Intervention de éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du mardi 18 mai 2021 à 15h00
Confiance dans l'institution judiciaire — Motion de rejet préalable (projet de loi organique)

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Madame Untermaier, vous présentez une motion de rejet tout en concluant sur les débats à venir : c'est dire à quel point vous croyez à l'avenir de votre motion ! J'ai cru d'ailleurs que, lors des travaux en commission, vous n'aviez pas cette hostilité ; peut-être s'agit-il à cet instant d'une logique de groupe. Je n'en sais rien et je ne souhaite pas le savoir.

Pourquoi avoir peur que des audiences soient filmées ? Regardez ce qui se passe aujourd'hui sur un certain nombre de chaînes : la justice est critiquée en permanence, des experts s'invitent, quinze à la douzaine, et vous racontent que le meurtre d'un policier – j'ai entendu ça il y a trois jours –, c'est dix ans d'emprisonnement.

Pardonnez-moi, mais je souhaite pour ma part que la justice s'invite dans le salon des Français ; je souhaite qu'ils puissent par eux-mêmes juger de la difficulté d'une procédure, de la difficulté de choisir une peine, qu'ils puissent se faire une idée de ce que sont les experts, de ce que sont les enquêteurs, qu'ils comprennent comment on forme un verdict. Je veux également lever le scepticisme de M. Bernalicis sur la justice civile et sur la justice commerciale. Bref, je souhaite que les Français aient enfin les moyens d'appréhender la justice. J'ai parcouru les cours d'assises toute ma vie et il m'est arrivé de rencontrer des jurés : eux qui n'y avaient jamais mis les pieds disaient tous combien cette expérience avait été enrichissante pour eux, et combien leur vision de la justice en avait été changée.

Nous n'avons rien à craindre, j'en suis persuadé. La Cour de cassation sera filmée : ce n'est pas rien, tout de même, sur les questions de droit, en particulier sur le dossier que vous évoquiez tout à l'heure. Le Conseil constitutionnel est déjà filmé. L'Assemblée nationale est filmée, et c'est un lieu de débat hautement démocratique.

J'ai rencontré le président de la Cour européenne des droits de l'homme, M. Robert Spano, qui m'a dit à quel point il jugeait cet outil absolument indispensable.

Que craignez-vous donc ? Je ne le comprends pas. Vous dites que la Chancellerie n'a pas à s'immiscer dans les affaires en cours, comme si le fait de donner une autorisation – nous y reviendrons, évidemment – pouvait être une ingérence. Vous évoquiez Raymond Depardon : il avait bien obtenu ses autorisations de la Chancellerie. On peut aussi compter sur les uns et sur les autres ! Je ne reviens pas maintenant sur les conditions de la diffusion, mais je dois préciser qu'elle ne concernera que des procès définitivement jugés. Il y aura une discussion thématique sur le plateau pour expliquer encore mieux, de façon plus précise, ce que l'on a vu.

C'est avec enthousiasme que nous devrions ouvrir à nos concitoyens la possibilité de mieux appréhender la justice !

Ensuite, madame Untermaier, je m'étonne que vous n'ayez pas compris ma philosophie sur le dispositif de réduction de peine. Concédez que ce système est totalement hypocrite. Il a été instauré il y a fort longtemps par la droite qui, tout en prônant la tolérance zéro, faisait de la régulation pénale sans le dire, comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Il coexistait avec la grâce collective du 14 juillet. Je l'ai indiqué en réponse à une question qui m'a été posée : on sortait entre 3 000 et 4 000 détenus.

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