Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du mardi 18 mai 2021 à 15h00
Confiance dans l'institution judiciaire — Motion de rejet préalable (projet de loi organique)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Une motion de rejet, selon les termes de l'article 91 du règlement de l'Assemblée nationale – qui a supprimé la motion de renvoi en commission, plus appropriée – a pour objet « de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles ou de faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer ».

Désigné par tirage au sort pour défendre une telle motion, le groupe Socialistes et apparentés puise le sens de la présente intervention dans ces deux registres. Ce sera une occasion de dénoncer les sérieuses carences de ces deux textes.

Deux critiques principales fondent notre rejet. La première concerne le titre III de la loi organique, donc aussi l'article 1er du projet de loi ordinaire relatif à l'enregistrement et à la diffusion des audiences ; la seconde a trait à la réforme des peines. D'autres observations viennent renforcer nos critiques.

Le dispositif prévu à l'article 1er , relatif à l'enregistrement et la diffusion des audiences, fonde un rejet tenant au caractère inconstitutionnel du texte : celui-ci est entaché, selon nous, d'incompétence négative.

Diffuser la culture de la justice, faire de la pédagogie, démontrer que les affaires ne sont pas toujours simples et que les acteurs de la justice travaillent : nous ne pouvons qu'être favorables à ces idées. Cela va dans le sens de la transparence : Raymond Depardon disait que l'enregistrement et la diffusion servent à faciliter l'écoute des audiences qui sont parfois très techniques, répétitives ou confuses ; les rendre compréhensibles et intéressantes pour le plus grand nombre, c'est là, je n'en doute pas, votre objectif, monsieur le ministre.

Un de nos amendements allait d'ailleurs dans le sens d'une plus grande transparence : il visait à permettre un accès immédiat et gratuit aux écritures de l'ensemble d'une affaire jugée et devenue définitive – mémoires, expertises, conclusions des rapporteurs publics –, et cela qu'elle relève de la juridiction judiciaire ou administrative. Il a été déclaré irrecevable. Quelle honte !

Mais ce projet, qui est de faire du droit commun ce qui est l'exception à ce jour, doit être précisé. Ce n'est pas au pouvoir réglementaire qu'il revient de prévoir les garde-fous encadrant la communication des services publics de la justice, mais bien au législateur d'exercer l'ensemble de sa compétence sur le sujet. En effet, une telle disposition peut aussi avoir des effets dangereux si l'enregistrement et la diffusion ne sont pas encadrés de manière claire et intelligible.

Citons, dans l'actualité récente, un exemple douloureux : celui de la polémique déclenchée par la confirmation en cassation de l'irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi. L'arrêt de la chambre d'instruction a retenu la culpabilité de Kobili Traoré et la dimension antisémite de son crime. On peut imaginer ce que pourrait susciter la diffusion de certaines phrases tronquées du procès sans préparation ni apport pédagogique. L'intérêt public auquel fait référence le texte pour fonder une communication ne peut suffire à nous rassurer et le législateur doit en dire davantage sur ce sujet.

Il faut enrichir la réflexion de l'opinion, mais la question de savoir comment et quand est déterminante et elle n'est pas traitée dans le texte. Nous devons absolument protéger le pouvoir du juge.

Voilà pourquoi il nous semble que ce dispositif, dont nous ne remettons en cause ni la finalité ni l'intérêt, est entaché d'incompétence négative ; certaines garanties doivent être apportées par le législateur, comme il lui revient de fixer les grandes règles du fonctionnement de ce dispositif.

Il s'agit d'abord de préciser qui donne l'autorisation d'enregistrement, et donc qui décide de la diffusion potentielle d'une audience : nous proposons que ce rôle revienne aux chefs de cour, après consultation des chefs de juridiction et des autres acteurs de la justice. Le Gouvernement ne doit pas céder à la tentation de s'ingérer dans les affaires de la justice.

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