sur le modèle des contraventions relatives aux établissements recevant du public et aux lieux de réunion que nous connaissons dans le régime actuel.

Le pass reste le meilleur moyen de valoriser l'ensemble des efforts de vaccination que nous avons consentis pour rendre possibles davantage d'activités, davantage d'événements sportifs et culturels – nous prendrions, sinon, le risque de fermetures ou de restrictions encore plus prolongées.

Prévues explicitement pour le régime de sortie, ces facultés seront également mobilisables en état d'urgence sanitaire, s'il devait être déclaré à nouveau, ce que nul ne souhaite évidemment.

Afin de parer à toute éventualité, il sera proposé de rétablir cet été l'aménagement limité des règles de prorogation de l'état d'urgence sanitaire, mais uniquement s'il devait ne concerner que des territoires très limités et moins de 10 % de nos compatriotes. Nous éviterons ainsi l'organisation d'un nouveau rendez-vous législatif à une date à laquelle vos travaux seront suspendus, mais à laquelle des décisions urgentes seraient indispensables. Chacun se souvient, l'été dernier, alors que l'épidémie était sinon à un point mort, du moins à un niveau très bas, de la réémergence de cas en Mayenne : nous avons pu, en intervenant très vite, éviter une deuxième vague au cours de l'été.

Je vous demande de ne jamais oublier dans vos raisonnements les territoires ultramarins, car l'hémisphère Sud, l'été dernier, a été marqué par des vagues épidémiques très fortes, qui ont notamment touché la Guyane, où nous avons dû prendre en urgence des mesures de protection de la population.

Le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui tient évidemment compte de la situation économique de notre pays. Depuis plus d'un an, l'État a prouvé qu'il était capable d'accompagner quotidiennement et dans la durée nos entreprises et les salariés. Nous vous proposons d'adapter plusieurs mesures économiques et sociales prises lors des étapes précédentes de l'épidémie afin de favoriser la reprise d'activité, notamment en ce qui concerne l'activité partielle.

Chacune de ces mesures traduit l'engagement et la persistance du Gouvernement dans la lutte contre le coronavirus. Je sais que ce que le régime de l'état d'urgence sanitaire emporte dans la vie quotidienne des Français et de cette assemblée ; je sais aussi que sans vous, mesdames et messieurs les députés, sans la force de la démocratie, notre combat perd son sens et notre avenir est plus qu'incertain. Dans le projet que nous construisons de sortir de la crise sanitaire une bonne fois pour toutes – oui, une bonne fois pour toutes – nous devons poser des jalons et trouver ensemble les conditions par lesquelles la vie pourra redevenir ce qu'elle était auparavant. C'est ce que propose ce texte, et je sais que vous serez au rendez-vous.

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