Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mardi 18 mai 2021 à 15h00
Confiance dans l'institution judiciaire — Motion de rejet préalable (projet de loi ordinaire)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Non, monsieur le ministre, le taux d'appel n'est pas un taux de satisfaction ! Vous pouvez vous dire que ceux qui ne font pas appel sont satisfaits du jugement, mais il y a d'autres critères : certains en ont ras le bol et ne veulent pas aller à l'étape suivante, parce que c'est déjà suffisamment compliqué et lourd d'être devant la justice – qu'il s'agisse d'un auteur ou d'une victime d'ailleurs, peu importe ; c'est souvent un critère bien plus déterminant.

Les moyens économiques nécessaires pour aller à l'étape suivante en sont un autre. Rappelons qu'aller en justice n'est pas à la portée de toutes les poches.

Enfin, vous dites que cette juridiction évite les correctionnalisations. Je ne vais pas faire un point de droit sur celles-ci ou sur leurs raisons, mais l'argument me semble passer un peu rapidement sur la réalité du fonctionnement judiciaire en France. Non, il n'y a pas ceux qui sont favorables à la correctionnalisation et défavorables aux cours criminelles départementales, et les autres. Je suis tout à fait opposé aux correctionnalisations dans le cas de viols caractérisés par exemple ; je souhaite que ces crimes aillent devant les assises et non devant une cour criminelle départementale. Voilà notre positionnement politique.

Certaines personnes n'ont jamais été auditionnées pour donner leur avis sur la généralisation des cours criminelles départementales. Avez-vous interrogé les jurés, qui demain ne participeront pas à une cour d'assises ? Non, évidemment. Avez-vous interrogé les jurés des cours d'assises précédentes, pour savoir s'ils trouvaient intéressant de perpétuer le système ou de le réduire ? Vous n'allez pas le faire disparaître tout de suite, certainement pas vous, monsieur le ministre – d'autres en auront peut-être l'idée après vous –, mais il y aura tout de même moins de procès d'assises. C'est la réalité et c'est d'ailleurs votre objectif assumé.

Nous ne le partageons pas, parce que la place du peuple doit être centrale, autant que de besoin et autant que possible dans le cadre du fonctionnement du ministère de la justice et de l'institution judiciaire. Je le dis autant pour les conférences des tribunaux auxquels nous sommes invités en tant que parlementaires – pas par tous d'ailleurs – que pour les jurés des procès.

Vous m'avez reproché, monsieur le ministre, d'avoir plaidé pour une idée expérimentée par Nicolas Sarkozy, qui voulait mettre des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels. Pourquoi a-t-il souhaité l'expérimentation et pourquoi l'a-t-il arrêtée ? Il l'a instaurée parce qu'il trouvait les juges trop laxistes – on entend beaucoup ça, en ce moment, on n'a rien inventé. Il trouvait que les juges étaient trop laxistes et s'est dit qu'il allait leur coller des citoyens pour qu'ils soient plus sévères. L'expérimentation est menée, résultat : ils sont moins sévères. Du coup, l'expérimentation est arrêtée.

Je veux la reprendre, non pas parce que les citoyens sont moins sévères – ce n'est pas l'objet –, mais parce que, chaque fois qu'un citoyen participe à un procès, il en sort grandi. Nous en sortons tous grandis. Pour écarter la démagogie dont vous parlez, qui a cours à longueur de temps sur les chaînes d'information en continu ou dans certaines corporations et organisations – notamment policières, on le sait bien –, nous faisons le choix du peuple, tout le temps, et nous choisissons de nous opposer à la généralisation des cours criminelles départementales.

J'en viens au point suivant : les réductions de peine automatiques. Vous partez du postulat selon lequel les personnes détenues seraient des fainéants – je résume, en caricaturant –, qui ne savent pas se lever le matin…

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