Intervention de Bénédicte Taurine

Séance en hémicycle du mardi 25 mai 2021 à 21h00
Accès au foncier agricole — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Taurine :

…le récent projet de loi sur le climat nous en ayant apporté une nouvelle preuve.

Cette proposition de loi est restreinte mais elle a au moins le mérite d'exister. Il est cependant nécessaire de l'amender pour qu'elle ne passe pas à côté des objectifs poursuivis. En France, il y a de moins en moins d'agriculteurs mais de plus en plus de sociétés qui échappent à tout contrôle. Le marché sociétaire, qui prend de l'ampleur, n'est pas transparent et dissimule souvent de l'agrandissement. Il entre en concurrence, peut bloquer des installations, des acquisitions ou des structures individuelles, et remet en question le modèle paysan résilient face au changement climatique, auquel je suis particulièrement attachée.

Il était effectivement temps de réformer car les mécanismes d'acquisition par les sociétés présentent beaucoup d'inégalités par rapport aux autres modes d'accès au foncier, que ce soit le seuil d'autorisation, de publicité ou de transparence. Plusieurs points de cette proposition de loi nous alertent cependant.

Le premier, le plus important, a trait à notre incompréhension de voir un texte visant à préserver l'installation des jeunes et des nouveaux agriculteurs valider la possibilité de dépasser un seuil d'agrandissement – même si vous le qualifiez d'excessif. Ce seuil reste trop élevé pour exercer un contrôle et passe donc à côté de l'objectif que nous partageons de faciliter l'installation de nouveaux agriculteurs. En effet, le dispositif de votre proposition de loi n'intervient que si ce seuil est dépassé. Vous manquez là l'objectif de corriger l'inégalité de traitement avec les autres modes d'accès au foncier agricole. Ceux-ci sont soumis à un seuil d'autorisation classique et non à ce seuil bien plus élevé et qualifié d'excessif.

Votre proposition de loi ne permet pas de différencier les achats de parts sociales ou d'actions réalisés par des sociétés qui exploitent du foncier et ceux effectués par des sociétés qui détiennent du foncier sans l'exploiter. En 2010, 10 % des exploitations de grandes cultures faisaient déjà appel à des entreprises pour des travaux agricoles. Toujours dans l'intérêt de favoriser les installations, notamment celles des jeunes, il faudrait davantage contrôler ce phénomène.

Les missions des SAFER consistent à diversifier les paysages, protéger les ressources naturelles et maintenir la diversité biologique. Il semblerait donc logique que la proposition de loi soumette la décision du préfet d'autorisation d'agrandissement à des critères de ce type, comme celui de la diversification des modes de culture. Vous le dites assez souvent, monsieur le ministre, la monoculture appauvrit les sols, et la diversité de la production est nécessaire à l'indépendance alimentaire. La décision du préfet devrait obéir à la nécessité de préserver l'environnement et la biodiversité, tout en étant conforme à l'objectif de sécurité alimentaire que fixe la loi EGALIM. Une politique publique bien plus volontariste s'impose.

Enfin, votre proposition de loi apporte des modifications malheureusement marginales qui n'arrêteront pas la tendance à la concentration des terres. L'exposé des motifs de votre loi expose bien les objectifs, mais on cherche les moyens de les atteindre dans les dispositifs que vous proposez.

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