Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du mardi 18 mai 2021 à 15h00
Confiance dans l'institution judiciaire — Motion de rejet préalable (projet de loi organique)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

…plus qu'elle ne règle les problèmes, nombreux, de la prison.

Ce constat ne serait pas grave si votre réforme ne risquait pas d'avoir des effets néfastes, d'ailleurs identifiés par le Conseil d'État.

Tout d'abord, les effets de cette réforme seront peu prévisibles. En toute hypothèse, le travail des juges d'application des peines s'en trouvera fortement compliqué, sans plus-value pour la sécurité et la lutte contre la récidive. Les spécialistes des prisons redoutent un accroissement des disparités entre condamnés au niveau national, le juge de l'application des peines étant amené à statuer « à la carte » à la fois sur la bonne conduite et sur les efforts de réinsertion en fonction des options proposées par un établissement donné. Les efforts de réinsertion ne pourront être évalués qu'à la lumière des offres de formation, d'emploi, d'accompagnement éducatif proposées en prison. Or leur absence est pointée par le milieu carcéral.

Par ailleurs, on peut craindre une augmentation de la population carcérale, cela a été dit. Rappelons que la France fait déjà partie, avec la Turquie, des cinq pays parmi les quarante-sept du Conseil de l'Europe qui affichent la densité carcérale la plus élevée. Cette surpopulation complique la prise en charge des détenus et leur préparation à la sortie de détention.

C'est dans la voie de l'encellulement le plus souvent individuel que se trouve la clé de la lutte contre la récidive et la réinsertion, à notre avis. Tous les surveillants nous le disent : comment parler d'insertion, de réinsertion lorsque les détenus partagent une même cellule à quatre ?

Enfin, la réforme prétend mettre un terme à l'automaticité du crédit de réduction de peine mais introduit une très réelle automaticité de la réduction de peine, sans avis du juge cette fois, pour les détenus condamnés à une peine de prison inférieure ou égale à deux ans. Ce n'est pas cohérent. Cette libération sous contrainte automatique apparaît comme un outil de délestage et de correction partielle des effets redoutés de la réforme de réduction de peine.

En somme, la réforme revient sur un choix philosophique très fort : faire confiance, par principe, au détenu, en lui accordant une réduction de peine dès sa condamnation, afin de le responsabiliser bien avant sa sortie de prison. Avec ce texte, la méfiance quant à son comportement devient la règle et la confiance, l'exception.

Par ailleurs, nous sommes également en désaccord avec la généralisation des cours criminelles départementales, qui ne respecte pas la volonté du législateur de procéder à une phase expérimentale de trois ans. La volonté du législateur mérite plus de respect ; certes, une loi peut défaire une autre loi, mais s'agissant des expérimentations, nous avons ici la preuve qu'elles sont le plus souvent l'outil d'une volonté politique du Gouvernement qui n'ose pas s'affirmer d'emblée. Cela crée un sentiment de duperie désagréable et néfaste.

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