Intervention de Elsa Faucillon

Séance en hémicycle du mardi 25 mai 2021 à 9h00
Questions orales sans débat — Expulsions locatives

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

Des témoignages d'angoisse de gens craignant une expulsion, j'en reçois de plus en plus, qu'ils proviennent ou non de ma circonscription. Il y a quelque temps, j'ai reçu un long message d'un monsieur disant s'adresser à moi avec honte : avec ses 875 euros de revenu de solidarité active (RSA), il n'a pas pu payer ses loyers en 2020 – il s'est d'abord inquiété de remplir le frigo et soucié de ses enfants. Il remboursait régulièrement une ancienne petite dette locative, jusqu'à ce que ses activités cessent en mars 2020, et qu'il contracte un covid long. Ayant toujours discuté avec son bailleur social, il l'a alerté de sa situation ; mais, récemment, l'huissier est passé. « Si je paie ma dette, est-ce que je suis toujours expulsable ? » lui a-t-il demandé : l'huissier lui a expliqué que le bailleur était en droit de poursuivre la procédure. Le 15 mai, il a reçu une lettre de la préfecture confirmant que la procédure d'expulsion était lancée. On connaît malheureusement la suite de ce genre de situations : la vente de sa voiture, l'hébergement d'urgence, l'hébergement en famille – et donc, la suroccupation d'un logement –, voire la rue. On sait aussi combien le parcours est ensuite compliqué pour retrouver un travail.

Les phases de confinement, de déconfinement et de couvre-feu ont mis en exergue une crise du logement déjà terriblement ancrée. Si la crise sanitaire n'a pas épargné les plus pauvres et les plus mal logés, elle a aussi fait basculer dans la précarité des locataires qui n'avaient jusqu'alors aucune difficulté à payer leur loyer, mais qui ont perdu leur travail ou une partie de leurs revenus. Toutes ces personnes ont dû faire un choix : payer leur loyer ou se nourrir et nourrir leur famille – car il y a déjà longtemps qu'elles ont éliminé le superflu.

Selon une enquête de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), menée immédiatement après le premier confinement, 30 % des plus modestes estiment que la situation financière de leur foyer s'est durablement dégradée. Dans son rapport annuel sur l'état du mal-logement, la Fondation Abbé-Pierre relève que « tous les acteurs du secteur déplorent que le logement a été le grand oublié de la relance, en particulier le secteur de la construction neuve ». Le rapport poursuit : « Plutôt que d'aider les bailleurs sociaux, acteurs centraux de l'aide aux ménages précarisés par la crise, le gouvernement a fait le choix de maintenir le prélèvement de la RLS [réduction de loyer de solidarité] à hauteur de 1,3 milliard d'euros par an ». Il n'y a eu aucune annonce de relance d'une construction massive de logements HLM (habitations à loyer modéré), ni d'aides importantes pour les locataires ou les accédants à la propriété. Fallait-il s'attendre à une autre voie, quand la baisse de l'aide personnalisée au logement (APL) fut l'une des premières mesures du quinquennat Macron ?

Des associations – comme la Fondation Abbé-Pierre ou la confédération nationale du logement (CNL), pour ne citer qu'elles – ont demandé au Président de la République le prolongement de la trêve hivernale jusqu'au 31 octobre 2021. La seule réponse qui leur a été opposée est que chaque expulsion serait assortie d'une proposition de logement ou, à défaut, d'hébergement, le temps qu'une solution plus pérenne soit trouvée. Il faut vraiment méconnaître la situation pour oser dire cela ! On sait combien l'hébergement d'urgence est saturé, et combien il manque de logements abordables. Vous ne mesurez pas l'ampleur de la crise du logement ! Où trouverez-vous à reloger ces familles ? Trente mille ménages sont menacés d'expulsion, dans un contexte fragile sur le plan sanitaire, et dramatique sur le plan social. Ces familles rejoindront-elles le lot des personnes mises à l'abri cet hiver, et qui se retrouvent à la rue une fois le plan hivernal terminé ? Vous prenez la responsabilité de jeter à la rue des milliers de personnes, y compris des femmes et des enfants. La crise sanitaire fut un sacré prétexte, pour votre gouvernement, pour bafouer un certain nombre de droits ! Une fois encore, vous distinguerez-vous en refusant de prolonger la trêve hivernale ?

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