Intervention de Guillaume Kasbarian

Réunion du jeudi 7 décembre 2017 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Kasbarian, rapporteur :

Monsieur Quatrepoint, je vous remercie d'avoir rappelé que la situation d'Alstom ne date pas d'hier ou même d'avant-hier, mais d'un bon quart de siècle. C'est bien une succession d'erreurs stratégiques des dirigeants de l'entreprise durant plusieurs décennies qui a mené au désastre industriel.

Je remercie également M. Gateaud d'avoir rappelé que l'industrie est diverse et que certaines industries vont bien, même si on en parle peu, qui regroupent des compétences, créent des labels – comme La French Tech ou La French Fab – et ne se différencient pas toujours sur le prix, mais aussi sur la qualité, en déployant d'autres arguments face à la concurrence.

Vous avez dénoncé la vision parfois négative du grand public et de nos élites sur notre industrie : n'est-ce pas lié au fait justement que l'on se focalise en permanence sur ce qui ne va pas, sur quelques plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) dramatiques et alarmants, et non sur les succès industriels ? Je partage votre analyse à 2 000 % : nous devons retrouver notre fierté industrielle. Je suis convaincu que les députés de cette commission connaissent tous, dans leurs circonscriptions, des succès dans l'industrie légère ou lourde, y compris avec des investisseurs étrangers. Dans ma circonscription, Novo Nordisk est une entreprise danoise qui investit et crée des emplois. On n'en parle pas beaucoup… Vous avez évoqué la « Cosmetic Valley », basée à Chartres. Effectivement, je connais beaucoup d'entreprises florissantes en cosmétique et elles sont parfois étrangères. Comment valoriser notre industrie ?

S'agissant des investisseurs étrangers en France, Monsieur Quatrepoint, vous avez indiqué que Mme Merkel favorisait les intérêts des entreprises allemandes et que nous ne favorisions pas toujours les intérêts des entreprises françaises. Vous avez probablement entendu les syndicats que nous avons auditionnés, notamment ceux de STX. Leur message est clair : qu'importe la nationalité, c'est la stratégie qui compte. Ce n'est donc la couleur du passeport – surtout quand on parle d'entreprises ou d'investisseurs européens –, mais bien la vision stratégique et la façon dont s'y prendre pour arriver à de bonnes performances économiques. J'irai même plus loin : ne serions-nous pas en train d'oublier tous les investisseurs étrangers en France avec lesquels les choses se passent bien ? On n'a pas forcément envie de dénoncer la couleur de leur passeport, mais plutôt de reconnaître la qualité de leur stratégie industrielle. La nationalité des investisseurs est-elle pour vous un élément déterminant de la qualité de la stratégie industrielle de l'entreprise ?

S'agissant des investisseurs français à l'étranger, M. Gateaud, vous avez participé le 1er octobre à une émission sur France Culture sur le thème : « L'industrie française est-elle soluble dans l'Europe ? ». Vous avez notamment dit qu'on ne parlait assez des entreprises françaises qui rachètent souvent des entreprises étrangères, en citant l'étude du cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC) publiée en 2017 : ainsi, en 2016, 93 entreprises allemandes ont été rachetées par des entreprises françaises contre seulement 25 entreprises françaises achetées par les entreprises allemandes. N'a-t-on pas tendance à se focaliser exclusivement sur les investisseurs étrangers en France en oubliant tous les investisseurs français qui investissent massivement à l'étranger, pour lesquels les choses se passent bien et dont on peut être fier ? Or on n'en entend jamais parler…

J'ai l'habitude de poser cette dernière question à tous nos interlocuteurs : qu'est-ce qu'une entreprise « stratégique » ? Si l'on pose la question à chacun des députés ici présents, chacun aura sa liste d'entreprises et de secteurs stratégiques. Au final, quand on ramassera les copies, on constatera que personne n'a la même vision de ce qu'est une entreprise véritablement « stratégique ». Quelles sont les entreprises pour lesquelles on accepte des investisseurs étrangers, un départ à l'étranger ou, éventuellement, une faillite ? Quelles sont les entreprises qui doivent pouvoir se développer sans que l'État ait un droit de regard sur la stratégie, puisqu'elles ne sont pas considérées comme « stratégiques » ? La définition est loin d'être évidente…

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